Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG F.14.0128.F
CABINET MEDICAL DU DOCTEUR Y. D., societe civile ayant adopte la forme dela societe privee à responsabilite limitee,
demanderesse en cassation,
representee par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,
contre
ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12,
defendeur en cassation,
represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 9 septembre2013 par la cour d'appel de Liege.
Le 31 juillet 2015, le premier avocat general Andre Henkes a depose desconclusions au greffe.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et le premier avocatgeneral Andre Henkes a ete entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- articles 10 et 11 de la Constitution ;
- articles 2, 1315, 1349 et 1353 du Code civil ;
- articles 6 et 870 du Code judiciaire ;
- article 371 du Code des impots sur les revenus 1992, tel qu'il etait envigueur apres sa modification par la loi du 15 mars 1999 et avant samodification par la loi-programme du 20 juillet 2006, tel qu'il etait envigueur apres sa modification par la loi-programme du 20 juillet 2006 etavant sa modification par la loi du 19 mai 2010, tel qu'il etait envigueur apres sa modification par la loi du 19 mai 2010 et avant samodification par la loi du 17 juin 2013 et tel qu'il est en vigueur depuissa modification par la loi du
17 juin 2013 ;
- principe general du droit de la separation des pouvoirs, (tel qu'ils'induit notamment des articles 33, specialement alinea 2, 36, 40, 109,144 et 145 de la Constitution et 6 du Code judiciaire) ;
- principe general du droit de la non-retroactivite des lois, consacre parl'article 2 du Code civil.
Decisions et motifs critiques
Par confirmation du jugement du premier juge du 3 juin 2010, l'arretattaque declare non recevables la reclamation et le recours judiciaireintroduits par la demanderesse contre un enrolement à l'impot dessocietes relatif à l'exercice 2000 etabli à sa charge sous l'article814002401 du role forme pour la commune de ...
L'arret attaque fonde cette decision notamment sur les motifs suivants :
« En l'espece, la reclamation de la (demanderesse) a ete introduite le 26juin 2003 (...) alors que la cotisation litigieuse porte la date d'envoidu
20 novembre 2001(...). La (demanderesse) soutient n'avoir prisconnaissance de l'avertissement-extrait de role litigieux que lors d'unerencontre au bureau de recette de Namur 4 en date du 22 mai 2003.
L'avertissement-extrait de role porte la date d'envoi du 20 novembre 2001et a ete regulierement adresse au siege de la (demanderesse) à ... (...).
Cet avertissement-extrait de role n'a du reste pas fait retour et il peutetre presume, sauf preuve contraire, qu'il a bien ete envoye à la datementionnee.
On peut lire à cet egard `que le delai prevu à l'article 371 du Code desimpots sur les revenus 1992 dans lequel la reclamation doit etrepresentee, sous peine de decheance, prend cours à partir du jour suivantl'envoi effectif de l'avertissement-extrait de role, lorsque cet envoi estregulier ; que, sauf preuve contraire, cette date est la date figurant surl'avertissement-extrait de role comme etant celle de l'envoi ; que lasimple allegation du redevable suivant laquelle l'avertissement-extrait derole n'a pas ete envoye ne peut avoir pour effet que l'administration quisoutient avoir effectue l'envoi de ce document à l'adresse exacte duredevable et dans les formes requises soit tenue d'apporter en outre lapreuve de ce que l'envoi a effectivement eu lieu' (Cass., 15 juin 2001,F.J.F., 2002, nDEG2002-26).
La (demanderesse) ne produit aucun element permettant de rapporter lapreuve contraire.
Le delai pour introduire une reclamation court à partir de la date àlaquelle la lettre, portant l'avertissement-extrait de role ou l'avis decotisation à la connaissance du destinataire par courrier ordinaire, estpresumee avoir ete presentee à ce destinataire et non à partir de ladate à laquelle la lettre a ete confiee aux services de la poste (cf.Cass., 12 novembre 2009, F.08.0049.N) et cette presentation d'un plisimple peut etre presumee avoir ete realisee le jour ou le destinataire apu, en toute vraisemblance, en avoir connaissance, soit le troisieme jourouvrable qui suit celui ou l'avis d'imposition ou l'avertissement-extraitde role a ete remis aux services de la poste, sauf preuve contraire dudestinataire (cf. Cour constitutionnelle, arret nDEG 162/2007 du
19 decembre 2007), de sorte que le delai de trois mois prevu à l'article371 du Code des impots sur les revenus 1992 dans une application conformeà l'arret de la Cour constitutionnelle commence à courir depuis letroisieme jour ouvrable qui suit celui ou l'avis d'imposition oul'avertissement-extrait de role a ete remis aux services de la poste, saufpreuve contraire du destinataire.
Cette preuve contraire n'est nullement rapportee par la (demanderesse) etle report du point de depart du delai de reclamation est sans incidence enl'espece des lors que la reclamation a ete introduite plus de 19 moisapres l'envoi de l'avertissement-extrait de role (...). Il s'ensuit que lareclamation de la (demanderesse) est tardive et l'irrecevabilite de lareclamation entraine l'irrecevabilite de l'action de la (demanderesse) ».
Griefs
Premiere branche
1. Dans sa version applicable à l'epoque des faits litigieux, l'article371 CIR etait redige dans les termes suivants :
« Les reclamations doivent etre motivees et introduites, sous peine dedecheance, dans un delai de trois mois à partir de la date d'envoi del'avertissement-extrait de role mentionnant le delai de reclamation ou del'avis de cotisation ou de celle de la perception des impots perc,usautrement que par role ».
Par son arret 162/2007 du 19 decembre 2007, la Cour constitutionnelle adit pour droit que « l'article 371 du Code des impots sur les revenus1992 viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu'il disposeque le delai de recours court à partir de la date d'envoi figurant surl'avertissement-extrait de role mentionnant le delai de reclamation ».
C'est seulement par la loi du 19 mai 2010 (publiee au Moniteur du
28 mai 2010 et ne contenant aucune disposition relative à son entree envigueur) que le legislateur a remedie à l'inconstitutionnalite entachantl'article 371 du Code des impots sur les revenus 1992, en modifiant lepoint de depart du delai de reclamation (qui avait ete porte à six moispar la loi-programme du 20 juillet 2006). Tel que modifie par la loiprecitee du 19 mai 2010, l'article 371 dispose :
« Les reclamations doivent etre motivees et introduites, sous peine dedecheance, dans un delai de six mois à compter du troisieme jour ouvrablequi suit la date d'envoi de l'avertissement-extrait de role mentionnant ledelai de reclamation, telle qu'elle figure sur l'avertissement-extrait derole, ou qui suit la date de l'avis de cotisation ou de la perception desimpots perc,us autrement que par role ».
2. Lorsque la Cour constitutionnelle a annule une disposition legale oulorsque, statuant sur question prejudicielle, elle a juge une dispositionlegale contraire à la loi fondamentale, la nature et le contenu de lanorme controlee determinent le pouvoir du juge. Si le juge peut et doit,dans certains cas, mettre fin à l'inconstitutionnalite en suppleant auvice de la norme controlee, de maniere à la rendre conforme à laConstitution, une telle reparation judiciaire n'est possible que si, cefaisant, le juge ne se substitue pas au legislateur. Lorsquel'inconstitutionnalite resulte d'une lacune initiale de la loi, oulorsqu'une lacune apparait à la suite de la decision de la Courconstitutionnelle, en raison de l'impossibilite de donner effet à lanorme annulee ou jugee contraire à la Constitution, le juge ne peutremedier à la situation si la lacune est telle qu'elle exigel'instauration d'une regle nouvelle qui devrait faire l'objet d'unereevaluation par le legislateur ou qui requerrait une modification d'uneou de plusieurs dispositions legales.
Outre les hypotheses visees à l'alinea precedent, le juge est encoreimpuissant à combler la lacune de la loi lorsqu'une regleconstitutionnelle particuliere consacre un principe de legalite renforce,tel l'article 14 (legalite des incriminations, des peines et despoursuites) et l'article 170 (legalite de l'impot). Enfin, le juge nepeut, sous le pretexte de remedier à une lacune legislative, creer undelai de decheance ou de forclusion d'un droit ou d'un recours judiciaireou administratif si ce delai n'est pas prevu par la loi. Le juge ne peutdavantage fixer le point de depart d'un tel delai si ce point de departn'est pas prevu par la loi.
Les limites ainsi posees au pouvoir du juge de remedier aux lacunes et auxvices de la loi sont une consequence du principe de la separation despouvoirs. Le principe general du droit de la separation des pouvoirss'induit de plusieurs articles de la Constitution, en particulier desarticles 33, specialement alinea 2 (« Les pouvoirs (...) sont exerces dela maniere etablie par la Constitution »), 36 et 40 (qui distinguentnettement les pouvoirs legislatif federal et judiciaire), 109 (quireconnait au Roi seul le pouvoir de promulguer les lois), 144 et 145 (quidefinissent les attributions du pouvoir judiciaire). Il est consacre enoutre par l'article 6 du Code judicaire, qui interdit aux juges deprononcer par voie de disposition generale et reglementaire sur les causesqui leur sont soumises.
En ce qui concerne les reclamations anterieures à l'entree en vigueur dela loi du 19 mai 2010, l'inconstitutionnalite de l'ancien article 371 duCode des impots sur les revenus 1992 a cree une lacune à laquelle il nepeut etre remedie par le pouvoir judiciaire. Le juge ne peut appliquer laregle inconstitutionnelle selon laquelle le delai court à partir de ladate d'envoi de l'avertissement-extrait de role mentionnant le delai dereclamation ou de l'avis de cotisation. Appliquer ce delai reviendrait àdonner effet à une disposition legale jugee contraire aux articles 10 et11 de la Constitution. Neanmoins, il n'appartient pas au juge desubstituer de sa propre initiative une autre date de prise de cours à ladate qui etait prevue par la regle legale qu'il lui est interditd'appliquer.
En vertu du principe de la separation des pouvoirs et des regles rappeleesci-avant il n'est pas permis au juge de creer un delai de decheance ou deforclusion d'un droit ou d'un recours judiciaire ou administratif lorsquece delai n'est pas prevu par la loi. Cette impossibilite de creation d'undelai de decheance ou de forclusion par le pouvoir judiciaire vaut afortiori en matiere d'impots sur le revenu, ou domine le principeconstitutionnel fondamental de la legalite de l'impot, resultant del'article 171 de la Constitution. Le juge ne peut davantage, enapplication des memes principes, fixer la date de prise de cours d'undelai de decheance ou de forclusion lorsque celle-ci n'est pas prevue parune regle legale conforme à la Constitution.
En l'espece, il ressort des constatations des juges du fond 1) que lareclamation litigieuse concernait l'exercice d'imposition 2000, 2) quel'avertissement-extrait de role portait la date du 20 novembre 2001 et 3)que la reclamation a ete introduite le 26 juin 2003. Le delai de decheanceprevu par l'article 371 du Code des impots sur les revenus 1992, dans sontexte en vigueur tant à la date portee sur l'avertissement-extrait derole (le
20 novembre 2001) qu'à la date d'introduction de la reclamation (le 26juin 2003) n'a pu prendre cours faute d'une date de prise de cours fixeepar une disposition legale conforme à la Constitution. A tout le moins,ce delai n'a pu prendre cours avant l'entree en vigueur, le 7 juin 2010,du nouvel article 371 modifie par la loi du 19 mai 2010.
En declarant tardifs, pour les motifs cites au present moyen, lareclamation et le recours de la demanderesse, tout en constatant que lareclamation avait ete introduite le 26 juin 2003 (soit avant l'entree envigueur, le 7 juin 2010, de la loi du 19 mai 2010), l'arret attaque aviole le principe de la separation des pouvoirs et le principe, decoulantdu premier, selon lequel le pouvoir judiciaire ne peut suppleer à lalacune creee par la contrariete aux principes constitutionnels d'egaliteet de non-discrimination d'une regle legale prevoyant la prise de coursd'un delai de decheance ou de forclusion en matiere d'impots, tel le delaiprevu par l'article 371 du Code des impots sur les revenus 1992 (violation des articles 10 et 11 de la Constitution, du principe generaldu droit de la separation des pouvoirs et de l'article 371 du Code desimpots sur les revenus 1992, tel qu'il etait en vigueur dans les diversesversions visees en tete du moyen et, pour autant que de besoin, violationde toutes les autres dispositions constitutionnelles et legales visees entete du moyen, à l'exception des articles 2, 1315, 1349 et 1353 du Codecivil et 870 du Code judiciaire et du principe general du droit de lanon-retroactivite de la loi).
A tout le moins, l'arret attaque a illegalement applique le delai dedecheance prevu par l'article 371 du Code des impots sur les revenus 1992,en faisant courir ce delai à partir d'une date qui n'est pas celle prevuepar l'article precite, tel qu'il doit se lire à la suite de l'arret162/2007 de la Cour constitutionnelle du 19 decembre 2007 (violation desarticles 10 et 11 de la Constitution, du principe general du droit de laseparation des pouvoirs et de l'article 371 du Code des impots sur lesrevenus 1992, tel qu'il etait en vigueur dans les diverses versions viseesen tete du moyen et, pour autant que de besoin, violation de toutes lesautres dispositions constitutionnelles et legales visees en tete du moyen,à l'exception des articles 2, 1315, 1349 et 1353 du Code civil et 870 duCode judiciaire et du principe general du droit de la non-retroactivite dela loi ).
Deuxieme branche (à titre subsidiaire)
Selon l'article 6 du Code judiciaire, les juges ne peuvent prononcer parvoie de disposition generale et reglementaire sur les causes qui leur sontsoumises.
Selon l'article 1349 du Code civil, les presomptions sont des consequencesque la loi ou le magistrat tire d'un fait connu à un fait inconnu.
Si les presomptions qui ne sont point etablies par la loi sont abandonneesaux lumieres et à la prudence du magistrat (art. 1353 du Code civil),celui-ci ne peut se fonder que sur les circonstances concretes de l'especeet ne peut prevoir qu'en toute circonstance, l'ecoulement d'un certaindelai depuis l'envoi d'un acte determine fait presumer la prise deconnaissance de cet acte par son destinataire. En fondant sa decision sursemblable motif, le juge ne se fonde pas sur une presomption de l'hommeconforme à l'article 1353 precite du Code civil mais edicte une regle deportee generale, en violation de l'article 6 du Code judiciaire.
Il ressort des articles 870 du Code judiciaire et 1315 du Code civil,relatifs à la charge de la preuve, que celui qui invoque une pretentiondoit apporter la preuve des elements qui justifient celle-ci. En vertu dece principe, c'est à celui qui invoque la tardivete d'un recours qu'ilincombe d'etablir la date de l'evenement qui a fait courir le delai dedecheance ou de forclusion de ce recours. En particulier, lorsquel'administration fiscale invoque la decheance du droit de reclamation pourexpiration du delai prevu par l'article 371 du Code des impots sur lesrevenus 1992 (tel qu'applicable à la date du
20 novembre 2001 portee sur l'avertissement-extrait de role et à la datedu
26 juin 2003, jour de la reclamation litigieuse), il lui appartientd'etablir la date à laquelle le contribuable a effectivement prisconnaissance de l'avertissement-extrait de role ou, à tout le moins, ladate à laquelle cet avertissement-extrait de role a ete remis au domiciledu contribuable. L'administration peut faire cette preuve en se fondantsur des presomptions de l'homme au sens de l'article 1353 du Code civilmais ne peut en revanche se fonder sur une presomption generale etabstraite non prevue par la loi.
En l'espece, l'arret attaque constate que l'avertissement-extrait de rolen'a pas fait retour et qu'il peut etre presume qu'il a bien ete envoye àla date presumee du 20 novembre 2001. L'arret decide en outre, en sefondant sur une jurisprudence anterieure à l'arret precite 162/2007 de laCour constitutionnelle du 19 decembre 2007, que l'administration ne doitpas prouver que l'envoi a bien eu lieu le jour mentionne surl'avertissement-extrait de role.
L'arret constate que la demanderesse soutient « n'avoir pris connaissancede l'avertissement-extrait de role litigieux que lors d'une rencontre aubureau de recette de Namur 4 en date du 22 mai 2003 ». L'arret attaque neconstate pas que le defendeur a demontre in concreto, par des elementspropres à l'espece, la faussete de l'allegation precitee de lademanderesse mais pose en principe « que le delai de trois mois prevu àl'article 371 du Code des impots sur les revenus 1992 dans uneapplication conforme à l'arret de la Cour constitutionnelle commence àcourir depuis le troisieme jour ouvrable qui suit celui ou l'avisd'imposition ou l'avertissement-extrait de role a ete remis aux servicesde la poste, sauf preuve contraire du destinataire » et decide que« cette preuve contraire n'est nullement
rapportee » par la demanderesse.
En fondant sa decision sur les motifs precites, l'arret attaque viole lanotion legale de presomption de l'homme (laquelle suppose que le juge sefonde sur les elements concrets de l'espece) (violation des articles 1349et 1353 du Code civil) et s'est immisce dans les attributions dulegislateur en se fondant sur une presomption generale et abstraite nonprevue par la loi (violation des articles 1349 et 1353 du Code civil, del'article 6 du Code judiciaire, du principe general du droit de laseparation des pouvoirs et, pour autant que de besoin, violation de toutesles dispositions constitutionnelles visees en tete du moyen).
L'arret attaque viole en outre les regles legales relatives à la chargede la preuve en dispensant le defendeur, qui invoquait la decheance dudroit de reclamation en raison de l'expiration du delai prevu parl'article 371 du Code des impots sur les revenus 1992 (tel qu'applicableà la date du 20 novembre 2001 portee sur l'avertissement-extrait de roleet à la date du 26 juin 2003, jour de la reclamation litigieuse), de lacharge de prouver l'evenement qui faisait courir ce delai, soit la date deprise de connaissance effective ou, à tout le moins, la date de receptionde l'avertissement-extrait de role par le contribuable (violation desarticles 1315 du Code civil, 870 du Code judicaire et 371 du Code desimpots sur les revenus 1992, tel qu'il etait en vigueur apres samodification par la loi du 15 mars 1999 et avant sa modification par laloi-programme du 20 juillet 2006 et, pour autant que de besoin, violationdudit article 371 tel qu'il etait en vigueur dans les autres versionsvisees en tete du moyen).
Troisieme branche
La loi du 19 mai 2010 a ete publiee au Moniteur du 28 mai 2010 et estentree en vigueur le 7 juin 2010. L'arret attaque constate 1) que lareclamation litigieuse concernait l'exercice d'imposition 2000, 2) quel'avertissement-extrait de role portait la date du 20 novembre 2001 et 3)que la reclamation a ete introduite le 26 juin 2003. Des lors, si l'arretdoit par impossible se comprendre comme ayant applique à l'especel'article 371 du Code des impots sur les revenus 1992 tel qu'il est issude la loi du 19 mai 2010, il a viole l'article 2 du Code civil et leprincipe general du droit de la non-retroactivite de la loi.
III. La decision de la Cour
Quant à la premiere branche :
En vertu de l'article 371 du Code des impots sur les revenus 1992, dans saversion applicable au litige, les reclamations contre des impots perc,uspar role doivent etre introduites, sous peine de decheance, dans un delaide trois mois à partir de la date d'envoi de l'avertissement-extrait derole mentionnant le delai de reclamation ou de l'avis de cotisation.
Par l'arret nDEG 162/2007 du 19 decembre 2007, la Cour constitutionnelle adit pour droit que l'article 371 precite viole les articles 10 et 11 de laConstitution en ce qu'il dispose que le delai de reclamation court àpartir de la date d'envoi figurant sur l'avertissement-extrait de rolementionnant le delai de reclamation.
Si le juge est tenu de remedier dans la mesure du possible à toute lacunede la loi dont la Cour constitutionnelle a constatel'inconstitutionnalite, ou à celle qui resulte de ce qu'une dispositionde la loi est jugee inconstitutionnelle, il ne peut suppleer à cetteinsuffisance que dans le cadre des dispositions legales existantes.
Seule une intervention du legislateur permettrait, par le choix d'une datede prise de cours du delai de reclamation qui soit compatible avec lesarticles 10 et 11 de la Constitution, de remedier à la lacune qui resultede l'inconstitutionnalite constatee.
La loi du 19 mai 2010 qui a modifie l'article 371 du Code des impots surles revenus 1992 en prevoyant que le delai de reclamation prend cours àcompter du troisieme jour ouvrable qui suit la date d'envoi del'avertissement-extrait de role, telle qu'elle figure sur leditavertissement-extrait de role, est entree en vigueur le 7 juin 2010.
L'arret constate que, « alors que la cotisation litigieuse porte la dated'envoi du 20 novembre 2001 » et est relative à l'exercice d'imposition2000, « la reclamation de [la demanderesse] a ete introduite le 26 juin2003 ».
Il considere que « le delai pour introduire une reclamation court àpartir de la date à laquelle la lettre, portant l'avertissement-extraitde role ou l'avis de cotisation à la connaissance du destinataire parcourrier ordinaire, est presumee avoir ete presentee à ce destinataire[...] et cette presentation d'un pli simple peut etre presumee avoir eterealisee le jour ou le destinataire a pu, en toute vraisemblance, en avoirconnaissance, soit le troisieme jour ouvrable qui suit celui ou l'avisd'imposition ou l'avertissement-extrait de role a ete remis aux servicesde la poste, sauf preuve contraire du destinataire [...], de sorte que ledelai de trois mois prevu à l'article 371 [precite] dans une applicationconforme à l'arret de la Cour constitutionnelle commence à courir depuisle troisieme jour ouvrable qui suit celui ou l'avis d'imposition oul'avertissement-extrait de role a ete remis aux services de la poste, saufpreuve contraire du destinataire », laquelle n'est en l'espece pasrapportee.
L'arret, qui, sur la base de ces considerations, decide que « lareclamation de [la demanderesse] est tardive », viole l'article 371precite.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fonde.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause devant la cour d'appel de Bruxelles.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillers DidierBatsele, Martine Regout, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, etprononce en audience publique du quatre septembre deux mille quinze par lepresident de section Albert Fettweis, en presence du premier avocatgeneral Andre Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
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| M. Regout | D. Batsele | A. Fettweis |
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4 SEPTEMBRE 2015 F.14.0128.F/1