Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG S.13.0076.F
M. V. H.,
demandeur en cassation,
represente par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,
contre
OFFICE NATIONAL DE L'EMPLOI, etablissement public, dont le siege estetabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 7,
defendeur en cassation,
represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 27 mars 2013par la cour du travail de Bruxelles.
Le president de section Christian Storck a fait rapport.
L'avocat general delegue Michel Palumbo a conclu.
II. Les moyens de cassation
Le demandeur presente deux moyens libelles dans les termes suivants :
Premier moyen
Dispositions legales violees
- articles 149 et 159 de la Constitution ;
- articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;
- articles 1er, 5DEG, et 142, specialement alinea 3, de l'arrete royal du25 novembre 1991 portant reglementation du chomage.
Decisions et motifs critiques
Apres avoir constate que le defendeur « a decide, le 22 avril 2010, d'exclure [le demandeur] du benefice des allocations de chomage à partirdu 28 fevrier 2003 ; de recuperer les allocations perc,ues indument ; del'exclure du droit aux allocations de chomage 1. pendant huit semaines,dont quatre semaines avec sursis, à partir du 26 avril 2010, parce qu'ila omis de faire une declaration requise et 2. pendant vingt-six semainesà partir du 26 avril 2010, parce qu'il a omis, avant le debut d'uneactivite incompatible avec les allocations de chomage, de noircir la casecorrespondante de sa carte de controle (...). Un document de recuperationC31 a ete notifie pour la periode du 1er mars 2007 au 31 decembre 2008. Il en resulte un montant à rembourser de 26.563,62 euros »,
l'arret confirme le jugement entrepris en tant qu'il a lui-meme confirmela decision du defendeur du 22 avril 2010.
L'arret fonde cette decision sur les motifs suivants :
« A. Irregularite de la decision litigieuse
La decision du 22 avril 2010 a ete signee par monsieur Eric P., pardelegation du directeur [du bureau du chomage de Nivelles] ;
En vertu de l'article 142, alinea 3, de l'arrete royal du 25 novembre1991, 'le directeur peut deleguer à des membres du personnel du bureaudu chomage une partie des pouvoirs qui lui sont conferes' ;
[Le defendeur] produit un acte de delegation des pouvoirs du directeur dubureau regional de Nivelles en faveur de monsieur P. ;
[Le demandeur] soutient que cette delegation n'est prevue qu'en casd'absence ou d'empechement du titulaire et qu'en l'espece, il n'est pasetabli que, le jour de la decision, le directeur etait absent ouempeche ;
L'article 142, alinea 3, n'envisage pas que la delegation puisse etresubordonnee à la circonstance que le directeur soit effectivementempeche le jour des faits. Dans la mesure ou elle impose cette condition,la designation doit etre consideree comme irreguliere ;
Monsieur Henkes precise en ce sens que, 'en droit, la designation opereune investiture personnelle immediate ; vouloir soumettre le pouvoirconfere par cette designation à la realisation d'une condition-fait -l'absence d'empechement - est irregulier. Mais en outre, et surtout, enraison de l'effet immediat et direct de la designation au profit del'agent « chomage », cette irregularite reste sans consequence sur lacompetence de l'agent designe' (A. Henkes, `Le directeur du bureau duchomage par designation ou delegation et la legalite externe de ladecision administrative sur le droit aux allocations de chomage', Chron.dr. soc., 1994, 64) ».
Griefs
Premiere branche
1. L'arret constate : « La decision du 22 avril 2010 a ete signee parmonsieur E. P., par delegation du directeur [du bureau du chomage deNivelles]. En vertu de l'article 142, alinea 3, de l'arrete royal du 25novembre 1991, 'le directeur peut deleguer à des membres du personnel dubureau du chomage une partie des pouvoirs qui lui sont conferes'. [Ledefendeur] produit un acte de delegation des pouvoirs du directeur du bureau regional de Nivelles en faveur de monsieur P. ».
Dans la lecture faite par la cour du travail des pieces produites par le defendeur, ce serait donc le directeur du bureau du chomage de Nivellesqui aurait accorde une delegation au fonctionnaire P., auteur de ladecision administrative litigieuse du 22 avril 2010, cette delegationetant accordee en vertu de l'article 142, alinea 3, de l'arrete royal du25 novembre 1991 portant reglementation du chomage. Il sera demontre dansla presente branche du moyen (2 à 6) que, si l'on admet cetteconstatation factuelle des juges du fond (la delegation a ete accordee aufonctionnaire P. par le directeur du bureau de Nivelles), l'arret nejustifie pas legalement sa decision.
2. L'article 142, alinea 3, de l'arrete royal dispose : « Le directeur[du bureau dans le ressort duquel le travailleur a sa residenceprincipale] peut deleguer à des membres du personnel du bureau duchomage une partie des pouvoirs qui lui sont conferes ».
L'article 142, alinea 3, doit se comprendre en ce sens que le directeurdu bureau dans le ressort duquel le travailleur a sa residence principalene peut legalement deleguer les competences qui lui sont conferees parl'arrete royal que pour le cas ou il est absent ou empeche. L'empechementou l'absence du titulaire des pouvoirs delegues doit des lors etre prouveet doit au surplus etre vise expressement dans les actes pris par ledelegue en vertu de cette delegation.
3. En l'espece, l'arret ne denie pas qu'ainsi que le demandeur l'invoquait dans ses conclusions d'appel, « ni l'absence nil'empechement du directeur du bureau du chomage n'est demontre. Il nepeut l'etre a posteriori puisque l'acte attaque ne mentionne pasvalablement la cause qui permet la delegation ».
Le motif que « l'article 142, alinea 3, n'envisage pas que la delegationpuisse etre subordonnee à la circonstance que le directeur soitvalablement empeche le jour des faits » donne une portee erronee à ladisposition reglementaire jugee applicable par la cour du travail et, deslors, ne justifie pas legalement la decision selon laquelle la decisionadministrative litigieuse de 22 avril 2010 est reguliere et ne doit pasetre annulee. En fondant le refus d'annulation de la decision du 22 avril2010 sur le motif precite, l'arret viole l'article 142, alinea 3, del'arrete royal du 25 novembre 1991 portant reglementation du chomage enmeconnaissant les conditions auxquelles cette disposition reglementairesubordonne la validite d'une delegation par le directeur du bureau duchomage d'une partie de ses pouvoirs.
4. A tout le moins, l'article 142, alinea 3, de l'arrete royal doit se comprendre en ce sens que, lorsque le directeur a delegue ses pouvoirspour le cas uniquement ou il serait absent ou empeche, un acte pris parle delegue n'est valable que 1DEG s'il vise expressement l'absence oul'empechement du directeur et 2DEG si l'absence ou l'empechement sontetablis ou, subsidiairement, si l'une au moins des deux conditionsenoncees sub 1DEG ou sub 2DEG est remplie.
L'arret ne denie pas qu'ainsi que le demandeur l'invoquait dans sesconclusions d'appel, « ni l'absence ni l'empechement du directeur dubureau du chomage n'est demontre. Il ne peut l'etre a posteriori puisque l'acte attaque ne mentionne pas valablement la cause qui permet ladelegation ». L'arret constate cependant, à tout le moinsimplicitement, que l'acte de delegation à monsieur P. des pouvoirs dudirecteur du bureau regional de Nivelles, produit par le defendeur devantla cour du travail, imposait comme condition à la delegation que le directeur soit effectivement absent ou empeche le jour des faits. Endecidant qu'une telle condition imposee par l'acte de delegation estirreguliere et ne peut produire d'effet, l'arret viole l'article 142,alinea 3, de l'arrete royal du 25 novembre 1991 portant reglementation duchomage en meconnaissant que cette disposition reglementaire autorise ledirecteur à subordonner la delegation de pouvoirs à la condition qu'ilsoit effectivement absent ou empeche lorsque le delegue est amene à agirpar delegation, de telle sorte que, si la delegation enonce une tellecondition, une decision prise par le delegue n'est valable que 1-o sielle vise expressement l'absence ou l'empechement du directeur et 2DEG sil'absence ou l'empechement sont etablis ou, subsidiairement, si l'une aumoins des deux circonstances enoncees sub 1DEG ou sub 2DEG est etablie(violation de l'article 142, alinea 3, de l'arrete royal du 25 novembre1991 portant reglementation du chomage).
5. A titre subsidiaire, si l'article 142, alinea 3, de l'arrete royal doits'interpreter en ce sens que, lorsque le directeur delegue sescompetences, il ne peut legalement subordonner la delegation à lacondition d'etre lui-meme absent ou empeche, pareille interpretation dela disposition reglementaire en cause implique que la delegationcomportant une telle restriction est illegale et, en consequence, que l'article 159 de la Constitution impose aux juridictions judiciaires d'enfaire totalement abstraction. En consequence, l'arret qui constate, àtout le moins implicitement, que l'acte de delegation à monsieur P. despouvoirs du directeur du bureau regional de Nivelles, produit par ledefendeur devant la cour du travail, imposait comme condition à ladelegation que le directeur soit effectivement absent ou empeche le jourdes faits, n'a pu refuser d'annuler la decision administrative du 22 avril2010 prise par un fonctionnaire qui tirait sa competence d'un acte dedelegation comportant une condition illegale. En donnant effet à unedecision administrative prise en vertu d'une delegation comportant unecondition prohibee par l'article 142, alinea 3, de l'arrete royal,l'arret viole les articles 159 de la Constitution et 142, alinea 3, del'arrete royal vise en tete du moyen.
Au surplus, l'arret decide que la delegation de pouvoir au fonctionnaireP. « doit etre consideree comme irreguliere » parce qu'elle impose comme condition que le directeur soit absent ou empeche. Il estcontradictoire de decider qu'une delegation est irreguliere et, dans lememe temps, de refuser d'annuler la decision prise sur la base de cettedelegation.
En consequence, l'arret, qui decide que, « dans la mesure ou elle imposecette condition, la designation doit etre consideree comme irreguliere »,et qui refuse neanmoins d'annuler la decision du 22 avril 2010, se fondesur des motifs contradictoires et viole l'article 149 de la Constitution.
6. A tout le moins, en ne precisant pas si la delegation de pouvoir invoquee par le defendeur imposait comme condition que le directeur soitabsent ou empeche, l'arret ne repond pas aux conclusions d'appel dudemandeur, qui soutenaient : « En reponse à ce qui precede, [ledefendeur] produit un acte de designation emanant de l'administrateurgeneral de l'Office national de l'emploi dont il ressort que les pouvoirs conferes par les lois et reglements au directeur du bureau du chomage deNivelles sont, en cas d'absence ou d'empechement du titulaire, exercespar monsieur P. ». Laissant ainsi sans reponse les conclusions dudemandeur, les motifs de l'arret ne permettent pas à la Cour decontroler la legalite de la decision attaquee (violation de l'article 149de la Constitution).
Deuxieme branche
L'acte de delegation de pouvoirs produit par le defendeur, sur lequel l'arret fonde sa decision, est redige comme suit :
« Acte de designation (Reglement de suppleance)
Dispositions relatives au bureau du chomage de Nivelles ;
L'administrateur general de l'Office national de l'emploi,
Vu l'article 1er, 5DEG, de l'arrete royal du 25 novembre 1991 portantreglementation du chomage,
Vu l'article 1er, 6DEG, de l'arrete ministeriel du 26 novembre 1991portant les modalites d'application de l'arrete royal precite,
Decide :
Article 1er :
Les pouvoirs conferes par les lois et reglements au directeur du bureau duchomage, y compris le pouvoir de delegation prevu à l'article 142, alinea3, de l'arrete royal du 25 novembre 1991, sont, en cas d'absence oud'empechement du titulaire, mais sans prejudice d'une delegation depouvoirs faite en application de l'article 142, alinea 3, precite auprofit des fonctionnaires mentionnes ci-apres, exerces par E. P.,attache.
Article 2
En cas d'absence ou d'empechement du directeur, les pouvoirs mentionnes àl'article 1er sont exerces par la direction d'audit interne, à savoir D.L., conseiller general, ou par Y. L. B., conseiller, ou par O. H.,conseiller, et ce, sur la base d'un ordre de mission donne parl'administrateur general.
Cette designation entre en vigueur le 16 novembre 2009.
Bruxelles, le 9 decembre 2009.
L'administrateur general,
G. C. »
En constatant que la delegation de pouvoir à monsieur E. P. produite parle defendeur devant la cour du travail emanait du directeur du bureauregional de Nivelles, alors qu'il s'agissait d'une decision signee parl'administrateur general de l'Office national de l'emploi, l'arret faitabstraction des termes expres du document produit par le defendeur etviole la foi due à cet acte ecrit (violation des articles 1319, 1320 et1322 du Code civil).
En consequence, les motifs precites de l'arret, qui se fondent sur l'article 142, alinea 3, de l'arrete royal (delegation de pouvoirconsentie par le directeur du bureau regional), alors que la designationinvoquee par le defendeur se fondait sur l'article 1er, 5DEG, de l'arreteroyal (designation directe d'un agent delegue par l'administrateurgeneral de l'Office), ne peuvent justifier legalement le rejet du moyen par lequel le demandeur contestait la regularite de la designation dufonctionnaire P. en tant qu'agent ayant competence pour prendre ladecision litigieuse et, par voie de consequence, demandait l'annulationde la decision prise par cet agent le 22 avril 2010 (violation desdispositions de l'arrete royal du 25 novembre 1991 visees en tete dumoyen). Au surplus, n'est pas regulierement motivee la decision qui sefonde sur des motifs qui ne rencontrent pas les elements de fait invoquespar les parties. En examinant les conditions de regularite d'unedelegation par le directeur, alors que le defendeur invoquait unedesignation par l'administrateur general de l'Office, l'arret violel'article 149 de la Constitution.
Troisieme branche
1. Aux termes de l'article 1er, 5DEG, de l'arrete royal, l'on entend par « directeur » au sens de cet arrete, « le directeur du bureau duchomage ou les agents designes par l'administrateur general de [l'Officenational de l'emploi] ».
Cette disposition reglementaire permet à l'administrateur general de designer un ou plusieurs fonctionnaires investis des competences reserveesau directeur par l'arrete royal. Lorsqu'il prend une telle mesure,l'administrateur peut legalement subordonner l'exercice des competencesqu'il confere à un fonctionnaire determine à la condition que ledirecteur soit absent ou empeche. Si l'acte de designation comporte unetelle condition, une decision prise par le fonctionnaire ainsi designen'est valable que 1DEG si elle vise expressement l'absence oul'empechement du directeur et 2DEG si l'absence ou l'empechement sontetablis ou, subsidiairement, si l'une au moins des deux circonstancesenoncees sub 1DEG ou sub 2DEG est etablie.
2. L'arret constate, à tout le moins implicitement, que l'acte dedesignation de monsieur P., produit par le defendeur devant la cour du travail, imposait comme condition à la designation que le directeur soiteffectivement absent ou empeche le jour des faits. En decidant qu'unetelle condition imposee par l'acte de designation est irreguliere,l'arret viole l'article 1er, 5DEG, de l'arrete royal du 25 novembre 1991portant reglementation du chomage, en meconnaissant que cette dispositionreglementaire autorise l'administrateur general de l'Office national del'emploi à subordonner la designation d'un fonctionnaire charge d'exercerles fonctions du directeur à la condition que ce directeur soiteffectivement absent ou empeche, de telle sorte que, si la designationpar l'administrateur general enonce une telle condition, une decisionprise par le delegue n'est valable que 1DEG si elle vise expressementl'absence ou l'empechement du directeur et 2DEG si l'absence ou l'empechement sont etablis ou, subsidiairement, si l'une au moins des deuxcirconstances enoncees sub 1DEG ou sub 2DEG est etablie (violation del'article 1er, 5DEG, de l'arrete royal vise en tete du moyen).
3. A titre subsidiaire, si l'article 1er, 5DEG, de l'arrete royal doit s'interpreter en ce sens que, lorsque l'administrateur general de l'Officenational de l'emploi designe un fonctionnaire charge d'exercer lescompetences du directeur, cette designation ne peut etre legalementsubordonnee à la condition que le directeur soit absent ou empeche,cette interpretation de l'article 1er, 5DEG, precite implique que, puisque la designation comportant une telle restriction est illegale,l'article 159 de la Constitution impose aux juridictions judiciaires d'enfaire totalement abstraction. En consequence, l'arret qui constate, àtout le moins implicitement, que l'acte de designation de monsieur P.pour exercer les pouvoirs du directeur du bureau regional de Nivelles,produit par le defendeur devant la cour du travail, imposait comme condition à cette designation que le directeur soit effectivement absentou empeche le jour des faits, n'a pu legalement refuser d'annuler ladecision administrative du 22 avril 2010, prise par un fonctionnaire quitirait sa competence d'un acte de designation comportant une conditionillegale. En donnant effet à une decision administrative prise en vertud'une designation comportant une condition illegale, l'arret viole les articles 159 de la Constitution et 1er, 5DEG, de l'arrete royal du 25novembre 1991 portant reglementation du chomage.
Second moyen
Dispositions legales violees
- article 149 de la Constitution ;
- article 7, S: 13, alineas 2 et 3, de l'arrete-loi du 28 decembre 1944concernant la securite sociale des travailleurs, dans sa versionapplicable en region de langue franc,aise ;
- article 170 de l'arrete royal du 25 novembre 1991 portant reglementationdu chomage ;
- principe general du droit dit principe dispositif, consacre parl'article 1138, 2DEG, du Code judiciaire.
Decisions et motifs critiques
Apres avoir rappele que le defendeur « a decide, le 22 avril 2010, d'exclure [le demandeur] du benefice des allocations de chomage à partirdu 28 fevrier 2003 ; de recuperer les allocations perc,ues indument ; del'exclure du droit aux allocations de chomage 1. pendant huit semaines,dont quatre semaines avec sursis, à partir du 26 avril 2010, parce qu'ila omis de faire une declaration requise et 2. pendant vingt-six semainesà partir du 26 avril 2010, parce qu'il a omis, avant le debut d'uneactivite incompatible avec les allocations de chomage, de noircir la casecorrespondante de sa carte de controle [...]. Un document de recuperationC31 a ete notifie pour la periode du 1er mars 2007 au 31 decembre 2008.Il en resulte un montant à rembourser de 26.563,62 euros », et que, àla suite du recours dirige par le demandeur contre la decision preciteedu defendeur du 22 avril 2010, le tribunal du travail a, par jugement du3 janvier 2012, « declare le recours recevable mais non fonde en tantqu'il etait dirige contre la decision du 22 avril 2010 », l'arretconfirme le jugement entrepris en tant qu'il a lui-meme confirme ladecision du defendeur du 22 avril 2010.
L'arret fonde cette decision sur les motifs suivants :
« Par ailleurs, au travers de la contestation portee devant elle, la cour[du travail] n'est pas uniquement saisie d'un litige portant sur laregularite formelle de la decision [du defendeur], mais egalement d'unecontestation portant sur le droit subjectif aux allocations de chomagependant la periode litigieuse. Ainsi, meme en cas de nullite de ladecision, la cour [du travail] ne pourrait retablir [le demandeur] dans son droit aux allocations, y compris pendant la periode de sanction, sansverifier qu'il satisfait aux conditions d'octroi.
En pratique, il n'y a donc pas lieu de s'arreter à la question de laregularite formelle (voir, en ce sens, S. Gilson, 'La motivation desactes administratifs en droit social', La motivation formelle des actesadministratifs, P. Jadoul et S. Van Drooghenbroeck (dir.), La Charte,2005, p. 297).
En ce sens, l'argument developpe par [le demandeur] est denue d'interet».
Griefs
Premiere branche
Aux termes de l'article 170 de l'arrete royal du 25 novembre 1991, la recuperation des sommes payees indument est ordonnee par le directeur oupar la juridiction competente.
Il suit de cette disposition que le droit au remboursement de toute sommeperc,ue indument est subordonne à une decision prise par le directeur du bureau regional du chomage ou par la juridiction competente et ordonnantla recuperation des sommes payees indument.
En application du principe general du droit dit principe dispositif, si lajuridiction du travail prononce la nullite d'une decision du directeurrelative à la recuperation des allocations de chomage, elle ne peutordonner elle-meme la recuperation des allocations qu'elle juge indumentperc,ues que si l'Office national de l'emploi lui a demande d'ordonner larecuperation de ces allocations dans l'hypothese ou elle decideraitd'annuler sa decision. Statuer sur ce point en l'absence de demande expresse de l'Office national de l'emploi reviendrait pour la juridictiondu travail à « prononcer sur choses non demandees » et, partant, àmeconnaitre le principe general du droit precite.
La question de la regularite formelle de la decision du directeur conserve donc toute sa pertinence lorsque l'Office national de l'emploin'a pas demande à la juridiction du travail d'ordonner elle-meme larecuperation des allocations en cas d'annulation par cette juridiction dela decision du directeur : la juridiction du travail qui estime devoirprononcer l'annulation de ladite decision ne peut en effet, dans ce cas,ordonner elle-meme, d'initiative, la recuperation des allocationsperc,ues indument.
L'arret decide qu'il n'y a pas lieu de s'arreter à la question de laregularite formelle de la decision du 22 avril 2010 des lors que, memes'il prononc,ait la nullite de ladite decision pour incompetence de sonauteur, il devrait en toute hypothese verifier lui-meme si le demandeursatisfait aux conditions d'octroi des allocations de chomage et, si teln'est pas le cas, ordonner lui-meme la recuperation des allocationsperc,ues indument.
Or, il resulte du dispositif des conclusions d'appel du defendeur que celui-ci se bornait à demander à la cour du travail de « confirmer lejugement du 3 janvier 2012 en ce qu'il a declare le recours [dudemandeur] non fonde contre la decision du 22 avril 2010 et a confirmecette decision en toutes ses dispositions ». Il ne demandait pas, àtitre subsidiaire, à la cour du travail de se substituer à la decisiondu 22 avril 2010, en cas d'annulation de celle-ci, pour ordonner larecuperation des allocations perc,ues indument.
Des lors, en decidant que la question de la regularite de la decision du 22 avril 2010 est « denuee d'interet » puisque, en cas d'annulation dela decision du directeur, la cour du travail doit en toute hypotheseordonner elle-meme la recuperation des allocations indument perc,ues,alors que la juridiction du travail qui annule la decision du directeurne peut ordonner la recuperation de ces sommes que si le defendeur lui ena fait la demande et que, en l'espece, cette demande n'avait pas eteformulee par le defendeur, l'arret meconnait le principe general du droit dit principe dispositif, consacre par l'article 1138, 2DEG, du Codejudiciaire, et l'article 170 de l'arrete royal du 25 novembre 1991portant reglementation du chomage.
Deuxieme branche
L'arret decide implicitement mais de maniere certaine qu'en cas denullite de la decision administrative du 22 avril 2010, il appartiendraità la juridiction du travail d'ordonner la recuperation des allocationsde chomage indument perc,ues par le demandeur.
En l'espece, toutefois, l'arret n'ordonne pas la recuperation des sommesindument payees au demandeur mais se borne, par confirmation du jugement rendu en premiere instance, à confirmer la decision du 22 avril 2010. Deslors qu'il n'ordonne pas la recuperation des sommes indument payees,l'arret n'a pu se dispenser de statuer sur la regularite de la decisiondu defendeur du 22 avril 2010. Or, les motifs de l'arret laissentincertain si les juges du fond ont considere que la condition illicitequi assortissait la delegation ou designation du fonctionnaire P. devaitentrainer la nullite de la decision prise par ce fonctionnaire le 22 avril2010. En raison de l'obscurite entourant cette partie de la motivation del'arret, le dispositif confirmant (par confirmation du jugement depremiere instance) la decision administrative du 22 avril 2010 n'est pasregulierement motive (violation de l'article 149 de la Constitution).
Troisieme branche
Aux termes de l'article 7, S: 13, alinea 2, de l'arrete-loi du 28 decembre1944 concernant la securite sociale des travailleurs, « le droit del'Office national de l'emploi d'ordonner la repetition des allocations dechomage payees indument ainsi que les actions des organismes de paiementen repetition d'allocations de chomage payees indument se prescrivent partrois ans. Ce delai est porte à cinq ans lorsque le paiement indu resultede la fraude ou du dol du chomeur ». Suivant l'alinea 3, le delai deprescription prend cours le premier jour du trimestre civil suivant celuiau cours duquel le paiement a ete effectue.
Pour prendre la decision ordonnant la repetition d'allocations de chomagepayees indument, l'Office national de l'emploi dispose donc d'un delai detrois ans à partir du premier jour du trimestre civil suivant celui aucours duquel le paiement a ete effectue. La decision ordonnant larecuperation de ces sommes prise dans les trois ans à dater du premierjour du trimestre civil suivant celui au cours duquel le paiement a eteeffectue interrompt la prescription. Toutefois, si la decision de l'Officenational de l'emploi est prise dans les trois ans du paiement desallocations indues mais est annulee pour irregularite formelle, laprescription est censee n'avoir jamais ete interrompue et le delaiexpirera trois ans apres le premier jour du trimestre civil suivant celuiau cours duquel le paiement des allocations a ete effectue.
En l'espece, pour les dernieres allocations de chomage payees au demandeur au mois de decembre 2008, la prescription etait acquise au moisde decembre 2011. Elle ne pouvait etre valablement interrompue que parune decision reguliere emanant du defendeur et tendant à la recuperationdes allocations indument perc,ues.
La decision du 22 avril 2010 prise par delegation des pouvoirs du directeur du bureau du chomage etant nulle pour les raisons developpeespar le premier moyen de cassation, elle n'a pu valablement interrompre laprescription du droit d'ordonner la repetition des allocations. A defautpour le defendeur d'avoir demande au tribunal du travail ou à la cour dutravail d'ordonner elle-meme la recuperation des allocations indumentperc,ues, la prescription a continue à courir jusqu'au jour de laprononciation de l'arret. A cette date, le delai de trois ans pour ordonner la recuperation etait donc entierement ecoule.
Des lors, en ne constatant pas la prescription du droit du defendeur d'ordonner la recuperation des allocations indument perc,ues par ledemandeur ensuite de la nullite de la decision du directeur du 22 avril2010, l'arret viole l'article 7, S: 13, alineas 2 et 3, de l'arrete-loi du28 decembre 1944.
III. La decision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la premiere branche :
Dans la mesure ou il fait grief à l'arret de decider, d'une part, que ladelegation consentie au fonctionnaire qui a pris la decisionadministrative querellee est irreguliere et de refuser, d'autre part,d'annuler la decision prise sur la base de cette delegation, le moyen,qui, en cette branche, denonce une contrariete entre deux dispositions del'arret mais ne mentionne comme etant viole que l'article 149 de laConstitution, qui est etranger à pareil grief, est irrecevable.
Pour le surplus, d'une part, en enonc,ant que « l'article 142, alinea 3,[de l'arrete royal du 25 novembre 1991 portant reglementation du chomage]n'envisage pas que la delegation puisse etre subordonnee à la conditionque le directeur soit effectivement empeche le jour des faits », que,« dans la mesure ou elle impose cette condition, la designation doit etreconsideree comme irreguliere » et que « cette irregularite reste sansconsequence sur la competence de l'agent designe », l'arret repond auxconclusions du demandeur faisant valoir que l'acte sur la base duquel lefonctionnaire du bureau du chomage a pris la decision administrativequerellee requerait que le directeur de ce bureau fut absent ou empeche.
D'autre part, en vertu dudit article 142, alinea 3, le directeur du bureaudu chomage peut deleguer à des membres du personnel de ce bureau unepartie des pouvoirs qui lui sont conferes.
L'application de cette disposition ne requiert ni ne permet quel'attribution de competence qu'elle organise soit subordonnee à lacondition que le directeur soit absent ou empeche.
Si elle est prevue dans l'acte de delegation, pareille condition demeuresans effet sur la competence de l'agent delegue.
Dans la mesure ou il est recevable, le moyen, en cette branche, ne peutetre accueilli.
Quant à la troisieme branche :
Suivant l'article 1er, 5DEG, de l'arrete royal du 25 novembre 1991, ilfaut entendre par directeur le directeur du bureau du chomage ou lesagents designes par l'administrateur general de l'Office national del'emploi.
La designation visee à cette disposition est, s'agissant de la conditiond'absence ou d'empechement du directeur, regie par les memes regles quecelles qui s'appliquent à la delegation prevue à l'article 142, alinea3, precite, et qui ont ete exposees en reponse à la premiere branche dumoyen.
Le moyen, en cette branche, manque en droit.
Quant à la deuxieme branche :
Des lors que l'article 1er, 5DEG, et l'article 142, alinea 3, de l'arreteroyal du 25 novembre 1991 excluent egalement que l'attribution decompetence qu'ils organisent soit subordonnee à la condition que ledirecteur du bureau du chomage soit absent ou empeche, l'arret statuecomme il eut du le faire s'il n'avait pas commis la violation alleguee dela foi due aux actes.
La violation pretendue des autres dispositions legales visees au moyen, encette branche, est pour le surplus tout entiere deduite de cette atteintevainement alleguee à la foi due aux actes.
Le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Sur le second moyen :
Quant aux trois branches reunies :
Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen, en ses trois branches, par ledefendeur et deduite du defaut d'interet :
Les motifs de l'arret vainement critiques par le premier moyen suffisentà fonder sa decision de ne pas annuler la decision administrativequerellee en raison de l'incompetence alleguee de son auteur.
Dirige contre des considerations surabondantes de l'arret, le moyen, qui,en aucune de ses branches, ne saurait entrainer la cassation, est,partant, denue d'interet.
La fin de non-recevoir est fondee.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Vu l'article 1017, alinea 2, du Code judiciaire, condamne le defendeur auxdepens.
Les depens taxes à la somme de trois cent cinquante-neuf euros treizecentimes envers la partie demanderesse et à la somme de deux cent huiteuros six centimes envers la partie defenderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersMartine Regout, Mireille Delange, Michel Lemal et Marie-Claire Ernotte, etprononce en audience publique du quatre mai deux mille quinze par lepresident de section Christian Storck, en presence de l'avocat generaldelegue Michel Palumbo, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.
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| L. Body | M.-Cl. Ernotte | M. Lemal |
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| M. Delange | M. Regout | Chr. Storck |
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4 MAI 2015 S.13.0076.F/19