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01/12/2015 | BELGIQUE | N°P.15.0905.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 01 décembre 2015, P.15.0905.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.15.0905.N

I. E. Y.,

Me Luk Delbrouck, avocat au barreau de Hasselt,

II. 1. M. Y.,

Me Pol Vandemeulebroucke, avocat au barreau d'Anvers,

2. A. Y.,

3. A. M.,

III. Y. B.,

prevenus,

demandeurs en cassation.

I. la procedure devant la cour

Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 4 juin 2015 par la courd'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.

Le demandeur I fait valoir un moyen dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conform

e.

Le demandeur II.1 fait valoir deux moyens dans un memoire annexe aupresent arret, en copie certifiee conforme.

Les demandeurs ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.15.0905.N

I. E. Y.,

Me Luk Delbrouck, avocat au barreau de Hasselt,

II. 1. M. Y.,

Me Pol Vandemeulebroucke, avocat au barreau d'Anvers,

2. A. Y.,

3. A. M.,

III. Y. B.,

prevenus,

demandeurs en cassation.

I. la procedure devant la cour

Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 4 juin 2015 par la courd'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.

Le demandeur I fait valoir un moyen dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.

Le demandeur II.1 fait valoir deux moyens dans un memoire annexe aupresent arret, en copie certifiee conforme.

Les demandeurs II.2, II.3 et III ne font valoir aucun moyen.

Le conseiller Sidney Berneman a fait rapport.

L'avocat general Luc Decreus a conclu.

II. la decision de la cour

Sur le premier moyen du demandeur II :

1. Le moyen invoque la violation de l'article 6.1 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, ainsi quela meconnaissance du principe general du droit relatif au respect desdroits de la defense et du principe general du droit de l'admissibilite,de la legalite et de la fiabilite dans la recherche des preuves : endecidant que les informations fournies par le proces-verbal desconstatations du 20 mai 2011 doivent simplement etre considerees comme« renseignement » et non comme « preuve », le demandeur se trouve dansl'impossibilite de controler la validite des observations et des mesuresd'ecoute pratiquees aux Pays-Bas ; toute contradiction et le controle surl'obtention de l'information qui est à la base de l'instruction penale etdes informations qui la precedent, est ainsi exclu.

2. Il n'existe aucun principe general du droit de « l'admissiblite, de lalegalite et de la fiabilite dans la recherche des preuves ».

3. Ni l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme etdes libertes fondamentales, ni les droits de la defense ou le droit à unproces equitable ne s'opposent à ce que des informations soient prises enconsideration à titre de simples renseignements permettant d'orienterl'instruction dans une direction determinee et de recueillir ensuite despreuves de maniere autonome, aussi longtemps qu'il n'est pas renduplausible que les informations ont ete obtenues de maniere irreguliere.

4. Si un collegue etranger fournit à un agent belge du ministere publicdes informations concernant des faits commis en Belgique issues d'uneinstruction penale menee à l'etranger et toujours en cours, il appartienttout d'abord au ministere public et enfin au juge de decider si cesinformations sont prises en consideration à titre de simplesrenseignements ou à titre de preuve.

5. Si une partie soutient que les informations ont ete obtenues de maniereirreguliere, elle doit rendre cela plausible d'une maniere depassant lestade de la simple allegation. Le juge decide de maniere souveraine sicette partie rend son affirmation credible. Cette obligation d'apportercredit à son allegation n'implique pas la violation des droits de ladefense ni du droit à un proces equitable.

6. Dans la mesure ou il est deduit d'autres premisses juridiques, le moyenmanque en droit.

7. L'arret considere que :

- par une lettre du 23 mai 2011, le procureur du Roi de Tongres a eteinforme par son collegue neerlandais de l'existence d'un proces-verbal deconstatations en date du 20 mai 2011 etabli par un inspecteur principal dela police regionale du Limbourg-Sud ;

- le 23 mai 2011, le procureur du Roi de Tongres a envoye ce proces-verbalà la police regionale de Tongres « pour information et redaction duproces-verbal ».

- dans un proces-verbal ulterieur du 24 mai 2011, la police federale areproduit les informations figurant dans le proces-verbal de constatationsdu 20 mai 2011 et a encore fourni des informations complementaires ;

- sur la base de ces pieces, le procureur du Roi a requis une instructionjudiciaire le 24 mai 2011 à charge du demandeur II.1 du chef de trafic etdetention de stupefiants ;

- dans une lettre du 18 mars 2015, l'officier de justice a indique nepouvoir fournir des pieces provenant d'une instruction qui n'est pasencore cloturee ;

- il est indique dans le proces-verbal neerlandais que les informationsont ete obtenues par l'application des pouvoirs de recherche legalementautorises et sous l'autorite d'un officier de justice ;

- les affirmations de la defense selon lesquelles le point de depart reelde l'instruction n'est pas identique au point de depart de l'instructionen question ne trouvent aucun fondement dans le dossier repressif encause ;

- ni le fait que les informations ont ete fournies directement par lebiais du collegue neerlandais au procureur du Roi de Tongres et non par lebiais du canal SIENA, ni le fait que l'instruction a ete mise sous embargopar le procureur du Roi ni le fait que le procureur du Roi a fait procederimmediatement à l'etablissement d'un proces-verbal subsequent et aensuite requis le juge d'instruction, ne sont de nature à admettre quel'instruction a debute de maniere deloyale ;

- de meme, l'insinuation de la defense selon laquelle certainesinformations figurant dans le proces-verbal de constatations neerlandaisn'ont pu etre recueillies par le biais d'ecoutes telephoniques oud'observations, mais doivent avoir ete obtenues d'une autre maniereanormale, ne trouve aucun fondement dans le dossier repressif ;

- contrairement à la these de la defense, aucune irregularite ouillegalite n'apparait à propos des renseignements obtenus ;

- la constatation que les informations ont ete obtenues regulierement est,en outre, fondee au moyen de pieces fournies par l'officier de justice parune lettre du 18 mars 2015, à savoir deux ordres d'observation, quatreautorisations de delivrer un ordre d'executer une enquete en matiere detelecommunications et trois autorisations de prolonger cet ordre ;

- les elements fournis par la defense relatifs aux informations obtenuesde maniere irreguliere ne depassent nullement le niveau de simplesallegations ;

- les renseignements fournis, qui n'ont aucune valeur probante, peuvent enoutre etre librement contestes, de sorte que les droits de la defense sontpleinement garantis.

8. Sur la base de ces motifs, l'arret a pu decider que :

- les informations reprises dans le proces-verbal du 24 mai 2011 nepeuvent etre prises en consideration qu'à titre de simples renseignementsauxquels ne s'attache aucune valeur probante ;

- la demande de la defense de joindre les resultats des mesures d'ecouteet des observations effectuees aux Pays-Bas afin de pouvoir exercer lecontrole de regularite sur les informations obtenues aux Pays-Bas, doitdonc aussi etre rejetee ;

- cela n'empeche pas que les renseignements dont on ne peut admettrequ'ils ont ete obtenus de maniere irreguliere, peuvent servir de point dedepart à une instruction ulterieure ;

- la demande d'un controle de legalite conformement à l'article 13 de laloi du 9 decembre 2004 sur la transmission policiere internationale dedonnees à caractere personnel et d'informations à finalite judiciaire,l'entraide judiciaire internationale en matiere penale et modifiantl'article 90ter du Code d'instruction criminelle, est sans pertinence ;

- il n'y a aucune raison d'ecarter des debats les informations fourniespar le collegue neerlandais et l'action publique est bien recevable.

La decision est ainsi legalement justifiee.

Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le second moyen :

9. Le moyen invoque la violation de l'article 149 de la Constitution : ense bornant à decider que les informations policieres figurant dans leproces-verbal du 24 mai 2011 ne peuvent etre prises en consideration qu'àtitre de simples renseignements et qu'aucune valeur probante ne peut leuretre attribuee, les juges d'appel n'ont pas repondu à la defense desdemandeurs suivant laquelle un renseignement ne peut resulter d'actesd'instruction specifiques, des lors que les informations qui resultentnotamment d'observations et d'ecoutes telephoniques ne concernent pas lasimple notification d'un certain fait mais doivent etre l'objetd'investigations par les services de police afin d'etre objectives.

10. L'obligation de motiver tout jugement, prescrite par l'article 149 dela Constitution, n'implique pas que le juge doive repondre à chaqueargument invoque à l'appui d'un moyen mais qui ne constitue pas un moyendistinct.

11. L'arret (...) par les motifs qu'il contient, repond à la defense desdemandeurs suivant laquelle le juge ne pouvait qualifier les informationsprovenant des Pays-Bas de simples renseignements, sans devoir repondre, enoutre, aux arguments contenus au moyen, qui n'ont ete invoques qu'àl'appui de cette defense, sans toutefois constituer des moyens distincts.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le moyen du demandeur I :

Quant à la premiere branche :

12. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, 14 du Pacte international relatif aux droits civils etpolitiques et 13 de la loi du 9 decembre 2004 sur la transmissionpoliciere internationale de donnees à caractere personnel etd'informations à finalite judiciaire, l'entraide judiciaireinternationale en matiere penale et modifiant l'article 90ter du Coded'instruction criminelle : le demandeur a fait valoir tant devant letribunal correctionnel que devant les juges d'appel que, des lors quesuivant le proces-verbal des constatations neerlandais, des actesd'instruction importants ont ete accomplis au cours de l'instruction sederoulant aux Pays-Bas, un controle de regularite de cette instructions'imposait, à defaut de quoi les pieces en provenance des Pays-Basauraient du etre ecartees du dossier repressif à peine d'irrecevabilitede l'action publique ; l'impossibilite de consulter le dossier neerlandaisa empeche que le demandeur puisse se defendre sur ce point devant lesjuges d'appel et pouvait rendre credibles les irregularites invoquees ;aux Pays-Bas aussi, le controle de la regularite releve du pouvoirjudiciaire et non de l'officier de justice.

13. Pour les motifs enonces en reponse au premier moyen du demandeur II,il y a lieu de rejeter le moyen.

Quant à la seconde branche :

14. En cette branche, le moyen invoque la violation des articles 6 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, 14 du Pacte international relatif aux droits civils etpolitiques et 13 de la loi du 9 decembre 2004 sur l'entraide judiciaireinternationale en matiere penale : les proces-verbaux des 20 et 24 mai2011 ont ete immediatement suivis par une requisition en vue del'ouverture d'une instruction judiciaire ; les informations figurant dansces proces-verbaux ne peuvent etre qualifiees de simples renseignementsauxquels ne s'appliquerait pas la loi du 9 decembre 2004 ; de simplesinformations ne suffisent en effet pas en tant qu'indice suffisant deculpabilite sur lequel une instruction judiciaire peut etre fondee.

15. Dans la mesure ou il est deduit des violations legales vainementinvoquees par le moyen, en sa premiere branche, le moyen, en sa secondebranche, est irrecevable.

16. Aux termes de l'article 55, alinea 1er, du Code d'instructioncriminelle, l'instruction est l'ensemble des actes qui ont pour objet derechercher les auteurs d'infractions, de rassembler les preuves et deprendre les mesures destinees à permettre aux juridictions de statuer enconnaissance de cause.

17. La requete du procureur du Roi visant l'ouverture d'une instructionjudiciaire ne requiert pas l'existence d'indices suffisants deculpabilite.

Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyen,en cette branche, manque en droit.

18. Aucune disposition legale n'empeche le procureur du Roi de requerirune instruction judiciaire sur la base des renseignements qui lui ont etetransmis par un collegue etranger.

Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyenmanque en droit.

Le controle d'office

19. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette les pourvois ;

Condamne les demandeurs aux frais de leur pourvoi.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de president,Alain Bloch, Peter Hoet, Antoine Lievens et Sidney Berneman, conseillers,et prononce en audience publique du premier decembre deux mille quinze parFilip Van Volsem, conseiller faisant fonction de president, en presence del'avocat general Luc Decreus, avec l'assistance du greffier FrankAdriaensen.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Frederic Lugentz ettranscrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.

Le greffier, Le conseiller,

1er decembre 2015 P.15.0905.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.15.0905.N
Date de la décision : 01/12/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-12-01;p.15.0905.n ?
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