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18/12/2015 | BELGIQUE | N°C.15.0064.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 18 décembre 2015, C.15.0064.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0064.F

A. M.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile,

contre

P. M.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 24 juillet2014 par le tribunal de premiere instance du Brabant wallon, statuant endegre d'appel.

Le 30 juillet 2015, l'avocat general

Jean-Franc,ois Leclercq a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.15.0064.F

A. M.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile,

contre

P. M.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 24 juillet2014 par le tribunal de premiere instance du Brabant wallon, statuant endegre d'appel.

Le 30 juillet 2015, l'avocat general Jean-Franc,ois Leclercq a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Michel Lemal a fait rapport et l'avocat generalJean-Franc,ois Leclercq a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, le demandeur presente un moyen.

III. La decision de la Cour

Sur le moyen :

En vertu de l'article 2, 2DEG, de la loi sur les baux à ferme, lesconventions dont l'objet implique une duree d'occupation inferieure à unan et par lesquelles l'exploitant de terres et de paturages, apres avoireffectue les travaux de preparation et de fumure, en accorde, contrepaiement, la jouissance à un tiers pour une culture determinee ne sontpas soumises aux regles particulieres aux baux à ferme.

L'article 3, 1DEG, premiere phrase, et 2DEG, de la meme loi dispose que lebail doit etre constate par ecrit et que, s'il existe un ecrit autrementformule, celui qui exploite un bien rural peut fournir la preuve del'existence d'un bail et des conditions par toutes voies de droit, temoinset presomptions compris.

Il suit de cette disposition ainsi que des articles 1315 du Code civil et870 du Code judiciaire que, lorsque les parties ont qualifie leur contratecrit de contrat de culture, il incombe à celui qui se prevaut d'un bailà ferme de prouver que ledit contrat ne satisfait pas aux conditions del'article 2, 2DEG, precite.

Le jugement attaque constate que, « le 20 fevrier 2008, H. & D.,represente par [le demandeur], a signe un contrat de culture avec [ledefendeur], le premier cedant au second l'occupation et la jouissance desparcelles concernees, tous travaux de preparation et les engrais de baseetant executes par H. & D. », que « les parties sont d'accord pour direque le contrat se limite à une saison et se fait en application de la loisur le bail à ferme et specifiquement sous l'article 2, 2DEG, de cetteloi » et que, « les 20 fevrier 2009 et 18 fevrier 2010, les memesparties ont conclu le meme type de contrat de culture ».

Il considere que « soutenir que l'exploitant de terres n'a pas effectueles travaux de preparation et de fumure est pertinent puisque [ledemandeur] reconnait lui-meme qu'il n'a pas effectue ces travaux », quele demandeur « pretend que ces travaux ont ete realises, à ses frais,par l'entreprise agricole [du defendeur et de son frere] mais ne produitaux debats aucun contrat d'entreprise ni aucune facture d'entreprise » etque, « puisqu'il n'est pas rapporte que les travaux de preparation et defumure ont ete realises ou supportes financierement par [le demandeur], ily a lieu de considerer que les contrats successifs saisonniers ne sont pasparfaitement conformes à l'article 2, 2DEG, de la loi sur les baux àferme ».

En statuant de la sorte, le jugement attaque viole les regles de la chargede la preuve et, des lors, les dispositions legales precitees.

Dans cette mesure, le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaque, sauf en tant qu'il dit l'appel de B. M.irrecevable et qu'il rec,oit l'appel du defendeur ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant le tribunal de premiere instancede Namur, siegeant en degre d'appel.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, president, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Mireille Delange,Michel Lemal et Marie-Claire Ernotte, et prononce en audience publique dudix-huit decembre deux mille quinze par le president de section ChristianStorck, en presence de l'avocat general Jean-Franc,ois Leclercq, avecl'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+------------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M.-Cl. Ernotte | M. Lemal |
|-----------------+----------------+-------------|
| M. Delange | A. Fettweis | Chr. Storck |
+------------------------------------------------+

Requete

Requete en cassation

Pour : A. M.,

demandeur en cassation,

assiste et represente par Me Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à 1050 Bruxelles, avenue Louise106, chez qui il est fait election de domicile.

Contre : P. M.,

defendeur en cassation.

A Messieurs les Premier President et President, Mesdames et Messieurs lesConseillers à la Cour de cassation,

Mesdames,

Messieurs,

Le demandeur en cassation a l'honneur de soumettre à votre censure ladecision rendue le 24 juillet 2014, par la chambre de la section civile duTribunal de premiere instance du Brabant wallon (RG 13/744/A).

1.- Les faits de la cause et les antecedents de la procedure tels qu'ilsresultent des pieces auxquelles votre Cour peut avoir egard peuvent seresumer comme suit :

Le litige concerne l'occupation de parcelles de terre situees à ..., dontla SA Ewaco est proprietaire.

Apres l'exploitation de ces parcelles par M. B. jusqu'au 19 decembre 2007dans le cadre d'un bail à ferme ayant pris fin à cette date, la SA Ewacoa ensuite concede un bail à ferme à H. & associes prenant cours le 20decembre 2007 pour se terminer le 19 decembre 2016.

Les 20 fevrier 2008, 20 fevrier 2009 et 18 fevrier 2010, des contratssuccessifs de culture ont ete conclus entre d'une part H. & associesrepresente par le demandeur et d'autre part le defendeur.

Ces contrats prevoyaient l'occupation et la jouissance des parcelles enquestion, tous travaux de preparation et les engrais de base etantexecutes par H. & associes.

Le premier de ces contrats est signe par le demandeur representant H. &associes, tandis que les deux suivants le sont par le demandeur lui-meme.Le demandeur a en effet succede dans l'exploitation des biens à H..

Le jugement releve que les contrats de culture precisent que les partiessont d'accord pour considerer que ces contrats se limitent à une saisonet ce en application de la loi sur le bail à ferme et specifiquement enapplication de l'article 2.2 de cette loi du 7 novembre 1988.

2.- En 2011, aucun contrat de culture ne fut conclu et le demandeur asouhaite reprendre la possession des terres.

Le defendeur (et son frere) s'y sont opposes et ont introduit une actionen justice afin qu'il soit dit pour droit qu'ils etaient titulaires d'unbail à ferme et entendre le demandeur condamne à leur rembourser lasomme de 23.910 euros consistant en ce qu'ils consideraient comme un tropperc,u pour le fermage.

Reconventionnellement, le demandeur a introduit une demande pour entendrecondamner le defendeur (et son frere) à quitter les lieux sous peined'expulsion dans le mois de la signification du jugement, outre lepaiement d'une indemnite provisionnelle de 12.000 euros.

3.- Le juge de paix a decide que la demande du defendeur (et de son frere)etait non fondee parce qu'ils n'avaient pas dirige leur action contre leproprietaire, soit la SA Ewaco.

Quant à la demande du demandeur, apres avoir reconnu que celui-ci etaittitulaire d'un bail à ferme sur les terres litigieuses et qu'il avaitdemontre que les conventions d'occupation conclues avec le defendeur (etson frere) avaient pris fin en 2010, le juge a condamne ces derniers àquitter les lieux et à restituer les terres litigieuses.

4.- Sur appel du defendeur (et de son frere), le Tribunal de premiereinstance a declare l'appel introduit par le frere du defendeurirrecevable. Le jugement constate que le frere du defendeur, B. M., n'a niqualite ni interet "puisque tous les contrats qualifies de culture ont etesignes par (le defendeur), il n'y a aucun lien juridique entre B. M. et ledemandeur" (voir jugement

p. 4).

Quant à l'appel du defendeur, il le declare recevable et partiellementfonde.

Reformant le jugement entrepris, le jugement requalifie en bail à fermeles contrats signes en 2008, 2009 et 2010, sur les parcelles litigieuses.

Le jugement condamne en consequence le demandeur à rembourser audefendeur, la somme de 22.679,24 euros à titre de fermage trop perc,upour les annees 2009 et 2010.

A l'encontre de ce jugement, le demandeur a l'honneur de presenter lemoyen unique de cassation qui suit.

moyen unique de cassation

Dispositions legales dont la violation est invoquee

- Articles 2, 2DEG, et 3, alinea 2 de loi du 4 novembre 1969, modifiee parla loi du 7 novembre 1988, inseree dans le Code civil sous le Livre III, Titre VIII, Chapitre II, Section 3 : Des regles particulieres aux baux àferme;

- Articles 1134 et 1135 du Code civil;

- Article 1315 du Code civil;

- Article 870 du Code judiciaire.

Partie de la decision attaquee

La decision attaquee rendue en appel qui dit l'appel introduit par ledefendeur recevable et partiellement fonde et reformant la decision renduepar le premier juge requalifie les contrats signes en date des 20 fevrier2008, 20 fevrier 2009, et 18 fevrier 2010 en un bail à ferme consenti audefendeur par le demandeur ayant pris cours le 20 fevrier 2008 et portantsur les parcelles de terres sises à :

- ..., section A nDEG70B pour 4ha 04a 16ca;

- ..., section B nDEG60A pour 2 ha;

- ..., section B nDEG58B pour 3 ha 87 a 86 ca;

- ..., section A nDEG257A pour 7 ha 14a 84ca;

- ..., section A nDEG163A pour 7 ha 34a 20ca,

par les motifs que :

"(...) 2. Faits et antecedents utiles - Jugement entrepris

2.1 La SA Ewaco est proprietaire des parcelles de terres sises à :

- ..., section A nDEG70B pour 4ha 04a 16ca

- ..., section B nDEG60A pour 2 ha

- ..., section B nDEG58B pour 3 ha 87 a 86 ca

- ..., section A nDEG257A pour 7 ha 14a 84ca

- ..., section A nDEG163A pour 7 ha 34a 20ca

Ces parcelles ont ete exploitees par W. B. jusqu'au 19 decembre 2007, dateà laquelle il a ete mis fon amiablement au contrat de bail à ferme(piece 4 du dossier de l'intime).

Le meme jour, la SA Ewaco a ensuite concede un bail à ferme à H. & D.,prenant cours le 20 decembre 2007 pour se terminer le 19 decembre 2016(piece 3 du dossier de l'intime)

Le 20 fevrier 2008, H. & D., represente par (le demandeur) a signe uncontrat de culture avec (le defendeur), le premier cedant au secondl'occupation et la jouissance des parcelles predecrites, tous travaux depreparation de les engrais de base etant executes par H. & D. Les partiessont d'accord pour dire que le contrat se limite à une saison, et se faiten application de la loi sur le bail à ferme et specifiquement sousl'article 2.2 de cette loi du 7/11/1988 (piece 1 du dossier desappelants).

Le 20/2/2009 et 18/2/2010, les memes parties ont conclu le meme type decontrat de culture.

Aucun contrat de culture ne fut signe en 2011 entre les parties et (ledemandeur) a en consequence voulu reprendre la possession des terres.

(Le defendeur et son frere) s'y sont opposes faisant valoir qu'ils etaienttitulaires d'un bail à ferme sur les parcelles litigieuses.

(...)

3. Objet de l'appel

3.1. (le defendeur et son frere) considerent que c'est à tort que lepremier juge n'a pas fait droit à leur demande au motif qu'ils n'avaientpas diligente la procedure contre le reel proprietaire, la SA EWACO.

Ils font valoir que le bail etant un contrat personnel, le bail consentisur la chose d'autrui est valable entre les parties, meme s'il n'est pasopposable au proprietaire; qu'en l'espece, ils ont signe un contrat deculture uniquement avec (le demandeur) et non avec la SA EWACO et que, parconsequent, il etait logique de ne mettre à la cause que (le demandeur)pour obtenir la requalification du contrat de culture en bail à ferme.

3.2. Ils demandent egalement la reformation du premier jugement au motifque le premier juge n'a pas examine le non-respect de l'article 2.2 de laloi du 7 novembre 1988 et les consequences qui en decoulent.

Selon (le defendeur et son frere), l'article 2.2 de la loi du 7 novembre1988 n'a pas ete respecte en maniere telle que (le demandeur) peut seprevaloir d'un bail saisonnier pour les raisons suivantes:

- (le demandeur) a agi en qualite de mandataire verbal de la SA EWACO eta, en cette qualite, signe des contrats de culture en 2008, 2009 et 2010avec (le defendeur et son frere).

Or, la SA EWACO ne peut etre qualifiee d'exploitant au sens de l'article2.2 de la loi du novembre 1988.

- les travaux de preparation et de fumure auraient du etre realises parl'exploitant alors qu'en l'espece, ils ont ete realises par (le defendeuret son frere)eux-memes et pour leur compte.

A la derniere audience, (le defendeur et son frere) par la voie de leurconseil, ont indique que le dispositif de leurs dernieres conclusionsdevait etre interprete dans les sens qu'ils postulent etre titulaires d'unbail à ferme depuis 2008 concede par (le demandeur).

4. Discussion

4.1. Seul l'appel introduit par (le defendeur)est recevable.

Par contre, l'appel intente par B. M. ne l'est pas, faute de qualite etinteret dans son chef.

En effet, puisque tous les contrats qualifies de culture ont ete signespar (le defendeur), il n'y a aucun lien juridique entre B. M. et (ledemandeur).

Pour cette raison, l'appel ne presente aucun interet dans son chef.

4.2. Selon (le defendeur et son frere), (le demandeur)a rec,u un mandatverbal de la SA EWACO.

Or, aucun element de preuve ni aucune circonstance de l'affaire n'appuiecette allegation.

En l'absence de preuve, il y a donc lieu de dire que les contratsqualifies de culture ont ete signes par (le demandeur) representant H. &D., exploitant.

4.3. L'article 2.2 de la loi sur le bail à ferme regit les contrats ditsde culture de maniere tres restrictive.

Selon cet article, ne sont pas soumises aux dispositions de la loi sur lebail à ferme les conventions dont l'objet implique une duree d'occupationinferieure à un an et par lesquelles l'exploitant de terres et paturages,apres avoir effectue les travaux de preparation et de fumure, en accorde,contre le paiement, la jouissance à un tiers pour une culture determinee.

(le defendeur et son frere) estiment que la SA EWACO n'a pas la qualited'exploitante : vu ce qui precede en conclusion du point 4.1. et ce qui aete acte à la feuille d'audience de la part du Conseil (du defendeur etde son frere) (voir ci-avant), cet argument est irrelevant.

Par contre, soutenir que l'exploitant de terres n'a pas effectue lestravaux de preparation et de fumure est pertinent puisque (le demandeur)reconnait lui-meme qu'il n'a pas effectue ces travaux.

(Le demandeur) pretend que ceux-ci ont ete realises, à ses frais, parl'entreprise agricole (du defendeur et de son frere)mais il ne produit auxdebats aucun contrat d'entreprise ni aucune facture d'entreprise.

Par consequent, le tribunal considere que, puisqu'il n'est pas rapporteque les travaux de preparation et de fumure ont ete realises ou supportesfinancierement par (le demandeur), il y a lieu de considerer que lescontrats successifs saisonniers ne sont pas parfaitement conformes àl'article 2.2 de la loi sur les baux à ferme.

Il convient donc de les disqualifier et de les requalifier en baux àferme : les parcelles litigieuses que (le defendeur) exploite ont eteaffectees principalement à son exploitation des son entree en jouissancele 20/02/2007 et l'exploitation s'est executee en contrepartie du paiementvalable depuis cette date.

Dans la mesure ou ils ont ete concedes par (le demandeur), lui-meme,titulaire d'un bail à ferme, il ne peut s'agir que d'un sous-bail àferme, valablement conclu entre (le demandeur) et (le defendeur)seul (voir"La duree des baux et les contrats alternatifs" par Gaetan Goisse, Revuede droit rural, 2-3/2012, p. 183 et s.)

En consequence, l'exploitation des parcelles litigieuses revient (audefendeur) à partir 20 fevrier 2008 date de la signature du premiercontrat de culture (piece 1 du dossier (du demandeur).

4.4. (le defendeur)expose que si le tribunal devait le reconnaitretitulaire d'un bail à ferme, il estime que le prix qu'il a paye, soit 625EUR l'hectare pour la jouissance des parcelles litigieuses est superieurau fermage legal qu'il evalue à environ 150 EUR l'hectare. Il reclame enconsequence le remboursement du trop-perc,u pendant les annees 2009 et2010, soit un montant de 23.190 EUR (625 EUR - 150 EUR = 475 EUR x 24,41ha =

11.595 EUR/ha x 2 annees).

Il y a effectivement lieu de reduire la somme indument payee au titre defermage au montant reglementaire du fermage obtenu en multipliant lerevenu cadastral, en l'espece 1,328, par le coefficient correspondant de2,95, ce qui aboutit à la somme de 3.917 EUR.

Il y a donc lieu de condamner (le demandeur) à rembourser (au defendeur)la somme de 30.513,24 EUR, montant de la somme versee (15.256,62 EUR x 2)- 7.834 EUR, montant du fermage qui aurait du etre verse (3.917 EUR x 2) =22.679,24 EUR".(Jugement attaque, p. 2 à 5)

Griefs

En vertu de l'article 2; 2DEG de la loi sur les baux à ferme vise aumoyen ne sont pas soumises aux dispositions applicables aux baux à ferme:

"les conventions dont l'objet implique une duree d'occupation inferieureà un an et par lesquelles l'exploitant de terres et de paturages, apresavoir effectue les travaux de preparation et de fumure, en accorde, contrepaiement, la jouissance à un tiers pour une culture determinee;"

Plusieurs conditions cumulatives doivent etre remplies pour qu'un contratde culture echappe aux regles applicables aux baux à ferme.

Il faut que :

- le contrat en question fasse l'objet d'un ecrit;

- le contrat soit conclu pour une duree inferieure à un an;

- le contrat soit conclu par un exploitant de terres et paturages;

- lequel, apres avoir effectue les travaux de preparation et de fumures,confie l'occupation et l'exploitation à un tiers pour une culturedeterminee.

Si une seule de ces conditions fait defaut, le contrat en cause ne peutechapper à la reglementation applicable au bail à ferme.

L'article 3 de la loi sur les baux à ferme vise au moyen dispose que :"Lebail doit etre constate par ecrit. (...)

2DEG. S'il existe un ecrit autrement formule, celui qui exploite un bienrural peut fournir la preuve de l'existence d'un bail et des conditionspar toutes voies de droit, temoins, et presomptions compris".

Il resulte de cette disposition que lorsque les parties ont, comme enl'espece, qualifie leur contrat ecrit de contrat de culture, echappant auxregles du bail à ferme en vertu de l'article 2, 2DEG de la loi sur lesbaux à ferme vise au moyen, il appartient à celui qui entend neanmoinsse prevaloir d'un bail à ferme d'etablir que les conditions du contrat deculture ne sont pas remplies.

La charge de la preuve incombe en consequence à celui qui entend obtenirla requalification du contrat de culture en bail à ferme.

La charge de la preuve incombe egalement au demandeur originaire, enl'espece le defendeur, qui fondait son action sur l'existence d'un bail àferme (article 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire).

Le jugement attaque releve que :

- le 20 fevrier 2008, H. & D., represente par le demandeur a signe uncontrat de culture avec (le defendeur), le premier cedant au secondl'occupation et la jouissance des parcelles concernees, tous travaux depreparation et les engrais de base etant executes par H. & D.

- les parties sont d'accord pour dire que le contrat se limite à unesaison, et se fait en application de la loi sur le bail à ferme etspecifiquement sous l'article 2.2 de cette loi.

- les 20 fevrier 2009 et 18 fevrier 2010, les memes parties ont conclu lememe type de contrat de culture.

Pour decider qu'il convient de disqualifier ces contrats et de lesrequalifier en baux à ferme, le juge d'appel a releve que "soutenir quel'exploitant de terres n'a pas effectue les travaux de preparation et defumure est pertinent puisque (le demandeur) reconnait lui-meme qu'il n'apas effectue ces travaux".

Le tribunal a constate ensuite que le demandeur pretend que ces travaux"ont ete realises, à ses frais, par l'entreprise agricole (du defendeuret de son frere) mais ne produit aux debats aucun contrat d'entreprise niaucune facture d'entreprise."

Il en a deduit que "puisqu'il n'est pas rapporte que les travaux depreparation et de fumure ont ete realises ou supportes financierement par(le demandeur), il y a lieu de considerer que les contrats successifssaisonniers ne sont pas parfaitement conformes à l'article 2.2 de la loisur les baux à ferme."

Ce faisant, le juge d'appel a impose au demandeur la charge de la preuve,qui incombait au defendeur.

C'est en effet au defendeur qui entendait se prevaloir d'un bail à fermenonobstant la qualification de contrat de culture adoptee par les parties,qu'il appartenait d'etablir que les travaux de preparation et de fumuren'avaient pas ete realises par le demandeur et non au demandeur d'etablirqu'il les avait realises.

Le juge d'appel a en consequence viole :

- l'article 3, specialement alinea 2 de loi du 4 novembre 1969, modifieepar la loi du 7 novembre 1988, inseree dans le Code civil sous le LivreIII, Titre VIII, Chapitre II, Section 3 : Des regles particulieres auxbaux à ferme, qui dispose qu'à defaut d'ecrit etablissant le bail àferme, celui qui exploite un bien rural pourra fournir la preuve del'existence du bail et de ses conditions par toutes voies de droit,temoins et presomptions compris, puisque le juge d'appel impose audemandeur la charge de la preuve qui incombait en vertu de cettedisposition au defendeur;

- l'article 1315 du Code civil et l'article 870 du Code judiciaire, endechargeant illegalement le defendeur de la charge de la preuve qui luiincombait, des lors qu'il agissait pour faire reconnaitre l'existence d'unbail à ferme alors que le contrat conclu par les parties etait un contratqualifie par celles-ci de contrat de culture repondant aux exigences del'article 2, 2DEG de la loi sur les baux à ferme vise au moyen;

- l'article 2, 2DEG de loi du 4 novembre 1969, modifiee par la loi du 7novembre 1988, inseree dans le Code civil sous le Livre III, Titre VIII,Chapitre II, Section 3 : Des regles particulieres aux baux à ferme, enrequalifiant illegalement en bail à ferme le contrat conclu par lesparties, qualifie par celles-ci de contrat de culture repondant auxexigences de l'article 2, 2DEG de la loi sur les baux à ferme vise aumoyen;

- les articles 1134 et 1135 du Code civil en privant ce faisant le contratdes parties de sa force obligatoire.

Developpement

5.- Le bail saisonnier, ou bail de culture, echappant au regime protecteurde la loi sur les baux à ferme suppose la redaction d'un ecrit permettantau bailleur d'etablir que les conditions cumulatives suivantes sontremplies :

- duree inferieure à un an;

- bail consenti par un exploitant de terres et de paturages;

- lequel, apres avoir effectue les travaux de preparation et de fumures,confie l'occupation et l'exploitation à un tiers pour une culturedeterminee.

Seul un exploitant peut consentir un bail saisonnier. En l'espece, ledemandeur, locataire principal, etait l'exploitant. En cette qualite, ilpouvait des lors consentir un bail saisonnier echappant aux reglesprotectrices du bail à ferme, pour autant que les conditions d'un telbail soient remplies.

Si l'une des conditions fait defaut, le juge doit appliquer la sanction duretour à la regle generale et des lors constater que le contrat constitueun bail à ferme (M. Doutreluingne, "Le champ d'application de la loi surle bail à ferme", in Droit du Bail, le bail à ferme, La charte, 2009, 15à 18). Cette sanction s'explique par le caractere imperatif de la loi.Toutes les conditions doivent etre reunies, à defaut de quoi l'exception,qui est de stricte application, doit etre ecartee.

Marc Doutreluingne expose à cet egard que :

"Pour le surplus, c'est en effet le caractere imperatif de la loi et lavolonte du legislateur de proteger la partie, consideree commeeconomiquement et socialement la plus faible, qui l'emportent.

A cet egard, l'element intentionnel est sans influence: la qualificationd'un bail saisonnier irregulier comme bail à ferme ne requiert pas lapreuve prealable d'une intention frauduleuse dans le chef du bailleur etcelui-ci ne peut esperer echapper aux consequences d'un bail à ferme enplaidant l'absence de bonne foi de la part du locataire (preneur) dansl'execution de sa convention.

6.- Si la convention de bail saisonnier est reguliere quant à la forme,et qu'elle precise toutes les conditions d'application prevues par letexte legal, il faut neanmoins que l'execution soit conforme à l'ecrit.

La preuve du contraire est à charge de celui qui l'invoque. L'article 3,2DEG de la loi sur le bail à ferme dispose en effet que :

"S'il existe un ecrit autrement formule, celui qui exploite un bien ruralpeut fournir la preuve de l'existence d'un bail et des conditions partoutes voies de droit, temoins et presomptions compris" (art. 3 2DEG).

Par "ecrit autrement formule", il faut entendre l'acte par lequel lesparties ont exprime leur volonte d'exclure leur convention du champd'application de la loi sur les baux à ferme. Tel est en particulier lecas du contrat de culture.

Le juge n'est pas tenu par la qualification donnee par les parties et peutrequalifier la convention si cette qualification ne correspond pas à larealite. Il appartient toutefois à celui qui souhaite echapper à laqualification de contrat de culture pour se prevaloir d'un bail à fermed'etablir que les conditions du contrat de culture ne sont pas remplies,et notamment il lui appartient d'etablir qu'il assume en fait outre lesemis, l'entretien et la recolte, les travaux de preparation et de fumure.

7.- Les contrats litigieux ont ete conclus par le demandeur en sa qualited'exploitant des terres en question et l'ont tous ete par ecrit.

Restait, en consequence, à verifier que l'exploitant, en l'occurrence, ledemandeur avait pris en charge les travaux de preparation et de fumures.

Le juge d'appel a releve que "soutenir que l'exploitant de terres n'a paseffectue les travaux de preparation et de fumure est pertinent puisque (ledemandeur) reconnait lui-meme qu'il n'a pas effectue ces travaux".

Le juge d'appel constate ensuite que le demandeur pretend que ces travauxont ete realises, à ses frais, par l'entreprise agricole des freres M.mais il ne produit aux debats aucun contrat d'entreprise ni aucune factured'entreprise.

Le tribunal en a conclu :

"Par consequent, le tribunal considere que, puisqu'il n'est pas rapporteque les travaux de preparation et de fumure ont ete realises ou supportesfinancierement par (votre client), il y a lieu de considerer que lescontrats successifs saisonniers ne sont pas parfaitement conforme àl'article 2.2 de la loi sur les baux à ferme".

Il requalifie, en consequence, les contrats saisonniers successifs decontrats de bail à ferme.

8.- Le moyen critique cette decision.

En effet, ce faisant, le juge d'appel a impose la charge de la preuve audemandeur, alors qu'il appartenait au defendeur d'etablir que l'executionn'etait pas conforme à ce qui etait prevu par le contrat.

En imposant au demandeur d'etablir qu'il avait effectue les travaux depreparation et de fumure, le juge d'appel lui a impose illegalement lacharge de la preuve.

Il ne justifie des lors pas legalement sa decision d'ecarter la conventionde bail saisonnier que les parties avaient conclu.

Par ces considerations,

L'avocat à la Cour de cassation soussigne conclut qu'il vous plaise,Mesdames, Messieurs, casser la decision attaquee, ordonner que mention ensoit faite en marge de la decision attaquee, renvoyer l'affaire devant unautre Tribunal de premiere instance siegeant en degre d'appel et statuercomme de droit sur les depens.

Bruxelles, le 13 fevrier 2015

Pierre Van Ommeslaghe

18 DECEMBRE 2015 C.15.0064.F/1

Requete/10


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.15.0064.F
Date de la décision : 18/12/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 14/01/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-12-18;c.15.0064.f ?
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