Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG S.14.0091.F
OFFICE NATIONAL DE SECURITE SOCIALE, etablissement public dont le siegeest etabli à Saint-Gilles, place Victor Horta, 11
demandeur en cassation,
represente par Maitre Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Vallee, 67,ou il est fait election de domicile,
contre
RECOL'TERRE, societe anonyme à finalite sociale, dont le siege social estetabli à Herstal, rue de Milmort, 690,
defenderesse en cassation,
representee par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 23 mai 2014 parla cour du travail de Liege.
Le 13 mai 2015, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.
Le conseiller Mireille Delange a fait rapport et l'avocat general JeanMarie Genicot a ete entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- article 35 de la loi du 5 decembre 1968 sur les conventions collectivesde travail et les commissions paritaires ;
- article 1er, S: 1er, alinea 5, de l'arrete royal du 9 fevrier 1971instituant certaines commissions paritaires, tel que modifie par l'arreteroyal du 7 mai 2007 ;
- article 1er de l'arrete royal du 4 novembre 1974 instituant lacommission paritaire auxiliaire pour ouvriers et fixant sa denomination etsa competence ;
- articles 1er, 19, 69 et 661 du Code des societes ;
- article 1er du decret de la Region wallonne du 20 novembre 2008 relatifà l'economie sociale ;
- article 2, S: 1er, 2DEG, 3DEG, 6DEG, 7DEG et 12DEG, du decret de laRegion wallonne du 19 decembre 2012 relatif à l'agrement et à l'octroide subventions aux entreprises d'insertion ;
- article 16, S: 1er, de l'arrete du gouvernement wallon du 31 janvier2013 portant execution du decret du 19 decembre 2012 relatif à l'agrementet à l'octroi de subventions aux entreprises d'insertion.
Decisions et motifs critiques
L'arret attaque declare l'appel du demandeur non fonde, confirme lejugement du premier juge et dit pour droit que la defenderesse ressortità la commission paritaire nDEG 100 auxiliaire pour ouvriers et non à lacommission paritaire nDEG 121 des entreprises de nettoyage et dedesinfection, et condamne le demandeur aux depens, pour les motifssuivants :
« En effet, le critere de determination du champ de competence de lacommission paritaire nDEG 121 - dont il a ete rappele plus haut qu'il estde stricte interpretation - requiert que l'activite de recolte enporte-à-porte des papiers et cartons soit effectuee à titreprincipal.(...)
La materialite de l'activite d'insertion est donc bien demontree par ledossier produit aux debats et analyse plus haut.
Il se verifie que cette activite d'insertion implique directement une partsubstantielle des travailleurs salaries de l'entreprise. [...]
Il ressort de cet aspect du litige que l'activite d'insertion concerne endefinitive, quoique à des titres divers, l'ensemble des travailleurs del'entreprise (...).
L'argument developpe par [le demandeur] et suivi en cela par le ministerepublic dans son avis depose devant la cour [du travail], consistant àfaire de l'insertion socioprofessionnelle un objectif poursuivi par [ladefenderesse], mais non une activite qui serait concretement exercee enson sein, ne resiste pas à l'analyse.
Certes, il s'agit là de l'objectif poursuivi par cette societe anonyme àfinalite sociale, que lui assignent et ses statuts et l'agrement dont ellebeneficie.
Il reste cependant que le but et l'objet sont, en pratique, intimementlies : l'activite sociale n'a, en effet, de sens qu'en fonction de la finà laquelle elle est destinee.
Or c'est precisement cet aspect pratique qui doit etre pris enconsideration dans l'operation de rattachement de l'activite del'entreprise d'insertion geree par [la defenderesse] à la commissionparitaire competente. Il s'agit en effet de verifier si le but poursuivise traduit concretement par une activite d'insertion ancree au quotidiendans les modalites d'execution et d'organisation du travail au sein del'entreprise, ce que demontrent en l'espece les pieces versees aux debats.
L'ensemble des commentaires et developpements repris ci-dessus apportentla demonstration que [la defenderesse] deploie en son sein et non pas `àcote' ou `en plus', mais de fac,on conjointe à son activite economique decollecte de papiers et de cartons en porte-à-porte, une activited'insertion qui constitue, comme l'a mis en exergue [un arret] de la courdu travail d'Anvers, une activite specifique de service d'insertionprofessionnelle.(...)
C'est des lors à juste titre que [la defenderesse] soutient que sesactivites economiques et d'insertion sont indissolublement liees et que nepas tenir compte de la seconde revient à nier ce qui fait le coeur memede son metier en sorte que sans cette activite permanente d'insertionsocioprofessionnelle, son entreprise serait denaturee.
[Le demandeur] ne peut etre suivi lorsqu'il argumente que l'activited'insertion ne serait tout au plus qu'une fonction d'entreprise, au sensd'une activite partielle ou accessoire, du fait que ladite activite neferait que concourir à l'activite economique entreprise. [...]
De maniere paradoxale, la direction generale des relations collectivesparait d'ailleurs admettre que l'activite d'insertion de [la defenderesse]ne constitue pas une fonction de l'entreprise qu'elle gere, si du moinsl'on s'en tient au libelle de l'en-tete de l'avis litigieux decrivantcomme suit l'activite de [la defenderesse] :
`Reinsertion de personnes socialement defavorisees par, principalement, dela collecte porte-à-porte de papiers et de cartons (47 p.c. del'emploi)'.
A prendre à la lettre l'intitule de cet avis - dans lequel l'adverbe`principalement' accole au substantif `collecte' exprime que ce type decollecte represente effectivement la majeure partie de l'activite decollectes de divers recyclables - ce serait plutot l'activite de collectede porte-à-porte de papiers et cartons qui devrait etre consideree commeune fonction de l'activite d'insertion professionnelle, cette activiteeconomique etant alors analysee comme le truchement par lequel l'activited'insertion est realisee.
[La defenderesse] elle-meme refute cependant cette analyse, quiconsisterait à privilegier l'aspect social de son activite d'insertionsur l'aspect economique de son activite de collecte de recyclables, enfaisant justement observer que ces deux activites etroitement liees sontd'egale importance et que l'une ne peut subsister sans l'autre sauf àdenaturer l'activite de cette societe commerciale à finalite sociale.
En conclusion, pareil constat, dument etaye par le dossier produit auxdebats, ne peut que conduire à ecarter l'appartenance de [ladefenderesse] à la commission paritaire nDEG 121 du secteur du nettoyagedu fait que l'activite de collecte de papiers et de cartons enporte-à-porte, quand bien meme representait-elle à l'epoque de l'avislitigieux la plus importante partie de l'activite de collecte derecyclables, ne presente pas un caractere principal par rapport àl'activite d'insertion socioprofessionnelle deployee et demontree par [ladefenderesse], ladite activite de service etant consubstantielle àl'activite economique et d'egale importance.
Le critere d'exercice principal de l'activite de collecte n'etant pasetabli, alors qu'il est requis par le champ de competence de cettecommission paritaire et de stricte interpretation, il ne pourrait etre ditpour droit que [la defenderesse] ressortirait à la commission paritairenDEG 121 du secteur du nettoyage sans violer l'arrete royal constitutif decette commission paritaire. [...]
Cette commission paritaire n'etant pas competente, et aucune autre nel'etant, c'est à la commission paritaire nDEG 100 que ressortitl'activite de [la defenderesse] et aux regles et conventions collectivesde travail arretees au sein de cette commission paritaire que doit seconformer celle-ci aux fins de respecter le libre jeu de la concurrencevis-à-vis des autres entreprises relevant de la meme commission paritairenDEG 100 ».
Griefs
Aux termes de l'article 35 de la loi du 5 decembre 1968 sur lesconventions collectives de travail et les commissions paritaires, le Roipeut, d'initiative ou à la demande d'une ou de plusieurs organisations,instituer des commissions paritaires d'employeurs et de travailleurs ; Ildetermine les personnes, la branche d'activite ou les entreprises et lecadre territorial qui sont du ressort de chaque commission.
L'arrete royal du 9 fevrier 1971, modifie par les arretes royaux des 6juillet 1983, 30 decembre 1985 et 7 mai 2007, a institue la commissionparitaire nDEG 121 pour les entreprises de nettoyage et de desinfection.
L'arret attaque constate que le Roi a « circonscrit en ces termes lechamp d'application » de cette commission paritaire à laquelleressortissent : « les entreprises qui assurent principalement ou avec ungroupe d'ouvriers clairement distinct, la collecte de porte à porte, ycompris la prise en charge, le chargement ou l'acheminement jusqu'au pointde dechargement des dechets en vrac et en recipient, tries ou non, telsque dechets menagers, encombrants, papiers, cartons, emballagesplastiques/metaux/cartons à boissons, organiques et autres ».
L'arrete royal du 4 novembre 1974 a quant à lui institue une commissionparitaire nDEG 100, denommee commission paritaire auxiliaire pourouvriers, competente pour « les travailleurs dont l'occupation est decaractere principalement manuel et leurs employeurs, à savoir pour lestravailleurs qui ne relevent pas d'une commission paritaire particuliere,ni de la commission paritaire auxiliaire pour le secteur non-marchand etpour leurs employeurs ».
Premiere branche
Comme le souligne l'arret attaque, le fait que ce soit l'activite del'entreprise qui determine son appartenance à telle ou telle commissionparitaire repond à l'un des objectifs de la loi du 5 decembre 1968 quiest « de garantir une concurrence loyale via une mise à niveau decertains couts sociaux et une limitation de la concurrence que peuvent selivrer les entreprises d'un meme secteur sur le plan des conditions detravail et de remuneration ».
L'affectation d'une entreprise à une commission paritaire determineeayant pour objectif de garantir une concurrence loyale avec lesentreprises du meme secteur, il serait contraire à cet objectif dedistraire d'une commission paritaire couvrant un secteur economique (enl'espece celui du nettoyage) une entreprise qui consacre principalementson activite economique à ce secteur au motif que la finalite de cetteactivite de nettoyage est la reinsertion professionnelle ou parce qu'elleexercerait conjointement une autre activite, fut-elle principale, mais quin'est pas economique, car relevant du secteur socioprofessionnel.
L'arret attaque constate que la defenderesse deploie en son sein, « defac,on conjointe à son activite economique de collecte de papiers et decartons en porte-à-porte, une activite d'insertion qui constitue (...)une activite specifique de service d'insertion professionnelle » et quecette activite d'insertion professionnelle n'est pas une activiteeconomique mais une « activite de service etant consubstantielle àl'activite economique ».
Il n'ecarte l'appartenance de la defenderesse à la commission paritairenDEG 121 que parce que l'activite de collecte de papiers et de cartons enporte-à-porte, « quand bien meme representait-elle, à l'epoque del'avis litigieux, la plus importante partie de l'activite de collecte derecyclables, ne presente pas un caractere principal par rapport àl'activite d'insertion socioprofessionnelle ».
Il reconnait en consequence qu'en fonction de son activite economiqueprincipale, la defenderesse doit en principe ressortir à la commissionparitaire nDEG 121 mais qu'elle doit en etre ecartee des lors que cetteactivite economique de collecte n'est pas principale par rapport à sonactivite non economique conjointe d'insertion professionnelle.
L'erreur fondamentale de l'arret attaque est de considerer que la[defenderesse] exerc,ait une double activite, une activite selon luiprincipale d'insertion socioprofessionnelle et une activite« conjointe » de recolte de papiers et de cartons.
En realite, la [defenderesse] n'a qu'une seule activite, necessairementprincipale, la recolte de papiers et de cartons et cette activite estexercee par du personnel en insertion socioprofessionnelle, conformementà son but social.
Par consequent, le fait que la [defenderesse] poursuit un but social etque son activite concourt à la realisation de ce but social ne permet pasde dire, comme le fait l'arret attaque, que l'activite de la societe seconfond avec son but social.
Il en resulte qu'en disant pour droit que la defenderesse ressortit à lacommission paritaire nDEG 100 auxiliaire pour ouvriers au motif que lecritere d'exercice principal de l'activite de collecte n'est pas etabli,des lors, au motif que cette activite de collecte de recyclables nepresente pas un caractere principal par rapport à son activite noneconomique d'insertion professionnelle, l'arret attaque viole l'article 35de la loi du 5 decembre 1968 sur les conventions collectives de travail etles commissions paritaires ainsi que l'arrete royal du 9 fevrier 1971instituant la commission paritaire nDEG 121, en vertu desquels sont duressort de cette commission paritaire les entreprises qui, comme ladefenderesse, poursuivent à titre principal des activites economiques denettoyage, quelle qu'en soit la finalite et quelles que soient les autresactivites socioprofessionnelles de caractere non economiques qu'ellesexercent conjointement à cette activite economique, fut-ce meme à titreprincipal.
En decidant ensuite que la defenderesse ressortit à la commissionparitaire nDEG 100, l'arret attaque viole aussi l'arrete royal du 4novembre 1974 instituant cette commission paritaire nDEG 100, en vertuduquel celle-ci n'est competente que pour les travailleurs dontl'occupation est de caractere principalement manuel et leurs employeurs,à savoir pour les travailleurs qui ne relevent pas d'une commissionparitaire particuliere, ni de la commission paritaire auxiliaire pour lesecteur non-marchand, et pour leurs employeurs.
Deuxieme branche
Quand bien meme l'activite d'une entreprise, au sens de la loi precitee de1968, pourrait ne pas etre une activite economique, la decision de l'arretattaque de considerer que les importantes taches d'insertion destravailleurs, qu'il constate, etaient revelatrices d'une activited'insertion de celle-ci meconnait l'objet social pour lequel cette societea ete creee et le statut qui y est legalement attache.
Selon l'article 1er du Code des societes, une societe est constituee parun contrat aux termes duquel deux ou plusieurs personnes mettent quelquechose en commun, pour exercer une ou plusieurs activites determinees etdans le but de procurer aux associes un benefice patrimonial direct ouindirect.
L'article 19 precise que toute societe doit avoir un objet licite.
L'article 69, 11DEG, impose que l'acte constitutif des societes contiennela designation precise de l'objet social et la modification de cet objetsocial n'est possible, en ce qui concerne les societes anonymes, quemoyennant certaines garanties particulieres imposees par l'article 559 duCode des societes.
L'arret attaque reconnait tout d'abord que la defenderesse est une societeanonyme, ce qui implique que, en regle, elle exerce une activite en vue derealiser un profit.
Mais il reconnait aussi qu'il s'agit d'une societe anonyme à finalitesociale regie par l'article 661 du Code des societes.
Or, aux termes de cet article 661, les societes anonymes ne sont appeleessocietes à finalite sociale que lorsqu'elles ne sont pas vouees àl'enrichissement de leurs associes et que leurs statuts, 2DEG, definissentde fac,on precise le but social auquel sont consacrees les activitesvisees dans leur objet social.
L'article 661 du Code des societes distingue donc clairement l'activite del'entreprise et le but social qui en est la finalite. Ces activites sontcelles visees dans l'objet social tel qu'il est decrit dans les statuts.
Les activites visees dans l'objet social de la defenderesse sontexclusivement « l'organisation de la collecte des papiers/cartons ou detout autre produit » et « toute activite susceptible de favoriser larealisation de cet objet social ».
L'activite de la defenderesse, meme poursuivie en vue de favoriser le butsocial, n'est donc pas la realisation de ce but social mais l'organisationde la collecte de papiers et de cartons, ce que confirme sa denominationsociale « Recol'terre ».
Les statuts precisent ensuite que « la societe a pour finalite l'aide auxpersonnes socialement defavorisees, qu'il s'agisse de chomeurs, handicapesou de toute autre personne en etat de marginalisation, en leur procurantun travail stable et remunere dans le cadre de ses activites, pourlesquelles elle pourra organiser tous les types de formationprofessionnelle necessaire ».
Il en resulte que l'activite exclusive de l'entreprise est la collecte desdechets, mais que la reinsertion professionnelle n'est que la finalite decette activite economique de l'entreprise, son but social.
En d'autres termes, la [defenderesse] n'est une societe à finalitesociale au sens de l'article 661 precite que parce que, dans ses statuts,elle a declare consacrer son activite d'organisation de collecte dedechets à un but social d'insertion et non parce qu'elle exercerait uneactivite de reinsertion « conjointement » à son activite economique.
Dans le meme sens, l'arret attaque reconnait que la defenderesse est une« entreprise d'insertion » au sens du decret de la Region wallonne du 20novembre 2008 relatif à l'economie sociale.
L'article 1er de ce decret precise que, par « economie sociale », onentend les activites economiques productives de biens ou de services,exercees par des societes, principalement cooperatives et/ou à finalitesociale.
L'article 2, S: 1er, 2DEG et 3DEG, du decret du 19 decembre 2012 relatifà l'agrement et à l'octroi de subventions aux entreprises d'insertionimpose un agrement aux « entreprises d'insertion » et celui-ci estsubordonne à la condition que cette entreprise reponde à la conditiond'avoir le statut de societe civile à forme commerciale au sens del'article 661 du Code des societes et qu'elle ait pour activite laproduction de biens et de services, tout en poursuivant, en tant queservice d'interet economique general, un but social d'insertion durable etde qualite de travailleurs defavorises ou gravement defavorises.
En vertu de l'article 2, S: 1er, 6DEG et 7DEG, l'entreprise doit egalements'engager à compter dans les quatre ans qui suivent l'agrement, au moins50 pour cent de travailleurs defavorises ou gravement defavorises etdemontrer la pertinence de son activite et sa viabilite economique.
Enfin, suivant l'article 2, S: 1er, 12DEG, l'entreprise doit respecter lesconventions collectives conclues au sein de la commission paritairecompetente.
Or l'arrete du gouvernement wallon du 31 janvier 2013 portant execution dudecret du 19 decembre 2012 precite precise, en son article 16, S: 1er,que le montant des subventions qui peuvent etre octroyees aux entreprisesd'insertion varie selon que le travailleur releve des commissionsparitaires nDEG 121, 124, 145 ou 302. Si le travailleur releve de lacommission paritaire nDEG 100, aucune subvention n'est prevue.
Cette disposition confirme que le legislateur a souhaite que lesentreprises d'insertion, et l'arret attaque reconnait que la defenderesseen est une, relevent de la commission paritaire competente pour leuractivite economique et que le point 12DEG [de l'article 2, S: 1er, alinea1er,] du decret precite du 19 decembre 2012 vise la commission paritairecompetente pour l'activite economique de l'employeur, et non la commissionparitaire nDEG 100 comme l'affirme l'arret attaque.
En decidant que « cette disposition decretale ne vise pas la commissionparitaire en lien avec l'activite economique exercee par l'activited'insertion », l'arret attaque viole cette disposition legale.
En resume, l'activite de la defenderesse, societe commerciale à finalitesociale, n'est donc pas et ne peut legalement etre la reinsertion sociale,laquelle n'est que le but social de son activite economique de collecte dedechets.
Il en resulte qu'en decidant que la reinsertion sociale est une activitede l'entreprise alors qu'elle n'est et ne peut legalement etre que le butsocial de son activite de collecte de dechets, dont l'arret attaque neconteste pas qu'elle est bien reelle, celui-ci viole les articles 1er, 19,69 et 661 du Code des societes et 16, S: 1er, de l'arrete du 31 janvier2013 du Gouvernement wallon portant execution du decret du 19 decembre2012 vise en tete du moyen.
Troisieme branche
Si l'arret attaque ne conteste pas que la defenderesse exerce reellementson activite de collecte de dechets, il decide cependant qu'elle developpeconjointement « en son sein (...) une activite d'insertion » qui «demontre l'implementation dans l'organisation du travail au quotidien decette entreprise d'une veritable strategie d'insertionsocioprofessionnelle de travailleurs », que « la mise en oeuvre de cettestrategie mobilise, outre la direction, une part importante de sonpersonnel salarie, sans compter les travailleurs du public-cible eux-memes», et qu'« il est demontre que les differentes activites d'insertion quijalonnent le parcours de plusieurs annees de ces travailleurs ont uneincidence directe sur les processus de travail », de sorte que « lamaterialite de l'activite d'insertion est donc bien demontree », et qu'«il se verifie que cette activite d'insertion implique directement une partsubstantielle des travailleurs salaries de l'entreprise » au point que« l'activite d'insertion concerne en definitive, quoique à des titresdivers, l'ensemble des travailleurs de l'entreprise ».
Par ces considerations, l'arret attaque ne constate nullement que ladefenderesse est une entreprise qui a elle-meme une activite d'insertion :il constate certes que cette activite concerne tous les travailleurs decelle-ci et qu'une activite specifique d'insertion professionnelle estconcretement exercee « en son sein », mais non que l'activite del'entreprise qu'est la defenderesse serait pour autant une activited'insertion professionnelle conjointe à son activite de collecte, dont lecaractere reel n'est pas conteste.
L'arret attaque demontre certes ainsi que les travailleurs de ladefenderesse consacrent une part importante de leurs activites à destaches de reinsertion, mais il ne peut deduire de ce constat que ladefenderesse exerc,ait pour autant elle-meme une activite d'insertion,alors meme que pareille activite ne faisait pas partie de l'objet de lasociete, selon les statuts et selon la qualification legale de cettesociete à finalite sociale comme « entreprise d'insertion ».
Il en resulte qu'en decidant que la defenderesse exerc,ait elle-memeconjointement, en tant qu'entreprise, une autre activite dans un autresecteur, sur le seul constat de ce que ses travailleurs exerc,aient destaches socioprofessionnelles d'insertion, l'arret attaque viole la notionlegale d'activite de l'entreprise visee par l'article 35 de la loi du 5decembre 1968 et l'arrete royal instituant la commission paritaire nDEG121.
Quatrieme branche
A titre subsidiaire, le moyen, en cette branche, fait grief à l'arretattaque d'avoir decide que « l'activite de collecte de papiers et decartons en porte-à-porte (...) ne presente pas un caractere principal parrapport à l'activite d'insertion socioprofessionnelle » de ladefenderesse.
L'arret rendu en la cause le 6 septembre 2013 ordonne une reouverture desdebats, axee tout d'abord sur « la demonstration, ou non, de l'existenced'une activite d'insertion menee au sein meme de l'entreprise et dansl'affirmative, sur la question de savoir si son ampleur est telle qu'elleegale en importance l'activite economique de recolte de recyclables ».
Apres avoir ainsi obtenu les elements d'information complementaire luipermettant « de mieux apprehender la nature et l'ampleur des activitesd'insertion que [la defenderesse] soutient developper en son sein » et enavoir conclu que l'activite d'insertion « est bien reelle », l'arretattaque n'etablit nullement que l'activite d'insertion serait telle que «le critere d'exercice principal de l'activite de collecte ne serait plusetabli » en raison de l'existence d'une autre activite (d'insertion).
L'arret attaque reconnait en effet que l'activite de collecte de papierset de cartons en porte-à-porte representait, « à l'epoque de l'avislitigieux [de la direction generale des relations collectives], la plusimportante partie de l'activite de collecte de recyclables » del'entreprise. Il n'etait pas conteste que, sur la base d'une prise encompte de la seule activite economique de la defenderesse, celle-ci devaitnecessairement ressortir de la commission paritaire nDEG 121.
Comme dit plus haut, la defenderesse a pour seule activite economique,l'organisation de la collecte de papiers et de cartons (cf. ses statuts).La reinsertion sociale et professionnelle des personnes exclues descircuits traditionnels n'est pas l'objet social de la societe.
Comme l'avait releve le ministere public dans son avis precedant l'arretdu 6 septembre 2013, elle ne constitue pas une activite determinant leressort de telle ou telle commission paritaire mais la finalite del'activite de la societe.
La cour du travail aurait du, par consequent, pour ecarter l'appartenancede la [defenderesse] à la commission paritaire nDEG 121, demontrer quel'activite de collecte de papiers et de cartons n'est pas celle pourlaquelle la [defenderesse] a ete creee ou du moins que la defenderessen'assure pas principalement une activite de collecte de papiers et decartons en porte-à-porte.
Autrement dit, elle devait demontrer que l'activite specifique d'insertiondeployee au sein de cette entreprise de fac,on « conjointe » à sonactivite economique modifiait fondamentalement l'activite reelle del'entreprise au point de ne plus pouvoir considerer que l'activiteprincipale de celle-ci restait celle de la collecte de dechets,correspondant à son objet social statutaire et à son statut legal desociete anonyme à finalite sociale et d'entreprise d'insertion.
L'arret attaque n'apporte pas cette preuve. Au contraire, il reconnaitlui-meme que l'activite de collecte de papiers et de cartons enporte-à-porte representait « à l'epoque de l'avis litigieux, la plusimportante partie de l'activite de collecte de recyclables » del'entreprise.
Autrement dit, l'arret attaque reconnait que cette activite de collecteetait l'activite reelle la plus importante de l'entreprise. Lacirconstance que cette activite economique soit exercee « conjointement» avec une activite socioprofessionnelle « indissociable » et «d'egale importance » ne suffit pas à denier à cette activite decollecte son caractere « d'activite principale de l'entreprise ». Eneffet, l'arret attaque demontre tout au plus de la sorte que ladefenderesse exerce deux activites d'egale importance mais non quel'activite de collecte perdrait pour autant son caractere principal parrapport à l'activite d'insertion, la circonstance que les deux activitessoient d'egale importance n'empechant pas que l'activite de collecteconserve son caractere d'activite principale de la defenderesse etl'activite d'insertion un caractere accessoire (fut-il meme d'egaleimportance).
Il en resulte qu'en excluant la defenderesse du ressort de la commissionparitaire nDEG 121 au motif que le critere d'exercice principal del'activite de collecte n'est pas etabli par rapport à une autre activiteconsubstantielle mais d'egale importance, l'arret attaque viole toutes lesdispositions legales visees en tete du moyen.
En resume, l'arret attaque ne pouvait decider que la [defenderesse] exerceune activite d'insertion professionnelle conjointement avec son activiteeconomique de collecte de papiers et de cartons en porte-à-porte et quecette activite d'insertion professionnelle presente un caractere principalpar rapport à l'activite economique de la societe.
III. La decision de la Cour
Quant à la troisieme branche :
L'arret attaque verifie « si le but [de la societe à finalite socialedefenderesse] se traduit concretement par une activited'insertion [sociale et professionnelle de travailleurs defavorises] ».Il constate que les « activites d'insertion [comportent] : la formationprofessionnelle [...], l'insertion proprement dite, par l'apprentissagedes comportements indispensables au bon deroulement de la formationcontractuelle, [et] la formation civique » ; qu' « une veritablestrategie d'insertion socioprofessionnelle de travailleurs » est mise enoeuvre « dans l'organisation du travail au quotidien de cetteentreprise » ; que les activites d'insertion « ont une incidence directesur les processus de travail » et « sur l'exercice de l'activiteeconomique de recolte de papiers et de cartons » ; que « le temps quileur est consacre ne l'est pas directement à l'activite de collecte » ;que l'activite d'insertion « implique directement une part substantielledes travailleurs salaries de l'entreprise » et « concerne en definitive,quoique à des titres divers, l'ensemble des travailleurs del'entreprise » et que « de nombreux travailleurs [qui ne disposeraientpas sans cela d'un acces au marche du travail] ont ainsi accededurablement à un emploi stable ». Il conclut que « l'activited'insertion est bien reelle ».
Par ces enonciations, l'arret attaque constate, non seulement quel'activite d'insertion concerne tous les travailleurs de la defenderesse,mais que cette derniere meme exerce cette activite.
Le moyen, en cette branche, fonde sur une interpretation inexacte del'arret attaque, manque en fait.
Quant à la premiere branche :
L'article 35 de la loi du 5 decembre 1968 sur les conventions collectivesde travail et les commission paritaires dispose que le Roi determine lespersonnes, la branche d'activite ou les entreprises et le cadreterritorial qui sont du ressort de chaque commission paritaire.
Le ressort d'une commission paritaire est, en regle, determine parl'activite principale de l'entreprise concernee, sauf si un autre critereest fixe par l'arrete qui l'institue.
L'insertion sociale et professionnelle de travailleurs defavorises peutconstituer une telle activite.
En vertu de l'article 1er, S: 1er, de l'arrete royal du 9 fevrier 1971instituant certaines commissions paritaires et fixant leur denomination etleur competence, les entreprises qui assurent principalement la collecteporte-à-porte de dechets tels que papiers et cartons relevent de lacompetence de la commission paritaire nDEG 121 pour le nettoyage.
Dans la mesure ou il soutient que l'insertion ne peut constituer uneactivite determinant le ressort d'une commission paritaire et que lacommission paritaire du nettoyage est competente pour les entreprises dontles activites de nettoyage definies à l'article 1er, S: 1er, de l'arreteroyal du 9 fevrier 1971 ne sont pas l'activite principale, le moyen, encette branche, manque en droit.
Pour le surplus, apres avoir constate, ainsi qu'il est dit en reponse àla troisieme branche du moyen, que la defenderesse exerce une activited'insertion, l'arret attaque considere que la defenderesse deploie cetteactivite « de fac,on conjointe à son activite economique de collecte depapiers et de cartons en porte-à-porte » et que les deux activites« sont indissolublement liees » et « d'egale importance ». Il endeduit que l'activite de nettoyage « ne presente pas un caractereprincipal par rapport à l'activite d'insertion socioprofessionnelle ».
Dans la mesure ou il suppose que l'arret attaque considere que l'insertionprofessionnelle est la finalite de l'activite de nettoyage de ladefenderesse, que cette derniere doit en principe ressortir à lacommission paritaire du nettoyage en fonction de son activite economiqueprincipale et que son activite se confond avec son but social, le moyen,en cette branche, est fonde sur une lecture inexacte de l'arret attaque etmanque, des lors, en fait.
Dans la mesure ou il critique le motif que la defenderesse exerce deuxactivites indissolublement liees et d'egale importance, le moyen, en cettebranche, dont l'examen exigerait une appreciation des faits qui n'est pasau pouvoir de la Cour, est irrecevable.
Quant à la deuxieme branche :
D'une part, aux termes de l'article 1er, alinea 1er, du Code des societes,une societe est constituee par un contrat aux termes duquel deux ouplusieurs personnes mettent quelque chose en commun, pour exercer une ouplusieurs activites determinees et dans le but de procurer aux associes unbenefice patrimonial direct ou indirect. L'article 19, alinea 1er, du memecode dispose que toute societe doit avoir un objet licite. Suivantl'article 69, alinea 1er, 11DEG, du code, l'extrait de l'acte constitutifdes societes contient la designation precise de l'objet social. En vertude l'article 661, alinea 1er, 2DEG, les societes anonymes sont appeleessocietes à finalite sociale lorsqu'elles ne sont pas vouees àl'enrichissement de leurs associes et lorsque leurs statuts definissent defac,on precise le but social auquel sont consacrees les activites viseesdans leur objet social.
Il ne resulte pas de ces dispositions qu'une societe anonyme à finalitesociale ne peut avoir pour activite l'insertion sociale et professionnellede travailleurs defavorises.
D'autre part, suivant l'article 2, S: 1er, 12DEG, alinea 1er, du decretwallon du 19 decembre 2012 relatif à l'agrement et à l'octroi desubventions aux entreprises d'insertion, pour etre agreee et utiliser ladenomination « entreprise d'insertion », l'entreprise d'insertionrespecte les conventions collectives conclues au sein de la commissionparitaire competente. L'article 8 du decret autorise le gouvernementwallon à octroyer à l'entreprise d'insertion agreee une subvention selonles modalites qu'il determine en fonction, notamment, de la commissionparitaire dont depend le travailleur de l'entreprise d'insertion.L'article 16, S: 1er, de l'arrete du gouvernement wallon du 31 janvier2013 portant execution du decret du 19 decembre 2012 precite fixe lemontant de la subvention selon que sont appliques au travailleur lesbaremes des commissions paritaires numeros 121, 124, 145 et 302 ou detoute autre commission paritaire.
Ces dispositions sont etrangeres à la determination de la commissionparitaire competente pour les entreprises d'insertion.
Le moyen, qui, en cette branche, repose sur le soutenement contraire,manque en droit.
Quant à la quatrieme branche :
Ne constitue pas l'activite principale, determinant la commissionparitaire à laquelle ressortit l'entreprise, l'activite de nettoyageexercee conjointement avec une activite d'insertion d'egale importance.
Le moyen, qui, en cette branche, soutient le contraire, manque en droit.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux depens.
Les depens taxes à la somme de trois cent soixante-quatre euroscinquante-huit centimes envers la partie demanderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillers DidierBatsele, Mireille Delange, Michel Lemal et Sabine Geubel, et prononce enaudience publique du huit juin deux mille quinze par le president desection Albert Fettweis, en presence de l'avocat general Jean MarieGenicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.
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| L. Body | S. Geubel | M. Lemal |
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| M. Delange | D. Batsele | A. Fettweis |
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8 JUIN 2015 S.14.0091.F/1