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20/04/2015 | BELGIQUE | N°S.14.0054.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 20 avril 2015, S.14.0054.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.14.0054.F

ETAT BELGE, represente par le ministre de la Justice, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, boulevard de Waterloo, 115,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

D. D.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 21 novembre2013 par la cour du tr

avail de Liege.

Le 9 fevrier 2015, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.14.0054.F

ETAT BELGE, represente par le ministre de la Justice, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, boulevard de Waterloo, 115,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,

contre

D. D.,

defendeur en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 21 novembre2013 par la cour du travail de Liege.

Le 9 fevrier 2015, l'avocat general Jean Marie Genicot a depose desconclusions au greffe.

Le president de section Christian Storck a fait rapport et l'avocatgeneral Jean Marie Genicot a ete entendu en ses conclusions.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 1er et 5 de l'arrete royal du 26 mars 1965 portantreglementation generale des indemnites et allocations quelconquesaccordees au personnel des services publics federaux ;

- articles 1er, 5 et 5bis de l'arrete ministeriel du 24 septembre 1998reglant l'octroi d'une allocation pour prestations irregulieres auxmembres du personnel du service public federal de la Justice.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate que :

« [Le defendeur] est agent penitentiaire à l'etablissement de defensesociale à [...] ;

Outre sa remuneration habituelle, [le defendeur] perc,oit des indemnitessupplementaires pour prestations irregulieres ;

Le 9 septembre 1997, il est agresse par un detenu, ce qui fut reconnu comme accident du travail consolide au 14 juin 2001 avec un tauxd'incapacite permanente partielle de 16 p.c., majore en octobre 2007 de 4p.c. ;

Le 27 octobre 2007, un collegue [du defendeur] a ete agresse et gravementblesse au couteau par un detenu. Deux autres agents ont egalement eteblesses. Plusieurs personnes sont arrivees en renfort. Il ne ressort pasclairement des elements du dossier que [le defendeur] en ait fait partie.Ce qui n'est pas conteste, c'est que [le defendeur] n'est pas intervenu physiquement lors de l'incident et qu'il a vu les victimes en tout casapres l'incident ;

Suite à ces evenements, une aggravation du stress post-traumatique anterieur a ete constatee chez [le defendeur] et ce dernier a connudifferentes periodes d'incapacite temporaire, dont la derniere a pris finle 30 juin 2010 ;

Par decision du 23 mai 2008, le cas fut reconnu dans le chef [du defendeur] comme accident du travail et, par une decision du Medex du 26avril 2010, le cas fut consolide au 23 avril 2010 avec un tauxd'incapacite permanente partielle de 10 p.c. Une rente annuelle de2.433,20 euros lui est payee à titre de reparation.

Le 28 octobre 2010, [le demandeur] prend une note de service nDEG 2010/30 dont il ressort qu'il estime que [le defendeur] ne rentre pas dansles conditions de l'arrete ministeriel du 11 octobre 2010 pour pouvoirregulariser sa situation au [regard] des allocations pour prestationsirregulieres en cas d'accident du travail consecutif à une agression ouintervention ;

Par requete du 4 janvier 2011, [le defendeur] a conteste cette decision devant les premiers juges, considerant que l'arrete ministeriel lui estbien applicable et avoir droit à la regularisation de ses prestationsirregulieres du 1er mars 2009 au 30 juin 2009 [lire : 2010], dernierjour d'incapacite temporaire reconnu »,

saisi de l'action intentee par le defendeur contre le demandeur, l'arret,par confirmation du jugement entrepris, decide « que les conditions del'article 5bis, S: 2, de l'arrete ministeriel du 11 octobre 2010 sont remplies et qu'il y a lieu à regularisation de la situation pecuniaire dudemandeur pour la periode du 1er mars 2009 au 30 juin 2010 ».

L'arret justifie cette decision par les motifs suivants :

« Au moment de l'accident du travail du 27 octobre 2007, le paiementdes allocations litigieuses etait reglemente par l'arrete royal du 26 mars1965 portant reglementation generale des indemnites, allocations etprimes quelconques accordees au personnel des services publics federaux,complete par un arrete ministeriel du 24 septembre 1998 reglementant defac,on plus precise l'octroi d'une allocation pour prestationsirregulieres aux membres du personnel du service public federal de la Justice ;

L'arrete royal du 26 mars 1965 dispose en son article 5 que, `sauf dispositions particulieres en cas d'interruption de l'exercice de lafonction, l'allocation (ou la prime) n'est due que si cette interruptionne depasse pas trente jours ouvrables et n'enleve pas à l'agent lebenefice de son traitement' ;

Un arrete royal du 11 octobre 2010, produisant ses effets au 1er mars2009, a insere dans l'arrete ministeriel du 24 septembre 1998 un article5bis qui dispose en son paragraphe 2 que, `par derogation à l'article 5de l'arrete royal du 26 mars 1965 portant reglementation generale desindemnites, allocations et primes quelconques accordees au personnel desservices publics federaux, l'allocation visee à l'article 1er restedue, pour les membres du personnel des services exterieurs de ladirection generale des etablissements penitentiaires, sur la base duplanning, lorsque l'interruption de l'exercice de la fonction estconsecutive aux consequences d'une agression ou d'une intervention,reconnue comme resultant d'un accident du travail vise à la loi du 3juillet 1967 sur la prevention ou la reparation des dommages resultantdes accidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travailet des maladies professionnelles dans le secteur public' ;

Le meme article definit dans son paragraphe 1er l'agression comme touteattaque d'ordre psychologique ou physiologique commise avec violence(coups), contrainte (prise d'otage), arme ou menace grave sur un membre dupersonnel ;

L'arrete ministeriel n'exige pas que cette agression soit commise sur le membre du personnel qui demande l'allocation mais sur un membre du personnel ;

Il resulte des elements du dossier que, le 27 octobre 2007, un collegue[du defendeur] a ete victime d'un accident du travail ayant fait l'objetd'une agression au sens de l'article 5bis, S: 1er, de l'arrete ministerieldu 24 septembre 1998 et ou il fut gravement blesse. [Le defendeur] a vul'etat de la victime et en a subi un choc emotionnel qui fut reconnucomme accident du travail et qui a entraine une interruption del'exercice de sa fonction depassant trente jours ;

La cour [du travail] constate que cette interruption de l'exercice de la fonction [du defendeur] est consecutive aux consequences d'une attaque d'ordre psychologique ou physiologique commise avec violence (coups), contrainte (prise d'otage), arme (couteau) ou menace grave sur un membre du personnel de l'etablissement de defense sociale à [...] ;

Les conditions de l'arrete ministeriel du 24 septembre 1998 sont doncremplies ».

Griefs

Aux termes de l'article 1er de l'arrete royal du 26 mars 1965, l'agentqui est astreint à supporter des charges reelles qui ne peuvent etreconsiderees comme normales et inherentes à la fonction beneficie d'uneindemnite.

L'article 1er de l'arrete royal du 24 septembre 1998, pris en execution del'arrete royal precite, est ainsi redige : « l'allocation pourprestations irregulieres est accordee aux membres du personnel duministere de la Justice astreints à des prestations samedi-dimanche etnocturne ».

Il se deduit des constatations de l'arret que le defendeur « perc,oit desindemnites supplementaires pour prestations irregulieres » et que cestextes sont donc d'application en ce qui le concerne.

Neanmoins, l'allocation visee par ces dispositions legales ne pouvait etreaccordee, selon l'article 5 de l' arrete royal, que « si cetteinterruption ne depasse pas trente jours ouvrables et n'enleve pas àl'agent le benefice de son traitement ».

Il se deduit des constatations de l'arret qu'à la suite de l'accident dutravail dont il a ete victime, dans les conditions rappelees parl'arret, le 27 octobre 2007, le defendeur ne remplissait pas la doublecondition exigee.

Toutefois, l'article 5bis, S: 2, insere dans l'arrete ministeriel du 24septembre 1998 par l'arrete ministeriel du 11 octobre 2010, deroge àl'article 5, cite ci-avant, de l'arrete royal et ecarte la doublecondition requise pour que l'interesse, victime d'un accident du travail,beneficie de l'allocation lorsque « l'interruption de l'exercice de lafonction est consecutive aux consequences d'une agression ».

Et l'article 5bis, S: 1er, insere dans l'arrete ministeriel du 24septembre 1998 par le meme arrete ministeriel du 10 octobre 2010, definit1'« agression » comme etant « toute attaque d'ordre psychologique ouphysiologique commise avec violence (coups), contrainte (prise d'otage),arme ou menace grave sur un membre du personnel ».

L'agression visee à ce texte est une agression dont l'interesse a etedirectement victime, c'est-à-dire qu'il a ete lui-meme personnellementagresse.

L'agression dont est victime un agent ne permet pas à un autre agent dese prevaloir de l'article 5bis de l'arrete ministeriel du 24 septembre1998 meme si, temoin de cette agression, cet autre agent a ete lui-memevictime d'un traumatisme psychologique.

Des lors qu'il se deduit des constatations de l'arret que le defendeur n'apas ete directement agresse lors de l'incident du 27 octobre 2007, dontetaient personnellement victimes un de ses collegues « gravement blesseau couteau par un detenu » et deux autres agents, « egalement [...]blesses », alors qu'il « n'est pas intervenu physiquement lors del'incident mais qu'il a vu les victimes en tout cas apres l'incident »,l'interesse ne peut se prevaloir de l'exception prevue par l'article 5bisde l'arrete ministeriel du 24 septembre 1998 à l'article 5 de l'arreteroyal du 26 mars 1965 pour beneficier de l'allocation visee à l'article1er de chacun de ces arretes.

En decidant le contraire, l'arret ne justifie pas legalement sa decision.

III. La decision de la Cour

Aux termes de l'article 5bis, S: 2, de l'arrete ministeriel du 24septembre 1998 reglant l'octroi d'une allocation pour prestationsirregulieres aux membres du personnel du service public federal de laJustice, par derogation à l'article 5 de l'arrete royal du 26 novembre1965 portant reglementation generale des indemnites, allocations et primesquelconques accordees au personnel des services publics federaux,l'allocation visee à l'article 1er reste due, pour les membres dupersonnel des services exterieurs de la direction generale desetablissements penitentiaires, sur la base du planning, lorsquel'interruption de l'exercice de la fonction est consecutive auxconsequences d'une agression ou d'une intervention reconnue commeresultant d'un accident du travail vise à la loi du 3 juillet 1967 sur laprevention ou la reparation des dommages resultant des accidents dutravail, des accidents survenus sur le chemin du travail et des maladiesprofessionnelles dans le secteur public.

Le paragraphe 1er dudit article 5bis dispose que, pour l'application decelui-ci, l'on entend par : 1-o agression : toute attaque d'ordrepsychologique ou physiologique commise avec violence (coups), contrainte(prise d'otage), arme ou menace grave sur un membre du personnel ; 2-ointervention : action specifique, spontanee ou ordonnee, visant àremedier en urgence à un evenement imprevu, ayant un impact physiqueentre un membre du personnel et un tiers ou un objet.

Il ne suit pas de ces dispositions que le membre du personnel qui s'enprevaut devrait avoir personnellement et directement subi l'agression ouprocede à l'intervention aux consequences de laquelle l'interruption del'exercice de sa fonction est consecutive.

L'arret, qui constate qu'« un collegue [du defendeur] a [...] faitl'objet d'une agression au sens de l'arrete ministeriel du 24 septembre1998 » et considere que le defendeur « a vu l'etat de la victime et ena subi un choc emotionnel qui fut reconnu comme un accident du travail etqui a entraine une interruption de l'exercice de sa fonction », justifielegalement sa decision que « cette interruption [...] est consecutive auxconsequences de [cette agression] » au sens de l'article 5bis precite.

Le moyen ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Les depens taxes à la somme de trois cent quatre-vingt-un euros soixanteet un centimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersDidier Batsele, Martine Regout, Mireille Delange et Michel Lemal, etprononce en audience publique du vingt avril deux mille quinze par lepresident de section Christian Storck, en presence de l'avocat generalJean Marie Genicot, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

+--------------------------------------+
| L. Body | M. Lemal | M. Delange |
|-----------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------+

20 AVRIL 2015 S.14.0054.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.14.0054.F
Date de la décision : 20/04/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 15/05/2015
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-04-20;s.14.0054.f ?
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