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08/10/2015 | BELGIQUE | N°C.12.0565.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 octobre 2015, C.12.0565.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.12.0565.N

N. M. M.,

Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. DALLAH ALBARAKA Ltd, societe de droit etranger,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,

2. S. B. K.,

3. N. A. R. M.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 28 juin 2012par la cour d'appel d'Anvers.

L'avocat general Jean-Franc,ois Leclercq a depose des conclusions ecritesle 13 mai 2015.

Le president de section Beatrijs Deconinc

k a fait rapport.

L'avocat general Jean-Franc,ois Leclercq a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un m...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.12.0565.N

N. M. M.,

Me Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation,

contre

1. DALLAH ALBARAKA Ltd, societe de droit etranger,

Me Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,

2. S. B. K.,

3. N. A. R. M.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 28 juin 2012par la cour d'appel d'Anvers.

L'avocat general Jean-Franc,ois Leclercq a depose des conclusions ecritesle 13 mai 2015.

Le president de section Beatrijs Deconinck a fait rapport.

L'avocat general Jean-Franc,ois Leclercq a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- le principe general de loyaute procedurale tel qu'il se deduit del'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales, faite à Rome le 4 novembre 1950 et approuvee parla loi du 13 mai 1955,

- les articles 40, 815, 816, 817, 818 et 819 du Code judiciaire.

Decision et motifs critiques

L'arret attaque : « (...) statue contradictoirement (...). La courd'appel declare l'appel non fonde ; la cour d'appel confirme le jugementdu premier juge dans la mesure ou ce juge s'est declare competent, adeclare la demande recevable et partiellement fondee et a statue sur lesdepens de l'instance ; la cour d'appel reforme le jugement du premier jugepour le surplus ; condamne les heritiers de V.M. (les deuxieme ettroisieme parties appelees en declaration d'arret commun) et (lademanderesse) au paiement de la somme de 8.000.000 USD, à titreprovisionnel (...) » ;

Apres avoir mentionne la demanderesse à la page 2 comme « n'ayant nidomicile, ni residence, ni domicile elu connus en Belgique ou àl'etranger ; signification faite au procureur du Roi, tribunal de premiereinstance d'Anvers, à son parquet, Bolivarplaats 20/1. Cite en reprised'instance, n'ayant pas comparu » ;

et avoir constate aux pages 3 et 4 que « le 21 aout 2002, ladefenderesse a fait citer V.M. à comparaitre devant le tribunal depremiere instance d'Anvers (...). Afin d'executer les cautionnements (...)elle a demande la condamnation solidaire (...) au paiement de sa demandecontre la societe anonyme Symphony Gems.

(...)

V.M. est decede le 24 juillet 2010.

La defenderesse a fait citer les heritiers, premiere et deuxieme partiesappelees en declaration d'arret commun et la demanderesse en reprised'instance.

A l'audience du 6 avril 2012, le conseil de la premiere et de la deuxiemepartie appelee en declaration d'arret commun a comparu. La demanderessen'a pas comparu et n'etait pas representee.

Griefs

1. En vertu des articles 815 et 816 du Code judiciaire, en cas de decesd'une partie, il peut y avoir reprise d'instance au moyen d'une citationde ses heritiers en reprise d'instance forcee, qui peut etre donnee à larequete de chacune des parties.

Aux termes de l'article 818 du meme code, cette reprise d'instance a lieude plein droit si, à l'expiration du delai de comparution, la partiecitee fait defaut et le jugement sera repute contradictoire envers elle,si les regles enoncees à l'article 751 ou, le cas echeant, à l'article752, ont ete appliquees.

2. La regle precitee suivant laquelle la reprise d'instance a lieu deplein droit à l'egard d'une partie, ne vaut pas dans le cas ou la partiecitee en reprise d'instance forcee n'a pas ete regulierement citee ce quiest notamment le cas lorsque cette citation ne lui a pas ete regulierementsignifiee.

Afin de permettre au juge de se rendre compte si la signification estreguliere, l'article 817 du meme code dispose que le juge saisi de lademande en reprise d'instance peut demander au ministere public derecueillir des renseignements sur l'identite ou la qualite des parties àl'egard desquelles elle peut avoir lieu.

Ainsi un devoir particulier de diligence incombe au juge qui ne peut sefonder uniquement sur les elements qui lui ont ete soumis mais doitexaminer si toutes les recherches utiles en vue d'atteindre la partie quiest designee en tant qu'heritier devant reprendre l'instance ont eteeffectuees loyalement.

3. Il ressort de la piece 30 de l'inventaire du dossier judiciaire de lacour d'appel d'Anvers dont la Cour de cassation peut prendre regulierementconnaissance en vertu de l'article 1100 du Code judiciaire, que lademanderesse a ete citee par exploit du 2 fevrier 2012 en reprised'instance forcee de la maniere suivante : « N.M.M., sans domicile,residence ou domicile elu connus en Belgique ou à l'etrangerconformement à l'article 40 du Code judiciaire, signifiant au procureurdu Roi pres du tribunal de premiere instance d'Anvers, à son parquet, aupalais de justice d'Anvers, Bolivarplaats 20/1 et y parlant à (...) :requerant que, « en cas de non-comparution de la demanderesse dans ledelai legal de comparution, il soit dit pour droit que la reprised'instance a eu lieu de plein droit ».

La citation en reprise d'instance forcee a ainsi eu lieu au moyen d'unesignification de l'exploit au procureur du Roi.

4. L'article 40, alinea 2, du Code judiciaire dispose que : « A ceux quin'ont en Belgique ni à l'etranger de domicile, de residence ou dedomicile elu connus, la signification est faite au procureur du Roi dansle ressort duquel siege le juge qui doit connaitre ou a connu de lademande ; (...) ». L'article 40, alinea 4, du meme code ajoute toutefoisque : « la signification (...) au procureur du Roi est non avenue si lapartie à la requete de laquelle elle a ete accomplie connaissait ledomicile ou la residence ou le domicile elu (...) à l'etranger dusignifie ».

Il ne peut etre recouru à ce mode de signification que dans descirconstances exceptionnelles des lors que l'exploit n'est pas parvenu àla connaissance du destinataire.

S'il parait que la partie, à la requete de laquelle la signification estaccomplie au procureur du Roi, connaissait ou devait connaitre le domicileou la residence du signifie, en Belgique ou, le cas echeant, àl'etranger, la signification est non avenue conformement à l'article 40,alinea 4, du Code judiciaire.

La signification valable au procureur du Roi suppose specialement que ladefenderesse et les huissiers de justice qu'elle designe ont loyalementaccompli toutes les recherches utiles en vue de determiner le domicile oula residence du destinataire.

Cette obligation est contenue, non seulement à l'article 40 du Codejudiciaire, mais aussi dans le principe general du droit relatif aucomportement loyal au cours d'un proces tel qu'il decoule de l'article 6.1de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales.

La defenderesse ne peut considerer que le domicile ou la residence sontinconnus que si toutes les recherches, commandees par la prudence, lavigilance et la bonne foi sont restees infructueuses, ce qui impliquequ'elle a communique à l'huissier de justice tous les renseignementsqu'elle connaissait et que l'huissier de justice a accompli lui-memetoutes les recherches serieuses et utiles en vue de determiner le domicileou la residence de la demanderesse.

5. La defenderesse mentionne à la page 2 de la citation en reprised'instance que « des lors que la demanderesse n'a ni domicile niresidence connus en Belgique ou à l'etranger, il a ete demande au conseil(des premiere et deuxieme parties appelees en declaration d'arret commun)de fournir les donnees de domicile et de residence de la demanderesse,mais que cette question est demeuree sans reponse ».

La defenderesse s'est manifestement limitee à cela bien qu'il ressorterespectivement des pieces 15 et 24 de l'inventaire du dossier judiciairede la cour d'appel d'Anvers, auquel votre Cour peut avoir egardconformement à l'article 1100 du Code judiciaire, qu'un fils decede deV.M. « a une fille qui habite les Etats-Unis » et qu'il y a troisheritiers parmi lesquels « la fille d'un fils decede (residantactuellement aux Etats-Unis) ».

Il ressort en outre de la piece 30 precitee et des annexes à la citationen reprise d'instance que les divers huissiers de justice ont certeseffectue des recherches au registre national les 11 janvier, 16 janvier et1er fevrier 2012 concernant les deuxieme et troisieme parties appelees endeclaration d'arret commun, avant de proceder à la signification auprocureur du Roi le 2 fevrier 2012, mais n'ont effectue aucune recherchedemontree à l'egard de la demanderesse.

6. Il s'ensuit que l'arret attaque n'a pas condamne legalement lademanderesse au paiement à la defenderesse de la somme de 8.000.000 USDà titre provisionnel en sa qualite de coheritiere de V.M. à la suited'une reprise d'instance forcee qui a eu lieu de plein droit à l'egard dela demanderesse pour le seul fait que celle-ci n'a pas comparu dans ledelai de comparution (violation des articles 815, 816, 817, 818, 819 duCode judiciaire) des lors que les elements produits ne permettaient pasaux juges d'appel, qui ont omis d'exercer leur devoir de diligence en nedemandant pas au ministere public de recueillir des informations quant àl'identite et la residence de la demanderesse (violation de l'article 817du Code judiciaire), de conclure que la signification au procureur du Roi,conformement à l'article 40, alinea 2, du Code judiciaire, etaitreguliere (violation de l'article 40, alinea 2, du Code judiciaire) etn'etait pas non avenue sur la base de l'article 40, alinea 4, du Codejudiciaire (violation de l'article 40, alinea 4, du Code judiciaire),parce que les donnees fournies par la defenderesse ne permettent pas deconsiderer que celle-ci pouvait considerer que le domicile et la residencede la demanderesse n'etaient pas connus s'il apparait que la defenderessen'a pas fait toutes les recherches concernant la demanderesse qui etaientloyalement requises par la prudence, la vigilance et la bonne foi, deslors que la defenderesse, sans avoir rapporte la preuve d'aucunerecherche quant à la demanderesse, s'est bornee à demander desrenseignements aux deuxieme et troisieme parties appelees en declarationd'arret commun desquels il ressort tout de meme que la demanderesseresidait ou etait domiciliee aux Etats-Unis et que les huissiers dejustice auxquels la defenderesse s'est adressee ont eux-memes omisd'effectuer des recherches serieuses et utiles demontrees en vue dedeterminer le domicile ou la residence de la demanderesse à commencer parla consultation du registre national (violation des articles 40, alineas 2et 4, 815, 816, 817, 818 et 819 du Code judiciaire, et du principe generaldu droit relatif au comportement loyal au cours du proces precite).

III. La decision de la Cour

Sur la recevabilite du pourvoi en cassation :

1. La defenderesse oppose une fin de non-recevoir au pourvoi deduite de cequ'il est tardif des lors que l'arret a ete signifie le 24 juillet 2012 enapplication de l'article 40, alinea 2, du Code judiciaire, à defaut deresidence ou de domicile connus de la defenderesse, alors que le pourvoin'a ete signifie que le 21 novembre et depose le 23 novembre 2012, soiten-dehors du delai de trois mois prevu par l'article 1073 du Codejudiciaire.

2. La demanderesse soutient que la signification qui a ete faite auprocureur du Roi en application de l'article 40, dernier alinea, du Codejudiciaire doit etre consideree non avenue des lors que les donneesrelatives à son adresse aux Etats-Unis « se retrouvent facilement auregistre national » et que la defenderesse connaissait cette residence,à tout le moins devait la connaitre.

3. L'article 40, alinea 2, du Code judiciaire dispose que : « à ceux quin'ont en Belgique ni à l'etranger de domicile, de residence ou dedomicile elu connus, la signification est faite au procureur du Roi dansle ressort duquel siege le juge qui doit connaitre ou a connu de lademande ».

Aux termes du dernier alinea de cet article, la signification au procureurdu Roi est non avenue si la partie à la requete de laquelle elle a eteaccomplie connaissait le domicile ou la residence ou le domicile elu enBelgique ou, le cas echeant, à l'etranger du signifie.

4. Il ressort de ces dispositions lues à la lumiere du principe generaldu droit relatif au respect des droits de la defense, que la partie quisignifie une decision au parquet doit avoir entrepris toutes les demarchesraisonnablement possibles afin de decouvrir le domicile, la residence oule domicile elu du signifie et l'informer de la decision et que le jugeexamine si cela a ete fait, sans prejudice de l'eventuel devoird'information du defendeur. A defaut, la signification au parquet est nonavenue et ne peut faire courir un delai d'introduction d'un recours.

5. Il ressort du proces-verbal de constatation du 17 novembre 2012 jointau pourvoi en cassation, des lettres recommandees du 25 septembre 2012envoyees par l'huissier de justice de la defenderesse en vertu del'article 40, alinea 1er, du Code judiciaire et joint au memoire enreponse, ainsi que des pieces produites depuis lors, que la defenderessepouvait et devait connaitre l'adresse de la demanderesse à New-York.

La signification au procureur du Roi le 24 juillet 2012 doit donc etreconsideree non avenue et n'a pas fait courir le delai pour se pourvoir encassation.

6. La fin de non-recevoir opposee au pourvoi ne peut etre accueillie.

Sur le moyen :

7. En vertu de l'article 816 du Code judiciaire, en cas de deces d'une desparties, ses heritiers peuvent etre cites en reprise d'instance.

L'article 817 du Code judiciaire dispose que le juge saisi de la demandeen reprise d'instance peut demander au ministere public de recueillir desrenseignements sur l'identite ou la qualite des parties à l'egarddesquelles elle peut avoir lieu.

Aux termes de l'article 818 du Code judiciaire, la reprise d'instance alieu de plein droit si, à l'expiration du delai de comparution, la partiecitee fait defaut et le jugement sera repute contradictoire envers elle,si les regles enoncees à l'article 751 ou, le cas echeant, à l'article752, ont ete appliquees.

8. La reprise d'instance forcee de plein droit suppose que lasignification de la citation en reprise d'instance est reguliere et quetoutes les demarches raisonnablement possibles ont ete entreprises pourciter regulierement l'heritier et que le juge examine si cela a ete faitapres que, le cas echeant, des renseignements complementaires ont eterecueillis par le ministere public sur la base de l'article 817 du Codejudiciaire.

9. Les juges d'appel ont constate que la demanderesse a ete citee enreprise d'instance, qu'elle est « sans domicile, ni residence ni domicileelu connus en Belgique ou à l'etranger » et que la signification a etefaite au procureur du Roi, mais que la demanderesse n'a pas comparu etn'etait pas representee.

10. Les juges d'appel, qui ont ensuite condamne la demanderesse et ontainsi admis la reprise d'instance de plein droit sur la base d'unesignification de la citation en reprise d'instance au procureur du Roi,sans examiner si toutes les demarches ont ete raisonnablement entreprisespour trouver l'adresse de l'heritier et sans, le cas echeant, faireapplication de l'article 817 du Code judiciaire, n'ont pas legalementjustifie leur decision.

Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il decide que la demanderesse a reprisl'instance de plein droit et qu'il condamne celle-ci en qualited'heritiere au paiement de la somme de 8.000.000 USD, à titreprovisionnel ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Declare l'arret commun aux parties appelees en declaration d'arretcommun ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Gand.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, president, lepresident de section Beatrijs Deconinck, les conseillers Alain Smetryns,Bart Wylleman et Koenraad Moens, et prononce en audience publique du huitoctobre deux mille quinze par le president de section Albert Fettweis, enpresence de l'avocat general Andre Van Ingelgem, avec l'assistance dugreffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction etablie sous le controle du president de section AlbertFettweis et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia DeWadripont.

Le greffier, Le president de section,

Requete

8 OCTOBRE 2015 C.12.0565.N/1

Requete/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0565.N
Date de la décision : 08/10/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 23/06/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-10-08;c.12.0565.n ?
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