Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.14.1296.N
D. D.,
prevenu,
demandeur en cassation,
Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation.
I. la procedure devant la cour
Le pourvoi est dirige contre un jugement rendu le 27 juin 2014 par letribunal correctionnel de Flandre occidentale, division Bruges.
Le demandeur fait valoir deux moyens dans un memoire annexe au presentarret en copie certifiee conforme.
Le president Paul Maffei a fait rapport.
L'avocat general Marc Timperman a conclu.
II. la decision de la cour
Sur le premier moyen :
1. le moyen invoque la violation de l'article 23 de la loi du 15 juin 1935concernant l'emploi des langues en matiere judiciaire : adoptant lesmotifs du jugement dont appel, à savoir que le tribunal maitrisesuffisamment la langue franc,aise, que le demandeur n'a pas contestesubstantiellement les faits, que le demandeur peut recourir à uninterprete francophone et que le renvoi entraverait tout à faitinutilement le cours de la justice dans une affaire relativement simple etne serait aucunement favorable à une bonne administration de la justice,le jugement attaque ne peut legalement decider de ne pas accueillir lademande de renvoi du demandeur à un tribunal francophone ; le fait que letribunal connaisse la langue demandee par le prevenu ne constitue pasdavantage un motif de rejet de la demande de renvoi et les autres motifsne constituent pas « les circonstances de la cause » au sens del'article 23 de la loi du 15 juin 1935.
2. L'article 23, alineas 2 et 4, de la loi du 15 juin 1935 dispose que :
« Le prevenu qui ne connait que le franc,ais ou s'exprime plus facilementdans cette langue et qui est traduit devant un tribunal de police ou untribunal correctionnel ou la procedure est faite en neerlandais, peutdemander que celle-ci ait lieu en franc,ais.
Dans les cas vises aux alineas 1er à 3, le tribunal ordonne le renvoi àla juridiction de meme ordre la plus rapprochee ou la procedure est faitedans la langue demandee par le prevenu. Toutefois le tribunal peut deciderqu'il ne peut faire droit à la demande du prevenu à raison descirconstances de la cause. »
3. L'article 23 de la loi du 15 juin 1935 confere, en principe, au prevenule droit, dans les cas prevus par cette disposition, de faire ordonner lerenvoi à une juridiction ou la procedure est faite dans la langue connuepar le prevenu ou dans laquelle il s'exprime le plus facilement.
Le juge peut toutefois rejeter la demande de changement de langue s'ilexiste des circonstances objectives propres à la cause justifiant qu'ilstatue lui-meme. Le juge apprecie souverainement l'existence de tellescirconstances mais la Cour verifie s'il ne deduit pas, de sesconstatations, des consequences qu'elles ne peuvent justifier.
4. Le jugement attaque confirme le rejet de la demande de changement delangue formulee par le demandeur aux motifs que le tribunal connait àsuffisance le franc,ais pour comprendre le demandeur s'il veut exposer sadefense en franc,ais, que le demandeur n'a pas conteste substantiellementles faits eu egard au paiement partiel d'une transaction, qu'il y avaitsuffisamment d'interpretes francophones disponibles au tribunal auxquelsil pouvait recourir, et qu'un changement de langue dans une affairerelativement simple ne ferait qu'entraver inutilement le cours de lajustice et ne serait aucunement favorable à une bonne administration dela justice.
5. L'article 23 de la loi du 15 juin 1935 ne dispose plus que, sur la basede sa connaissance de la langue demandee par un prevenu, le tribunalpuisse decider de ne pas accueillir sa demande de changement de langue.Les autres motifs pris en consideration par le jugement attaque ne sontpas des circonstances objectives propres à la cause justifiant que letribunal doive statuer lui-meme.
Le moyen est fonde.
Par ces motifs,
La cour
Casse le jugement attaque ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementcasse ;
Laisse les frais à charge de l'Etat ;
Renvoie la cause au tribunal correctionnel d'Anvers, siegeant en degred'appel.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Paul Maffei, president, Filip Van Volsem, Peter Hoet, AntoineLievens et Sidney Berneman, conseillers, et prononce en audience publiquedu dix novembre deux mille quinze par le president Paul Maffei, enpresence de l'avocat general Marc Timperman, avec l'assistance du greffierFrank Adriaensen.
Traduction etablie sous le controle du premier president et transcriteavec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le premier president,
10 NOVEMBRE 2015 P.14.1296.N/1