Cour de cassation de Belgique
Arret
* NDEG P.15.0097.N
* L. D. D.,
* inculpe,
* demandeur en cassation,
* Me Luc Arnou, avocat au barreau de Bruges.
* I. la procedure devant la cour
* Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 18 decembre 2014par la cour d'appel d'Anvers, chambre des mises en accusation.
Le demandeur invoque deux moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.
Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
L'avocat general delegue Alain Winants a conclu.
II. la decision de la cour
Sur la recevabilite du pourvoi :
1. L'arret declare l'appel forme par le demandeur contre l'ordonnancede renvoi irrecevable en tant que dirige contre les decisions renduessur les charges et le caractere complet de l'instruction judiciaire.Ainsi, l'arret ne contient aucune decision definitive ni aucunedecision telle que celle visee à l'article 416, alinea 2, du Coded'instruction criminelle, tel qu'applicable en l'espece.
Dans la mesure ou il est dirige contre cette decision, le pourvoi encassation, premature, est irrecevable.
Sur le premier moyen :
2. Le moyen invoque la violation des articles 6.1 et 13 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, 28bis, S: 3, alinea 2, 61, 89, 89bis, 127, 128, 129,130, 131, 135, 223 et 235bis du Code d'instruction criminelle et 1319,1320 et 1322 du Code civil, ainsi que des principes generaux du droitrelatifs aux droits de la defense, au droit au contradictoire, aucaractere contradictoire du reglement de la procedure devant lesjuridictions d'instruction, à l'obligation de motivation desjuridictions d'instruction, à l'egalite des armes et à la regle dela foi due aux ecrits.
3. Il n'existe pas de principe general du droit au contradictoire quisoit distinct du principe general du droit relatif au respect desdroits de la defense.
Dans la mesure ou il invoque la violation d'un principe general dudroit au contradictoire, le moyen manque en droit.
* (...)
* Quant à la deuxieme branche :
6. Le moyen, en cette branche, soutient que l'arret considere à tortqu'il suffit que les pieces saisies presentent à premiere vue un lienavec les infractions examinees par le juge d'instruction pour que lasaisie soit reguliere ; un mandat de perquisition peut toutefoisconcerner moins de faits que ceux dont le juge d'instruction estcharge, sans pouvoir exceder sa saisine ; toutes les pieces saisiesdans le cadre d'une perquisition doivent ainsi presenter un lien avecles infractions mentionnees dans le mandat de perquisition et non avecles pieces qui sont examinees in globo par le juge d'instruction dansles limites de sa saisine ; si la position de l'arret est suivie, ilfaut à tout le moins joindre l'acte qui, dans l'autre dossier,determine la saisine du juge d'instruction, afin que la juridictiond'instruction puisse verifier s'il existe un lien entre les piecessaisies et les infractions examinees par le juge d'instruction ; àdefaut, les droits de la defense du demandeur et son droit à unproces equitable sont violes, ainsi que le devoir de loyaute etl'egalite des armes ; le ministere public peut en effet consultercette piece sans la produire.
7. Reprenant les motifs des requisitions du ministere public, lesjuges d'appel constatent que les mandats de perquisition litigieux ontete joints au dossier repressif et qu'il ne s'agit pas d'une fishingexpedition. Ils ont ensuite considere qu'il n'y a aucun motif laissantsupposer que ces mandats et les actes d'instruction en decoulantseraient irreguliers. Ainsi, les juges d'appel ont bel et bien examinele lien entre les pieces saisies et les mandats de perquisition, pourdecider que les saisies n'excedent pas les limites desdits mandats.Cette decision est legalement justifiee.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
8. Le fait que l'instruction dont la chambre des mises en accusationcontrole la regularite utilise des resultats de donnees provenantd'une perquisition et d'une saisie ordonnees dans une autreinstruction n'a, en regle, pas pour consequence que cette chambredoive demander au ministere public de produire des pieces de l'autreinstruction afin de verifier si ces actes d'instruction n'excedent pasla saisine du juge d'instruction. Un tel exces ne se presume point. Iln'en va autrement que lorsque, sur la base des elements qu'ellefournit, une partie rend plausible cet exces. La chambre des mises enaccusation apprecie souverainement la plausibilite de cette allegationet, par consequent, la necessite, l'utilite et l'opportunite de lajonction, demandee par cette partie, des pieces au dossier repressifen cause.
Le seul fait que la chambre des mises en accusation refuse une demandede jonction d'autres pieces au dossier repressif parce qu'elleconsidere que cela n'est pas necessaire au controle de la regularitede la procedure ne constitue pas une violation du droit à un procesequitable.
Le fait que le ministere public puisse consulter toutes les pieces neconstitue pas davantage une violation de l'egalite des armes. Lestatut juridique du ministere public, qui est charge de l'exercice despoursuites penales dans l'interet general, n'est en effet pascomparable avec celui d'une partie qui ne defend que son interetprive.
Dans la mesure ou il se fonde sur des premisses differentes, le moyen,en cette branche, manque en droit.
9. Par les motifs enonces dans la reponse à la premiere branche dumoyen, l'arret considere que le demandeur ne rend pas plausibles sesallegations relatives au depassement de la saisine du juged'instruction lors des saisies dans l'autre dossier repressif. Ainsi,l'arret a considere legalement et sans violer le droit du demandeur àun proces equitable et ses droits de la defense, en ce comprisl'egalite des armes, que les pieces visees ci-dessus ne doivent pasetre produites en vue de controler la regularite de la procedure.
10. Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut davantageetre accueilli.
11. En tant qu'il critique en outre l'attitude du ministere public etnon l'arret, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Pour le surplus, le moyen, en cette branche, se deduit des violationde la loi vainement alleguees ci-dessus et est, des lors, irrecevable.
* (...)
* Sur le second moyen :
19. Le moyen invoque la violation des articles 61quater, S: 5,61quinquies, S: 4, 127 et 128 du Code d'instruction criminelle, ainsique du principe general du droit relatif à l'autorite de la chosejugee et de la hierarchie entre les instances judiciaires en droitpenal: l'arret a considere à tort que l'autorite de chose de jugee del'arret de la chambre des mises en accusation du 18 fevrier 2014,ayant ordonne l'audition du demandeur en presence de son conseil, n'apas ete violee et que le juge d'instruction a correctement execute cetordre; l'arret n'a pu en effet deduire cette decision descomportements de fait du juge d'instruction ; en outre, l'arret aainsi viole l'autorite de chose jugee de l'arret mentionne.
20. Il n'existe pas de principe general du droit relatif à lahierarchie entre les instances judiciaires en droit penal.
En tant qu'il invoque la violation de pareil principe du droit, lemoyen manque en droit.
21. L'article 61quater, S: 5, du Code d'instruction criminelle estetranger au grief invoque.
En tant qu'il invoque la violation de cette disposition, le moyenmanque egalement en droit.
22. En tant qu'il oblige la Cour à proceder à un examen des faitspour lequel elle est sans pouvoir, le moyen est irrecevable.
23. L'arret de la chambre des mises en accusation ordonnant des actesd'instruction complementaires en vertu de l'article 61quinquies duCode d'instruction criminelle ne statue pas sur le bien-fonde del'action publique et n'est que provisoire. Un tel arret n'a pasautorite de chose jugee à l'egard de la chambre des mises enaccusation qui procede au reglement de la procedure.
En tant qu'il se fonde sur des premisses juridiques differentes, lemoyen manque egalement en droit.
24. S'appropriant les motifs de l'avis du ministere public, l'arretconsidere que :
- en execution de l'arret de la chambre des mises en accusation du 18fevrier 2014, le juge d'instruction a, le 26 fevrier 2014, envoye uncourrier au domicile du demandeur à Anvers le convoquant à uneaudition le 13 mars 2014, mais le demandeur ne s'est pas presente ;
- il ressort des conclusions du demandeur que, du 22 fevrier 2014 au13 mars 2014, c'est-à-dire au-delà de l'audition, il sejournait àl'etranger ;
- lorsqu'un suspect sejourne pour une longue duree à l'etranger etqu'il sait que l'arret precite a prevu une audition en presence de sonavocat, il doit prendre toutes les mesures necessaires pour veiller àce qu'il reste informe demeure au courant de sa correspondance et setienne à la disposition de la justice ;
- ni les droits de la defense, ni l'article 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales n'ontete violes à l'egard du demandeur qui reclame une audition formelleet se rend ensuite injoignable pour la police et la justice ;
- le 22 mai 2014, le demandeur a comparu au cabinet du juged'instruction, mais s'y est prevalu de son droit au silence et a omisde demander l'assistance d'un avocat ;
- la chambre du conseil a adequatement repondu à l'argument formulepar le demandeur quant à la necessite d'une audition en enonc,antqu'un arret de la chambre des mises en accusation en matiered'instruction complementaire a une autorite relative de chose jugee etque l'instruction judiciaire est un element evolutif ;
- le juge d'instruction peut escompter que le demandeur se trouve àl'adresse qu'il a lui-meme indiquee dans sa requete et qu'ensuite del'arret precite, il indiquera jusqu'à quelle date il sejournera àl'etranger ;
- etant donne que le demandeur ne s'est pas presente à la date prevueet n'a rien laisse entendre d'un sejour à l'etranger, le juged'instruction pouvait raisonnablement supposer que le demandeurn'etait plus dispose à se soumettre à une audition ;
- il ne resulte pas de l'article 47bis, S: 2, du Code d'instructioncriminelle qu'une convocation à l'audition doive etre transmise auconseil du suspect ou à l'adresse professionnelle du suspect, ce quiserait du reste difficilement compatible avec le secret professionneldu juge d'instruction;
- le juge d'instruction n'est pas tenu d'attendre que le suspecttransmette un message quant à l'audition prevue, etant donne quepareille interruption de l'instruction peut compromettre l'exigence demener un proces dans un delai raisonnable.
Sur la base de ces motifs, l'arret a pu legalement considerer que lejuge d'instruction a correctement execute l'ordre qui lui avait etedonne par la chambre des mises en accusation de proceder à l'auditiondu demandeur en presence de son conseil.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le controle d'office de la decision
25. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nulliteont ete observees et la decision est conforme à la loi.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles,ou siegeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction depresident, Alain Bloch, Antoine Lievens, Erwin Francis et SidneyBerneman, conseillers, et prononce en audience publique du vingt-deuxseptembre deux mille quinze par le conseiller faisant fonction depresident, en presence de l'avocat general Marc Timperman, avecl'assistance du greffier Frank Adriaensen.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Franc,oise Roggen ettranscrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le conseiller,
22 SEPTEMBRE 2015 P.15.0097.N/1