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29/10/2015 | BELGIQUE | N°C.14.0305.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 29 octobre 2015, C.14.0305.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.14.0305.N

* INNO s.a.,

* Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,

* * contre

1. UNION DES ENTREPRENEURS INDEPENDANTS (UNIZO), a.s.b.l.,

2. ORGANISATION POUR LE COMMERCE DE LA MODE ET DE DETAIL INDEPENDANT(MODE UNIE), a.s.b.l.,

3. COUTURE ALBERTE, s.p.r.l.,

* Me Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation.

* I. La procedure devant la Cour

II. Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 6fevrier 2014 par la cour d'appel d'Anvers, statuant commejuridicti

on de renvoi ensuite de l'arret rendu par la Cour le 2novembre 2012.

III. L'avocat general Andre Van Ingelgem a de...

Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.14.0305.N

* INNO s.a.,

* Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,

* * contre

1. UNION DES ENTREPRENEURS INDEPENDANTS (UNIZO), a.s.b.l.,

2. ORGANISATION POUR LE COMMERCE DE LA MODE ET DE DETAIL INDEPENDANT(MODE UNIE), a.s.b.l.,

3. COUTURE ALBERTE, s.p.r.l.,

* Me Martin Lebbe, avocat à la Cour de cassation.

* I. La procedure devant la Cour

II. Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 6fevrier 2014 par la cour d'appel d'Anvers, statuant commejuridiction de renvoi ensuite de l'arret rendu par la Cour le 2novembre 2012.

III. L'avocat general Andre Van Ingelgem a depose des conclusionsecrites le 29 juillet 2015.

IV. Le president de section Alain Smetryns a fait rapport.

V. L'avocat Andre Van Ingelgem a conclu.

VI. VII. II. Les faits

VIII. Les faits peuvent etre resumes comme suit :

IX. a. la demanderesse exploite la chaine de magasins Inno, quicompte quinze etablissements en Belgique et vend notamment auxconsommateurs des vetements de confection pour hommes, dames etenfants, de la lingerie, des accessoires de textile et desarticles de maroquinerie ;

X. b. en 2005, la demanderesse a mis sur le marche une carte defidelite « Advantage » qui, moyennant le paiement d'unecontribution de 5 euros, permet aux clients de beneficier decertaines promotions ponctuelles ou permanentes ;

XI. c. le 20 decembre 2007, les clients beneficiaires de cette carteAdvantage qui avaient effectue au moins deux achats entre le moisde septembre 2006 et le 30 novembre 2007 ont rec,u une lettreleur annonc,ant que, pour tout achat effectue entre le 26 et le31 decembre 2007, sur presentation de l'original de la lettre,ils avaient droit à une reduction de 30 p.c. sur les articlesmarques d'une etiquette jaune et de 50 p.c. sur les articlesmarques d'une etiquette bleue ;

XII. d. considerant que, par ce courrier, la demanderesse a enfreintl'interdiction d'effectuer des annonces de reduction de prixdurant les periodes d'attente, les defenderesses ont citecelle-ci le 12 fevrier 2008 devant le juge des cessations afind'entendre interdire cette pratique commerciale ;

XIII. e. la demanderesse y oppose notamment que cette interdictionest contraire à la directive europeenne "relative auxpratiques commerciales deloyales".

II. Le moyen de cassation

* La demanderesse presente un moyen libelle dans les termessuivants :

* Dispositions legales violees

- articles 1er, 3.1 et 5 de la directive 2005/29/CE du Parlementeuropeen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiquescommerciales deloyales des entreprises vis-à-vis des consommateursdans le marche interieur et modifiant la directive 84/450/CEE duConseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlementeuropeen et du Conseil et le reglement (CE) nDEG 2006/2004 duParlement europeen et du Conseil (JO L 149, 11 juin 2005, 22), dite'directive sur les pratiques commerciales deloyales',

- article 53, specialement S: 1er, de la loi du 14 juillet 1991 surles pratiques du commerce et sur l'information et la protection duconsommateur, dans la version posterieure à sa modification par leslois des 5 novembre 1993 et 13 janvier 1999, dite « loi du 14 juillet1991 ».

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque declare l'appel forme par la demanderesse non fonde,confirme la decision du premier juge que l'action de la demanderessecombattue par les defenderesses constitue une infraction à l'article53 de la loi du 14 juillet 1991, sous la seule emendation que,ensuite de la reduction de la demande des defenderesses, lademanderesse est condamnee au paiement d'une astreinte d'un montant de500 euros par infraction et par article offert separement à la ventepour lequel une reduction de prix a ete annoncee ou suggeree durant laperiode `visee', et condamne la demanderesse aux frais et depens, surla base notamment des considerations suivantes :

"II. Appreciation

* [...]

* 4.1.

Dans son arret du 2 novembre 2012, la Cour a casse l'arret de la courd'appel de Bruxelles du 12 mai 2009 au motif que celui-ci a decide quel'article 53, S: 1er, de la loi du 14 juillet 1991 ne releve pas duchamp d'application de la directive.

Apres un premier renvoi, la cour d'appel est libre de trancher, defac,on autonome par rapport à l'arret de cassation du 2 novembre2012, la question juridique formulee.

La cassation d'une decision par la Cour n'interdit pas au juge derenvoi de se rallier à l'appreciation des elements de fait de lacause de la juridiction dont la decision a ete cassee. Sauf le casprevu à l'article 1120 du Code judiciaire, elle ne lui interdit pasdavantage de statuer en droit conformement à la decision cassee.

La confirmation de l'arret du 12 mai 2009, qui a decide que lareglementation de la periode d'attente n'entre pas dans le champd'application de la directive, ne viole par consequent pasl'àutorite' de l'arret de la Cour du 2 novembre 2012 invoquee parInno.

* 4.2.

Les points 6 et 8 des considerants de la directive sont libelles commesuit :

(6) `La presente directive a des lors pour objet de rapprocher leslegislations des Etats membres relatives aux pratiques commercialesdeloyales, y compris la publicite deloyale, portant atteintedirectement aux interets economiques des consommateurs et, parconsequent, indirectement aux interets economiques des concurrentslegitimes. Conformement au principe de proportionnalite, la presentedirective protege les consommateurs des consequences de ces pratiquescommerciales deloyales des lors qu'elles sont substantielles, tout enreconnaissant que, dans certains cas, ces consequences sontnegligeables. Elle ne couvre ni n'affecte les legislations nationalesrelatives aux pratiques commerciales deloyales qui portent atteinteuniquement aux interets economiques de concurrents ou qui concernentune transaction entre professionnels; pour tenir pleinement compte duprincipe de subsidiarite, les Etats membres conserveront, s'ils lesouhaitent, la faculte de reglementer les pratiques visees,conformement à la legislation communautaire. (...)'

(8) `La presente directive protege expressement les interetseconomiques des consommateurs contre les pratiques commercialesdeloyales des entreprises à leur egard. (...)'

Cela implique que seules les dispositions legales nationales qui neprotegent pas les consommateurs mais `uniquement' les interetseconomiques des concurrents ou qui concernent une transaction entreprofessionnels sont exclues du champ d'application de la directive(arret de la Cour de justice du 14 janvier 2010 dans l'affaireC-304/08, point 39 ; arret de la Cour de justice du 9 novembre 2010dans l'affaire C-540/08, point 21 ; arret de la Cour de justice du 30juin 2011 dans l'affaire C-288/10, point 22).

A contrario, cela signifie que la directive trouve à s'appliquer desqu'une legislation nationale tend - fut-ce en partie - à laprotection du consommateur.

* 4.3.

Dans ce cadre, la discussion porte sur le critere à appliquer pourdeterminer si l'article 53, S: 1er, de la loi du 14 juillet 1991protege ou non les consommateurs.

* 4.3.1.

Inno se refere au double objectif de la periode d'attente indique parle legislateur lors de l'adoption de la loi du 14 juillet 1991, àsavoir, d'une part, la protection des interets du consommateur et,d'autre part, la regulation de la concurrence entre commerc,ants.

D'une part, la periode d'attente assurerait la transparence etl'exactitude des prix appliques immediatement avant et pendant lesperiodes de soldes, ce qui permettrait au consommateur de verifierplus facilement l'ampleur de la reduction de prix au cours des soldespar rapport au prix de reference.

D'autre part, le legislateur entendait proteger, par l'instauration dela periode d'attente, le petit commerce, en assurant l'egalite deschances de vente entre les commerc,ants et en evitant que lesconditions de la concurrence soient faussees.

Unizo et crts sont en revanche d'avis que ce n'est pas l'objectifindique formellement par le legislateur qui est le criteredeterminant, mais bien la question de savoir si la disposition legaleest de nature à contribuer ou à pouvoir contribuer à une protectiondu consommateur.

* [...]

* 4.3.4.

Dans son ordonnance du 30 juin 2011 (affaire C-288/10), la Cour dejustice constate au point 26 que la decision de renvoi du president dutribunal de commerce de Termonde, siegeant en refere, `ne permet pasd'etablir si l'article 53, S: 1er, de la loi du 14 juillet 1991poursuit effectivement des finalites tenant à la protection desconsommateurs'.

Au point 28, la Cour rappelle que c'est au juge de renvoi, et non àla Cour, qu'il appartient de constater si `la disposition nationale encause au principal poursuit effectivement des finalites tenant à laprotection des consommateurs afin de verifier si une telle dispositionest susceptible de relever du champ d'application de la directive surles pratiques commerciales deloyales'.

* 4.3.5.

Il y a lieu de conclure de la combinaison des decisions susmentionneesque, si le juge national considere (à l'instar du juge de renvoi enl'espece - point 29 de l'ordonnance du 15 decembre 2011) que ladisposition nationale regle uniquement les relations concurrentiellesentre commerc,ants et non la protection des consommateurs, elle nereleve pas du champ d'application personnel de la directive.

Dans son arret du 21 fevrier 2011, la Cour de cassation a precisementposer une question prejudicielle à la Cour de justice afin deconnaitre la position de celle-ci dans le cas ou, en depit d'une ratiolegis formelle contraire, la mesure visee a en realite pour uniqueportee de regler la concurrence entre commerc,ants et non decontribuer à la protection du consommateur.

C'est precisement parce qu'elle renvoie expressement à la distinctionretenue par la Cour de cassation dans l'arret du 21 fevrier 2011entre, d'une part, le double objectif de l'article 53, S: 1er, de laloi du 14 juillet 1991 avance par le legislateur national (à savoirla protection des interets des consommateurs et la regulation de larelation concurrentielle entre commerc,ants) et, d'autre part, le faitque la mesure tend uniquement à regler les relations concurrentiellesentre les commerc,ants et, eu egard aux autres garanties offertes parla loi, ne contribue pas effectivement à la protection duconsommateur, que l'ordonnance de la Cour de justice du 15 decembre2011 doit etre comprise en ce sens que, dans la seconde hypothese, ladisposition legale nationale ne releve pas du champ d'application dela directive.

Le critere d'appreciation de la question de savoir si la perioded'attente vise ou non la protection du consommateur consiste parconsequent à se demander si la mesure imposee par le legislateur pourla realisation de l'objectif qu'il poursuit est effectivement denature à contribuer ou non à la realisation dudit objectif.

Cette lecture des motifs de l'ordonnance de la Cour de justice du 15decembre 2011 n'est absolument pas contraire à son dispositif.

Le fait que la Cour de justice n'ait (plus) utilise au point 29 decette ordonnance le terme `effectivement', alors que c'etait le casdans l'ordonnance du 30 juin 2011, ne fait pas davantage obstacle àcette lecture. La Cour ne devait plus ici utiliser ce terme des lorsque la premisse de la question prejudicielle partait du point de vueque la periode d'attente tend uniquement à regler la concurrenceentre commerc,ants et non à proteger le consommateur.

La Cour de justice ayant repondu à la question prejudicielle comptetenu specifiquement du fait que la Cour de cassation avait conclu quel'objectif reel de la periode d'attente est distinct de la protectiondes consommateurs, quelle que soit la justification formelle dulegislateur, le point 29 doit etre lu en ce sens que c'est l'objectifreel et non l'objectif purement formel d'une disposition legalenationale qui determine si elle releve ou non du champ d'applicationpersonnel de la directive.

* 4.3.6.

La directive ne s'applique par consequent pas si la protection desconsommateurs ne trouve nullement son compte dans la dispositionlegale nationale, meme si le legislateur national a indique laprotection du consommateur comme etant (l'un des) objectif(s) de laloi.

* 4.4.

La mesure de l'article 53, S: 1er, alineas 1er et 3, de la loi du 14juillet 1991 tend en realite uniquement à reglementer les relationsconcurrentielles entre les commerc,ants, mais cette mesure necontribue pas à la protection du consommateur egalement envisagee parle legislateur.

Les articles 2, 3, 43 et 94/12 de la loi du 14 juillet 1991 et latransparence des prix ainsi creee offraient en effet suffisamment degaranties aux consommateurs pour pouvoir apprecier l'effectivite et lemontant reel des ristournes octroyees pendant la periode des soldes,sans qu'une periode d'attente de six semaines avant les soldesinterdisant l'annonce ou la suggestion de reductions de prix putencore y contribuer davantage.

La veritable toile de fond de la periode d'attente consiste àproteger la periode des soldes, et elle doit etre exclusivementrattachee à la simple reglementation des relations entrecommerc,ants.

* 4.5.

Des lors que l'article 53, S: 1er, de la loi du 14 juillet 1991, endepit du double objectif invoque par le legislateur national, tend enrealite uniquement à regler la concurrence entre les commerc,ants et,eu egard aux autres garanties offertes par la loi du 14 juillet 1991,ne contribue pas effectivement à la protection des consommateurs,cette disposition ne releve pas du champ d'application de ladirective.

* 4.6.

La demande, formee à titre subsidiaire, par Unizo et crts tendant àposer une question prejudicielle à la Cour de justice afin de savoirsi l'article 53, S: 1er, de la loi du 14 juillet 1991, entre ou nondans le champ d'application de la directive, est denuee d'objet.

* 5.

Puisque l'article 53, S: 1er, de la loi du 14 juillet 1991 tombe endehors du champ d'application de la directive, la question de savoirsi cette interdiction est ou non compatible avec la directive ne sepose pas."."

Griefs

1. Aux termes de l'article 1er de la directive 2005/29/CE, ditedirective sur les pratiques commerciales deloyales, l'objectif de ladirective est de contribuer au bon fonctionnement du marche interieuret d'assurer un niveau eleve de protection des consommateurs enrapprochant les dispositions legislatives, reglementaires etadministratives des Etats membres relatives aux pratiques commercialesdeloyales qui portent atteinte aux interets economiques desconsommateurs.

L'article 3.1 de la directive dispose qu'elle s'applique aux pratiquescommerciales deloyales des entreprises vis-à-vis des consommateurs,telles que definies à l'article 5, avant, pendant et apres unetransaction commerciale portant sur un produit.

Il ressort de ces dispositions que l'un des objectifs de la directivesur les pratiques commerciales deloyales est d'assurer un niveau elevede protection des consommateurs.

En vertu de l'article 53, plus specialement S: 1er, de la loi du 14juillet 1991, "les annonces de reduction de prix ou les annoncessuggerant une reduction de prix, telles que visees à l'article 42"sont interdites, quels que soient le lieu ou les moyens decommunication mis en oeuvre, durant les periodes dites d'attente "du15 novembre au 2 janvier et du 15 mai au 30 juin" et meme avant uneperiode d'attente, lorsque lesdites annonces sortissent leurs effetspendant cette periode d'attente.

2. Ainsi qu'il ressort des travaux preparatoires et d'un arret de laCour constitutionnelle, par l'article 53 de la loi du 14 juillet 1991,le legislateur poursuivait un double but, à savoir : a) assurer latransparence et l'exactitude des prix appliques immediatement avant etpendant les periodes de soldes et b) permettre au consommateur deverifier l'ampleur de la reduction de prix au cours des soldes parrapport au prix de reference et la transparence des prix appliques, cequi "augmente la protection du consommateur."

La cour d'appel ne contredit pas ce double objectif du legislateur(voir l'arret, points 4.3.5, alinea 3, et 4.5) et votre Cour s'yrefere egalement dans ses arrets des 21 fevrier 2011 (point 13) et 2novembre 2012 (point 3).

3. Au propos, la demanderesse se permet de souligner que, bien que "laCour [de justice] (soit) uniquement habilitee à se prononcer surl'interpretation ou la validite des actes de l'Union vises à(l'article 267 TFUE)" et qu'"il ne (lui) appartienne pas d'apprecierl'interpretation des dispositions du droit national ou de juger sil'interpretation que la juridiction nationale en donne est correcte"(ordonnance, considerant nDEG 25), la Cour de justice est competente"pour fournir à la juridiction de renvoi des indications de nature àpermettre à celle-ci de trancher le litige dont elle est saisie"(considerant nDEG 26).

Or, la Cour de justice signale, en se referant au point 6 desconsiderants de la directive, que "sont exclues du champ d'applicationde la directive (...), les legislations nationales relatives auxpratiques commerciales deloyales qui portent atteinte `uniquement' auxinterets economiques des concurrents ou concernent des transactionsentre commerc,ants (...)" et qu'une disposition nationale telle quecelle en cause au principal "n'est pas susceptible de relever du champd'application de la directive sur les pratiques commerciales deloyalessi elle se limite seulement, comme le considere la juridiction derenvoi, à reglementer les relations concurrentielles entrecommerc,ants et ne vise pas la protection des consommateurs."

Ainsi qu'il a ete expose ci-dessus (nDEG 2), cette hypothese n'esttoutefois pas corroboree en l'espece, compte tenu de la volonteexplicite du legislateur.

Et c'est precisement dans le meme sens que la Cour de justiceconsidere, dans son ordonnance du 15 decembre 2011, que :

"30 En revanche, si l'article 53, paragraphe 1er, de la LPPC viseaussi à proteger les consommateurs contre de telles pratiques, il y alieu de considerer que les annonces de reduction de prix et cellessuggerant une telle reduction, objets de l'interdiction en cause auprincipal, constituent des pratiques commerciales au sens de l'article2, sous d), de la directive sur les pratiques commerciales deloyaleset sont, des lors, soumises aux prescriptions edictees par cettederniere (voir ordonnance Wamo, (...), points 29 à 31).

31 Toutefois, pour les raisons dejà exposees aux points 32 à 40 del'ordonnance Wamo, precitee, il y a lieu de constater que l'article53, paragraphe 1er, de la LPPC, contrairement aux exigences de laditedirective, prohibe de maniere generale les annonces de reduction deprix et celles suggerant une telle reduction, sans qu'il soitnecessaire de determiner, au regard du contexte factuel de chaqueespece, si l'operation commerciale en cause presente un caractere`deloyal' à la lumiere des criteres enonces aux articles 5 à 9 de ladirective sur les pratiques commerciales deloyales."

4. Selon la cour d'appel, l'ordonnance de la Cour europeenne devraittoutefois etre comprise en ce sens que, si la mesure tend "en realite"uniquement à regler les relations concurrentielles entre lescommerc,ants et, eu egard aux autres garanties offertes par la loi,"ne contribue pas effectivement" à la protection du consommateur,l'article 53, S: 1er , de la loi du 14 juillet 1991 ne releve pas duchamp d'application de la directive. Etant donne que votre Cour avaitconclu dans sa question que l'objectif reel de la periode d'attenteest distinct de la protection des consommateurs, quelle que soit lajustification formelle du legislateur, selon la cour [d'appel], lepoint 29 de l'ordonnance devrait etre lu en ce sens que c'est"l'objectif reel" et non l'objectif purement formel d'une dispositionlegale nationale qui determine si elle releve ou non du champd'application personnel de la directive (voir points 4.3.5. et 4.3.6).

Et etant donne que, selon la cour [d'appel], la mesure prevue àl'article 53, S: 1er, alineas 1er et 3, de la loi du 14 juillet 1991tend "en realite" uniquement à regler les relations concurrentiellesentre les commerc,ants, mais "ne contribue pas" à la protection duconsommateur egalement envisagee par le legislateur (point 4.4), cettedisposition tombe hors du champ d'application de la directive (point4.5).

5. Ce raisonnement ne saurait toutefois etre accepte, eu egard à laportee des arrets de votre Cour et des termes de l'ordonnance de laCour europeenne.

S'il fallait le suivre, c'est-à-dire s'il suffisait de constater quel'article 53, S: 1er, de la loi du 14 juillet 1991 - malgre la ratiolegis claire- "ne regle que les relations de concurrence entrecommerc,ants", pour decider que cette disposition ne releve pas duchamp d'application de la directive, votre Cour n'aurait alorscertainement pas du poser une question prejudicielle à la Cour dejustice, qui aurait pu interrompre son raisonnement apres leconsiderant 29 et n'aurait pas du, dans sa reponse à cette question,dire pour droit que la directive doit etre interpretee en ce sensqu'elle s'oppose à une disposition nationale, "telle que celle encause au principal", qui prevoit une interdiction generale desannonces de reduction de prix et de celles suggerant une tellereduction au cours de la periode d'attente, "pour autant que cettedisposition poursuit des finalites tenant à la protection desconsommateurs".

Pour le cas ou votre Cour aurait elle-meme ete d'avis qu'il y avait enl'espece une absence totale de "protection des consommateurs" dans lesregles en matiere de periode d'attente, il se pose alors la questionde savoir pourquoi votre Cour n'a pas immediatement rejete le premierpourvoi en cassation de la demanderesse.

Mais ce n'est pas ce que votre Cour a fait.

Si, en d'autres termes, l'interpretation de l'ordonnance de la Coureuropeenne etait suivie par la cour d'appel d'Anvers, on ne comprendpas alors pourquoi votre Cour, apres avoir pris connaissance del'ordonnance visee, a finalement decide dans son arret du 2 novembre2012 de casser l'arret de la cour d'appel de Bruxelles, plusprecisement sur la base du motif suivant :

"Il ressort, d'une part, de la constatation qu'en inserant l'article53, S: 1er, alinea 1er, de la loi du 14 juillet 1991 le legislateurvisait aussi à proteger le consommateur et, d'autre part, de lareponse de la Cour de justice selon laquelle seules les legislationsnationales relatives aux pratiques commerciales deloyales qui portentatteinte `uniquement' aux interets economiques des concurrents ou quiconcernent une transaction entre professionnels sont exclues du champd'application de la directive, que ladite disposition entre dans lechamp d'application de la directive."

6. La circonstance, relevee dans l'arret (point 4.4), que d'autresmesures de la loi du 14 juillet 1991, plus specialement ses articles2, 3, 43 et 94/12, garantissent egalement la protection desconsommateurs n'empeche pas que l'interdiction instauree par l'article53 de la loi d'effectuer durant les periodes d'attente des annonces dereduction de prix ou des annonces suggerant des reductions de prixvise egalement et meme principalement "la protection desconsommateurs" et doit en consequence etre controlee à la lumiere dela directive.

En effet, ce n'est pas parce que, d'autres dispositions legalesassurant la meme protection, la disposition relative à la perioded'attente ne contribue pas "effectivement" à la protection desconsommateurs envisagee par le legislateur, qu'il est deroge à lavolonte du legislateur de proteger egalement le consommateur par ladisposition en question en matiere de periode d'attente. Et voilàfinalement le seul critere pertinent.

Il ne se deduit ni de la jurisprudence de votre Cour ni celle de laCour de justice que, lorsqu'une mesure tend (que ce soit du point devue de son objectif ou du point de vue de son effet) à la protectiondes consommateurs, cette mesure ne tombe malgre tout pas dans le champd'application de la directive lorsque la protection des consommateursn'est pas "effective" notamment parce qu'il existe d'autres mesurespermettant d'atteindre l'objectif poursuivi.

La loi du 6 avril 2010 relative aux pratiques du marche et à laprotection du consommateur et la directive relative aux pratiquescommerciales deloyales presentent en effet bon nombre de dispositionsqui se recoupent. Ainsi, les pratiques figurant dans l'annexe 1 de ladirective relative aux pratiques commerciales deloyales (dite "listenoire") sont des pratiques qui sont toutes egalement des pratiquestrompeuses ou agressives et, en tout cas, des pratiques commercialesdeloyales au sens de l'article 5. Tant les pratiques de la liste noireque les pratique trompeuses et agressives et les pratiques deloyalesn'en continuent pas moins d'avoir pour objectif la protection desconsommateurs.

7. Ce qui precede est egalement confirme par le fait que, si lesarticles 2, 3, 43 et 94/12 ainsi vises etaient un jour abroges oumodifies, la these selon laquelle l'article 53 de la loi du 14 juillet1991 (actuellement l'article 32 de la loi du 6 avril 2010 relative auxpratiques du marche et à la protection du consommateur) ne contribuepas "effectivement" à la protection des consommateurs, ne tient plus.Les tenants du raisonnement suivi par la cour d'appel ne pourraientalors plus contester que l'article 53 de la loi du 14 juillet 1991"contribue effectivement à la protection de consommateur".

L'on n'aperc,oit pas pourquoi, du fait de la suppression d'une autredisposition legislative, l'article 53 de la loi du 14 juillet 1991(actuellement l'article 32 de la loi du 6 avril 2010 relative auxpratiques du marche et à la protection du consommateur) - meme s'ildemeurait lui-meme inchange - tantot protegerait le consommateur,tantot non et, donc, tantot releverait du champ d'application de ladirective sur les pratiques commerciales deloyales, tantot non.

Tenir compte de la "contribution effective" ou non à la protection duconsommateur, pour apprecier l'objectif d'une norme nationale et,partant, pour repondre à la question de savoir si cette norme releveou non du champ d'application de la directive relative aux pratiquescommerciales deloyales, aurait en outre pour consequence que ce champd'application de la directive aurait un contenu variable dans lesdivers Etats membres de l'Union europeenne. Et tel ne peut avoir etel'objectif poursuivi (voir l'article 4 de la directive).

8. Les dispositions nationales en matiere d'indication de prix (commeles articles 5, 42 et 43 de la loi du 14 juillet 1991 - actuellementles articles 20 et suivants de la loi du 6 avril 2010 relative auxpratiques du marche et à la protection du consommateur) sont,notamment depuis l'arret WAMO de la Cour de justice du 30 juin 2011,des "pratiques commerciales" au sens de la directive relative auxpratiques commerciales deloyales, qui servent bien entendu à laprotection des consommateurs. Or, non seulement les restrictionsfigurant dans ces articles relevent du champ d'application de ladirective, mais elles la violent egalement. Cela ressort du fait que,le 13 septembre 2012, la Commission europeenne a engage contre laBelgique une procedure devant la Cour de justice de l'Unioneuropeenne, en raison notamment de l'incompatibilite des dispositionscorrespondantes de l'article 43, S: 2, de la loi du 14 juillet 1991 etdes articles 20, 21 et 29 de la loi du 6 avril 2010 relative auxpratiques du marche et à la protection du consommateur avec ladirective 2005/29, et que l'avocat general a, dans ses conclusions du26 novembre 2013, conclu au bien-fonde de ce recours :

* "VI - Conclusion

92. A la lumiere des considerations exposees ci-dessus, je proposedonc à la Cour de dire pour droit que :

* `1) (...)

2) En instaurant par l'article 43, paragraphe 2, de la loi du 14juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et laprotection du consommateur et les articles 20, 21 et 29 de la loi du 6avril 2010 relative aux pratiques du marche et à la protection duconsommateur une protection plus stricte ou plus elevee que celleprevue par la directive 2005/29, le royaume de Belgique a manque àl'article 4 de ladite directive.

Il serait par consequent juridiquement incoherent et difficilementjustifiable d'interpreter l'objectif de l'article 53 de la loi du 14juillet 1991, sur la base d'une autre disposition legale (notammentl'article 43 de la loi du 14 juillet 1991) elle-meme contraire à ladirective europeenne, comme etant susceptible de ne pas relever duchamp d'application de la directive, alors qu'en soi, tant selonl'appreciation de l'arret attaque que selon celle de votre Cour, cetarticle vise bel et bien à proteger les consommateurs, quand bienmeme, en raison d'autres dispositions dont l'article 43 de la loi du14 juillet 1991, il n'y `contribuerait pas effectivement'."

Conclusion

9. L'arret viole des lors les dispositions invoquees de la loi et dela directive, en ne considerant pas legalement que :

"La directive ne s'applique par consequent pas si la protection desconsommateurs ne trouve nullement son compte dans la dispositionlegale nationale, meme si le legislateur national a indique laprotection du consommateur comme etant (l'un des) objectif(s) de laloi.

* [...]

Des lors que l'article 53, S: 1er, de la loi du 14 juillet 1991, endepit du double objectif invoque par le legislateur national, tend enrealite uniquement à regler la concurrence entre les commerc,ants et,eu egard aux autres garanties offertes par la LPPC, ne contribue paseffectivement à la protection des consommateurs, cette dispositiontombe en dehors du champ d'application de la directive."

"Puisque l'article 53, S: 1er, de la loi du 14 juillet 1991 tombe endehors du champ d'application de la directive, la question de savoirsi cette interdiction est ou non compatible avec la directive ne sepose pas."

Par consequent, dans cette mesure, l'arret n'est pas legalementjustifie (violation des articles 53 de la loi du 14 juillet 1991 surles pratiques du commerce et sur l'information et la protection duconsommateur, et 1er, 3.1 et 5 de la directive 2005/29/CE du Parlementeuropeen et du Conseil du 11 mai 2005 relative aux pratiquescommerciales deloyales des entreprises vis-à-vis des consommateursdans le marche interieur et modifiant la directive 84/450/CEE duConseil et les directives 97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlementeuropeen et du Conseil et le reglement (CE) nDEG 2006/2004 duParlement europeen et du Conseil).

III. La decision de la Cour

1. La decision critiquee par le moyen n'est pas compatible avecl'arret de renvoi rendu le 2 novembre 2012.

Le moyen a la meme portee que le moyen accueilli par cet arret.

Il doit par consequent etre examine par les chambres reunies de laCour.

2. En vertu de l'article 53, S: 1er, alinea 1er, de la loi du 14juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et laprotection du consommateur (ci-apres : loi du 14 juillet 1991), telqu'il est applicable en l'espece, durant les periodes d'attente du 15novembre au 2 janvier inclus et du 15 mai au 30 juin inclus, dans lessecteurs vises à l'article 52, S: 1er, il est interdit d'effectuerles annonces de reduction de prix et celles suggerant une reduction deprix, telles que visees à l'article 42, quels que soient le lieu oules moyens de communication mis en oeuvre.

En vertu de l'article 53, S: 1er, alinea 3, de la meme loi, avant uneperiode d'attente, il est interdit d'effectuer des annonces dereduction de prix ou des annonces suggerant une reduction de prix, quisortissent leurs effets pendant cette periode d'attente.

3. La Cour de justice de l'Union europeenne a, à la suite de laquestion prejudicielle posee par la Cour dans la presente affaire dansson arret du 21 fevrier 2011, dit pour droit dans son ordonnance du 15decembre 2011 - en cause C-126/11 - que :

* " La directive 2005/29/CE du Parlement europeen et du Conseil, du11 mai 2005, relative aux pratiques commerciales deloyales desentreprises vis-à-vis des consommateurs dans le marche interieuret modifiant la directive 84/450/CEE du Conseil et les directives97/7/CE, 98/27/CE et 2002/65/CE du Parlement europeen et duConseil et le reglement (CE) nDEG 2006/2004 du Parlement europeenet du Conseil ("directive sur les pratiques commercialesdeloyales"), doit etre interpretee en ce sens qu'elle s'oppose àune disposition nationale, telle que celle en cause au principal,qui prevoit une interdiction generale des annonces de reductionde prix et de celles suggerant une telle reduction au cours de laperiode precedant celle des ventes en solde, pour autant quecette disposition poursuit des finalites tenant à la protectiondes consommateurs".

La Cour de justice a considere à ce propos que :

- point 28 : "Sont en revanche exclues du champ d'application de ladirective sur les pratiques commerciales deloyales, conformement ausixieme considerant de celle-ci, les legislations nationales relativesaux pratiques commerciales deloyales qui portent atteinte `uniquement'aux interets economiques des concurrents ou qui concernent unetransaction entre professionnels."

- point 30 : "En revanche, si l'article 53, paragraphe 1er, de la LPPCvise, parmi ses finalites, à proteger les consommateurs de tellespratiques, il y a lieu de considerer que les annonces de reduction deprix et celles suggerant une telle reduction, objet de l'interdictionen cause au principal, constituent des pratiques commerciales au sensde l'article 2, sous d), de la directive sur les pratiquescommerciales deloyales et sont, des lors, soumises aux prescriptionsedictees par cette derniere".

4. Il ressort des travaux preparatoires de la loi que le legislateurn'a pas seulement envisage formellement un double but, mais qu'il aegalement effectivement et de maniere motivee vise, outre les interetseconomiques des concurrents, à proteger et à informer leconsommateur en assurant la transparence et l'exactitude des prixappliques immediatement avant et pendant les periodes de soldes.

5. Il s'ensuit que l'article 53, S: 1er, de la loi du 14 juillet 1991vise egalement à proteger le consommateur et que les annonces dereduction de prix et celles les suggerant, interdites en vertu decette disposition, n'echappent pas au champ d'application de ladirective 2005/29/CE precitee.

En statuant autrement, les juges d'appel n'ont pas legalement justifieleur decision.

Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

* La Cour, chambres reunies,

Casse l'arret attaque.

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse.

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond.

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Gand, qui devra seconformer à la decision de la Cour sur le point de droit qu'elle atranche.

(...)

Ainsi juge par la Cour de cassation, chambres reunies, à Bruxelles,ou siegeaient le premier president Jean de Codt, president, lespresidents de section Christian Storck, Eric Dirix, Beatrijs Deconincket Alain Smetryns, les conseillers Koen Mestdagh, Martine Regout,Geert Jocque, Michel Lemal, Erwin Francis et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du vingt-neuf octobre deux mille quinzepar le premier president Jean de Codt, en presence de l'avocat generalAndre Van Ingelgem, avec l'assistance du greffier en chef Chantal VanDer Kelen.

Traduction etablie sous le controle du president de section MartineRegout et transcrite avec l'assistance du greffier en chef Chantal VanDer Kelen.

Le greffier en chef, Le president de section,

Requete

29 OCTOBRE 2015 C.14.0305.N/1

Requete/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.14.0305.N
Date de la décision : 29/10/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 28/07/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-10-29;c.14.0305.n ?
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