Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG S.14.0105.F
G. D.,
demandeur en cassation,
represente par Maitre Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise 480, ou il est faitelection de domicile,
contre
OFFICE NATIONAL DES PENSIONS, etablissement public dont le siege estetabli à Saint-Gilles, Tour du Midi, esplanade de l'Europe, 1,
defendeur en cassation,
represente par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 11 septembre2014 par la cour du travail de Mons.
Le 17 aout 2015, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.
Le president de section Christian Storck a fait rapport et l'avocatgeneral Jean Marie Genicot a ete entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- articles 6 et 7, S: 2, de la loi du 22 mars 2001 instituant la garantiede revenus aux personnes agees, telles que ces dispositions etaientapplicables le 18 septembre 2012 ;
- en tant que de besoin, articles 1er et 2 de l'arrete royal du 5 juin2004 portant execution de l'article 6, S: 2, alinea 3, et de l'article7, S:S: 1er, alinea 3, et 2, alinea 2, de la loi du 22 mars 2001instituant la garantie de revenus aux personnes agees.
Decisions et motifs critiques
L'arret reforme la decision du premier juge et « dit pour droit qu'en application de l'article 7, S: 2, de la loi du 22 mars 2001 instituant lagarantie de revenus aux personnes agees, le montant total des ressourceset des pensions visees au paragraphe 1er, apres deduction desimmunisations visees aux articles 8 à 10, doit etre divise par deux ».L'arret motive sa decision de la maniere suivante :
« La loi du 22 mars 2001 entend `offrir aux personnes agees uneprotection contre la pauvrete' (Doc. parl., Senat, 2000-2001, n-o2-636/3, p. 2). A cette fin, une aide financiere est accordee auxpersonnes agees qui ne disposent pas de ressources suffisantes ;
Eu egard à cet objectif, il est tenu compte, pour le calcul de lagarantie de revenus, de toutes les ressources et pensions, quelle qu'ensoit la nature ou l'origine, dont disposent l'interesse et les personnesavec lesquelles il partage la meme residence principale. L'etat denecessite de l'interesse est, en effet, determine par ces ressources ;
Ainsi, saisie d'une question prejudicielle relative à laconstitutionnalite de l'article 6, S: 2, de la loi du 22 mars 2001, laCour constitutionnelle a considere que `le legislateur est [...] parti duprincipe que le beneficiaire d'une garantie de revenus aux personnesagees tire du partage de la meme residence principale avec une ouplusieurs autres personnes un avantage economico-financier dont les personnes isolees ne beneficient pas ; que cet avantage pourraitconsister dans le fait que la personne avec laquelle la meme residenceprincipale est partagee dispose de revenus qui lui permettent de partagercertains frais, mais aussi dans le fait qu'en partageant la memeresidence principale avec d'autres personnes, le demandeur peutbeneficier de certains avantages materiels, ce qui l'amene à avoir moinsde depenses (cf. Cass., 8 octobre 1984, Pas., 1984, I, 188)' (Courconstitutionnelle, arret 125/2013 du 26 septembre 2013) ;
La Cour en a deduit qu'`il n'est pas justifie que le beneficiaire d'une garantie de revenus aux personnes agees voie son allocation reduite parcequ'il partage sa residence principale avec un etranger sejournantillegalement sur le territoire, qui est depourvu de ressources et ne peutcontribuer aux depenses du menage, que, dans ce cas, le partage de laresidence principale ne genere en effet aucun avantageeconomico-financier pour l'allocataire social' et que, par consequent, `l'article 6, S: 2, de la loi du 22 mars 2001 [...] viole les articles 10et 11 de la Constitution en ce qu'il entraine qu'une personne perd sondroit à la garantie de revenus aux personnes agees au montant de basemajore lorsqu'elle partage sa residence principale avec un etrangersejournant illegalement sur le territoire, qui ne dispose pas deressources et ne peut pas contribuer aux frais du menage' ;
Toutefois, la Cour constitutionnelle precise que cette conclusion s'impose`sans prejudice de ce qui est mentionne au point B.9.2', à savoir que
`Il ne serait toutefois pas davantage justifie que le beneficiaire d'une garantie de revenus aux personnes agees puisse voir majoree l'allocationà laquelle il a droit, par suite de la cohabitation avec un etrangersejournant illegalement sur le territoire, qui ne dispose pas deressources et ne peut en aucune maniere contribuer aux depenses dumenage.
Il s'ensuit que, lorsque le beneficiaire d'une garantie de revenus aux personnes agees dispose de ressources, il ne peut etre tenu compte de lapresence de l'etranger en sejour illegal lors de la division visee àl'article 7, S: 2, de la loi du 22 mars 2001 du montant des ressourcespar le nombre de personnes qui partagent la meme residence principale' ;
Aux termes de cet arret, l'etranger en sejour illegal partageant la meme residence principale qu'un demandeur de revenu garanti est assimile à uncohabitant ouvrant le droit au montant majore de ce revenu (coefficient1,50), c'est-à-dire notamment au beneficiaire qui partage sa residenceprincipale avec un parent ou allie en ligne directe descendante, commeN. ;
Par analogie, il y a donc lieu de considerer qu'il ne peut etre tenucompte de la presence de N. D. lors de la division des ressources par lenombre de personnes qui partagent la meme residence principale ».
Griefs
En vertu de l'article 7, S: 1er, de la loi du 22 mars 2001 (section 2 :De l'incidence des ressources et des pensions), « la garantie de revenusne peut etre accordee qu'apres une enquete sur les ressources et lespensions. Toutes les ressources et les pensions, quelle qu'en soit la nature ou l'origine, dont disposent l'interesse et les personnes avec quiil partage la meme residence principale sont prises en consideration pourle calcul de la garantie, sauf les exceptions prevues par le Roi ».
Selon l'article 7, S: 2, de la loi du 22 mars 2001 (meme section), telqu'il etait applicable en 2012, « le montant total des ressources et despensions visees au paragraphe 1er est, apres deduction des immunisationsvisees aux articles 8 à 10 et 12, divise par le nombre de personnes quipartagent la meme residence principale, y compris l'interesse ».
L'article 7, S: 2, prevoyait ainsi que le diviseur à appliquer aumontant des ressources etait calcule en consideration du nombre depersonnes partageant la meme residence principale que le beneficiaire durevenu garanti. Cette disposition ne faisait aucune distinction entre lespersonnes qui partageaient la residence principale.
L'arret decide des lors, en violation des dispositions legales visees au moyen, de ne pas inclure dans le diviseur le fils N. du demandeur, dont iln'etait pas conteste qu'à l'epoque litigieuse, il residait chez cedernier, au motif que celui-ci ne beneficiait plus d'allocationsfamiliales, et de n'appliquer en consequence aux ressources prises enconsideration qu'un diviseur de deux et non de trois (violation de toutesles dispositions legales visees au moyen et en particulier de l'article 7,S: 2, de la loi du 22 mars 2001 instituant la garantie de revenus auxpersonnes agees).
III. La decision de la Cour
En vertu de l'article 6, S: 2, alinea 1er, de la loi du 22 mars 2001instituant la garantie de revenus aux personnes agees, le coefficient 1,5s'applique au montant annuel de la garantie de revenus vise au paragraphe1er, pour le beneficiaire qui ne partage pas sa residence principale avecune ou plusieurs personnes.
Aux termes de l'alinea 2 dudit article 6, S: 2, nonobstant l'inscriptiondans les registres de la population à la meme adresse que le demandeur,les personnes suivantes ne sont pas censees partager la meme residenceprincipale que celui-ci : 1DEG les enfants mineurs ; 2DEG les enfantsmajeurs pour lesquels des allocations familiales sont perc,ues, et 3DEGles personnes accueillies dans la meme maison de repos, la meme maison derepos ou de soins, ou la meme maison de soins psychiatriques que ledemandeur.
Conformement à l'alinea 3 du meme article 6, S: 2, qui habilite le Roi,par arrete delibere en conseil des ministres, à fixer les conditionsauxquelles les dispositions de ce paragraphe s'appliquent à d'autrescategories de personnes qu'il determine, l'article 1er de l'arrete royaldu 5 juin 2004 portant execution de l'article 6, S: 2, alinea 3, et del'article 7, S:S: 1er, alinea 3, et 2, alinea 2, de la loi du 22 mars 2001instituant la garantie de revenus aux personnes agees dispose que, pourl'application de l'article 6, S: 2, alinea 2, de cette loi, ne sont pasnon plus censes partager la meme residence principale que le demandeur,les parents ou allies en ligne directe descendante qui cohabitent, soitavec le demandeur, soit avec le demandeur et les enfants vises àl'article 6, S: 2, alinea 2, 1DEG et 2DEG.
Suivant l'article 7, S: 1er, alinea 1er, de la loi du 22 mars 2001, saufles exceptions prevues par le Roi, toutes les ressources et les pensions,quelle qu'en soit la nature ou l'origine, dont disposent l'interesse etles personnes avec qui il partage la meme residence principale sont prisesen consideration pour le calcul de la garantie de revenus.
L'article 7, S: 1er, alinea 3, de cette loi prevoit que, lorsquel'interesse repond aux conditions prevues à l'article 6, S: 2, seules sesressources et les pensions dont il dispose personnellement sont prises encompte pour le calcul de la garantie de revenus.
Le Roi, poursuit l'article 7, S: 1er, alinea 4, determine les ressourcesdont il n'est pas tenu compte pour le calcul de la garantie de revenus.
En execution de cette disposition, l'article 2 de l'arrete royal du 5 juin2004 precise que, pour l'application de l'article 7, S: 1er, de la loi du22 mars 2001, il n'est pas tenu compte des ressources des personnes viseesà l'article 6, S: 2, alinea 2, 3DEG, de cette loi et à l'article 1er decet arrete.
L'article 7, S: 2, alinea 1er, de la loi du 22 mars 2001 dispose que lemontant total des pensions et des ressources visees au paragraphe 1er est,apres deduction des immunisations visees aux articles 8 à 10 et 12,divise par le nombre de personnes qui partagent la meme residenceprincipale, y compris l'interesse.
Il suit de l'ensemble de ces dispositions que, lorsque le demandeurcohabite avec un descendant majeur pour lequel ne sont pas perc,uesd'allocations familiales et qui n'est, des lors, pas cense partager lameme residence principale que lui, les ressources de ce descendant ne sontpas prises en consideration pour le calcul de la garantie de revenus etlui-meme n'est pas inclus dans le nombre de personnes par lequel estdivise le montant total des ressources et pensions visees à l'article 7,S: 2, alinea 1er, de la loi du 22 mars 2001.
En decidant de ne pas inclure dans ce nombre le fils majeur du demandeurcohabitant avec lui sans que fussent perc,ues en sa faveur d'allocationsfamiliales, l'arret ne viole aucune des dispositions legales visees aumoyen.
Celui-ci ne peut etre accueilli.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Vu l'article 1017, alinea 2, du Code judiciaire, condamne le defendeur auxdepens.
Les depens taxes à la somme de cent vingt-quatre euros soixante et uncentimes en debet envers la partie demanderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersMireille Delange, Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du vingt et un septembre deux mille quinzepar le president de section Christian Storck, en presence de l'avocatgeneral Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.
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| L. Body | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
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| M. Lemal | M. Delange | Chr. Storck |
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21 SEPTEMBRE 2015 S.14.0105.F/8