La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/05/2015 | BELGIQUE | N°F.14.0143.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 21 mai 2015, F.14.0143.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.14.0143.F

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12, en la personne du directeurregional des contributions directes à Liege, dont les bureaux sontetablis à Liege, rue de Fragnee, 40,

demandeur en cassation,

contre

D. SPECTACLES, societe anonyme dont le siege social est etabli à Liege,rue du Parc, 69 B,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le

19 decembre2012 par la cour d'appel de Liege.

Le 27 avril 2015, le premier avocat general Andre Henkes a...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.14.0143.F

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12, en la personne du directeurregional des contributions directes à Liege, dont les bureaux sontetablis à Liege, rue de Fragnee, 40,

demandeur en cassation,

contre

D. SPECTACLES, societe anonyme dont le siege social est etabli à Liege,rue du Parc, 69 B,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 19 decembre2012 par la cour d'appel de Liege.

Le 27 avril 2015, le premier avocat general Andre Henkes a depose desconclusions au greffe.

Le president de section Christian Storck a fait rapport et le premieravocat general Andre Henkes a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Disposition legale violee

Article 17, S: 1er, de la Convention entre la Belgique et le Canada tendant à eviter les doubles impositions et à regler certaines autres questions en matiere d'impots sur le revenu, signee à Ottawa le 29 mai 1975 et approuvee par la loi du 26 juillet 1976

Decisions et motifs critiques

Apres avoir reproduit l'article 17 de la convention visee au moyen, quiest reconnu applicable au litige, et avoir constate qu'il n'est pasdiscute que l'artiste C. D. etait pour les exercices litigieux un «resident du Canada » ; que celle-ci s'est produite en Belgique « àl'intervention d'une societe de production franc,aise » à qui « a eteverse le prix convenu pour les concerts » ; que, « lorsque les revenusd'activites exercees personnellement par un artiste du spectacle [...]sont attribues à une autre personne que l'artiste », l'imposition nepeut avoir lieu « dans l'Etat contractant ou sont exercees les activitesde l'artiste », par derogation au paragraphe 2, « si l'artiste [...]etablit que ni lui ni des personnes qui lui sont associees ne participentdirectement ou indirectement aux benefices de la personne visee auditparagraphe » ; que « la [defenderesse] a produit une attestation de la societe de production franc,aise attestant `que l'artiste C. D. n'a jamaisete associee ni dirigeante de la societe anonyme G. C. Productions' [...] et que la piece V/37 du dossier administratif revele que le prix del'intervention de l'artiste C. D. fait l'objet d'un accord contractuelentre la societe de production franc,aise et une societe canadienne, leprix convenu pour le concert de Bruxelles en juin 2007 etant de centmille dollars americains »,

l'arret considere

Que « ces elements permettent de demontrer que la societe de productionfranc,aise retribue les prestations de C. D. au cachet et qu'elle neconstitue pas une societe dans laquelle l'artiste ou des personnes quilui sont associees participent, que ce soit directement ou indirectement,aux benefices » ;

Que le demandeur « ne demontre nullement que le contexte de l'article 17de la convention exigerait une interpretation differente du sens attribueen droit belge à une participation dans des benefices de la personne quiconstitue en l'occurrence une societe de production de droit franc,ais »;

Que « l'on ne peut considerer que l'artiste, du fait de sa participationau spectacle, participe aux benefices de la societe de production, dansle sens du droit fiscal belge des societes, à laquelle il facture sesprestations » ;

Que « l'artiste C. D. n'a jamais ete associee ni dirigeante de lasociete anonyme G. C. Productions »,

et decide

Que « la part propre de l'artiste dans le prix verse par [ladefenderesse] à la societe de production franc,aise n'est pas taxableen Belgique en vertu de l'article 17, S: 3, de la convention precitee »,de sorte que « les trois cotisations litigieuses doivent etre degrevees».

Griefs

L'article 17 de la convention visee au moyen, intitule « Artistes etsportifs », applicable aux cotisations au precompte professionnel misesà la charge de la defenderesse pour les exercices d'imposition 1996 (articles 825268 et 825269) et 1997 (article 925260), enonce :

« 1. Nonobstant les dispositions des articles VII, XIV et XV, les revenusque les artistes du spectacle, tels les artistes de theatre, de cinema,de la radio ou de la television et les musiciens, ainsi que les sportifs,retirent de leurs activites personnelles en cette qualite sont imposablesdans l'Etat contractant ou ces activites sont exercees.

2. Lorsque les revenus d'activites exercees personnellement par un artistedu spectacle ou un sportif sont attribues à une autre personne quel'artiste ou le sportif lui-meme, ils peuvent, nonobstant lesdispositions des articles VII, XIV et XV, etre imposes dans l'Etatcontractant ou sont exercees les activites de l'artiste ou du sportif.

3. Les dispositions du paragraphe 2 ne s'appliquent pas si l'artiste ou lesportif etablit que ni lui ni des personnes qui lui sont associees ne participent directement ou indirectement aux benefices de la personne visee audit paragraphe ».

Le paragraphe 1er de cet article 17 enonce la regle qui s'impose auxEtats contractants pour « les revenus que les artistes du spectacle[...] retirent de leurs activites personnelles en cette qualite »,lesquels « sont imposables dans l'Etat contractant ou ces activites sontexercees », alors que les paragraphes 2 et 3 dudit article instaurentune extension (S: 2) de la regle contenue au paragraphe premier pour desrevenus generes par ces activites qui seraient « attribues à une autrepersonne que l'artiste [...] lui-meme », et une exception (S: 3) àcette extension « si l'artiste [...] etablit [qu'il ne participe pas]directement ou indirectement aux benefices de la personne visee [audeuxieme] paragraphe ».

Il resulte de l'economie de ces dispositions ainsi que des termes« retirent de leurs activites personnelles en [...] qualite [d'artistedu

spectacle] » utilises au paragraphe 1er et des termes « benefices dela personne visee au [...] paragraphe 2 » utilises au paragraphe 3, quela regle contenue au paragraphe 1er concerne en tout etat de cause lapart des revenus generes par les activites personnelles de l'artiste duspectacle qui reviennent en propre à ce dernier tandis que lesdispositions contenues aux paragraphes 2 et 3 concernent des revenusgeneres par ces memes activites qui reviennent à un tiers en raisond'une intervention de nature commerciale de celui-ci.

Cette lecture s'inscrit dans le droit fil des commentaires de l'article17, S: 1er, du modele de convention fiscale concernant le revenu et lafortune etabli par le comite des affaires fiscales de l'Organisation decooperation et de developpement economiques (O.C.D.E.), lequel est redigeen des termes largement comparables à ceux de la conventionbelgo-canadienne, qui enoncent que « le revenu perc,u par lesimpresarios, etc. pour organiser la prestation d'un artiste ou d'unsportif n'entrent pas dans le champ de l'article, mais tout revenu qu'ilsperc,oivent pour le compte de l'artiste ou du sportif est naturellementvise par cet article » (point 7 des commentaires concernant l'article17, S: 1er, du modele de convention).

En l'espece, les revenus que C. D. « [retire] de [ses] activitespersonnelles en [qualite d'artiste du spectacle] » sont en tout etat decause imposables en Belgique conformement à l'article 17, S: 1er, de laconvention belgo-canadienne de 1975, alors que les benefices de lasociete de production franc,aise generes par les activites d'artiste duspectacle de C. D. relevent en priorite de la convention belgo-franc,aise(lesquels benefices sont en l'occurrence exoneres en Belgique, sauf si lasociete de production franc,aise y dispose d'un etablissement stable), desorte que la possibilite de les imposer en Belgique par application del'article 17, S: 2, de la convention belgo-canadienne (lequel utilise lestermes « peuvent etre imposes dans l'Etat contractant ou sont exerceesles activites de l'artiste ») n'est pas susceptible d'etre rencontree etque l'exception prevue au paragraphe 3 de ce meme article 17 est afortiori sans application.

Une seule autre hypothese pourrait justifier, le cas echeant, que le precompte professionnel soit retenu sur l'ensemble des revenus generes par l'activite de l'artiste en Belgique : celle ou l'organisateur belge(le redevable du precompte professionnel) n'est pas en mesure dedeterminer la part propre de l'intermediaire, de telle sorte que leredevable se doit alors de retenir le precompte professionnel surl'ensemble des contreparties au contrat (comme si le tout revenait enpropre à l'artiste) ; mais cette hypothese n'est jamais qu'uneapplication de la regle contenue au paragraphe 1er de l'article 17 de laconvention belgo-canadienne (et non une application du paragraphe 2 decet article 17).

Il en resulte que, si nous ne sommes pas dans la situation envisagee par les paragraphes 2 et 3 de l'article 17 de la convention belgo-canadienne (lesquels paragraphes sont necessairement interdependants), la part revenant in fine en propre à l'artiste reste neanmoins visee par la reglepremiere (paragraphe 1er) dudit article 17, à savoir que les revenus queC. D.

« retire de ses activites personnelles en cette qualite sont (restent)imposables dans l'Etat contractant ou ces activites sont exercees ».

Autrement dit : si le paragraphe 3 de l'article 17 de la Convention peutfaire obstacle à une application du paragraphe 2 dudit article, comme leprecise explicitement le paragraphe 3, ce paragraphe 3 n'annule pourautant pas l'application de la regle premiere de l'article 17 de laConvention (le paragraphe 1er) qui vise la part propre de l'artiste,laquelle est soumise à une imposition à la source consistant en laretenue du precompte professionnel.

C'est bien dire qu'en tout etat de cause, ce qui revient in fine en propreà l'artiste lui-meme, à raison des prestations effectuees en Belgique,est toujours impose à la source en Belgique sur la base du paragraphe1er de l'article 17 de la convention belgo-canadienne.

En decidant qu'aussi, « la part propre de l'artiste dans le prix versepar [la defenderesse] à la societe de production franc,aise n'est pastaxable en Belgique en vertu de l'article 17, S: 3, de la convention »,l'arret decide en ne considerant, erronement, que le paragraphe 3 del'article 17 de la convention de 1975 ; ce faisant, il perd de vue etviole le paragraphe 1er dudit article.

C'est pourquoi l'article 17, S: 1er, de la convention visee au moyen a eteviole.

III. La decision de la Cour

Aux termes de l'article 17, S: 1er, de la convention entre la Belgique etle Canada tendant à eviter les doubles impositions et à regler certainesautres questions en matiere d'impots sur le revenu, signee à Ottawa le 29mai 1975, nonobstant les dispositions des articles VII, XIV et XV, lesrevenus que les artistes du spectacle, tels les artistes de theatre, decinema, de la radio ou de la television et les musiciens, ainsi que lessportifs, retirent de leurs activites personnelles en cette qualite sontimposables dans l'Etat contractant ou ces activites sont exercees.

Le paragraphe 2 de cet article dispose que, lorsque les revenusd'activites exercees personnellement par un artiste du spectacle ou unsportif sont attribues à une autre personne que l'artiste ou le sportiflui-meme, ils peuvent, nonobstant les dispositions des articles VII, XIVet XV, etre imposes dans l'Etat contractant ou sont exercees les activitesde l'artiste ou du sportif.

Les dispositions du paragraphe 2 ne s'appliquent pas, poursuit leparagraphe 3, si l'artiste ou le sportif etablit que ni lui ni despersonnes qui lui sont associees ne participent directement ouindirectement aux benefices de la personne visee audit paragraphe 2.

Il suit de ces dispositions que, lorsque l'artiste ou le sportif etablit,conformement au paragraphe 3, que les revenus attribues à une autrepersonne ne peuvent etre imposes en vertu du paragraphe 2, la part de cesrevenus qui lui revient n'en est pas moins imposable, sur la base duparagraphe 1er, dans l'Etat contractant ou ont ete exercees les activitesd'ou proviennent lesdits revenus.

L'arret, qui, apres avoir tenu pour etabli que l'artiste C. D. neparticipe ni directement ni indirectement aux benefices de la societe dedroit franc,ais à laquelle ont ete attribues les revenus de concertsqu'elle a donnes en Belgique, en deduit que « la part propre de l'artistedans le prix verse par [la defenderesse] à [cette] societe [...] n'estpas taxable en Belgique en vertu de l'article 17, S: 3, de la conventionprecitee », viole l'article 17, S: 1er, de celle-ci.

Le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il rec,oit l'appel et le dit nonfonde ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Mons.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, le conseiller DidierBatsele, le president de section Albert Fettweis, les conseillers MartineRegout et Sabine Geubel, et prononce en audience publique du vingt et unmai deux mille quinze par le president de section Christian Storck, enpresence du premier avocat general Andre Henkes, avec l'assistance dugreffier Patricia

De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Regout |
|-----------------+------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

21 MAI 2015 F.14.0143.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.14.0143.F
Date de la décision : 21/05/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2015
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-05-21;f.14.0143.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award