Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.14.0834.F
V. A., R., E., prevenu,
demandeur en cassation,
contre
Maitre Adrien ABSIL, avocat, agissant en qualite de curateur à lafaillite de la societe anonyme Societe d'Actuariat et de Consultants, dontle siege est etabli à Liege, rue des Vennes, 38,
partie civile,
defendeur en cassation.
I. la procedure devant la cour
Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 3 avril 2014 par la courd'appel de Liege, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque dix moyens dans un memoire annexe au present arret,en copie certifiee conforme.
Le conseiller Pierre Cornelis a fait rapport.
L'avocat general Damien Vandermeersch conclu.
II. la decision de la cour
A. En tant que le pourvoi est dirige contre les decisions qui, renduessur l'action publique,
1. acquitte le demandeur du chef des preventions A.1 et G.7 à G.11,rapporte les decisions de confiscation prononcees par le premierjuge et ordonne la levee de la saisie operee sur le compte 3531ouvert à la banque Puilaetco Dewaay à Luxembourg :
Denue d'interet, le pourvoi est irrecevable.
2. condamne le demandeur :
Sur le premier moyen :
Les juges d'appel n'ont pu, sans se contredire, considerer que laprevention C.3 d'abus de confiance ne sera pas retenue à charge dudemandeur et confirmer sa condamnation du chef de cette prevention.
Le moyen est fonde.
Sur le deuxieme moyen :
Le moyen vise la prevention B.2 d'abus de biens sociaux reprimee depuis le1er janvier 1998 par l'article 492bis du Code penal.
La cour d'appel a considere qu'entre le 31 decembre 1997 et le 3 octobre2002, le demandeur avait commis des prelevements illicites qu'elle aevalues notamment à 186.705 euros pour l'annee complete 1998.
Dans la mesure ou il considere qu'ainsi les juges d'appel ont condamne ledemandeur pour des faits anterieurs à la date d'entree en vigueur del'article 492bis, le moyen procede d'une interpretation inexacte del'arret et, partant, manque en fait.
Pour le surplus, ayant identifie les prelevements reproches, ils ontindique que ces prelevements constituaient un usage significativementprejudiciable pour la societe dont le demandeur etait dirigeant au motifque, devenant de plus en plus considerables, ils avaient prive celle-cides moyens dont elle avait besoin pour fonctionner et pour faire face àses dettes.
Ils ont ainsi legalement justifie leur decision.
Le moyen, à cet egard, ne peut etre accueilli.
Sur le troisieme moyen :
Le moyen invoque une contradiction entre les motifs de l'arret etablissantla date de l'etat de faillite sur lequel se fondent les preventions D.4,E.5 et F.6.
Il n'est pas contradictoire de considerer, d'une part, qu'entre le 2octobre 2002 et le 27 decembre 2004, aucun paiement n'a pu etre effectuepar le demandeur en faveur de l'administration fiscale et, d'autre part,que, selon le demandeur, le receveur des contributions a fait versertoutes les rentrees de la societe dans le cadre d'une procedure de saisie.
Le moyen manque en fait.
Sur le quatrieme moyen :
Pris de la violation de l'article 489bis, 4DEG, du Code penal, le moyenreproche à l'arret de dire la prevention D.4 etablie alors que l'elementmoral doit exister au moment ou l'infraction est commise.
Le juge apprecie en fait la cessation des paiements ainsi quel'ebranlement du credit et, partant, la date à laquelle il constatel'etat de faillite. Il deduit l'intention de retarder la declaration defaillite de faits qui lui sont anterieurs, concomitants, voireposterieurs.
L'arret deduit l'intention de retarder la declaration de faillite liee àl'omission de l'aveu de celle-ci en relevant les annonces fallacieusesfaites par le demandeur concernant l'imminence d'un paiement jamais rec,uet la production d'une facture de 420.000 euros toujours impayee.
La cour d'appel a ainsi legalement justifie sa decision.
Pour le surplus, le moyen revient à contester l'appreciation en fait dujuge du fond ou exige pour son examen une verification d'elements defait, pour laquelle la Cour est sans pouvoir.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le cinquieme moyen :
La cour d'appel a estime, qu'envisagee dans son ensemble, la duree de laprocedure presente un depassement caracterise du delai raisonnable et aconsidere que ce depassement n'a pas compromis l'administration de lapreuve ni l'exercice des droits de la defense, de sorte qu'il ne doitavoir de repercussion que sur la peine.
Dans la mesure ou il soutient qu'un depassement du delai raisonnable anecessairement des repercussions sur l'administration de la preuve et surles moyens de defense du demandeur, le moyen manque en droit.
Pour le surplus, il appartient aux juridictions de jugement d'examiner, àla lumiere des elements de chaque cause, si celle-ci a ete instruite dansun delai raisonnable et, dans la negative, de determiner les effets quidoivent en etre deduits.
Dans la mesure ou il revient à critiquer l'appreciation en fait des jugesd'appel, le moyen est irrecevable.
Sur le sixieme moyen :
Aux termes de l'article 2 de la loi du 8 aout 1997 sur les faillites, toutcommerc,ant qui a cesse ses paiements de maniere persistante et dont lecredit se trouve ebranle est en etat de faillite
Pris de la violation de cette disposition, le moyen reproche à l'arret decondamner le demandeur du chef de la prevention D.4 sans constater lapersistance de la cessation des paiements.
L'article 489bis, 4DEG, du Code penal punit l'omission de faire l'aveu dela faillite dans le delai legal, dans l'intention de retarder ladeclaration de celle-ci.
D'une part, la cessation des paiements pendant la periode suspecten'implique pas l'absence de tout paiement pendant cette periode.
D'autre part, contrairement à ce que le moyen soutient, cette infraction,de caractere instantane, ne requiert pas que les conditions de l'etat defaillite subsistent apres la date à laquelle l'aveu devait etre fait.
Pour le surplus, ainsi qu'il apparait de la reponse au quatrieme moyen,les juges d'appel ont constate de maniere motivee l'intention du demandeurde retarder la declaration de faillite.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le septieme moyen :
Visant la prevention E.5 relative au detournement d'actifs, le moyenreproche à l'arret de ne pas constater l'existence de l'intentionfrauduleuse requise au moment des faits.
L'arret declare la prevention etablie à concurrence des prelevements quele demandeur a operes entre le 2 octobre 2002 et le 27 decembre 2004.
Les juges d'appel ont caracterise l'intention frauduleuse en considerantque les prelevements effectues par le demandeur etaient de nature àpriver les creanciers de leur gage.
Dans la mesure ou il soutient que le detournement d'actifs requiert queles prelevements operes soient significativement prejudiciables à lasociete faillie, le moyen manque en droit.
Dans la mesure ou il soutient que les faits reproches ont ete commis le 3octobre 2002 et que les juges d'appel n'ont pas constate l'existence del'intention frauduleuse requise au moment des faits, le moyen manque enfait.
Sur le huitieme moyen :
Sous le couvert d'une violation de l'article 7 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, le moyencritique l'appreciation en fait des juges d'appel concernant le caractereabusivement prejudiciable des retraits constitutifs d'abus de bienssociaux.
Le moyen est irrecevable.
Sur le neuvieme moyen :
Le moyen reproche à l'arret de fonder l'etat de cessation de paiementssur la solvabilite du demandeur et non celle de la societe faillie.
Reposant entierement sur une contestation de l'appreciation en fait desjuges d'appel ou exigeant pour son examen une verification d'elements defait, pour laquelle la Cour est sans pouvoir, le moyen est irrecevable.
Sur le dixieme moyen :
La simple allegation que le demandeur s'interroge quant à une eventuelleprescription de certaines preventions ne constitue pas un moyen decassation.
Le controle d'office
Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est, sauf l'illegalite à censurer ci-apres,conforme à la loi.
B. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision rendue surl'action civile exercee par le defendeur :
L'arret reserve à statuer sur la recevabilite et le fondement de laconstitution de partie civile.
Pareille decision n'est pas definitive au sens de l'article 416, alinea1er, du Code d'instruction criminelle tel qu'applicable à la cause, etest etrangere aux cas vises par le second alinea de cet article.
Le pourvoi est irrecevable.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Casse l'arret attaque en tant que, rendu sur l'action publique, il statuesur la prevention C.3 et il inflige la peine ;
Rejette le pourvoi pour le surplus ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Condamne le demandeur à la moitie des frais et laisse l'autre moitie àcharge de l'Etat ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, à la cour d'appel de Mons.
Lesdits frais taxes à la somme de deux cent nonante-huit euros cinqcentimes dus.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Frederic Close, president de section, Benoit Dejemeppe, PierreCornelis, Gustave Steffens et Franc,oise Roggen, conseillers, et prononceen audience publique du trois juin deux mille quinze par Frederic Close,president de section, en presence de Damien Vandermeersch, avocat general,avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
+------------------------------------------+
| F. Gobert | F. Roggen | G. Steffens |
|-------------+--------------+-------------|
| P. Cornelis | B. Dejemeppe | F. Close |
+------------------------------------------+
3 JUIN 2015 P.14.0834.F/1