Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG S.13.0008.F
OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, etablissement public dont le siege est etablià Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,
demandeur en cassation,
represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,
contre
S. K.,
defenderesse en cassation,
representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 17 octobre 2012par la cour du travail de Mons.
Le 17 aout 2015, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.
Le president de section Christian Storck a fait rapport et l'avocatgeneral Jean Marie Genicot a ete entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- articles 10, 11, 108 et 159 de la Constitution ;
- articles 44, 51 à 53bis, 56, 58 et 59bis à 59decies de l'arrete royal du 25 novembre 1991 portant reglementation du chomage ;
- principe general du droit interdisant au juge d'appliquer une norme contraire à une norme superieure ;
- en tant que de besoin, article 1134, alinea 1er, du Code civil.
Decisions et motifs critiques
1. Apres avoir constate que la defenderesse n'avait pas respecte le troisieme engagement du second contrat d'activation qu'elle avait signe le2 juillet 2009 en application de l'article 59quinquies, S: 5, del'arrete royal du 25 novembre 1991, l'arret attaque dit neanmoins l'appelde la defenderesse recevable et fonde et, reformant le jugemententrepris, « annule la decision administrative querellee prise par [ledemandeur] le 14 decembre 2009 à defaut de base reglementaire [et]retablit [la defenderesse] dans ses droits aux allocations de chomage àdater du 21 decembre 2009 ».
2. L'arret fonde cette decision sur les considerations suivantes :
« 1.2. Quant aux consequences à deduire des manquements contractuelsdont s'est rendue coupable [la defenderesse]
Par arret prononce le 29 juin 2010 (RG 2008/AM/21037), la cour [dutravail] a, dans un premier temps, constate qu'en raison de la nature dela mesure d'exclusion prise sur pied de l'article 59quinquies, S: 6, del'arrete royal du 25 novembre 1991 (en l'espece, il s'agit de l'article 59sexies, S: 6, mais l'enseignement est parfaitement transposable), elleetait sans pouvoir aucun pour faire application, de son propre chef, desprincipes generaux du droit penal (lesquels sont exclusivement applicables aux sanctions administratives mais non aux mesuresd'exclusion) en assortissant l'exclusion dont a ete victime le chomeurd'un sursis, d'un avertissement ou en reduisant la sanction eu egard àl'execution partielle des engagements souscrits ;
Partant de cette constatation, la cour [du travail] a neanmoins procede àl'analyse de la conformite de l'article 59quinquies, S: 6, de l'arreteroyal du 25 novembre 1991 aux principes d'egalite et de non-discrimination garantis par les articles 10 et 11 de laConstitution ;
La cour [du travail] a, sur la base de son analyse, releve l'existenced'une difference de traitement entre les chomeurs victimes de certainesmesures d'exclusion (à tout le moins celles qui sont enoncees parl'article 51 de l'arrete royal du 25 novembre 1991) et ceux qui se voyaient infliger une mesure d'exclusion sur pied de l'article59quinquies, S: 6, de cet arrete, qui n'etait pas justifiee de maniereobjective et raisonnable et qui n'apparaissait pas proportionnee àl'objectif pertinent et legitime poursuivi par les articles 59bis etsuivants du meme arrete, de sorte que cette difference de traitementetait constitutive d'une discrimination prohibee par les articles 10 et11 de la Constitution ;
[...] Dans le cadre du present litige, [le demandeur] entend developperplusieurs moyens pour s'opposer à l'inconstitutionnalite de l'article59sexies, S: 6, de l'arrete royal du 25 novembre 1991 ;
[Le demandeur] invoque que la procedure d'activation presente unedifference fondamentale avec les exclusions visees aux articles 51 etsuivants de cet arrete car, dans le cadre de l'activation, il s'agitd'apprecier le comportement global du chomeur pour verifier qu'ilrecherche activement un emploi, soit une condition d'octroi desallocations de chomage enoncee par l'article 58 de l'arrete royal. Aucontraire, dans le cadre du chomage volontaire, il s'agit de juger uncomportement isole du chomeur (perte d'emploi, refus d'emploi, defaut depresentation au service de placement ...). La difference de traitement s'explique, selon [le demandeur], par des objectifs differents et lanature des obligations dont il s'agit de verifier le respect ;
Cet argument n'est pas pertinent ;
Aux termes de son arret du 29 juin 2010, la cour [du travail] a objecte'que les nouvelles dispositions relatives au suivi actif des chomeursintegrees au sein des articles 59bis et suivants de l'arrete royal du 25novembre 1991 par l'arrete royal du 4 juillet 2004 s'inserent au sein dela section 2 du chapitre III de l'arrete royal du 25 novembre 1991relative à la disponibilite pour le marche de l'emploi, sans remplacerpour autant les dispositions dejà existantes en la matiere (à savoir lesarticles 56 à 59 dudit arrete royal) ni davantage les sanctionsexistantes du « chomage du au propre fait du travailleur » edictees parles articles 51 à 53bis' ;
Il est, des lors, legitime de penser que ces mesures d'activations'inscrivent dans la continuite des mesures d'exclusion des chomeursadoptees par les articles 52 et 52bis de l'arrete royal du 25 novembre1991 dont le champ d'application a ete etendu par l'arrete royal du 2octobre 1992 à la situation du chomeur reste en defaut de participer àun plan d'accompagnement ou qui est responsable de son echec ou de sonarret en raison d'une attitude fautive ;
[Le demandeur] fait, encore, valoir que, dans le cadre de la procedured'activation, le chomeur n'est pas exclu soudainement du benefice desallocations simplement parce qu'il ne remplit pas tout ou partie de sesobligations ;
L'exclusion n'arrive qu'au terme d'une procedure relativement longue et progressive ou ses obligations lui sont rappelees à de multiples repriseset ou il est, egalement, averti des consequences que son comportementpeut avoir sur son droit aux allocations de chomage ;
Par contre, releve [le demandeur], la situation est differente dans lecadre de l'application des articles 51 à 53bis, ou il s'agit, à chaquefois, de juger un comportement isole du chomeur, situation dans le cadrede laquelle le legislateur a souhaite que chaque situation puisse etreappreciee en fonction des faits qui ont donne lieu au manquementindividuel constate ;
Cet argument n'est pas davantage convaincant ;
Aux termes de son arret du 29 juin 2010, la cour [du travail] fit valoirque la disposition reglementaire qui se rapproche le plus de celle quiest applicable dans le present litige est inscrite à l'article 51, S:1er, alinea 2, 6DEG, de l'arrete royal du 25 novembre 1991, qui frapped'une exclusion des allocations le chomeur dont le plan d'accompagnementou le parcours d'insertion a ete arrete ou a echoue à cause de sonattitude fautive ;
Il s'agit, des lors - que ce soit à l'occasion de l'application del'article 59quinquies, S:S: 5 et 6, ou pour determiner les modalites del'exclusion visee à l'article 52bis, S: 1er, 4DEG, de l'arrete royal du25 novembre 1991 -, d'apprecier dans leur globalite les efforts fournispar le chomeur dans le suivi d'une formation, d'un plan d'accompagnementou d'une recherche active d'emploi ;
Les plans d'accompagnement des chomeurs et le programme d'activation des demandeurs d'emploi poursuivent en realite un objectif identique :s'assurer du caractere involontaire du chomage des interesses etfavoriser leur entree ou leur retour sur le marche du travail ;
Enfin, [le demandeur] estime qu'il ne saurait y avoir discrimination car`la situation personnelle du chomeur a ete prise en compte au moment dela fixation des engagements dans le contrat qui lui est propose de memequ'au moment de l'appreciation du respect de ces engagements lors del'entretien avec le facilitateur'. Il n'y aurait, des lors, plus lieu,selon [le demandeur], de tenir compte de la situation personnelle duchomeur au moment de determiner la hauteur de l'exclusion ;
Cette argumentation qui n'avait pas ete soulevee par [le demandeur] et quel'arret du 29 juin 2010 n'a, par consequent, pas rencontree n'est pasdavantage pertinente ;
Comme le releve fort à propos monsieur l'avocat general, elle repose surla fiction qui voudrait que tout facilitateur soit infaillible et que,necessairement, il propose un contrat à ce point adapte à la situationpersonnelle du chomeur que tous les chomeurs se trouveraient au finalface à un niveau de difficultes strictement identique. Pareilleconception est d'autant plus fictive et irrealiste que le facilitateur nedispose pas d'une liberte totale d'adaptation du contrat à la situationdu chomeur qui seule pourrait eventuellement prendre en consideration ladiversite et la complexite humaine. Il est en effet tenu par laliste-modele d'actions fixee par l'arrete royal du 5 juillet 2004. Cetteargumentation ne tient, par ailleurs, pas compte des donnees personnellesqui peuvent survenir en cours de contrat et qui pourraient expliquer,sans pour autant les justifier, certains manquements. Enfin, un telargument ne saurait justifier que deux chomeurs se trouvant dans une memesituation et à qui deux contrats strictement identiques ont ete proposessoient exclus de la meme maniere alors que le premier n'aurait execute aucune de ses obligations et que le second les auraient toutes respectees,à l'exception d'une seule ;
En conclusion, il s'impose de confirmer l'enseignement deduit de l'arretprononce par la cour [du travail] en ce qu'il avait conclu àl'inconstitutionnalite de l'article 59quinquies, S: 6, de l'arrete royaldu 25 novembre 1991 et de l'appliquer 'mutatis mutandis' à l'article59sexies, S: 6, de cet arrete, qui fait l'objet du present litige : en effet, le raisonnement tenu à l'occasion de l'analyse du fondementreglementaire de l'article 59quinquies, S: 6, est strictement identiqueà celui qui doit prevaloir dans le cadre de l'examen de la conformiteaux articles 10 et 11 de la Constitution de l'article 59sexies, S: 6 ;
Par application de l'article 159 de la Constitution, il s'impose derefuser d'appliquer l'article 59sexies, S: 6 : la decision administrative querellee prise par [le demandeur] le 14 decembre 2009doit, des lors, etre annulee à defaut de base reglementaire ;
[La defenderesse] doit etre retablie dans ses droits aux allocations dechomage à dater du 21 decembre 2009 ;
La requete d'appel de [la defenderesse] est fondee et le jugemententrepris doit etre reforme ».
3. L'arret considere ainsi en substance que les chomeurs vises à l'article 51 de l'arrete royal du 25 novembre 1991 et ceux qui sont visesà l'article 59sexies, S:S: 5 et 6, du meme arrete se trouvent dans dessituations comparables, en sorte qu'il serait contraire aux articles 10 et11 de la Constitution de les soumettre à un regime [different]d'exclusion des allocations de chomage - les premiers pouvant etre excluspour une periode modulable (de 4 à 52 semaines : article 52, S:S: 1er et2, et 52bis de l'arrete royal du 25 novembre 1991) et pouvant voir cette mesure assortie d'un sursis, voire etre limitee à un avertissement(article 53bis de l'arrete royal du 25 novembre 1991), alors que lesseconds font l'objet d'une mesure d'exclusion qui ne peut etre modulee enfonction de leur situation personnelle et de la gravite de leurmanquement (article 59sexies, S: 6, de l'arrete royal). En effet, ceschomeurs seraient dans des situations comparables et une difference detraitement ne serait pas raisonnablement justifiee.
Griefs
1. Pour pouvoir beneficier d'allocations, le chomeur doit remplir deux conditions qui sont cumulatives. Il « doit etre prive de travail et deremuneration par suite de circonstances independantes de sa volonte » (article 44 de l'arrete royal du 25 novembre 1991). Il doit aussi etredisponible pour le marche de l'emploi (article 56, S: 1er, de l'arreteroyal du 25 novembre 1991), ce qui implique qu'il recherche activement unemploi (article 58, S: 1er, de l'arrete royal du 25 novembre 1991).
L'article 51 de l'arrete royal du 25 novembre 1991 frappe d'une mesure d'exclusion (modulable dans les conditions prevues aux articles 52 et52bis du meme arrete et pouvant etre remplacee par un avertissement ouassortie d'un sursis par application de l'article 53bis, sauf en cas derecidive [article 53bis, S: 3]) le chomeur qui n'est pas prive de travailpar suite de circonstances independantes de sa volonte, notamment lechomeur qui abandonne son emploi ou refuse ou arrete de participer à unplan d'accompagnement du parcours d'insertion.
L'article 56, S: 2, du meme arrete royal prive le chomeur de sesindemnites de chomage pendant la duree de son indisponibilite pour lemarche de l'emploi, le chomeur ne repondant plus aux conditions d'octroides allocations de chomage quoiqu'il ait au depart ete prive de travailen raison d'evenements independants de sa volonte. Tel serait le cas duchomeur qui, ayant ete licencie pour des motifs qui ne lui sont pasimputables, ne rechercherait pas, par la suite, activement un emploi(article 58 de l'arrete royal du 25 novembre 1991).
2. Aux fins d'eviter une perte d'allocations de chomage par application del'article 56 de l'arrete royal du 25 novembre 1991, les articles 59bis à59decies du meme arrete organisent une procedure d' « activation » deschomeurs fondee sur un suivi personnalise par le directeur du bureau duchomage competent (ou les agents qui le remplacent en vertu de l'article1er , 5DEG, de cet arrete) et sur des mecanismes de nature contractuelle.
Celui-ci suit le chomeur vise à l'article 59bis, veille à ce qu'il soitaverti de ses obligations conformement à l'article 59ter et convoque lechomeur repondant aux conditions de l'article 59bis à un premierentretien d'evaluation des efforts qu'il a fournis pour s'inserer sur lemarche du travail (article 59quater).
Si, au terme de cet entretien, le directeur constate que le chomeur n'apas fourni des efforts suffisants pour s'inserer sur le marche dutravail, il invite celui-ci à souscrire un contrat par lequel ils'engage à des actions concretes adaptees à sa situation specifique(article 59quater, S: 5, specialement alineas 1er à 3, de l'arrete royaldu 25 novembre 1991).
L'execution de ces engagements contractuels est evaluee au cours d'unentretien organise conformement à l'article 59quinquies de l'arreteroyal du 25 novembre 1991 et, si le directeur constate que le chomeur n'apas respecte son engagement souscrit dans son contrat, il l'invite àsouscrire un nouveau contrat dont les actions concretes auxquelles lechomeur s'oblige sont adaptees à sa situation specifique (article 59quinquies, S: 5, specialement alineas 1er à 3). Le chomeur fait parailleurs l'objet d'une mesure d'exclusion pour une periode de quatre moisconformement à l'article 59quinquies, S: 6.
Le respect des engagements souscrits en vertu du second contrat est evaluelors d'un nouvel entretien organise conformement à l'article 59sexies del'arrete royal du 25 novembre 1991. Ce n'est que si le directeur constateque le chomeur n'a pas respecte son engagement que celui-ci est exclu dubenefice des allocations de chomage conformement à l'article 59sexies, S: 6, jusqu'à ce qu'il satisfasse à nouveau aux conditions prevues auxarticles 30 à 33 ou ait accompli un stage conformement à l'article59octies de l'arrete royal du 25 novembre 1991, ceci sans prejudice dudroit de l'interesse d'exercer le recours administratif prevu àl'article 59septies.
3. Il suit de ce qui precede que les mesures d'exclusion visees auxarticles 51 à 53bis de l'arrete royal du 25 novembre 1991, d'une part,et aux articles 59sexies, S:S: 6 et 7, et 59octies du meme arrete,d'autre part, frappent des chomeurs se trouvant dans des situationsdifferentes. Les premieres concernent l'hypothese du travailleur qui,ayant un emploi ou ayant la possibilite concrete d'en avoir un, est prived'emploi pour des raisons dependantes, partiellement au moins, de savolonte ou de son comportement, en contradiction avec l'article 44 del'arrete royal precite qui enonce une premiere condition d'obtention des indemnites de chomage, alors que les secondes concernent le chomeur qui n'ayant pas d'emploi, pour des raisons au depart independantes de savolonte, ne se montre pas, par la suite, disponible sur le marche del'emploi, en contradiction avec l'article 56 de cet arrete qui enonce uneseconde condition d'obtention des indemnites de chomage.
Par ailleurs, les mesures d'exclusion visees aux articles 51 et suivantsconcernent en principe un acte ou un comportement instantane du chomeuralors que les mesures visees à l'article 56sexies, S:S: 6 et 7, etsuivants sanctionnent des manquements contractuels repetes à desobligations souscrites par le chomeur dans deux conventions successivesau terme d'une longue procedure de suivi individualise par le directeurdu bureau du chomage, procedure mise en place pour aider le chomeur àsatisfaire à la condition de l'article 56 de l'arrete royal du 25novembre 1991.
Enfin, tant dans le cadre des articles 44, 51 et suivants de l'arreteroyal du 25 novembre 1991 que dans le cadre des articles 56, 59bis etsuivants, le Roi a organise une appreciation personnalisee ducomportement du chomeur. Si, dans le premier cas, elle est organisee en« aval », par une modulation de la sanction, dans le second, elle estorganisee en « amont », par une appreciation personnalisee ducomportement du chomeur qui va de pair avec une gradation des mesuresd'exclusion selon qu'il y a manquement au premier contrat seulement ou ausecond - ce qui implique un manquement repete non seulement aux articles56 et 58 de l'arrete royal du 25 novembre 1991 mais encore à la forceobligatoire qui s'attache aux contrats d'activation (articles 1134, alinea1er, du Code civil, 59quater, S: 5, et 59quinquies, S: 5, de l'arreteroyal du 25 novembre 1991).
Premiere branche
4. La regle de l'egalite des Belges devant la loi contenue dans l'article10 de la Constitution et celle de la non-discrimination dans lajouissance des droits et libertes reconnus aux Belges contenue dansl'article 11 de la Constitution impliquent que tous ceux qui se trouventdans la meme situation soient traites de la meme maniere mais n'excluentpas qu'une distinction soit faite entre differentes categories depersonnes pour autant que le critere de distinction soit susceptible dejustification objective et raisonnable par rapport aux buts et aux effetsde la mesure prise.
5. Il s'ensuit que l'arret n'a pu legalement considerer que la differencede regime applicable aux mesures d'exclusion visees à l'article 51 de l'arrete royal du 25 novembre 1991, d'une part, et à l'article 59sexies, S: 6, du meme arrete, d'autre part, etait generatrice d'une inegalite oud'une discrimination contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution.
En effet, les chomeurs vises par chacune des dispositions reglementairesse trouvent dans des situations differentes ayant pu - objectivement et raisonnablement - faire l'objet de categories distinctes. L'article 51censure un acte en principe instantane - ou isole - accompli encontradiction avec la condition de l'article 44 de l'arrete royal du 25novembre 1991, qui n'ouvre le droit aux allocations de chomage qu'à lacondition que le chomeur ait ete prive de travail par suite decirconstances independantes de sa volonte, alors que l'article 59sexies,S: 6, s'applique au chomeur repondant à la base à la condition del'article 44 de l'arrete royal du 25 novembre 1991 mais qui s'avere, auterme d'une longue procedure de suivi individuel, ne pas repondre demaniere repetitive et continue à la condition de l'article 56 del'arrete royal du 25 novembre 1991, à savoir etre disponible sur lemarche de l'emploi.
Par ailleurs, compte tenu du caractere repetitif et continu de cecomportement et du suivi individualise dont le chomeur beneficie et desengagements contractuels qu'il est appele à souscrire à cette occasionpour l'aider à remplir les conditions de l'article 56 precite, la mesured'exclusion de l'article 59sexies, S: 6, de l'arrete royal du 25novembre 1991 n'est disproportionnee ni par rapport à l'objectif poursuivi par le Roi ni par rapport aux mesures d'exclusion visees auxarticles 51 et suivants du meme arrete.
Il en est d'autant plus ainsi que, d'une part, l'article 52bis, S: 2,alinea 2, de l'arrete royal du 25 novembre 1991 dispose que « letravailleur perd le droit aux allocations s'il est ou s'il devient ànouveau chomeur au sens du paragraphe 1er » (donc au sens notamment del'article 52bis, S: 1er, 4DEG - arret ou echec d'un plan d'accompagnementou de parcours d'insertion) « dans l'annee qui suit l'evenement qui adonne lieu à une decision prise en application du paragraphe 1er avant ladate du nouvel evenement » et, d'autre part, que l'article 53bis, S: 3,interdit au directeur de remplacer par un avertissement ou d'assortird'un sursis la mesure d'exclusion visee, notamment à l'article 52bis, S:1er, 4DEG, « si, dans les deux ans qui precedent l'evenement, il y a euun evenement qui a donne lieu à l'application de l'article 52 ou52bis », donc en cas de manquements repetes.
Dans la mesure ou il faudrait rapprocher la situation des chomeurs visesà l'article 52bis, S: 1er, 4DEG, de l'arrete royal du 25 novembre 1991de celle des chomeurs vises à l'article 59sexies, S: 6, de ce dernier,il faudrait donc constater qu'ils sont traites de maniere comparable :dans les deux cas, en effet, ils sont frappes d'une mesure d'exclusiondefinitive en cas de manquements repetes.
6. L'arret viole ainsi les articles 10 et 11 de la Constitution.
Par suite, il viole l'article 59sexies, S: 6, de l'arrete royal du 25novembre 1991 en refusant de l'appliquer et l'article 108 de laConstitution en refusant de donner effet à une disposition reglementairequ'il etait au pouvoir du Roi d'adopter ainsi que l'article 159 de laConstitution et le principe general du droit vise au moyen en refusantd'appliquer un texte reglementaire alors qu'il n'est pas entache de l'inconstitutionnalite denoncee.
A tout le moins, l'arret viole les dispositions de l'arrete royal du 25 novembre 1991 visees au moyen (et, pour autant que de besoin, l'article1134, alinea 1er, du Code civil) en refusant de voir dans les articles 44et 56 dudit arrete des conditions complementaires mais distinctes dudroit à l'obtention des indemnites de chomage et dans les mesuresd'exclusion visees aux articles 51 et suivants et 59bis et suivants(specialement à l'article 59sexies, S: 6) des mesures visant dessituations distinctes et proportionnees, notamment en ce qu'ellesfrappent d'exclusion definitive des chomeurs commettant des manquementsrepetes (articles 52bis, S: 2, alinea 2, et 53bis, S: 3).
Seconde branche
7. Des lors, d'une part, que l'article 56, S: 1er, de l'arrete royal du 25novembre 1991 soumet l'octroi d'allocations de chomage à la conditionque le chomeur soit disponible sur le marche de l'emploi - condition quiimplique selon l'article 58 du meme arrete que le chomeur rechercheactivement un emploi - et, d'autre part, que l'arret constate que ladefenderesse avait manque au troisieme engagement qu'elle avait souscriten vertu de l'article 59quinquies, S: 5, de l'arrete royal precite etdonc qu'elle n'avait pas recherche activement un emploi, ceci de maniererepetee et continue (article 59quater, specialement S:S: 3 et 5,59quinquies, specialement S:S: 3 à 5, et 59sexies, specialement S:S:1er, 3 et 5, de l'arrete royal du 25 novembre 1991), l'arret, qui nereleve pas que les articles 56 et 58 de l'arrete royal du 25 novembre1991 seraient illegaux, n'a pu, apres avoir annule la decision administrative attaquee, retablir la defenderesse dans ses droits auxallocations de chomage à dater du 21 decembre 2009. Ce faisant, eneffet, il viole les articles 56 et 58 de l'arrete royal du 25 novembre1991 en meconnaissant la condition de disponibilite pour le marche del'emploi qu'ils instituent ou à tout le moins les articles 59quater(specialement S:S: 3 et 5), 59quinquies (specialement S:S: 3 à 5) et59sexies (specialement S:S: 1er, 3 et 5) de l'arrete royal du 25novembre 1991 en refusant de voir dans un manquement au second contratd'activation l'expression d'un manquement repete et continu auxconditions des articles 56 et 58 de cet arrete.
III. La decision de la Cour
Quant à la premiere branche :
La regle de l'egalite des Belges devant la loi, contenue dans l'article 10de la Constitution, et celle de la non-discrimination dans la jouissancedes droits et libertes qui leur sont reconnus, contenue dans l'article 11de la Constitution, implique que tous ceux qui se trouvent dans la memesituation soient traites de la meme maniere mais n'excluent pas qu'unedistinction soit faite entre differentes categories de personnes pourautant que le critere de distinction soit susceptible de justificationobjective et raisonnable ; l'existence d'une telle justification doits'apprecier par rapport au but et aux effets de la mesure prise ; leprincipe d'egalite est egalement viole lorsqu'il n'existe pas de rapportraisonnable de proportionnalite entre les moyens employes et le but vise.
Aux termes de l'article 51, S: 1er, alinea 1er, de l'arrete royal du 25novembre 1991 portant reglementation du chomage, le travailleur qui est oudevient chomeur par suite de circonstances dependant de sa volonte peutetre exclu du benefice des allocations conformement aux dispositions desarticles 52 à 54.
Ces articles enoncent les differents cas dans lesquels, pour la duree, auxconditions et suivant les modalites qu'ils determinent, le travailleurvise à l'article 51, S: 1er, alinea 1er, est ou peut etre exclu dubenefice des allocations de chomage, ou perdre le droit à celles-ci.
L'article 58, S: 1er, alinea 1er, de l'arrete royal du 25 novembre 1991dispose que, pour beneficier des allocations, le chomeur complet doitrechercher activement un emploi et doit etre et rester inscrit commedemandeur d'emploi.
Le directeur du bureau du chomage est charge par l'article 59bis, S: 1er,alinea 1er, du meme arrete de suivre le comportement de recherche actived'emploi du chomeur complet qui repond à certaines conditions.
La maniere dont le directeur remplit cette mission fait l'objet desarticles 59ter à 59decies, qui prevoient des mesures d'exclusion àl'egard des chomeurs qui ne se conforment pas aux obligations que cesdispositions leur imposent au cours de la procedure de suiviindividualise, assorties le cas echeant de plans d'accompagnement,qu'elles mettent en place.
Les travailleurs qui deviennent chomeurs par suite de circonstancesdependant de leur volonte et les chomeurs complets qui manquent à leurobligation de rechercher activement du travail constituent des categoriesde personnes que distingue un critere objectif et raisonnable des lors queles seconds seuls beneficient d'un suivi encadre de leurs efforts.
En ecartant, par application de l'article 159 de la Constitution,l'article 59sexies, S: 6, de l'arrete royal du 25 novembre 1991 au motifque l'exclusion que prevoit cette disposition ne peut faire l'objet demodalites comparables à celles qui peuvent assortir les mesuresequivalentes applicables au travailleur vise à l'article 51, S: 1er,alinea 1er, precite, l'arret, qui nie l'existence d'un critere objectif etraisonnable justifiant ce traitement different, viole les articles 10 et11 de la Constitution.
Le moyen, en cette branche, est fonde.
Et il n'y a pas lieu d'examiner la seconde branche du moyen, qui nesaurait entrainer une cassation plus etendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il rec,oit l'appel ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Vu l'article 1017, alinea 2, du Code judiciaire, condamne le demandeur auxdepens ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour du travail de Bruxelles.
Les depens taxes à la somme de trois cent cinquante-deux euros quaranteet un centimes envers la partie demanderesse et à la somme de centvingt-trois euros soixante-trois centimes envers la partie defenderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersMireille Delange, Michel Lemal, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du vingt et un septembre deux mille quinzepar le president de section Christian Storck, en presence de l'avocatgeneral Jean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.
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| L. Body | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
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| M. Lemal | M. Delange | Chr. Storck |
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21 SEPTEMBRE 2015 S.13.0008.F/16