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09/10/2015 | BELGIQUE | N°C.14.0510.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 09 octobre 2015, C.14.0510.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

N-o C.14.0510.F

M. D.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

B. L., societe privee à responsabilite limitee anciennement denommee L.B. Fils, dont le siege social est etabli à Bouillon (Corbion), rue de laHate, 26,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet e

st etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

en presence de

1. L. ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

N-o C.14.0510.F

M. D.,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

B. L., societe privee à responsabilite limitee anciennement denommee L.B. Fils, dont le siege social est etabli à Bouillon (Corbion), rue de laHate, 26,

defenderesse en cassation,

representee par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

en presence de

1. L. B.,

2. M. H.,

3. J. H.,

4. N. V.,

5. F. F.,

6. REGION WALLONNE, representee par son gouvernement, en la personne duministre-president, dont le cabinet est etabli à Namur (Jambes), rueMazy, 25-27,

parties appelees en declaration d'arret commun.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 30 janvier2014 par le tribunal de premiere instance de Marche-en-Famenne, statuanten degre d'appel.

Le 23 septembre 2015, l'avocat general Thierry Werquin a depose desconclusions au greffe.

Le conseiller Sabine Geubel a fait rapport et l'avocat general ThierryWerquin a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

Le demandeur presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Disposition legale violee

Article 149 de la Constitution

Decisions et motifs critiques

Le jugement attaque decide que la demande originaire de la defenderesse,fondee sur la loi du 14 juillet 1961 en vue d'assurer la reparation desdegats causes par le gros gibier, est recevable, par tous ses motifs, icireputes integralement reproduits, specialement par les motifs suivants :

« [Le demandeur] et la Region wallonne [opposent une fin de non-recevoirdeduite de] la prescription de l'action, au motif que les degatsanterieurs à la citation originaire (du 30 juillet pour la Regionwallonne et du 1er aout 2007 [pour le] demandeur) ne peuvent etre estimestandis que des degats sont posterieurs à la citation et atteints par laprescription de six mois prevue par la loi parce qu'ils feraient l'objetd'une reclamation tardive ;

Les consorts H. se plaignent notamment que l'expert ne precise pas ladifference entre les degats situes en dehors du delai de six moisprecedant l'acte introductif d'instance ;

Le tribunal rappelle qu'il s'agit d'un moyen d'irrecevabilite, pour causede prescription, dont la preuve doit etre apportee par [le demandeur etles parties appelees en declaration d'arret commun] ;

Certes, l'expert determine la vraisemblance de l'epoque des degats, duprintemps à l'automne ;

L'expert judiciaire n'apporte toutefois pas une preuve certaine que lesdegats sont survenus à une autre epoque que celle qui est visee par lacitation originaire, soit le mois de juin 2007, une vraisemblance nesuffisant pas. Il situe en tout cas certainement les degats à une epoquequi n'est pas plus ancienne de plus de six mois par rapport à l'acteintroductif d'instance ;

L'exception soulevee par [le demandeur], la Region wallonne et lesconsorts H. n'est donc pas fondee ».

Le jugement attaque considere encore, lorsqu'il examine la question de laprovenance du gibier, que « des constatations de l'expert judiciaireposterieures à l'epoque litigieuse ont ete retenues par celui-ci commedes preuves de l'origine du gibier dans le present litige, notammentprovenant du sud et de l'ouest, certaines de ces constatations remontantà novembre 2007, soit peu de temps apres les degats litigieux ».

Griefs

Le demandeur affirmait que la citation du 1er aout 2007, fondee sur la loidu 14 juillet 1961 en vue d'assurer la reparation des degats causes par legros gibier, se bornait à faire etat de degats apparus en juin 2007 et àreclamer la reparation de ces memes degats, sans faire etat de dommagesulterieurs, de sorte que le tribunal, par la citation signifiee, a etesaisi de l'indemnisation des degats perpetres jusqu'en juin 2007 [et de]rien d'autre.

Il faisait valoir que l'expert designe par le premier juge se devait detravailler dans le respect de la saisine du tribunal, que l'expert avaitrepertorie des degats survenus notamment en automne et en hiver 2007,qu'aucune demande complementaire concernant ces degats n'avait eteintroduite par la defenderesse et que l'expert n'avait pas pu determinerle montant des dommages datant de juin 2007, de sorte que la defenderessese trouvait dans l'impossibilite de prouver le montant du prejudice yrelatif.

En ce qui concerne les degats posterieurs à l'introduction de la citationdu 1er aout 2007, le demandeur affirmait qu'ils ne pouvaient relever quede la demande introduite par une deuxieme citation, que celle-ci datait du6 octobre 2009 et que la loi du 14 juillet 1961 prevoyait un delai deprescription desix mois, de sorte que les degats releves par l'expert en automne et enhiver 2007 ne pouvaient plus etre indemnises puisqu'ils etaient atteintspar la forclusion.

Dans ses considerations relatives à la recevabilite de l'actionoriginaire de la defenderesse, le jugement attaque decide qu'il n'est pasprouve par le rapport d'expertise que les degats dont la defenderessedemande l'indemnisation seraient survenus apres le mois de juin 2007 enecartant, par la consideration qu'une vraisemblance ne suffit pas, lesconclusions des titulaires du droit de chasse qui faisaient valoir quel'expert precisait bien l'epoque des degats : « ete-automne 2007 pour lesdegats d'abroutissement ; automne-hiver pour les bouttis ».

Il decide, partant, que les degats qui feront l'objet de l'indemnisationsont tous survenus, à defaut de preuve contraire, à l'epoque visee parla citation, soit en juin 2007.

Il est contradictoire de considerer à la fois qu'il n'est pas etabli quedes degats auraient ete causes « à une autre epoque que celle visee parla citation originaire, soit le mois de juin 2007 », et que les degatslitigieux constates par l'expert ont eu lieu « peu de temps » avant« novembre 2007 », de sorte que le jugement attaque n'est pasregulierement motive (violation de l'article 149 de la Constitution).

Second moyen

Dispositions legales violees

- article 1er, alinea 1er, de la loi du 14 juillet 1961 en vue d'assurerla reparation des degats causes par le gros gibier ;

- article 149 de la Constitution.

Decisions et motifs critiques

Le jugement attaque, qui reforme le jugement du premier juge, accueille lademande originaire de la defenderesse fondee sur la loi du14 juillet 1961 en vue d'assurer la reparation des degats causes par legros gibier et condamne le demandeur, pour une quote-part de 43 p.c., àreparer les dommages causes aux plantations de la defenderesse sur laparcelle dont elle est proprietaire à S., dans la commune de ..., et àparticiper aux frais de reparation des clotures de cette parcelle, partous ses motifs, ici reputes integralement reproduits, specialement parles motifs suivants :

« Dans ses conclusions preliminaires du 10 avril 2008, l'expert B. releveque, `compte tenu de la proximite des differents massifs, les gibierspeuvent venir de chacun, particulierement pour les grands cervides et lessangliers qui sont des animaux tres mobiles'. Dans les memespreliminaires, l'expert judiciaire precise encore que `les cervidesfranchissent par le haut la cloture nord et sud' ;

Des constatations de l'expert judiciaire posterieures à l'epoquelitigieuse ont ete retenues par celui-ci comme des preuves de l'origine dugibier dans le present litige, notamment provenant du sud et de l'ouest,certaines de ces constatations remontant à novembre 2007, soit peu detemps apres les degats litigieux ;

C'est donc à tort que la Region wallonne, [le demandeur] et les consortsH. contestent que du gibier puisse provenir de leurs parcelles, situees ausud et à l'ouest de la culture endommagee. Toutefois, cette provenanceest moindre, ainsi que cela ressort du rapport de l'expert judiciaire. Lesestimations seront donc fixees en consequence ;

L'expert n'excepte pas le territoire de la Region wallonne ni ne reduit laprovenance du gibier de ce territoire pour le motif qu'il s'agit d'unetourbiere. Il sera neanmoins tenu compte de la configuration du terrainci-dessous dans la cle de repartition ;

La [...] reparation des deteriorations aux plantations doit donc etrerepartie entre [le demandeur et les parties appelees en declarationd'arret commun], apres deduction de la part à charge de la[defenderesse] ».

Griefs

L'article 1er, alinea 1er, de la loi du 14 juillet 1961 visee au moyendispose que les titulaires du droit de chasse repondent du dommage causeaux champs, fruits et recoltes par les cervides, chevreuils, daims,mouflons ou sangliers provenant des parcelles boisees sur lesquelles ilspossedent le droit de chasse, sans qu'ils puissent invoquer le cas fortuitni la force majeure.

Il resulte de cette disposition que le demandeur en reparation doitetablir trois elements : il doit prouver que les degats subis constituentun dommage aux champs, fruits et recoltes, que ces degats ont ete causespar une ou plusieurs especes enumerees par la loi et que le gibierprovient des parcelles boisees d'un ou plusieurs titulaires d'un droit dechasse.

Cette provenance doit etre interpretee comme signifiant l'origineimmediate du gibier.

En termes de conclusions, le demandeur contestait la reclamation de ladefenderesse aux motifs que celle-ci n'est pas à meme de prouverl'origine du gibier et particulierement en ce qui le concerne puisque lesseuls elements vantes par l'expert demontrent que [son territoire dechasse], situe au sud de la parcelle, n'est pas concerne. [Il y relevait]en outre qu'au sud, entre la parcelle litigieuse et [son territoire dechasse], se situe la reserve de la Region wallonne, de sorte que [sa]chasse ne jouxte pas la pepiniere de la defenderesse.

Premiere branche

Le jugement attaque, qui ne constate pas que le gibier à l'origine desdegats provenait immediatement de la parcelle sur laquelle le demandeurest titulaire d'un droit de chasse, ne justifie pas legalement sa decisionde condamner le demandeur à indemniser la defenderesse du chef de cesdegats (violation de l'article 1er, alinea 1er, de la loi du 14 juillet1961 visee au moyen).

Seconde branche

Le jugement attaque, qui condamne le demandeur à indemniser ladefenderesse sans rencontrer le moyen du demandeur contestant laprovenance immediate du gibier [de] la parcelle sur laquelle il esttitulaire d'un droit de chasse, n'est pas regulierement motive (violationde l'article 149 de la Constitution).

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

Le jugement attaque ne considere pas que les degats litigieux constatespar l'expert judiciaire ont eu lieu peu de temps avant novembre 2007 maisreleve, quant à la provenance du gibier ayant cause les degats en juin2007, que certaines des constatations faites par l'expert « remont[e]ntà novembre 2007, soit peu de temps apres les degats litigieux ».

Le moyen, qui procede d'une lecture inexacte du jugement attaque, manqueen fait.

Sur le second moyen :

Quant à la premiere branche :

L'article 1er, alinea 1er, de la loi du 14 juillet 1961 en vue d'assurerla reparation des degats causes par le gros gibier dispose que lestitulaires du droit de chasse repondent du dommage cause aux champs,fruits et recoltes par les cervides, chevreuils, daims, mouflons ousangliers provenant des parcelles boisees sur lesquelles ils possedent ledroit de chasse, sans qu'ils puissent invoquer le cas fortuit ni la forcemajeure.

En vertu de l'article 1er, alinea 2, de cette loi, le titulaire du droitde chasse qui est cite en reparation d'un tel dommage pourra, s'il prouveque le gibier provient d'un ou de plusieurs autres territoires de chasseque le sien, appeler à la cause le ou les titulaires du droit de chassesur ces territoires et ceux-ci pourront, en ce cas, etre condamnes à lareparation de tout ou partie du dommage cause.

Aux termes de l'article 2, alinea 2, de la meme loi, le juge statue enequite, tenant compte de la situation et de tous les elements pouvantentrainer sa conviction. Il repartit eventuellement la charge de lareparation du dommage, si les animaux proviennent des chasses de plusieurstitulaires.

Ces dispositions legales n'exigent pas que la parcelle boisee d'ou il estetabli que provient le gros gibier qui a cause les degats jouxte celle quiles a subis.

Le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutenement contraire,manque en droit.

Quant à la seconde branche :

Par l'ensemble des motifs que le moyen reproduit, le jugement attaquerepond, en les contredisant, aux conclusions du demandeur qui soutenaientque la defenderesse ne faisait pas la preuve de l'origine du gibier, àtout le moins en ce qui le concerne, sa chasse etant situee au sud de laparcelle de la defenderesse sans la jouxter.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

Sur la demande en declaration d'arret commun :

Le rejet du pourvoi prive d'interet la demande en declaration d'arretcommun.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi et la demande en declaration d'arret commun ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de trois mille quatre cent soixante-septeuros nonante-trois centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersDidier Batsele, Mireille Delange, Michel Lemal et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du neuf octobre deux mille quinze par lepresident de section Christian Storck, en presence de l'avocat generalThierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Lemal |
|-----------------+------------+-------------|
| M. Delange | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

9 OCTOBRE 2015 C.14.0510.F/10


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.14.0510.F
Date de la décision : 09/10/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 31/10/2015
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-10-09;c.14.0510.f ?
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