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01/12/2015 | BELGIQUE | N°P.13.2082.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 01 décembre 2015, P.13.2082.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.13.2082.N

YAHOO ! Inc.

prevenue,

demanderesse en cassation,

Mes Jan Dhont et Bertold Theeuwes, avocats au barreau de Bruxelles.

I. la procedure devant la cour

Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 20 novembre 2013 par lacour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle, statuant en tant quejuridiction de renvoi ensuite de l'arret de la Cour du 4 septembre 2012.

La demanderesse fait valoir deux moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.

Le conse

iller Erwin Francis a fait rapport.

L'avocat general Luc Decreus a conclu.

II. la decision de la cour

Su...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.13.2082.N

YAHOO ! Inc.

prevenue,

demanderesse en cassation,

Mes Jan Dhont et Bertold Theeuwes, avocats au barreau de Bruxelles.

I. la procedure devant la cour

Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 20 novembre 2013 par lacour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle, statuant en tant quejuridiction de renvoi ensuite de l'arret de la Cour du 4 septembre 2012.

La demanderesse fait valoir deux moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.

Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.

L'avocat general Luc Decreus a conclu.

II. la decision de la cour

Sur le premier moyen :

1. Le moyen invoque la violation des articles 2, S: 1er, de la Charte desNations unies, signee le 26 juin 1945 et approuvee par la loi du 14decembre 1945 et 46bis du Code d'instruction criminelle, ainsi que lameconnaissance de la regle du droit international coutumier qui faitpartie de l'ordre juridique belge et qui prevoit qu'un Etat ne peut pas,en principe, exercer de juridiction d'execution en-dehors de sonterritoire ; la declaration de culpabilite de la demanderesse en tantqu'entreprise etablie sur le territoire americain et la condamnation àune peine en vue d'imposer l'obligation de concours visee à l'article46bis du Code d'instruction criminelle, impliquent l'exercice d'unejuridiction d'execution interdite hors du territoire belge et meconnait leprincipe de l'egalite souveraine des Etats ; la requete envoyee par leprocureur du Roi à la demanderesse ne peut, en effet, pas etre censeeavoir pour consequence juridique qu'elle etait obligee de fournir lesdonnees requises sous peine de se voir infliger la sanction penale prevueà l'article 46bis du Code d'instruction criminelle ; cette disposition nedoit pas etre interpretee en ce sens.

2. L'article 46bis du Code d'instruction criminelle dispose :

- au paragraphe 1er, alinea 1er, qu'en recherchant les crimes et lesdelits, le procureur du Roi peut, par une decision motivee et ecrite,requerir le concours de l'operateur d'un reseau de communicationelectronique ou d'un fournisseur d'un service de communicationelectronique afin d'obtenir les donnees prevues par cette disposition ;

- au paragraphe 2, alinea 1er, que chaque operateur d'un reseau decommunication electronique et chaque fournisseur d'un service decommunication electronique qui est requis de communiquer les donneesvisees au paragraphe premier, les fournisse au procureur du Roi.

3. Au paragraphe 2, alinea 4, cette disposition enonce aussi que le refusde communiquer les donnees visees est puni d'une amende. Cette sanctionpenale vise à imposer l'obligation de concours incombant aux operateurset fournisseurs vises et confere à l'article 46bis, S: 2, du Coded'instruction criminelle, dans cette mesure, le caractere d'une mesurecoercitive.

4. En regle, un Etat ne peut prendre des mesures coercitives que sur sonpropre territoire afin d'imposer le respect de ses lois et, s'il prend unetelle mesure sur le territoire d'un autre Etat, il s'approprie un pouvoirextraterritorial qui meconnait la souverainete de cet Etat.

5. Un Etat prend une mesure coercitive sur son propre territoire lorsqu'ilexiste un lien territorial suffisant entre cette mesure et ce territoire.Le lien qui est, à tout le moins, requis, est notamment determine par lanature et la portee de la mesure coercitive.

6. La sanction penale prevue à l'article 46bis, S: 2, alinea 4, du Coded'instruction criminelle vise uniquement à imposer aux operateurs etfournisseurs actifs depuis la Belgique une mesure ayant pour objectifd'obtenir de simples elements d'identification ensuite d'une infractiondont l'enquete releve de la competence des juridictions repressivesbelges. Cette mesure ne requiert pas la presence à l'etranger desfonctionnaires de police ou magistrats belges, ni de personnes agissantpour leur compte. Cette mesure se requiert pas davantage la commissiond'un quelconque acte materiel à l'etranger. Elle concerne, parconsequent, une mesure coercitive dont la portee est limitee et dontl'execution ne requiert aucune intervention en dehors du territoire belge.

7. L'article 3 du Code penal dispose que l'infraction commise sur leterritoire du Royaume, par des Belges ou par des etrangers, est punieconformement aux dispositions des lois belges.

L'infraction prevue à l'article 46bis, S: 2, alinea 4, du Coded'instruction criminelle est commise à l'endroit ou les donnees requisesdoivent etre rec,ues. Par consequent, l'operateur ou le fournisseur quirefuse de communiquer ces donnees est passible d'une peine en Belgique,quel que soit le lieu ou il est etabli.

8. Il ressort de ce qui precede, d'une part, que la mesure consistant enl'obligation de fournir les donnees visees en l'espece est prise sur leterritoire belge à l'egard de chaque operateur ou fournisseur qui orienteactivement ses activites economiques vers des consommateurs en Belgiqueet, d'autre part, que la juridiction belge qui condamne un operateur oufournisseur etabli à l'etranger en raison de l'inobservation de cetteobligation et impose ainsi le respect d'une mesure prise en Belgique,n'exerce pas de pouvoir de juridiction extraterritorial.

Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyenmanque en droit.

9. Les juges d'appel, adoptant les motifs du jugement entrepris et par desmotifs propres, ont considere notamment que la demanderesse, en tant quefournisseur d'un service de messagerie electronique gratuit, est presentesur le territoire de la Belgique et se soumet volontairement à la loibelge parce qu'elle participe activement à la vie economique en Belgiquenotamment par l'usage du nom de domaine www.yahoo.be, l'usage de la languelocale, par la publicite faite en fonction de la localisation desutilisateurs de ses services et par son accessibilite en Belgique pour cesutilisateurs via notamment une boite de reclamations et une rubrique FAQ.

En adoptant les motifs du jugement entrepris (...), les juges d'appel ontaussi considere que :

- le procureur du Roi ne demande rien, aux Etats-Unis, à un ressortissantde ce pays mais, substantiellement, demande quelque chose en Belgique àun ressortissant de ce pays prestataire de services en Belgique ;

- « La defense peut etre suivie dans son raisonnement relatif au principede territorialite dans la mesure ou la demande porterait sur la cession oula saisie d'objets ou de donnees se trouvant aux Etats-Unis, qu'ellen'impliquerait aucune composante territoriale belge et concernerait undetenteur d'objets ou de donnees qui ne serait pas joignable en Belgique(ni reellement ni virtuellement). Cela peut etre le cas du transfert ducontenu d'un message electronique ou du contenu et des identites d'un siteinternet, ce qui differe substantiellement du transfert de simples donneesd'enregistrement techniques du courrier electronique (adresses IP etheures). Cette situation ne se presente pas en l'occurrence. En l'espece,il s'agit, en effet, de telecommunications en Belgique, en d'autres termesau sein du pays (...), de sorte que le procureur, le juge d'instruction etfinalement le juge du fond sont territorialement competents enBelgique. »

Sur la base de ces motifs, les juges d'appel ont pu considerer qu'endeclarant la demanderesse coupable et en la condamnant à une peine duchef d'infraction à l'article 46bis , S: 2, du Code d'instructioncriminelle, ils n'ont pas exerce un pouvoir extraterritorial qui ne leurappartient pas.

Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le second moyen :

10. Le moyen invoque la violation des articles 17.1 de la Convention du 28janvier 1988 entre le Royaume de Belgique et les Etats-Unis d'Ameriqueconcernant l'entraide judiciaire en matiere penale et 46bis du Coded'instruction criminelle : c'est à tort que l'arret declare lademanderesse coupable et la condamne à une peine pour n'avoir passatisfait à la requete du procureur du Roi fondee sur l'article 46bis duCode d'instruction criminelle ; cette requete ne pouvait avoir pourconsequence juridique d'obliger la demanderesse à fournir les donneessous peine d'une sanction penale que si elle etait transmise à lademanderesse conformement à la procedure de l'article 17.1 de laditeconvention ; l'article 46bis du Code d'instruction criminelle doit etreinterprete en ce sens ; la decision de l'arret implique que cette requetea un effet obligatoire alors qu'elle n'a pas ete transmise conformement àla procedure precitee.

11. Le moyen est integralement deduit de l'illegalite invoquee en vain parle premier moyen et est, des lors, irrecevable.

Le controle d'office

12. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.

PAR CES MOITFS,

LA COUR

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux frais.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de president,Alain Bloch, Peter Hoet, Antoine Lievens et Erwin Francis, conseillers, etprononce en audience publique du premier decembre deux mille quinze par leconseiller faisant fonction de president Filip Van Volsem, en presence del'avocat general Luc Decreus, avec l'assistance du greffier FrankAdriaensen.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Eric de Formanoir ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.

Le greffier, Le conseiller,

* 1er decembre 2015 P.13.2082.N/1

*


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.13.2082.N
Date de la décision : 01/12/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 22/03/2017
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-12-01;p.13.2082.n ?
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