La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

13/05/2015 | BELGIQUE | N°P.13.1755.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 mai 2015, P.13.1755.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.13.1755.F

I. 1. A. D., A., ayant pour conseils Maitres Etienne Wery, avocat aubarreau de Tournai, Pierre Monville, avocat au barreau de Bruxelles, etSorin Margulis, avocat au barreau de Paris,

2. L. B., V.,

prevenus,

demandeurs en cassation,

les deux pourvois contre

CENTRE POUR L'EGALITE DES CHANCES ET LA LUTTE CONTRE LE RACISME, dont lesiege est etabli à Bruxelles, rue Royale, 138,

partie civile,

defendeur en cassation,

II. M.J.-J., L., P.,

prevenu,

demand

eur en cassation,

ayant pour conseils Maitres Guillaume Taeke, avocat au barreau de Tournai,et Barbara Huylebroek, avocat au ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.13.1755.F

I. 1. A. D., A., ayant pour conseils Maitres Etienne Wery, avocat aubarreau de Tournai, Pierre Monville, avocat au barreau de Bruxelles, etSorin Margulis, avocat au barreau de Paris,

2. L. B., V.,

prevenus,

demandeurs en cassation,

les deux pourvois contre

CENTRE POUR L'EGALITE DES CHANCES ET LA LUTTE CONTRE LE RACISME, dont lesiege est etabli à Bruxelles, rue Royale, 138,

partie civile,

defendeur en cassation,

II. M.J.-J., L., P.,

prevenu,

demandeur en cassation,

ayant pour conseils Maitres Guillaume Taeke, avocat au barreau de Tournai,et Barbara Huylebroek, avocat au barreau de Bruxelles,

III. CENTRE POUR L'EGALITE DES CHANCES ET LA LUTTE CONTRE LE RACISME, mieux qualifie ci-dessus,

partie civile,

demandeur en cassation,

ayant pour conseils Maitres Francis Carron, avocat au barreau de Bruges,et Melissa Van Doorselaer, avocat au barreau de Bruxelles,

contre

1. A. D., A.,

2. L. B., V.,

mieux qualifies ci-dessus,

prevenus,

defendeurs en cassation.

* I. la procedure devant la cour

* Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 20 septembre 2013par la cour d'appel de Mons, chambre correctionnelle.

D. A. invoque quatre moyens, J.-J. M. et le Centre pour l'egalite deschances et la lutte contre le racisme en font valoir un, chacun dans unmemoire annexe au present arret, en copie certifiee conforme.

A l'audience du 25 mars 2015, le conseiller Benoit Dejemeppe a faitrapport et l'avocat general Raymond Loop a conclu.

Le 30 avril 2015, D. A. a depose une note en reponse aux conclusions del'avocat general precite.

II. la decision de la cour

A. Sur le pourvoi de D. A. :

1. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision de condamnationrendue sur l'action publique exercee à charge du demandeur :

Sur l'ensemble du premier moyen :

Pris de la violation des articles 6.1 et 6.2 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, le moyenreproche à l'arret de ne pas tirer les consequences du parti pris desenqueteurs à l'egard du demandeur. Il est egalement fait grief aux jugesd'appel d'avoir viole l'article 149 de la Constitution en ne repondant pasaux conclusions selon lesquelles, la partialite des enqueteurs ne faisantaucun doute, les poursuites devaient etre declarees irrecevables.

Le moyen ne critique pas l'attitude des policiers lors des auditions ni lecontenu des proces-verbaux qu'ils ont etablis, mais il invoque lacirconstance que, lorsqu'ils ont eux-memes ete entendus dans le cadred'une enquete subsequente par le comite de controle des services depolice, les enqueteurs ont tenu des propos desobligeants et outrageants àl'egard du demandeur.

De la circonstance invoquee, il ne se deduit pas que les actes accomplispendant l'instruction doivent etre tenus pour irreguliers ni que lespoursuites doivent etre declarees irrecevables.

Les articles 6.1 et 6.2 de la Convention ne precisant pas la sanction dunon-respect de la presomption d'innocence, il appartient au juge d'enapprecier les consequences.

Apres avoir admis que, dans une enquete distincte, certains policiersavaient exprime une appreciation pejorative du demandeur, de nature àfaire naitre une apparence de partialite, la cour d'appel a considere queces faits ne mettaient pas en peril la recevabilite des poursuites ni latenue d'un proces equitable.

A l'appui de cette decision, l'arret releve que le demandeur a pu exercerson droit à la contradiction et faire valoir ses observationsrelativement à l'objectivite des constatations des verbalisants, que lespropos denigrants de ceux-ci ont ete tenus posterieurement à l'enquete,que la fiabilite et la valeur probante des elements de celle-ci ne sontpas concretement affectees par les propos precites, et que les juges tantd'instance que d'appel ont ete en mesure d'apprecier le dossier de maniereimpartiale.

Ces considerations, qui repondent à la defense proposee, ne violent pasles articles 6.1 et 6.2 de la Convention.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Sur le deuxieme moyen :

Quant à la premiere branche :

Le moyen soutient qu'en matiere d'exploitation de la prostitution, lapratique generalisee de ne pas poursuivre a constitue dans le chef dudemandeur une erreur invincible de droit, de sorte qu'en declarantcelui-ci coupable, l'arret viole l'article 71 du Code penal.

Ainsi que l'arret l'enonce, la loi penale ne s'abroge pas par desuetude etl'erreur de droit n'est invincible et ne constitue une cause dejustification que pour autant qu'elle soit de nature telle que toutepersonne raisonnable et prudente, placee dans les memes circonstances defait et de droit, l'eut commise.

Le juge apprecie en fait l'existence d'une erreur invincible, la Courverifiant si, de ses constatations souveraines, il a pu legalement deduiresa decision.

L'arret ecarte le moyen tire de l'existence de certaines reglementationscommunales traitant du phenomene de la prostitution dans le but del'encadrer, en considerant que la tolerance supposee de certainesadministrations locales est depourvue d'effets juridiques dans le domainede la recherche et de la poursuite des infractions.

La cour d'appel a egalement souscrit aux enonciations du tribunalcorrectionnel qui avait notamment emis les considerations suivantes :l'abandon des poursuites pour des faits de meme nature dansl'arrondissement de Tournai ou dans d'autres ne correspond pas à larealite ; lors de ses auditions, le demandeur a indique à plusieursreprises qu'il n'ignorait pas la portee de l'article 380 du Code penal ;le juge d'instruction l'a explicitement invite à cesser ses activites, cequ'il a refuse de faire ; aucun element du dossier ne permet de considererqu'il a pu se sentir conforte dans l'exercice de ses activitesdelictueuses, si ce n'est par son interpretation erronee et opportunistede la loi ; on peut s'interroger sur le point de savoir la raison pourlaquelle les contrats de travail qu'il faisait signer dissimulaientl'activite reelle qu'ils visaient si, comme il l'a repete au cours de laprocedure, « la loi, la coutume et la jurisprudence lui donnentraison » ; et le demandeur a conscience non seulement de l'illiceite deses activites mais aussi des poursuites qu'elles pouvaient engendrer.

Les juges d'appel ont encore eu egard aux nombreuses interpellations dudemandeur, pendant la periode infractionelle, sur les faits vises auxactes de poursuite, et ils ont considere que ces interpellations nepouvaient laisser subsister dans l'esprit de celui-ci le moindre doutequant au caractere penalement reprehensible des comportements dont iletait soupc,onne et à propos desquels il etait entendu.

Par ces considerations en fait qu'il n'appartient pas à la Cour decensurer, la cour d'appel a pu legalement justifier sa decision de ne pasfaire application de l'article 71 du Code penal au benefice du demandeur.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Quant à la seconde branche :

Selon le demandeur, l'arret ne repond pas à ses conclusions invoquant, ausoutien de l'application de l'article 71 du Code penal, l'evolutionsocietale et jurisprudentielle ainsi que la tolerance des autoritesjudiciaires et policieres.

Les considerations mentionnees en reponse à la premiere brancherencontrent cette defense.

Des lors que les juges d'appel ont, comme en l'espece, fait connaitre audemandeur les raisons de leur decision, ils n'etaient pas tenus derepondre aux elements differents ou contraires qu'il presentait à l'appuide sa defense, mais qui devenaient sans pertinence.

Le moyen manque en fait.

Sur le troisieme moyen :

Selon le demandeur, l'arret ne repond pas à ses conclusions soutenant queles preventions d'infraction à la legislation sur les stupefiants qui luietaient imputees, n'etaient etayees par aucun element materiel ni aucuntemoignage digne de foi et que les allegations de trois temoins etaientcontredites par un autre.

Par adoption des motifs du jugement, l'arret enonce d'abord que, lorsd'une perquisition au domicile du demandeur, trois sachets de cocaine ontete decouverts. Il releve egalement les declarations de trois temoins quiattestent la fourniture de cocaine par le demandeur, element à son tourconfirme par deux autres personnes, l'une d'elles faisant etat d'achats enquantite importante du fait qu'il s'agissait d'un moyen pour le demandeurde « bien accrocher » les filles.

La cour d'appel a ensuite considere que la declaration du temoin en faveurdu demandeur n'etait pas de nature à amoindrir la valeur probante desdeclarations precises et convergentes des autres temoins.

Par ces considerations, l'arret motive regulierement sa decision.

Le moyen manque en fait.

Sur l'ensemble du quatrieme moyen :

Le demandeur a ete condamne à une peine unique du chef d'embauche en vuede la prostitution, tenue d'une maison de debauche, proxenetismeimmobilier, exploitation de la debauche et de la prostitution d'autrui,publicite en vue de la prostitution, infractions à la legislationrelative aux stupefiants, faux en ecritures et usage de faux,participation à une organisation criminelle, blanchiment et infractionsde droit penal social.

Le moyen ne concerne que la seule prevention de blanchiment et la peineest legalement justifiee par les autres infractions declarees etablies.

Denue d'interet, il est irrecevable.

Le controle d'office

Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.

2. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision rendue surl'action civile exercee contre le demandeur par le defendeur :

L'arret n'alloue aucune indemnite au defendeur à charge du demandeur.

Le pourvoi est irrecevable.

B. Sur le pourvoi de B. L. :

1. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision de condamnationrendue sur l'action publique exercee à charge de la demanderesse :

Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.

2. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision rendue surl'action civile exercee contre la demanderesse par le defendeur :

L'arret n'alloue aucune indemnite au defendeur à charge de lademanderesse.

Le pourvoi est irrecevable.

C. Sur le pourvoi de J.-J. M. :

Sur le moyen :

Quant à la premiere branche :

Le moyen soutient qu'en n'appreciant pas concretement si la toleranceadministrative a constitue une erreur invincible à l'egard du demandeur,qui n'etait qu'un collaborateur du prevenu D. A., l'arret viole l'article71 du Code penal.

Par les motifs que la cour d'appel a enonces à l'egard de l'ensemble desprevenus et resumes en reponse au deuxieme moyen invoque par D.A., l'arretecarte l'application de l'erreur invincible en l'espece. Lesconsiderations de l'arret relatives à la reaction des autorites chargeesde la poursuite des infractions et aux nombreuses interpellationsjustifient legalement la decision que la tolerance supposee de certainesadministrations locales etait inapte à engendrer une telle erreur, ycompris dans le chef du demandeur.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Quant à la deuxieme branche :

Le moyen allegue que la cour d'appel aurait du constater qu'en l'espece,l'absence de poursuites par le parquet sur pied de l'article 380, S: 1er,du Code penal constituait une erreur invincible pour le demandeur.

L'arret ne constate toutefois pas une absence de poursuites puisque, parreference au jugement entrepris, il considere que l'abandon des poursuitespour des faits de meme nature dans l'arrondissement de Tournai ou dansd'autres ne correspond pas à la realite, precisant que « ces poursuitesont sans doute ete plus discretes et n'ont pas connu le retentissementmediatique que d'aucuns ont entendu donner à la presente procedure ».

Critiquant cette appreciation en fait ou requerant pour son examen uneverification en fait, qui echappe au pouvoir de la Cour, le moyen estirrecevable.

Quant à la troisieme branche :

Pris de la violation de l'article 149 de la Constitution, le moyensoutient que l'arret ne repond pas aux conclusions du demandeur invoquanten substance, au titre de l'erreur invincible, sa bonne foi en raison desconseils rec,us du prevenu D. A., le comportement des services de policeet le deroulement de l'instruction au cours de laquelle il n'a jamais eteinquiete, les decisions judiciaires intervenues en cause du prevenuprecite ainsi que la tolerance de l'Office national de l'emploi.

En considerant, par adoption des motifs du jugement entrepris, le roleimportant tenu par le demandeur dans les activites delictueuses et enprecisant qu'il avait conscience non seulement de l'illiceite de cesactivites mais aussi des poursuites qu'elles pouvaient engendrer, l'arretdenie au demandeur le benefice de la bonne foi qu'il revendiquait.

Pour le surplus, par les motifs que la cour d'appel a enonces à l'egardde l'ensemble des prevenus et resumes en reponse au deuxieme moyen invoquepar D.A., l'arret rencontre la defense invoquee.

La circonstance qu'à la difference de D. A., le demandeur n'a pas etearrete au cours de la procedure et la tolerance de l'Office national del'emploi etant des arguments non distincts du moyen deduit du comportementdes autorites, la cour d'appel n'avait plus à y repondre.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Le controle d'office

Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.

D. Sur le pourvoi du Centre pour l'egalite des chances et la lutte contrele racisme :

Sur le moyen :

L'appel incident que peut former par conclusions à l'audience la partieintimee est l'exercice par celle-ci du recours qu'elle eut pu exercer parla voie d'un appel principal forme dans les delais legaux et dirige contrela decision qui concerne les parties sur l'appel desquelles elle estintimee.

Le jugement entrepris n'allouait aucune indemnite au profit du demandeurà charge des defendeurs et fondee sur les faits des preventions I, II,III et IV. Il s'ensuit que ceux-ci etaient sans interet à faire appel decette decision.

N'etant pas saisie d'un appel principal des defendeurs contre le demandeurrelativement à cette decision, la cour d'appel a des lors legalementdecide qu'elle etait sans competence pour statuer sur l'appel incidentforme par celui-ci par voie de conclusions et visant les preventionsprecitees.

Le moyen ne peut etre accueilli.

PAR CES MOTIFS,

LA COUR

Rejette les pourvois ;

Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.

Lesdits frais taxes en totalite à la somme de quatre cent soixante eurosdix centimes dont I) sur les pourvois de D. A. et de B. L.: cent quatreeuros trente-quatre centimes dus ; II) sur le pourvoi de J.-J. M.: centquatre euros trente-quatre centimes dus et III) sur le pourvoi du centrepour l'egalite des chances et la lutte contre le racisme : soixante-deuxeuros cinquante-quatre centimes dus et cent quatre-vingt-huit eurosquatre-vingt-huit centimes payes par ce demandeur.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Frederic Close, president de section, Benoit Dejemeppe, PierreCornelis, Gustave Steffens et Franc,oise Roggen, conseillers, et prononceen audience publique du treize mai deux mille quinze par Frederic Close,president de section, en presence de Raymond Loop, avocat general, avecl'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.

+------------------------------------------+
| T. Fenaux | F. Roggen | G. Steffens |
|-------------+--------------+-------------|
| P. Cornelis | B. Dejemeppe | F. Close |
+------------------------------------------+

13 mai 2015 P.13.1755.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.13.1755.F
Date de la décision : 13/05/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 04/06/2015
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-05-13;p.13.1755.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award