Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG C.15.0006.F
ETAT BELGE, represente par le ministre de la Mobilite, dont le cabinet estetabli à Anderlecht, rue Ernest Blerot, 1,
demandeur en cassation,
represente par Maitre Paul Wouters, avocat à la Cour de cassation, dontle cabinet est etabli à Louvain, Koning Leopold I-straat, 3, ou il estfait election de domicile,
contre
BALLA ZOLTAN FALCO, societe de droit slovaque dont le siege est etabli àVel'ky Krtis (Slovaquie), Kamenne Kosihy, 147,
defenderesse en cassation.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre les arrets rendus les
6 decembre 2012 et 12 septembre 2013 par la cour d'appel de Liege.
Le president de section Christian Storck a fait rapport.
L'avocat general Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
Le demandeur presente deux moyens libelles dans les termes suivants :
Premier moyen
Dispositions legales violees
- articles 138, 15DEG, 172, 174 et 200 du Code d'instruction criminelle ;
- articles 35, S: 5, et 36 de la loi du 3 mai 1999 relative au transportde choses par route, dans leur version precedant leur abrogation par laloi du
15 juillet 2013 relative au transport de marchandises par route, portantexecution du reglement (CE) nDEG 1071/2009 du Parlement europeen et duConseil du 21 octobre 2009 etablissant des regles communes sur lesconditions à respecter pour exercer la profession de transporteur parroute et abrogeant la directive 96/26/CE du Conseil, et portant executiondu reglement (CE)
nDEG 1072/2009 du Parlement europeen et du Conseil du 21 octobre 2009etablissant des regles communes pour l'acces au marche du transportinternational de marchandises par route.
Decisions et motifs critiques
L'arret attaque du 6 decembre 2012 declare l'appel recevable aux motifsque « l'appel a ete interjete dans les formes et delais legaux ; que sarecevabilite n'est pas contestee et qu'il n'existe aucun moyend'irrecevabilite à soulever d'office par la cour [d'appel], et qu'enconsequence, l'appel doit etre declare recevable ».
Griefs
1. L'article 138 du Code d'instruction criminelle dispose que « [letribunal de police] connait, en outre, et sans prejudice du droit duprocureur du Roi de proceder à une information ou de requerir instructionsur les delits : [...] 15DEG des delits dont la connaissance lui estattribuee par une disposition speciale ».
L'article 35, S: 5, de la loi du 3 mai 1999 relative au transport dechoses par route prevoyait, avant son abrogation, que « les tribunaux depolice connaissent des infractions visees à l'article 36 ».
En vertu dudit article 36, « est punissable la transgression desdispositions de la pr.sente loi et de ses arr.t.s d'ex.cution concernant :1DEG l'obligation d'etre titulaire d'une licence de transport valableconform.ment aux articles 5, S:S: 1er et 6, ainsi que, dans les cas fix.spar le Roi, en vertu de l'article 22, S: 1er, 2DEG ».
Il se deduit de l'ensemble des dispositions precitees que seul le tribunalde police est competent pour connaitre des infractions à l'obligationd'etre titulaire d'une licence de transport valable.
2. La competence des tribunaux de police est d'ordre public.
Le litige defere, d'abord, au tribunal de premiere instance d'Eupen et,ensuite, à la cour d'appel de Liege porte sur la contestation d'uneinfraction à la loi du 3 mai 1999 precitee et, plus particulierement,celle de ne pas avoir ete titulaire d'une licence de transport valable.
Il s'ensuit que l'arret attaque du 6 decembre 2012 viole les articles 138,15DEG, du Code d'instruction criminelle, 35, S: 5, et 36 de la loi du 3mai 1999 en ce qu'il declare l'appel recevable et declare par consequentla cour d'appel competente alors que, selon lesdites dispositions quiprevoyaient une competence exclusive et d'ordre public du tribunal depolice en premiere instance, seul le tribunal correctionnel etaitcompetent pour connaitre de l'appel (violation des articles 138, 15DEG,172, 174 et 200 du Code d'instruction criminelle, 35, S: 5, et 36 de laloi du 3 mai 1999).
Second moyen
Dispositions legales violees
Articles 32 et 33 de la loi du 3 mai 1999 relative au transport de chosespar route, dans leur version precedant leur abrogation par la loi du 15juillet 2013 relative au transport de marchandises par route, portantexecution du reglement (CE) nDEG 1071/2009 du Parlement europeen et duConseil du
21 octobre 2009 etablissant des regles communes sur les conditions àrespecter pour exercer la profession de transporteur par route etabrogeant la directive 96/26/CE du Conseil, et portant execution dureglement (CE)
nDEG 1072/2009 du Parlement europeen et du Conseil du 21 octobre 2009etablissant des regles communes pour l'acces au marche du transportinternational de marchandises par route
Decisions et motifs critiques
L'arret attaque du 12 septembre 2013 declare l'appel fonde et, reformantle jugement entrepris, condamne le demandeur au remboursement à ladefenderesse de la somme de 1.750 euros à majorer des interets legauxdepuis le 18 juillet 2003 ainsi qu'aux depens des deux instances liquidesdans le chef de la defenderesse à 1.227,48 euros.
Apres avoir constate, dans l'arret du 6 decembre 2012, que :
« Le chauffeur du vehicule a incontestablement reconnu l'infractionpuisqu'il a procede ou fait proceder au versement de l'amende eteignantl'action publique. Les considerations de [la defenderesse] relatives aupaiement d'une consignation sont contredites formellement par lesindications figurant sur le rec,u en sorte que les conclusions qu'elle endeduit doivent etre tenues pour non pertinentes et etrangeres au debat ;
L'affirmation de [la defenderesse] selon laquelle son prepose aurait eteen possession d'une licence de transport valable semble contredite par lefait que les agents verbalisateurs ont constate le contraire comme celaresulte du rec,u relatif au paiement de la somme de 1.750 euros,constatations des verbalisateurs qui valent jusqu'à preuve contraire ;
Il n'est, par ailleurs, pas contestable que la somme de 1.750 euros a eteversee à l'intervention d'un tiers, la firme Heinen, intervenant pour lecompte de DKV, conventionnee avec [la defenderesse] pour prendre en chargecertains couts inattendus, dont l'amende qui a ete versee ;
Il est donc manifeste que le versement effectue par une firme belge, dontle personnel pratique tant l'allemand que le franc,ais, a ete effectue enparfaite connaissance de cause du motif pour lequel le versement reclame aete effectue ;
La cour [d'appel] constate cependant que [la defenderesse] produit à sondossier une copie de la licence datee du 17 juillet 2003, jour precedantle versement et la saisie du document qui a fait litige, et valablejusqu'au
31 janvier 2004 selon les indications qui y figurent, tandis que ledossier de l'Etat belge, qui n'indique pas en quoi la copie du documentsaisi et presente à la cour [d'appel] aurait fait l'objet d'unemanipulation, ne contient nullement l'original de la licence saisie parles verbalisateurs ;
Il resulte cependant bien de la piece produite par [la defenderesse]qu'une licence a ete montree aux verbalisateurs puisque ceux-ci l'ontconsideree comme n'etant pas en regle ;
La cour [d'appel] estime des lors que le dossier n'est pas en etat etqu'il y a lieu de rouvrir les debats pour permettre [au demandeur] des'expliquer sur la `manipulation' de la licence saisie et transmise à ladirection du ministere de la Mobilite et des Transports, Cantersteen, 12,à Bruxelles, ainsi que de fournir à la cour [d'appel] l'original de lalicence contestee, [le demandeur] s'etant contente de deposer à sondossier quelques decisions de jurisprudence et les travaux preparatoiresde la loi du 1er aout 1960, pourtant expressement abrogee par l'article 42de la loi du 3 mai 1999, ce que le premier juge avait dejà releve dansson jugement »,
l'arret attaque du 12 septembre 2013 se fonde sur les motifs suivants :
« Il ressort des explications fournies par [le demandeur] que le dossiercontenant la licence internationale de transport a ete pilonne parl'administration des douanes au motif qu'il aurait ete cloture et ne peutdonc plus etre produit ;
[Le demandeur] a fait valoir que le document constatant la perception des1.750 euros qui font litige est un document de perception immediate (etnon de consignation) visant à mettre fin à l'action publique d'uneinfraction reconnue tandis que [la defenderesse] argue de l'existenced'une consignation ;
La cour [d'appel] constate que [le demandeur] ne peut finalement produireque la declaration du verbalisateur faisant etat d'une manipulation, motqui n'est pas un terme juridique precis ;
La cour [d'appel] ne peut donc juger de ce que ce terme recouvre puisquela licence qui a ete produite à ce moment ne peut etre presentee ;
Le fait qu'un proces-verbal d'un agent assermente vaille jusqu'à preuvedu contraire ne vaut que pour la constatation de faits et non pour lesinterpretations de ceux-ci ;
La constatation de l'agent ne precise pas en quoi la manipulation a puconsister ;
Il n'est donc pas permis à la cour [d'appel] d'apprecier si le formulairede perception immediate rempli par l'agent C. H. et faisant etat d'une`manipulation' sans en preciser la nature ou la forme etait ou nonjustifiee ;
Le simple aveu du chauffeur n'est pas suffisant pour considerer qu'il y aeu infraction dans les circonstances decrites au dossier ;
L'appel doit donc etre declare fonde, la perception immediate arguee par[le demandeur] n'etant pas justifiee à suffisance ».
Griefs
1. L'article 32 de la loi du 3 mai 1999 prevoyait avant son abrogation :
« S: 1er. Lors de la constatation, dans un lieu public, d'une desinfractions à la presente loi et à ses arretes d'execution visees àl'article 36, il peut, si le fait n'a pas cause de dommage à autrui etmoyennant l'accord de l'auteur de l'infraction, etre perc,u, soitimmediatement, soit dans un delai determine par le Roi, une somme dont lemontant ne peut etre superieur au maximum de l'amende prevue pour cetteinfraction, majore des decimes additionnels.
S: 2. Le paiement eteint l'action publique, sauf si le ministere publicnotifie à l'interesse, dans le mois à compter du jour du paiement, qu'ilentend exercer cette action.
La notification a lieu par pli recommande à la poste ; elle est reputeefaite le premier jour ouvrable suivant celui du depot fait à la poste ».
L'article 33 de ladite loi disposait en son paragraphe 1er :
« Si l'auteur de l'infraction, constatee dans un lieu public, n'a pas dedomicile ou de residence fixe en Belgique et ne paie pas immediatement lasomme proposee, il doit consigner entre les mains des agents vises àl'article 25 une somme destinee à couvrir l'amende et les frais dejustice eventuels ».
La loi du 3 mai 1999 laissait donc deux possibilites à l'auteur d'uneinfraction aux regles relatives au transport de choses par route :
- soit la perception immediate qui a pour effet d'eteindre l'actionpublique ;
- soit la consignation d'une somme destinee à couvrir l'amende et lesfrais de justice eventuels.
La cour d'appel a constate dans l'arret du 6 decembre 2012 que « lechauffeur du vehicule a incontestablement reconnu l'infraction puisqu'il aprocede ou fait proceder au versement de l'amende eteignant l'actionpublique » et que « les considerations de [la defenderesse] relativesau paiement d'une consignation sont contredites formellement par lesindications figurant sur le rec,u ».
Constatant que le paiement avait ete fait au titre de perception, la courd'appel devait donc conclure au non-fondement de la demande des lors quela perception cloture « le litige », l'action publique etant eteinte àl'expiration du mois ayant suivi le paiement.
Il s'ensuit que l'arret attaque du 12 septembre 2013 viole les articles 32et 33 de la loi du 3 mai 1999 en ce qu'il declare l'appel fonde et seprononce à nouveau sur l'existence ou non de l'infraction, alors que,constatant l'existence d'une perception immediate - sans avoir constatequ'une notification du ministere public est intervenue dans le mois àcompter du jour du payement, par laquelle il informait la defenderesse del'exercice de l'action publique -, il se devait de conclure àl'extinction de l'action publique et, partant, à la forclusion du droitde contester l'infraction (violation des articles 32 et 33 de la loi du 3mai 1999).
III. La decision de la Cour
Sur le premier moyen :
Des lors que, dans ses conclusions precedant l'arret attaque du
6 decembre 2012, il a invite la cour d'appel à dire l'appel de ladefenderesse recevable, le demandeur est sans interet à critiquer ladisposition de cet arret qui, recevant ce recours, ne lui inflige pasgrief.
Le moyen est irrecevable.
Sur le second moyen :
Aux termes de l'article 32, S: 1er, de la loi du 3 mai 1999 relative autransport de choses par route, lors de la constatation, dans un lieupublic, d'une des infraction visees à l'article 36, il peut, si le faitn'a pas cause de dommage à autrui et moyennant l'accord de l'auteur del'infraction, etre perc,u, soit immediatement, soit dans un delaidetermine par le Roi, une somme dont le montant ne peut etre superieur aumaximum de l'amende prevue pour cette infraction, majore des decimesadditionnels.
En son paragraphe 2, cet article dispose que le paiement eteint l'actionpublique, sauf si le ministere public notifie à l'interesse, dans le moisà compter du jour du paiement, qu'il entend exercer cette action.
L'arret d'avant dire droit du 6 decembre 2012 constate que « le litigeporte sur un montant de 1.750 euros qu'un sieur S. S., prepose de la[defenderesse] et surpris au volant d'un vehicule de transport decelle-ci, a ete contraint de payer au titre d'amende pour eviter la saisiedu vehicule au motif qu'il n'etait pas en possession d'une licence detransport valable, celle-ci ayant ete, selon les constatations desverbalisateurs, manipulee », et considere que « le chauffeur du vehiculea [...] reconnu l'infraction puisqu'il a procede ou fait proceder auversement de l'amende eteignant l'action publique » et que « lesconsiderations de la [defenderesse] relatives au paiement d'uneconsignation sont contredites formellement par les indications figurantsur le rec,u ».
L'arret attaque du 12 septembre 2013, qui ne constate pas que le ministerepublic aurait notifie à l'auteur de l'infraction, dans le delai prescritpar la loi, son intention d'exercer l'action publique, n'a pu, sans violerl'article 32, S: 2, de la loi du 3 mai 1999, condamner le demandeur àrembourser à la defenderesse la somme ayant fait l'objet de la perceptionimmediate pour des motifs d'ou il se deduit que l'arret tient l'infractionpour non etablie.
Le moyen est fonde.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque du 12 septembre 2013 ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;
Condamne le demandeur à la moitie des depens ; en reserve l'autre moitiepour qu'il soit statue sur celle-ci par le juge du fond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Mons.
Les depens taxes à la somme de cinq cent cinquante-neuf euroscinquante-cinq centimes envers la partie demanderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, le conseiller DidierBatsele, le president de section Albert Fettweis, les conseillers MichelLemal et
Marie-Claire Ernotte, et prononce en audience publique du onze septembredeux mille quinze par le president de section Christian Storck, enpresence de l'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistance dugreffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | M.-Cl. Ernotte | M. Lemal |
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| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
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11 SEPTEMBRE 2015 C.15.0006.F/1