Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG C.13.0305.F
BELFIUS ASSURANCE, societe anonyme anciennement denommee Belfius InsuranceBelgium, dont le siege social est etabli à Saint-Josse-ten-Noode, avenueGalilee, 5,
demanderesse en cassation,
representee par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,
contre
1. J. R.,
defenderesse en cassation,
2. L. D.,
3. HDI-GERLING ASSURANCES, societe anonyme dont le siege social est etablià Woluwe-Saint-Pierre, avenue de Tervueren, 273,
defendeurs en cassation,
representes par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Regence, 4, ou il estfait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 11 fevrier 2013par la cour d'appel de Liege.
Le 31 mars 2015, l'avocat general Thierry Werquin a depose des conclusionsau greffe.
Le president de section Albert Fettweis a fait rapport et l'avocat generalThierry Werquin a ete entendu en ses conclusions.
II. Les moyens de cassation
La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants :
Premier moyen
Dispositions legales violees
- article 1134 du Code civil ;
- principe general du droit relatif au respect des droits de la defense.
Decisions et motifs critiques
L'arret attaque condamne la demanderesse à payer à [la premieredefenderesse], à titre d'indemnites pour le dommage materiel temporaire,une somme provisionnelle de 10.000 euros et, pour le surplus, lui ordonnede produire le decompte detaille de ses calculs d'indemnites durant lesincapacites temporaires, à etablir sur la base des principes enonces aupoint III.3 des motifs, et reserve à statuer sur le surplus.
L'arret attaque decide sub III.3 (« Incapacites temporaires ») :
« 3.1. L'article 7 des conditions generales stipule que l'indemnite pourune incapacite de travail temporaire ne se verse qu'à partir du trente etunieme jour à compter du premier jour de l'incapacite. `Cette indemnitene sera due que dans la mesure ou la victime de cette incapacite areellement subi une perte de salaire ou de revenus' (piece 1 du dossier[de la demanderesse]) ;
Il resulte de l'arret du 4 octobre 2011, actuellement definitif, quedurant les incapacites temporaires, [la premiere defenderesse] a subi uneperte de salaire, apres intervention de sa mutuelle, de 23.003,43 euros etque ce n'est qu'en raison des prestations contractuelles complementairesde la [demanderesse], qui a regle 77.432,39 euros à la victime du 8 aout1993 au
30 avril 2000, que [cette defenderesse] n'a, en fin de compte, pas subi deprejudice materiel durant les incapacites temporaires ;
[La demanderesse] ne peut donc soutenir que son intervention estsubsidiaire par rapport à celle de l'Institut national d'assurancemaladie-invalidite et deduire des indemnites qu'elle est tenue de versercontractuellement à son assure pendant les incapacites temporaires les
indemnites versees à [la premiere defenderesse] par l'Alliance nationaledes mutualites chretiennes durant cette periode ;
En effet, comme precise ci-avant, les indemnites versees par la mutuelledurant les incapacites temporaires sont inferieures à la remunerationqu'aurait perc,ue [la premiere defenderesse] si l'accident ne s'etait pasproduit. Elle subit donc une perte de revenus, ce qui lui ouvre le droitaux indemnites prevues dans la police d'assurance conclue avec[la demanderesse] et ce, sans les restrictions que celle-ci pretend luiimposer ;
3.2. Selon le decompte de [la demanderesse], les indemnites à reglerdurant les incapacites temporaires, sur la base des taux et periodesretenus en droit commun par le docteur T., s'elevent à la somme totale de101.655,15 euros. Il n'y a toutefois pas lieu de deduire de cette somme,comme le fait [la demanderesse], les interventions de la mutuelle jusqu'àconcurrence de 12.920,15 euros et 6.664,97 euros ;
Des lors que [la demanderesse] a dejà regle 77.432,33 euros, il subsisteun solde en faveur de la victime de 101.655,15 euros - 77.432,33 euros,soit 24.222,82 euros ;
3.3. [La premiere defenderesse] demande qu'il soit ordonne à[la demanderesse] de produire le decompte, mois par mois, avec le detaildes parametres de base appliques pour justifier les calculs à produire,des indemnites conventionnelles sur la base du salaire conventionnelindexe et sur la base du tableau sequellaire retenu par l'expert T. Ellesollicite la condamnation de [la demanderesse] à lui payer la sommeprovisionnelle complementaire de 10.000 euros dans l'attente de laproduction de ce decompte ;
Il y a lieu de rappeler [...] que [la demanderesse] doit etablir sescalculs d'indemnites sur la base du salaire de base de 1.235.463 francs ou30.626,33 euros, non indexe, et qu'elle a bien tenu compte du tableausequellaire etabli par l'expert T. ;
Il reste que le decompte d'indemnite durant les incapacites temporaires,tel qu'il figure en pages 10 et 11 de ses conclusions, ne permet pasd'apprehender la maniere dont [la demanderesse] a effectue ses calculs.Les decomptes produits en pieces 6a, 6b, 6c et 7 de son dossier nel'autorisent pas davantage ;
Il y a des lors lieu d'inviter [la demanderesse] à communiquer le detailde ses calculs d'indemnites durant les incapacites temporaires, sur labase des principes enonces ci-dessus ;
Dans l'attente de la production de ce decompte explicatif, il y a lieu decondamner [la demanderesse] à payer à [la premiere defenderesse] unesomme provisionnelle complementaire de 10.000 euros pour ce poste ».
Griefs
L'arret attaque, bien qu'il ne statue pas encore definitivement sur lemontant du par la demanderesse à [la premiere defenderesse] pour les
incapacites temporaires et n'alloue pour ce poste qu'une indemniteprovisionnelle de 10.000 euros, ordonne à la demanderesse de produire undecompte et reserve à statuer sur le surplus, decide dejà que lademanderesse ne peut tenir compte, dans le calcul de l'indemnite due à[cette defenderesse], des interventions de la mutuelle pendant la periodedes incapacites temporaires.
Premiere branche
Dans ses conclusions d'appel, [la premiere defenderesse] n'a pas contesteque, pour evaluer les indemnites dues par la demanderesse pour lesincapacites temporaires, il devait etre tenu compte des interventions dela mutuelle.
En decidant que, pour l'evaluation des indemnites dues par la
demanderesse pendant les incapacites temporaires, les interventions de la
mutuelle ne peuvent pas etre prises en compte, alors que [la premieredefenderesse] n'avait pas invoque ce moyen de defense devant les juges dufond, sans permettre à la demanderesse de se defendre sur ce point,l'arret attaque meconnait le droit de defense de celle-ci et meconnaitpartant le principe general du droit relatif au respect des droits de ladefense.
Seconde branche
L'arret attaque constate
- qu'aux termes de l'article 7 des conditions generales de la policed'assurance, l'indemnite pour incapacite de travail temporaire « ne seradue que dans la mesure ou la victime de cette incapacite a reellement subiune perte de salaire ou de revenus » ;
- que, durant les incapacites temporaires, [la premiere defenderesse] asubi une perte de salaire, apres intervention de sa mutuelle, de 23.003,43euros ;
- que [cette defenderesse] n'a, en fin de compte, pas subi de prejudicemateriel durant les incapacites temporaires qu'en raison des prestationscontractuelles complementaires de la demanderesse, qui lui a regle77.432,39 euros ;
- que les indemnites versees par la mutuelle durant les incapacitestemporaires sont inferieures à la remuneration qu'aurait perc,ue [lapremiere defenderesse] si l'accident ne s'etait pas produit ;
- que [la premiere defenderesse] subit donc une perte de revenus, ce quilui ouvre le droit aux indemnites prevues dans la police d'assuranceconclue avec la demanderesse, et ce sans les restrictions que celle-cipretend lui imposer.
Il resulte ainsi des constatations de l'arret attaque que, sans lesprestations de la demanderesse, [la premiere defenderesse] subit une pertede revenus jusqu'à concurrence de 23.003,43 euros. Pour apprecier si[elle] a
reellement subi une perte de revenus, l'arret attaque tient compte desinterventions de la mutuelle.
L'article 7 des conditions generales dudit contrat d'assurance stipulequ'une indemnite pour l'incapacite de travail temporaire ne sera due que
« dans la mesure ou » la victime de cette incapacite a reellement subiune perte de salaire ou de revenus. Cet article ne stipule pas quel'indemnite ne sera due que « si » la victime de cette incapacite areellement subi une perte de salaire ou de revenus.
Il resulte de cette stipulation contractuelle
- d'une part, que l'indemnite pour l'incapacite de travail temporaire, dueen vertu du contrat d'assurance, ne peut etre superieure au montant de laperte de salaire ou de revenus reellement subie par la victime ;
- d'autre part, que le contrat d'assurance a un caractere indemnitaire, desorte que [la premiere defenderesse] ne peut cumuler les prestations de lamutuelle et les indemnites de l'assurance et que les indemnites payees à[celle-ci] par la mutuelle devront etre deduites des montants dus en vertudu contrat d'assurance.
En decidant, par application de l'article 7 des conditions generales ducontrat d'assurance, que
- [la premiere defenderesse] a reellement subi une perte de salaire ou derevenus au motif que, apres intervention de sa mutuelle, elle a subi uneperte de 23.003,43 euros ;
- cette perte de revenus lui ouvre le droit aux indemnites prevues dans lapolice d'assurance conclue avec la demanderesse ;
- pour evaluer l'indemnite due en vertu du contrat d'assurance pour laperte de salaire ou de revenus, l'intervention de la mutuelle ne peut pasetre prise en compte,
l'arret attaque reconnait au contrat d'assurance un effet qu'il n'a paslegalement entre les parties et meconnait partant la force obligatoire ducontrat d'assurance (violation de l'article 1134 du Code civil).
Second moyen
Dispositions legales violees
- article 149 de la Constitution ;
- article 1138, 4DEG, du Code judiciaire ;
- articles 1134, 1319, 1320, 1322, 1382 et 1383 du Code civil.
Decisions et motifs critiques
L'arret attaque dit que, à la suite de l'accident survenu le 8 aout 1993,les indemnites complementaires dues sur la base du droit commun par [lesdeuxieme et troisieme defendeurs] à [la premiere defenderesse] sont lessuivantes :
- à titre d'aide permanente d'une tierce personne :
- dommage passe : 27.891,50 euros, à majorer des interets
compensatoires au taux de 5 p.c. depuis la date moyenne du 1er avril 2007jusqu'au 31 decembre 2009, puis aux taux legaux successifs à partir du
1er janvier 2010 ;
- dommage futur : 35.350,62 euros ;
- à titre de prejudice menager permanent : 75.000 euros, à majorer desinterets compensatoires au taux de 5 p.c. du 15 mai 2001, date de laconsolidation, au 31 decembre 2009 puis aux divers taux legaux successifsà partir du 1er janvier 2010,
et que ces montants reviennent à la demanderesse dans le cadre de sonaction subrogatoire concernant ces postes.
L'arret attaque dit en outre que la demanderesse est subrogeeconventionnellement dans les droits de son assuree, [la premieredefenderesse], jusqu'à concurrence de la somme en principal de138.242,12 euros, à majorer des interets dus en droit commun,c'est-à-dire des interets compensatoires sur 27.891,50 euros depuis le1er avril 2007 au taux de 5 p.c. jusqu'au 31 decembre 2009 et aux tauxlegaux successifs à partir du 1er janvier 2010 et des interetscompensatoires sur 75.000 euros depuis le 15 mai 2001 jusqu'au 31 decembre2009 au taux de 5 p.c. et à partir du 1er janvier 2010 aux taux legauxsuccessifs, du chef des indemnites à regler pour l'aide permanente d'unetierce personne, et condamne [les deuxieme et troisieme defendeurs] àpayer ces montants à la demanderesse.
L'arret attaque appuie cette decision sur les considerations ci-apresenoncees :
« Reclamations formulees par [la demanderesse] à l'encontre [desdeuxieme et troisieme defendeurs]
1. Il y a lieu de rappeler que [la demanderesse] beneficie d'un droit desubrogation conventionnelle et que la mutuelle Alliance nationale desmutualites chretiennes beneficie egalement d'un droit de subrogationlegale preferentiel par rapport à [la demanderesse], ce que cettederniere ne conteste pas ;
[La demanderesse] est subrogee dans les droits de [la premieredefenderesse] jusqu'à concurrence cependant de ses decaissements et de lahauteur de l'indemnisation due par le tiers responsable en vertu du droitcommun. [La demanderesse] ne peut donc obtenir du responsable et de sonassureur plus que ce que la victime peut obtenir à leur encontre en droitcommun ;
[...] 3. Indemnites pour le dommage resultant de l'aide d'une tiercepersonne
Le dommage permanent pour l'aide d'une tierce personne et le prejudicemenager permanent auxquels peut pretendre [la premiere defenderesse] sontfixes en droit commun aux points 1.2 et 1.3 ci-dessus ;
[La demanderesse] ne peut pretendre à plus de droits vis-à-vis duresponsable et de son assureur que la victime elle-meme des lors que[la demanderesse] est subrogee dans les droits de son affiliee et que, parune demande distincte, elle exerce l'action en paiement des indemnites dela
victime elle-meme en droit commun ;
[La demanderesse] ne peut donc refaire les comptes de ce qui serait du à[la premiere defenderesse] par [les deuxieme et troisieme defendeurs] endroit commun pour ces postes, comme elle le fait en pages 15 à 17 de sesconclusions, ni determiner les montants qui lui reviennent par referenceau besoin d'assistance defini en loi par le docteur D. ;
Le responsable et son assureur sont tenus de payer à [la premieredefenderesse], en vertu du droit commun :
- pour l'aide permanente d'une tierce personne : 27.891,50 euros pour leprejudice passe et 35.350,62 euros pour le prejudice futur ;
- pour le prejudice menager permanent : 75.000 euros,
soit un total pour ces deux postes de 138.242,12 euros en principal ;
[La demanderesse] est tenue de payer à son assuree, en vertu de la policed'assurance àccidents corporels vie privee comme en loi', pour le posteàide d'une tierce personne', 73.315,77 euros pour le dommage passe et150.878,99 euros pour le dommage futur, sous la forme d'un capital àplacer en reserve afin de garantir le paiement d'une rente mensuelle à[cette defenderesse]. Ses decaissements pour ce poste sont donc d'unesomme totale de 224.194,76 euros ;
L'arret du 4 octobre 2011 precise à cet egard que `l'indemnisation duprejudice menager permanent sera partiellement influencee parl'intervention de [la demanderesse] dans l'indemnisation relative àl'aide d'une tierce personne. Il y a lieu de rappeler que l'aide d'unetierce personne va venir en deduction partielle du prejudice menager' ;
Il se trouve que, in concreto, l'assiette subrogatoire de[la demanderesse] est inferieure à ces decaissements ;
Le droit de subrogation dont beneficie [la demanderesse] pour l'aide d'unetierce personne se limite donc à 138.242,12 euros en principal, soit auxindemnites revenant en droit commun à la victime pour les postes àidepermanente d'une tierce personne' et `prejudice menager permanent' ;
Des interets compensatoires ne sont pas dus à [la demanderesse] qui nedemontre pas avoir regle des paiements effectifs au profit de [la premieredefenderesse] pour ces postes ».
L'arret attaque evalue le dommage permanent pour l'aide d'une tiercepersonne en droit commun :
- pour la periode du 15 mai 2001, date de la consolidation, au
11 fevrier 2013, date de la prononciation de l'arret, à 27.891,50 euros,à majorer des interets compensatoires depuis la date moyenne du 1er avril2007 au taux de 5 p.c. jusqu'au 31 decembre 2009, puis aux taux legauxsuccessifs à partir du 1er janvier 2010 ;
- pour la periode future, à 35.350,62 euros.
L'arret attaque evalue le prejudice menager permanent en droit commun à75.000 euros, à majorer des interets compensatoires au taux de 5 p.c.depuis le 15 mai 2001 jusqu'au 31 decembre 2009 et ensuite aux divers tauxlegaux successifs à partir du 1er janvier 2010 ;
La decision quant à l'evaluation du prejudice menager permanent en droitcommun est motivee comme suit :
« 3. Prejudice menager permanent
[La premiere defenderesse] effectue un calcul de capitalisation,distinguant le dommage passe du dommage futur, retenant pour le dommagepasse diverses bases d'indemnisation journalieres en fonction del'evolution de son menage et pour son calcul de capitalisation une basejournaliere de 25 ou 20 euros et un taux d'incapacite permanente de 100p.c. Elle demande le paiement d'une somme de 47.030 euros au titre dudommage passe et de 48.557,28 euros au titre du prejudice futur ;
[Les deuxieme et troisieme defendeurs] contestent la capitalisation dudommage menager permanent et proposent une evaluation ex aequo et bono de500 euros par point sur la base du taux d'invalidite permanente de 75p.c., soit 37.500 euros ;
L'obligation pour le juge d'indemniser le dommage integralement impliquequ'il se place au jour de sa decision pour evaluer le dommage et qu'ilapprecie celui-ci concretement et non de fac,on abstraite. Cela n'impliquepas pour autant qu'il doive distinguer necessairement le dommage subijusqu'au jour de sa decision et le dommage futur ;
La methode d'evaluation du dommage menager permanent proposee par [lapremiere defenderesse] ne sera pas retenue car le dommage ne presente pasla constance et la permanence justifiant sa capitalisation ;
Cette incertitude quant à la constance du prejudice resulte à suffisancedes elements du dossier et du rapport d'expertise. En effet, depuis laconsolidation intervenue le 15 mai 2001, le menage de [la premieredefenderesse] a connu des modifications importantes des lors que
- son epoux a quitte le domicile conjugal le 6 juillet 1995 pour ne lereintegrer que douze ans plus tard en juillet 2007 ;
- son fils G., ne le 1er janvier 1975 et age de 26 ans lors de laconsolidation, a quitte le domicile familial le 10 decembre 2005 ;
- sa fille F., nee le 6 mai 1978 et agee de 23 ans lors de laconsolidation, a quitte le domicile familial le 13 janvier 2004 ;
Ces modifications au sein du menage de la victime ont eu une repercussionsur les taches menageres qui n'etaient evidemment pas les memes lorsqu'onvit à trois, à deux ou seul au sein du menage ;
En outre, les capacites menageres evoluent au fil du temps et de l'age quipasse ;
Il suit de ces elements que le prejudice menager post-consolidation subipar [la premiere defenderesse] n'est pas un prejudice constant pourlequel une valeur journaliere est connue, precisement en l'absence deconstance et de permanence de ce prejudice ;
La methode d'evaluation du dommage par capitalisation n'est pas justifieedes lors qu'elle ne prend pas suffisamment en compte la realite concretedu dommage et son caractere evolutif ;
Le calcul forfaitaire de l'indemnisation du dommage menager permanent estdes lors le plus adequat, des lors qu'il n'est pas possible de ledeterminer autrement (Cass., 20 fevrier 2004, Pas., 2004, I, 297 ; 18avril 2012, nDEG P.11.2093) ;
Le dommage de [la premiere defenderesse] sera en consequence evalueforfaitairement, la cour [d'appel] evaluant au jour du present arret ledommage menager permanent fixe de fac,on definitive à la date de laconsolidation, sans distinguer le prejudice dejà subi du prejudice futur,cette distinction n'ayant pas de raison d'etre en cas d'evaluationforfaitaire ;
A la date de la consolidation, le dommage permanent, pour etre à echoir,n'en est pas moins certain dans son principe et evaluable dans satotalite ;
Pour evaluer ce dommage, au jour du present arret, la cour [d'appel] prenden consideration l'importance des sequelles conservees par [la premieredefenderesse], telles qu'elles sont decrites dans le rapport d'expertise,son age à la consolidation (53 ans) et le fait qu'à la date de laconsolidation, ce dommage est à echoir ;
Ce dommage sera repare de fac,on adequate par l'octroi de 1.000 euros lepoint x 75 p.c., soit la somme totale de 75.000 euros ;
L'expert T. a en effet fixe le taux d'invalidite permanente à 75 p.c. etce sont bien les repercussions de cette atteinte à l'integrite physiquesur les capacites menageres de la victime qui constituent le prejudicemenager dont elle sollicite l'indemnisation. Le taux d'incapacitepermanente de 100 p.c. prevu pour les repercussions qu'entraine cetteatteinte sur le potentiel economique de la victime ne trouve pas às'appliquer ;
Cette somme sera majoree des interets compensatoires au taux de 5 p.c.depuis le 15 mai 2001, date de la consolidation, jusqu'au 31 decembre2009, et ensuite aux divers taux legaux successifs à partir du 1erjanvier 2010 ».
Griefs
Premiere branche
1.1. En vertu de l'article 149 de la Constitution, tout jugement estmotive.
L'arret qui contient des motifs ou des dispositions contradictoires, ouune contradiction entre les motifs et les dispositions, de sorte que cesmotifs et dispositions s'annulent mutuellement, n'est pas regulierementmotive.
L'arret qui contient des dispositions contradictoires viole en outrel'article 1138, 4DEG, du Code judiciaire.
1.2. L'arret attaque decide
- d'une part, que le droit de subrogation dont la demanderesse
beneficie pour l'aide d'une tierce personne se limite à 138.242,12 eurosen principal, soit aux indemnites revenant en droit commun à la victimepour les postes àide permanente d'une tierce personne' et `prejudicemenager permanent', et que les interets compensatoires ne sont pas dus àla demanderesse ;
- d'autre part, que les montants de 27.891,50 euros, à majorer des
interets compensatoires au taux de 5 p.c. depuis le 1er avril 2007jusqu'au
31 decembre 2009 puis aux taux legaux successifs à partir du 1er janvier2010, de 35.350,62 euros, et de 75.000 euros, à majorer des interetscompensatoires au taux de 5 p.c. du 15 mai 2001 au 31 decembre 2009 puisaux taux legaux successifs à partir du 1er janvier 2010, reviennent à lademanderesse dans le cadre de son action subrogatoire et condamne [lesdeuxieme et troisieme defendeurs] à payer à la demanderesse du chef desindemnites à regler pour l'aide permanente d'une tierce personne lasomme en principal de 138.242,12 euros, à majorer des interets dus endroit commun, c'est-à-dire des interets compensatoires sur 27.891,50euros depuis le 1er avril 2007 au taux de 5 p.c. jusqu'au 31 decembre 2009et aux taux legaux successifs à partir du 1er janvier 2010 et desinterets compensatoires sur 75.000 euros depuis le 15 mai 2001 jusqu'au 31decembre 2009 au taux de 5 p.c. et à partir du 1er janvier 2010 aux tauxlegaux successifs.
Des lors que l'arret attaque, d'une part, decide que le montant de138.242,12 euros, à augmenter des interets, revient à la demanderessedans le cadre de son action subrogatoire et condamne [les deuxieme ettroisieme defendeurs] à payer à la demanderesse la somme de 138.242,12euros, à augmenter des interets compensatoires dus en droit commun, et,d'autre part, decide que ses interets ne sont pas dus à la demanderesse,il contient des dispositions contradictoires et viole l'article 1138,4DEG, du Code judiciaire ainsi que, en tant que de besoin, l'article 149de la Constitution.
L'arret attaque est ainsi à tout le moins fonde sur des motifscontradictoires ou contient une contradiction entre son dispositif et sesmotifs et viole partant l'article 149 de la Constitution.
2.1. L'article 12 des conditions generales de l' « assurance collectiveaccidents corporels vie privee sur la base de la loi sur les accidents du
travail » prevoit que la demanderesse est subrogee « dans tous lesdroits et
actions du beneficiaire à l'encontre de tiers jusqu'à concurrence dessommes versees, ainsi que dans les actions du beneficiaire relatives à larente prevue par [la demanderesse] en cas de deces ou d'incapacitepermanente de
travail ».
L'arret attaque decide partant à juste titre que la demanderesse estsubrogee dans les droits de [la premiere defenderesse] jusqu'àconcurrence de ses decaissements et de la hauteur de l'indemnisation duepar le tiers responsable en vertu du droit commun.
Afin de determiner pour quel montant la demanderesse peut exercer uneaction subrogatoire contre [les deuxieme et troisieme defendeurs], la courd'appel devait partant comparer, d'une part, le montant de l'indemnisationdue en droit commun pour le dommage resultant de l'aide d'une tiercepersonne et le dommage menager et, d'autre part, le montant desdecaissements de la demanderesse pour ces postes. La demanderesse peutpretendre au montant le plus faible.
2.2. L'arret attaque evalue le dommage en droit commun resultant del'aide permanente d'une tierce personne et du prejudice menager permanentà
- 27.891,50 euros, à majorer des interets compensatoires depuis la datemoyenne du 1er avril 2007 au taux de 5 p.c. jusqu'au 31 decembre 2009,puis aux taux legaux successifs à partir du 1er janvier 2010 ;
- 35.350,62 euros, et 75.000 euros, à majorer des interets compensatoiresau taux de 5 p.c. depuis le 15 mai 2001, date de la consolidation,jusqu'au 31 decembre 2009, et ensuite aux divers taux legaux successifs àpartir du 1er janvier 2010.
L'arret attaque decide que la demanderesse ne peut pretendre à plus dedroits vis-à-vis du responsable et de son assureur que la victimeelle-meme des lors qu'elle est subrogee dans les droits de son affiliee etque, par une demande distincte, elle exerce l'action en paiement desindemnites de la victime elle-meme en droit commun.
Le droit de subrogation de la demanderesse se limite, selon la courd'appel, à 138.242,12 euros en principal (sans les interetscompensatoires dus en droit commun) alors que ce montant est inferieur auxdecaissements de la demanderesse jusqu'à concurrence de 224.194,76 euros.
Alors qu'elle constate que
- les decaissements de la demanderesse pour l'aide d'une tierce personne(incluant le prejudice menager) s'elevent à 224.194,76 euros ;
- le dommage resultant de l'aide permanente d'une tierce personne et duprejudice menager permanent en droit commun s'eleve à 138.242,12 euros,à majorer des interets compensatoires sur 27.891,50 euros depuis le 1eravril 2007 au taux de 5 p.c. jusqu'au 31 decembre 2009 et aux taux legaux
successifs à partir du 1er janvier 2010 et des interets compensatoiressur 75.000 euros depuis le 15 mai 2001 jusqu'au 31 decembre 2009 au tauxde
5 p.c. et à partir du 1er janvier 2010 aux taux legaux successifs,c'est-à-dire à un montant total inferieur à 224.194,76 euros ;
- la demanderesse peut pretendre au montant de ses decaissements, sansqu'elle puisse pretendre à plus que la victime elle-meme puisque, par unedemande distincte, elle exerce l'action en paiement des indemnites de lavictime elle-meme en droit commun,
l'arret attaque n'a pu legalement decider que le droit de subrogation dela demanderesse se limite à la somme de 138.242,12 euros, montantinferieur à ses decaissements et inferieur aux indemnites dues en droitcommun à la victime elle-meme (violation des articles 1382 et 1383 duCode civil et, en tant que besoin, 1134 de ce code).
2.3. La decision selon laquelle les interets compensatoires dus en droitcommun sur la somme de 138.242,12 euros ne sont pas dus à la demanderessen'est pas legalement justifiee au motif que la demanderesse ne demontrepas avoir regle des paiements effectifs au profit de [la premieredefenderesse] pour l'aide permanente d'une tierce personne.
Nonobstant la constatation que la demanderesse ne demontre pas avoir regledes paiements effectifs au profit de [cette defenderesse], l'arret attaqueconstate que les decaissements de la demanderesse sont d'une somme totalede 224.194,76 euros, decide que la demanderesse dispose d'un droitsubrogatoire jusqu'à concurrence de 138.242,12 euros et condamne [lesdeuxieme et troisieme defendeurs] à payer ce dernier montant à lademanderesse.
La circonstance que la demanderesse n'aurait pas regle des paiementseffectifs au profit de [la premiere defenderesse] peut avoir uneinfluence sur le montant des decaissements de la demanderesse mais non surl'evaluation du dommage en droit commun.
Partant, la circonstance que la demanderesse n'aurait pas regle despaiements effectifs au profit de la victime n'implique pas que le dommageen droit commun se limite à 138.242,12 euros, sans les interetscompensatoires.
L'arret attaque n'a ainsi pu legalement decider que le droit desubrogation de la demanderesse se limite à la somme de 138.242,12 euros,montant inferieur à ses decaissements et inferieur aux indemnites dues endroit commun à la victime elle-meme (violation des articles 1382 et 1383du Code civil et, en tant que besoin, de l'article 1134 de ce code).
Seconde branche
1. L'arret attaque condamne [les deuxieme et troisieme defendeurs] àpayer à la demanderesse la somme de 138.242,12 euros, à majorer desinterets compensatoires sur 27.891,50 euros depuis le 1er avril 2007 autaux de 5 p.c. jusqu'au 31 decembre 2009 et aux taux legaux successifs àpartir du 1er janvier 2010 et des interets compensatoires sur 75.000 eurosdepuis le 15 mai 2001 jusqu'au 31 decembre 2009 au taux de 5 p.c. et àpartir du 1er janvier 2010 aux taux legaux successifs, du chef desindemnites à regler pour l'aide permanente d'une tierce personne, auxmotifs que
- le responsable et son assureur sont tenus de payer à [la premieredefenderesse], en vertu du droit commun, la somme de 138.242,12 euros(c'est-à-dire, pour l'aide permanente d'une tierce personne, 27.891,50euros et 35.350,62 euros et, pour le prejudice menager permanent, 75.000euros), à majorer des interets compensatoires sur 27.891,50 euros depuisle 1er avril 2007 au taux de 5 p.c. jusqu'au 31 decembre 2009 et aux tauxlegaux successifs à partir du 1er janvier 2010 et des interetscompensatoires sur 75.000 euros depuis le 15 mai 2001 jusqu'au 31 decembre2009 au taux de
5 p.c. et à partir du 1er janvier 2010 aux taux legaux successifs ;
- la demanderesse a decaisse pour ce poste une somme totale de 224.194,76euros ;
- le droit de subrogation de la demanderesse se limite donc au montant desindemnites revenant en droit commun à la victime.
L'evaluation du prejudice menager permanent en droit commun n'est paslegalement justifiee.
2. Dans ses conclusions additionnelles et de synthese du 23 octobre 2012,[la premiere defenderesse] avait evalue son dommage menager permanent parapplication de la methode dite du « splitsing » et de la capitalisation.
Pour la periode passee (du 15 mai 2001, date de la consolidation, au 11fevrier 2013, date de la prononciation de l'arret, elle avait propose desforfaits journaliers qu'elle multiplia par le nombre de jours composantles periodes à indemniser. Elle avait, en cette periode, distingue quatreperiodes afin de tenir compte de l'evolution du menage et donc des tachesmenageres.
[La premiere defenderesse] avait ainsi precise que
- sa fille F. l'a quittee le 13 janvier 2004 et son fils G. le 10 decembre2005 ;
- [le defendeur] avait quitte le domicile conjugal en juillet 1995 et l'areintegre le 28 aout 2007 ;
- elle a donc vecu seule à son domicile du 10 decembre 2005 au 28 aout2007.
Elle proposait partant d'indemniser le dommage menager sur les basesjournalieres suivantes :
- periode du 16 mai 2001 au 13 janvier 2004 (menage `à trois') : 30 eurosx 100 p.c. ;
- periode du 14 janvier 2004 au 10 decembre 2005 (menage `à deux' : 25euros x 100 p.c. ;
- periode du 11 decembre 2005 au 27 aout 2007 (menage `isole') : 17,50euros x 100 p.c. ;
- periode du 28 aout 2007 au 11 fevrier 2013 (menage `à deux') : 25 eurosx 65 p.c.
Pour le dommage futur, [elle] proposait un calcul par capitalisation surbase d'une indemnite journaliere (compte tenu du fait que le menage etaitcompose de deux personnes, [elle] et son epoux) de 25 euros ou, à titresubsidiaire, de 20 euros.
Elle reclamait ainsi (compte tenu du fait que des indemnites distinctessont allouees pour l'aide d'une tierce personne) 47.030 euros (ou 57.755euros, selon le mode de calcul de l'indemnite due pour l'aide d'une tierce
personne) pour le dommage passe et un montant variant entre 48.557,28euros et 60.003,41 euros (montant dependant de la base journaliere, ducoefficient de capitalisation et du mode de calcul de l'indemnite due pourl'aide d'une tierce personne) pour le dommage futur.
3. En vertu des articles 1382 et 1383 du Code civil, tout fait
quelconque, negligence ou imprudence de l'homme, qui cause à autrui undommage, oblige celui par la faute duquel il est arrive, à le reparer.
Ces dispositions obligent l'auteur d'une faute à reparer integralement ledommage cause par celle-ci, en maniere telle que la personne lesee seretrouve dans la situation qui aurait ete la sienne si la faute dont ellese plaint n'avait pas ete commise.
Pour evaluer le prejudice cause par un fait illicite, le juge doit
apprecier celui-ci in concreto.
Il existe, pour l'evaluation du dommage menager à partir de laconsolidation (qui est, à la date de la prononciation de l'arret,posterieure à la date de la consolidation, partiellement un dommagefutur), trois methodes distinctes d'indemnisation : la rente indexee, lacapitalisation et le forfait.
La methode de la capitalisation a pour objectif essentiel de prolonger surla ligne du temps les bases d'indemnisation du dommage temporaire ; apresl'allocation journaliere (ou mensuelle) allouee pour reparer ou
compenser le dommage temporaire et le dommage permanent passe, uneallocation journaliere (ou mensuelle) sera egalement utilisee pourcalculer le dommage futur.
Il sera tenu compte pour le calcul dit de la capitalisation du dommagemenager, d'une part, de la duree probable de survie physiologique de lavictime et, d'autre part, de l'evolution de la cellule familiale dans letemps.
Le juge peut recourir à une evaluation en equite du dommage cause par unefaute, à condition qu'il indique les motifs pour lesquels il ne peutadmettre le mode de calcul propose par la victime et qu'il constate enoutre l'impossibilite de determiner autrement le dommage.
Pour refuser la capitalisation du prejudice menager permanent proposee parla victime, il ne suffit pas que le juge constate que l'activite
menagere est susceptible de varier dans le temps et a tendance à sereduire avec l'age, sans qu'il indique les circonstances propres à lacause qui justifient la variation dans le temps de la base forfaitaire.
En outre, si la base forfaitaire varie dans le temps, mais dans une mesurequi peut etre determinee, rien n'interdit de recourir à la capitalisationsur des bases qui peuvent etre progressives ou degressives. Afin derecourir à l'evaluation forfaitaire, le juge ne pourra donc pas secontenter d'evoquer la variation dans le temps de la base forfaitaire,mais il devra souligner les
circonstances propres à la cause qui justifient l'impossibilite d'evaluerle prejudice futur par unite de temps, les variations futures du dommagen'etant pas quantifiables ou mesurables.
4. L'arret attaque constate à juste titre que, pour evaluer le dommagemenager permanent, [la premiere defenderesse] « effectue un calcul decapitalisation, distinguant le dommage passe du dommage futur, retenantpour le dommage passe diverses bases d'indemnisation journalieres enfonction de l'evolution [de son] menage et pour son calcul decapitalisation une base journaliere de 25 ou 20 euros et un tauxd'incapacite permanente de 100 p.c. Elle [demande] le paiement d'une sommede 47.030 euros au titre du dommage passe et de 48.557,28 euros au titredu prejudice futur ».
L'arret attaque decide ensuite que la methode d'evaluation du dommage parcapitalisation n'est pas justifiee et que le calcul forfaitaire s'imposeparce que le prejudice menager posterieur à la consolidation n'est pas unprejudice constant pour lequel une valeur journaliere est connue,precisement en l'absence de constance et de permanence de ce prejudice, etque la methode de capitalisation ne prend pas suffisamment en compte larealite du dommage et son caractere evolutif.
L'incertitude quant à la constance et la permanence du dommage resulte,selon l'arret attaque, du fait que
- depuis la date de la consolidation (15 mai 2001), le menage de [lapremiere defenderesse] a connu des modifications importantes des lors queson epoux a quitte le domicile conjugal le 6 juillet 1995 pour ne lereintegrer que douze ans plus tard en juillet 2007 ; son fils G., ne le1er janvier 1975 et age de 26 ans lors de la consolidation, a quitte ledomicile familial le 10 decembre 2005, et sa fille F., nee le 6 mai 1978et agee de 23 ans lors de la consolidation, a quitte le domicile familialle 13 janvier 2004 ;
- ces modifications au sein du menage de la victime ont eu unerepercussion sur les taches menageres qui n'etaient pas les memeslorsqu'on vit à trois, à deux ou seul au sein du menage ;
- les capacites menageres evoluent au fil du temps et de l'age qui passe.
5. Si la victime propose d'evaluer le dommage menager par la methode du« splitsing » et de la capitalisation, le juge ne peut evaluer ledommage en equite qu'à condition qu'il indique les motifs pour lesquelsil ne peut admettre la methode proposee par la victime et constate enoutre qu'il est impossible de determiner autrement le dommage.
5.1. L'arret attaque decide que la methode d'evaluation du dommage parcapitalisation proposee par [la premiere defenderesse] - methode quidistinguait plusieurs periodes pour tenir compte de la composition dumenage de la victime et prenant en compte un forfait journalier differentselon que le menage se composait de trois, de deux ou d'une personne - nepeut etre retenue au motif que cette methode d'evaluation ne tient pascompte de la realite concrete du dommage et de son caractere evolutif,c'est-à-dire du fait que les taches menageres n'etaient pas les memespendant les periodes ou le menage etait compose de trois, de deux ou d'unepersonne.
En decidant que la methode d'evaluation du dommage proposee par [lapremiere defenderesse] ne tient pas compte du caractere concret etevolutif du dommage et de son inconstance resultant des modifications dansla
composition du dommage, alors que
- cette methode d'evaluation tenait compte des modifications dans lacomposition du menage ;
- l'arret attaque ne dit pas pourquoi les bases variables d'evaluationproposees par [cette defenderesse] ne permettent pas de tenir compte ducaractere evolutif du dommage,
- et ne constate pas que les variations dans le dommage ne sont pasquantifiables ou mesurables,
l'arret attaque ne decide pas legalement qu'il n'est pas possible dedeterminer le dommage autrement que par un calcul forfaitaire et nejustifie pas legalement sa decision d'evaluer le dommage menagerforfaitairement à 1.000 euros le point, soit 75.000 euros (violation desarticles 1382 et 1383 du Code civil). A tout le moins, l'arret attaquereste ainsi en defaut de motiver sa decision (violation de l'article 149de la Constitution).
5.2. Dans la mesure ou l'arret attaque decide que la methode d'evaluationproposee par [la premiere defenderesse] ne tient pas compte del'evolution du menage et donc de l'evolution du dommage menager, alorsqu'il resulte des conclusions additionnelles et de synthese du 23 octobre2012 de [cette partie] que la methode qu'elle proposait tenait compte decette evolution, il decide que les conclusions de [celle-ci] necontiennent pas une affirmation qui s'y trouve et meconnait partant la foidue auxdites conclusions (violation des articles 1319, 1320 et 1322 duCode civil).
5.3. La decision d'evaluer forfaitairement le dommage menager permanentn'est pas davantage legalement justifiee au motif que « les
capacites menageres evoluent au fil du temps et de l'age qui passe ».
L'arret attaque n'indique en effet ni les circonstances propres à lacause qui justifient que les capacites menageres de [la premieredefenderesse] evolueront au fil du temps et de l'age qui passe, ni queles variations futures du dommage qui y resulteraient ne sont pasquantifiables ou mesurables.
L'arret attaque ne decide partant pas legalement qu'il n'est pas possiblede determiner le dommage autrement que par un calcul forfaitaire et nejustifie pas legalement sa decision d'evaluer le dommage menager
forfaitairement à 1000 euros le point, soit 75.000 euros (violation desarticles 1382 et 1383 du Code civil). A tout le moins, l'arret attaquereste ainsi en defaut de motiver sa decision (violation de l'article 149de la Constitution).
III. La decision de la Cour
Sur le premier moyen :
Quant à la seconde branche :
L'arret constate que « l'article 7 des conditions generales [stipule] quel'indemnite pour une incapacite de travail temporaire [...] `ne sera dueque dans la mesure ou la victime de cette incapacite a reellement subi uneperte de salaire ou de revenus' ».
L'arret releve que, « durant les incapacites temporaires, [la victime] asubi une perte de salaire, apres intervention de sa mutuelle, de 23.003,43euros et que ce n'est qu'en raison des prestations contractuellescomplementaires de [la demanderesse], qui a regle 77.432,39 euros à lavictime [...], que [celle-ci] n'a [...] pas subi de prejudice materiel ».
L'arret, qui considere que, des lors que « les indemnites versees par lamutuelle [...] sont inferieures à la remuneration qu'aurait perc,ue lavictime si l'accident ne s'etait pas produit », « [celle-ci] subit [...]une perte de revenus [...] qui lui ouvre le droit aux indemnites prevuesdans la police d'assurance conclue avec [lademanderesse] [...] sans [...] [deduction] des indemnites [...] versees à[la victime] par [la mutuelle] », meconnait la force obligatoire ducontrat d'assurance et viole l'article 1134 du Code civil.
Le moyen, en cette branche, est fonde.
Sur le second moyen :
Quant à la seconde branche :
Celui qui, par sa faute, a cause un dommage à autrui est tenu de lereparer et la victime a droit à la reparation integrale du prejudicequ'elle a subi.
Le juge evalue in concreto le prejudice cause par un fait illicite.
Il peut recourir à une evaluation en equite du dommage à la conditionqu'il indique les motifs pour lesquels il ne peut admettre le mode decalcul propose par la victime et qu'il constate l'impossibilite dedeterminer autrement le dommage.
Dans ses conclusions d'appel, la premiere defenderesse demandait, en cequi concerne le prejudice menager permanent, de recourir à la methode decapitalisation avec distinction du dommage passe et futur et consideraitque, pour le passe, le menage a compte trois personnes du 15 mai 2001 au
13 janvier 2004, deux personnes du 14 janvier 2004 au 10 decembre 2005 etdu 28 aout 2007 au 11 fevrier 2013, date presumee de l'arret àintervenir, la base journaliere etant fixee respectivement à 30 euros, 25euros et 17,50 euros, et que, pour le futur, il fallait retenir une basejournaliere de 25 ou de 20 euros à 100 p.c. d'incapacite selon la formulequ'elle indiquait.
L'arret constate que « [la premiere defenderesse] effectue un calcul decapitalisation, distinguant le dommage passe du dommage futur, retenantpour le dommage passe diverses bases d'indemnisation journalieres enfonction de l'evolution du menage de [celle-ci] et, pour son calcul decapitalisation, une base journaliere de 25 ou 20 euros et un taux[d'incapacite permanente] de
100 p.c. » et « [demande] le paiement d'une somme de 47.030 euros autitre du dommage passe et de 48.557,28 euros au titre du prejudicefutur ».
L'arret considere, d'une part, que, « depuis la consolidation intervenuele 15 mai 2001, le menage de [la premiere defenderesse] a connu desmodifications importantes des lors que son epoux a quitte le domicileconjugal le 6 juillet 1995 pour ne le reintegrer que douze ans plus tard,que son fils [...] a quitte le domicile familial le 10 decembre 2005, quesa fille [...] a quitte le domicile familial le 13 janvier 2004, que cesmodifications au sein du menage de la victime ont eu une repercussion surles taches menageres qui n'etaient [...] pas les memes lorsqu'on vit àtrois, à deux ou seul au sein du menage » et, d'autre part, que « lescapacites menageres evoluent au fil du temps et de l'age qui passe ».
L'arret qui, d'une part, se fonde sur les variations de la baseforfaitaire, determinee par la premiere defenderesse pour etablir ledommage passe, et, d'autre part, s'agissant des capacites menageres,n'indique pas les circonstances propres à la cause qui justifient lavariation dans le temps de la base forfaitaire, pour decider que « leprejudice menager post-consolidation subi par [la premiere defenderesse]n'est pas un prejudice constant pour lequel une valeur journaliere estconnue, precisement en l'absence de constance et de permanence de ceprejudice », que « la methode d'evaluation du dommage par capitalisationn'est pas justifiee des lors qu'elle ne prend pas suffisamment en comptela realite concrete du dommage et son caractere evolutif » et que « lecalcul forfaitaire de l'indemnisation du dommage menager permanent est deslors le plus adequat, des lors qu'il n'est pas possible de le determinerautrement », meconnait l'obligation d'apprecier le dommage in concreto.
Le moyen, en cette branche, est fonde.
Sur les autres griefs :
Il n'y a pas lieu d'examiner la premiere branche de chacun des moyens, quine saurait entrainer une cassation plus etendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque en tant que, quant à l'action de la premieredefenderesse contre la demanderesse, il statue sur le dommage materieltemporaire et que, quant à l'action de la demanderesse contre lesdeuxieme et troisieme defendeurs, il dit que la demanderesse est subrogeeconventionnellement dans les droits de la premiere defenderesse jusqu'àconcurrence de la somme en principal de 138.242,12 euros, à majorer desinterets, du chef des indemnites pour l'aide permanente d'une tiercepersonne et le prejudice menager permanent et il condamne in solidum lesdeuxieme et troisieme defendeurs à payer ces montants à lademanderesse ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Mons.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, president, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Martine Regout,Michel Lemal et Sabine Geubel, et prononce en audience publique du seizeavril deux mille quinze par le president de section Christian Storck, enpresence de l'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistance dugreffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Lemal |
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| M. Regout | A. Fettweis | Chr. Storck |
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16 AVRIL 2015 C.13.0305.F/1