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15/09/2015 | BELGIQUE | N°P.14.0561.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 15 septembre 2015, P.14.0561.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG P.14.0561.N

* I. K. C.,

* prevenu,

* demandeur en cassation,

* Me Patrick Arnou, avocat au barreau de Bruges,

* * contre

* 1. D. L.,

2. P. H.,

3. R. P.,

4. S.A. IMMOVA INTERNATIONAL,

parties civiles,

defendeurs en cassation,

* II. 1. A. D.,

* 2. H. T.,

* prevenus,

demandeurs en cassation,

Me Joachim Meese, avocat au barreau de Gand,

demandeur II.1 contre

1. D. L., precite,

2. E. S.,

3. P. H., prec

ite,

4. R. P., precite,

5. S.A. IMMOVA INTERNATIONAL, precitee,

parties civiles,

defendeurs en cassation,

demandeur II.2 contre

P. H., precite,

partie civile,

defendeur en...

Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG P.14.0561.N

* I. K. C.,

* prevenu,

* demandeur en cassation,

* Me Patrick Arnou, avocat au barreau de Bruges,

* * contre

* 1. D. L.,

2. P. H.,

3. R. P.,

4. S.A. IMMOVA INTERNATIONAL,

parties civiles,

defendeurs en cassation,

* II. 1. A. D.,

* 2. H. T.,

* prevenus,

demandeurs en cassation,

Me Joachim Meese, avocat au barreau de Gand,

demandeur II.1 contre

1. D. L., precite,

2. E. S.,

3. P. H., precite,

4. R. P., precite,

5. S.A. IMMOVA INTERNATIONAL, precitee,

parties civiles,

defendeurs en cassation,

demandeur II.2 contre

P. H., precite,

partie civile,

defendeur en cassation.

I. la procedure devant la cour

XII. XIII. Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 25 fevrier2014 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.

XIV. Le demandeur I fait valoir quatre moyens dans un memoire annexe aupresent arret, en copie certifiee conforme.

XV. Le demandeur II.1 fait valoir quatre moyens dans un memoire annexe aupresent arret, en copie certifiee conforme.

XVI. Il declare egalement se desister de son pourvoi, en tant qu'il estdirige contre la decision de remettre sine die l'examen definitif del'action civile du defendeur II.4.

XVII. Le demandeur II.2 fait valoir trois moyens dans un memoire annexeau present arret, en copie certifiee conforme.

XVIII. M. T. fait valoir trois moyens dans un memoire.

XIX. L'avocat general delegue Alain Winants a depose des conclusions augreffe de la Cour le 3 septembre 2015.

XX. A l'audience du 15 septembre 2015, le conseiller Filip Van Volsem afait rapport et l'avocat general delegue precite a conclu.

II. la decision de la cour

(...)

Sur le troisieme moyen du demandeur I :

20. Le moyen invoque la violation des articles 15.1 du Pacte internationalrelatif aux droits civils et politiques et 2, alinea 2, du Code penal :l'arret prononce la confiscation de l'arme de defense Long Rifle Martin 70P calibre 22, objet de l'infraction de la prevention F en la cause I (not.20.98.2304/05), sur la base de la loi du 3 janvier 1933 relative à lafabrication, au commerce et au port des armes et au commerce desmunitions ; cette loi a ete abrogee par l'article 47 de la loi du 8 juin2006 reglant des activites economiques et individuelles avec des armes ;l'arret constate que le fait est punissable tant selon l'ancienne que lanouvelle loi, mais omet de constater que la loi du 3 janvier 1933 seraitla loi penale la plus favorable ; ainsi, la confiscation precitee quirepresente une peine accessoire, n'est pas legalement justifiee.

21. L'article 17, alinea 3, de la loi du 3 janvier 1933 disposait que,sans prejudice de l'application de l'article 4, alinea 2, de ladite loi,la confiscation est prononcee conformement à l'article 42 du Code penal.Toutefois, en cas d'infraction aux dispositions reglementaires prises envertu de l'article 25 de la loi du 3 janvier 1933, le juge peut ne pas laprononcer.

L'article 23, alinea 4, de la loi du 8 juin 2006 dispose que, sansprejudice de l'application de l'article 8, alinea 2, la confiscation estprononcee conformement à l'article 42 du Code penal. Toutefois, en casd'infraction aux dispositions reglementaires prises en vertu de l'article35, 7DEG, le juge peut ne pas la prononcer.

22. La confiscation attaquee est ainsi legalement justifiee tant en vertude l'ancienne que de la nouvelle loi.

Le moyen est irrecevable, à defaut d'interet.

Sur le quatrieme moyen du demandeur I :

23. Le moyen invoque la violation des articles 6, 1131, 1133, 1382, 1383du Code judiciaire, 17 et 18 du Code judiciaire : l'arret declarerecevables et fondees les constitutions de partie civile formees enreclamation des billets de banque sciemment mis à la disposition desprevenus, dont le demandeur, pour l'application du « procede wash-wash »et qui auparavant etaient entres legitimement en possession des partiesciviles ; les personnes qui mettent cet argent à la disposition en vue dela commission d'une infraction visant à soutirer egalement un gain decette infraction n'ont toutefois pas d'interet legitime pour se constituerpartie civile, independamment du fait qu'elles ont obtenu de manierelegitime ce qui a ete mis à la disposition ; la reparation d'un dommagesubi de maniere illegitime est exclu.

24. Il n'y a pas lieu de repondre au moyen, dans la mesure ou il estdirige contre la decision de l'arret rendue sur les actions civiles desdefendeurs I.2, I.3 et I.4, qui a fait l'objet d'un pourvoi irrecevabledes demandeurs.

25. Dans la mesure ou il ne precise pas en quoi consiste la violation del'article 18 du Code judiciaire, le moyen est irrecevable, à defaut deprecision.

26. Le juge penal ne peut accorder de dommages et interets à une partiecivile que dans la mesure ou l'action introduite par cette partie visel'indemnisation du dommage cause par une infraction.

Dans la mesure ou il est deduit de la premisse que les dispositions desarticles 1131 et 1133 du Code judiciaire sont applicables à l'actioncivile par laquelle une partie reclame ce qu'elle a volontairement paye àun tiers qui a commis fraude, manoeuvre ou escroquerie pour le soutirer,le moyen manque en droit.

27. En vertu de l'article 17 du Code judiciaire, l'action ne peut etreadmise si la personne lesee n'a pas interet pour la former.

L'atteinte portee à un interet ne peut donner lieu à une action que s'ils'agit d'un interet legitime. La circonstance que la personne lesee setrouve dans une situation illegitime n'exclut pas qu'elle puisse seprevaloir de l'atteinte portee à un interet legitime.

Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyenmanque, à nouveau, en droit.

28. Les juges d'appel ont considere que :

- les parties civiles, dont le defendeur I.1, n'ont pas reclame le gain(illegal) que leur ont fait miroiter les prevenus, dont le demandeur I, enleur faisant croire que l'argent pouvait etre multiplie, et que la demandene vise pas davantage le maintien d'une situation illegitime ;

- les parties civiles, dont le defendeur I.1, reclament uniquement leurargent gagne de maniere reguliere et non infractionnelle et rien ne permetde prouver le contraire.

Par ces motifs, ils ont justifie legalement leur decision selon laquellele defendeur I.1 a un interet legitime à reclamer la restitution dessommes d'argent qu'il a confiees notamment au demandeur qu'ils ont reconnucoupable d'escroquerie.

Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le premier moyen du demandeur II.1 :

Quant à la premiere branche :

29. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6.1 et6.3.c de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, ainsi que la meconnaissance des principes generaux du droitrelatifs au droit à un proces equitable et au respect des droits de ladefense : l'arret declare l'action publique recevable et condamne ledemandeur à une peine, apres avoir constate qu'il n'a pas ete assiste parun avocat lors des auditions, prealablement à la decision de le placersous mandat d'arret ; un suspect qui se trouve en position vulnerable doitbeneficier de l'assistance d'un conseil, avant et pendant l'audition ; sila loi exclut systematiquement toute assistance d'un conseil pour unsuspect prive de liberte, il s'agit automatiquement d'une presomptionirrefragable de violation du droit à un proces equitable, de sorte queles juges d'appel ne pouvaient conclure à la recevabilite de l'actionpublique.

30. Le droit d'etre assiste d'un avocat consacre à l'article 6, S: 3, dela Convention, tel qu'interprete par la Cour europeenne des droits del'homme, implique que l'assistance d'un avocat doit etre accordee durantl'integralite de l'information, sous reserve de la demonstration, à lalumiere des circonstances particulieres de la cause, de raisonsimperieuses ayant conduit à restreindre ce droit. Meme dans ce cas, unetelle restriction, quelle qu'en soit sa justification, ne peut restreindreillegalement les droits du prevenu consacres aux articles 6, S: 1er, et 6,S: 3, de la Convention.

31. Les droits de la defense et le droit à un proces equitable sont, enprincipe, violes lorsqu'un suspect prive de liberte fait des declarationsau cours d'une audition par la police, sans avoir la possibilite d'etreassiste d'un avocat.

De cette circonstance ne resulte toutefois pas automatiquementl'impossibilite definitive d'examiner de maniere equitable la cause d'unsuspect.

Lorsqu'il n'a manifestement pas ete fait usage d'abus ou de contrainte etque le prevenu ou l'accuse ne s'est pas trouve dans une positionvulnerable au moment de l'audition et durant l'instruction ou qu'un remedeeffectif et adapte a ete apporte à cette position, le caractere equitabledu proces reste garanti.

32. Le fait qu'au moment de l'instruction judiciaire menee en l'espece, lalegislation belge ne prevoyait pas l'assistance d'un avocat pendantl'audition par les services de police et par le juge d'instructionprealablement à la privation de liberte, doit s'apprecier à la lumierede l'ensemble des garanties legales que cette meme legislation offre auprevenu ou à l'accuse pour preserver ses droits de defense et son droità un proces equitable.

33. La brievete du delai constitutionnel de la privation de liberte, lesformalites imposees pour l'audition du suspect par l'article 47bis du Coded'instruction criminelle, la remise immediate au suspect, au moment de lasignification du mandat d'arret, de toutes les pieces visees aux articles16, S: 7, et 18, S:S: 2, de la loi du 20 juillet 1990 relative à ladetention preventive, le droit du suspect de communiquer sur-le-champ avecson avocat, conformement à l'article 20, S: 1er et 5, de ladite loi,l'acces au dossier avant la comparution devant la juridictiond'instruction tel qu'il est organise par l'article 21, S: 3, ainsi que lesdroits vises notamment aux articles 61ter, 61quater, 61quinquies, 127,135, 136 et 235bis du Code d'instruction criminelle, l'acces au dossier etla possibilite du prevenu de communiquer librement avec son avocat aucours de la procedure devant la juridiction de jugement, peuventconstituer, dans leur ensemble, des remedes effectifs et adaptes au defautd'assistance d'un avocat au cours de l'audition par la police. Ilspermettent effectivement au prevenu ou à l'accuse d'exercer pleinementses droits de defense tout au long de la procedure penale et garantissentson droit à un proces equitable.

34. Dans la mesure ou il invoque que le defaut d'assistance d'un avocatlors de l'audition prealable à une privation de liberte entraine lapresomption irrefragable que le droit à un proces equitable estirremediablement viole et que l'action publique s'en trouve irrecevable,le moyen, en cette branche, manque en droit.

35. Par ailleurs, il appartient au juge, à la lumiere des elementsconcrets de la cause, de verifier si l'absence d'un avocat lors d'uneaudition par la police ou par le juge d'instruction a porte atteinte audroit à un proces equitable et aux droits de defense du suspect.

36. Les juges d'appel ont considere que :

- le demandeur a ete place sous mandat d'arret le 22 janvier 2006 par lejuge d'instruction de Courtrai ;

- des ecrits envoyes par telecopie l'ont informe de l'heure et de la datede l'examen devant la chambre du conseil relatif au premier maintien ounon du mandat d'arret ;

- il a pu s'entretenir avec son conseil des cet instant ;

- il a ete libere sous conditions le 9 mai 2006 ;

- le juge du fond a principalement fonde sa decision relative à laculpabilite du demandeur sur d'autres elements du dossier repressif, dontles declarations des victimes, des conversations telephoniquesenregistrees, les reperages des appareils telephoniques des differentespersonnes concernees, les resultats des perquisitions et des observationsde la police, à savoir tous des elements qui auraient egalement eterecueillis en l'absence des declarations precitees ;

- les prevenus, dont le demandeur, ont eu la possibilite devant le premierjuge et devant la cour d'appel, d'exposer leur point de vue concernantleurs propres declarations et celles des autres suspects et co-prevenuset, le cas echeant, d'en debattre ;

- plusieurs co-prevenus et d'autres suspects n'ont pas retire leursdeclarations incriminantes.

37. Par ces motifs, les juges d'appel ont decide que les droits de defensedu demandeur dans cette procedure penale, qui doit etre consideree dansson ensemble, n'ont, en l'espece, pas ete irremediablement violes et qu'iln'y a pas davantage lieu de declarer l'action publique irrecevable. Ainsi,la decision est legalement justifiee.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la seconde branche :

38. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6.1 et6.3.c de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, ainsi que la meconnaissance des principes generaux du droitrelatifs au droit à un proces equitable et au respect des droits de ladefense : l'arret declare l'action publique recevable et condamne ledemandeur à une peine, apres avoir constate qu'il n'a pas ete assiste parun avocat lors des auditions, prealablement à la decision de le placersous mandat d'arret ; le juge doit, en tout cas, verifier s'il n'est pasporte ainsi irremediablement atteinte au droit du demandeur à un procesequitable ; il y a lieu de verifier que les declarations ne sont pasutilisees par le juge à titre de preuve determinante, qu'aucun abus nipressions n'ont ete manifestement exerces et que le prevenu ou l'accuse nese trouvait pas dans une position vulnerable au moment de l'audition ou aucours de l'instruction ou qu'il a ete remedie d'une maniere effective etadaptee à la position vulnerable du prevenu ou de l'accuse ; la decisionqui, sans proceder à cet examen, conclut que le proces s'est malgre toutderoule equitablement n'est pas legalement justifiee.

39. Ni les principes generaux du droit relatifs au droit à un procesequitable et au respect des droits de la defense, ni les articles 6.1 et6.3.c de la Convention ne requierent que le juge appele à decider si lesdroits de defense d'un suspect ou d'un prevenu ayant ete entendu sans etreassiste d'un avocat sont irremediablement violes, constate toujoursexpressement, en l'absence de conclusions en ce sens, que les declarationsn'ont pas ete utilisees par le juge comme etant des preuves determinantes,qu'aucun abus ni pression n'ont ete manifestement exerces et que leprevenu ne se trouvait pas dans une position particulierement vulnerableau moment de l'audition ou au cours de l'instruction ou qu'il a eteremedie d'une maniere effective et adaptee à la position particulierementvulnerable du prevenu ou de l'accuse.

Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyen,en cette branche, manque en droit.

40. Par les motifs enonces en reponse au moyen, en sa premiere branche,les juges d'appel ont examine si, en cette procedure penale qui doit etreconsideree dans son ensemble, les droits de defense du demandeur n'ont pasete irremediablement violes en l'espece et s'il n'y a pas lieu de declarerl'action publique irrecevable, et ils ont justifie legalement leurdecision que tel n'est pas le cas en l'espece.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

(...)

Le controle d'office

52. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et les decisions sont conformes à la loi.

Par ces motifs,

* * La Cour

* Decrete le desistement tel que demande par le demandeur II.1 ;

Rejette les pourvois pour le surplus ;

Condamne les demandeurs aux frais de leur pourvoi.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction de president,Alain Bloch, Antoine Lievens, Erwin Francis et Sidney Berneman,conseillers, et prononce en audience publique du quinze septembre deuxmille quinze par Filip Van Volsem, conseiller faisant fonction depresident, en presence de l'avocat general delegue Alain Winants, avecl'assistance du greffier delegue Veronique Kosynsky.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Benoit Dejemeppe ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.

Le greffier, Le conseiller,

15 SEPTEMBRE 2015 P.14.0561.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.14.0561.N
Date de la décision : 15/09/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 16/12/2016
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-09-15;p.14.0561.n ?
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