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27/03/2015 | BELGIQUE | N°F.14.0141.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 27 mars 2015, F.14.0141.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.14.0141.N

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances,

Me Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation,

contre

P. V. R.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 6 mars 2014 parla cour d'appel d'Anvers.

L'avocat general Dirk Thijs a depose des conclusions ecrites le 20 fevrier2015.



Le president de section Eric Dirix a fait rapport.

L'avocat

general Dirk Thijs a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dis...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.14.0141.N

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances,

Me Geoffroy de Foestraets, avocat à la Cour de cassation,

contre

P. V. R.,

Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 6 mars 2014 parla cour d'appel d'Anvers.

L'avocat general Dirk Thijs a depose des conclusions ecrites le 20 fevrier2015.

Le president de section Eric Dirix a fait rapport.

L'avocat general Dirk Thijs a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 37 de la loi du 31 janvier 2009 relative à la continuite desentreprises ;

- articles 270, 273, 276, 422 et 423 du Code des impots sur les revenus1992 ;

- articles 90 et 92 à 95 de l'arrete royal du 27 aout 1993 d'execution duCode des impots sur les revenus 1992 ;

- article 99 de la loi du 8 aout 1997 sur les faillites, anciennementarticle 561 du Code de commerce ;

- articles 2, alinea 1er, 1DEG, 3bis et 23, 1DEG, de la loi du 12 avril1965 concernant la protection de la remuneration des travailleurs.

Decisions et motifs critiques

L'arret attaque declare non fonde l'appel du demandeur et confirme ainsile jugement du premier juge admettant la creance du demandeur au passifprivilegie jusqu'à concurrence de 53.645,45 euros et au passif ordinairejusqu'à concurrence de 1.250 euros.

L'arret attaque considere que le precompte professionnel ne peut etre tenupour une creance repondant aux prestations effectuees pendant la procedurede reorganisation judiciaire par le cocontractant du debiteur en vue deconserver les relations commerciales du debiteur, de sorte qu'il neconstitue pas une dette de la masse au sens de l'article 37 de la loi du31 janvier 2009 et ce, sur la base des motifs suivants :

« 1. Il n'est pas conteste qu'il existe un lien etroit entre la fin de laprocedure de reorganisation judiciaire et la faillite.

2. Par contre, la question se pose si le precompte professionnel doit etreconsidere comme une creance repondant aux prestations effectuees pendantla procedure de reorganisation judiciaire par le cocontractant dudebiteur.

Il ressort du texte de l'article 37 de la loi du 31 janvier 2009 et destravaux parlementaires de cette loi que seules les creances se rapportantà des fournitures ou des prestations demandees par le debiteur en vued'assurer la continuite de son entreprise sont considerees comme desdettes de la masse dans la faillite subsequente.

Cette regle est fondee sur la confiance qui doit etre creee dans le chefdes contractants du debiteur afin qu'ils continuent à s'engager enverslui avec la garantie qu'en cas d'echec, leurs creances soient reconnuescomme des dettes de la masse dans le concours subsequent et qu'ilspuissent ainsi beneficier d'un privilege special.

Des lors, il ne suffit pas, au vu des considerations qui precedent, que ledemandeur observe que le precompte professionnel n'est ne que parce quel'entreprise a poursuivi ses activites, avec l'emploi qui y est lie et quiconstitue le fondement de l'imposition litigieuse.

Le precompte professionnel est du en vertu de la loi fiscale et resulteautomatiquement de l'octroi de salaires et de remunerations. Cette dettene pouvait, certes, naitre que parce que l'entreprise s'est poursuivie.Mais la creance du demandeur consistant dans le paiement du precompteprofessionnel ne repond pas au critere legal, qui est d'encourager lescocontractants du debiteur à poursuivre la fourniture de travail, debiens et de services et de donner ainsi une chance de reussite à lareorganisation. Par rapport aux objectifs poursuivis par la loi du 31janvier 2009, le role du fisc est totalement passif et est dicte par laloi. Sa creance se greffe sur les prestations effectuees au cours de laperiode de suspension mais le fisc lui-meme n'effectue pas de prestationsau sens de l'article 37 de la loi du 31 janvier 2009.

Le fisc ne peut invoquer avoir collabore au retablissement del'entreprise. Pour cette raison, le demandeur ne peut faire valoir que leprecompte professionnel fait partie de la remuneration brute. Cetteconstatation n'a pas pour consequence que sont remplies les conditionslegales de reconnaissance du precompte professionnel comme dette de lamasse, conformement à l'article 37 de la loi du 31 janvier 2009.

Griefs

1. En vertu de l'article 99 de la loi du 8 aout 1997 sur les faillites(anciennement article 561 du Code de commerce), une dette ne peut etre unedette de la masse que lorsque le curateur a contracte des engagements envue de la gestion de la masse, notamment en poursuivant les activitescommerciales du failli, en executant les contrats que ce dernier a concluou encore en faisant usage des biens meubles ou immeubles en vue de lagestion adequate de la masse faillie. Ce n'est que dans ces circonstancesque la masse est liee par les engagements relatifs à sa gestion et doitsupporter la dette qui en decoule.

Dans la mesure ou les creances sur le debiteur correspondent auxprestations effectuees pendant la procedure de reorganisation judiciairepar son cocontractant, et independamment du fait qu'elles resultent denouveaux engagements du debiteur ou de contrats en cours au moment del'ouverture de la procedure, ces creances sont considerees en vertu del'article 37, alinea 1er, de la loi du 31 janvier 2009 comme des dettes dela masse dans une faillite ou une liquidation subsequente survenue aucours de la periode de reorganisation judiciaire ou à l'expiration decelle-ci, pour autant qu'il existe un lien etroit entre la fin de laprocedure et cette procedure collective.

En vertu de l'alinea 2 de l'article 37 de la loi du 31 janvier 2009, lecas echeant, les indemnites contractuelles, legales ou judiciaires dont lecreancier reclame le paiement du fait de la fin du contrat ou de sanon-execution sont reparties au prorata en fonction de leur lien avec laperiode anterieure ou posterieure à l'ouverture de la procedure.

L'article 37, alinea 3, de la loi du 31 janvier 2009 dispose quele paiement des creances ne sera toutefois preleve par priorite sur leproduit de la realisation de biens sur lesquels un droit reel est etablique dans la mesure ou ces prestations ont contribue au maintien de lasurete ou de la propriete.

Toutes les creances qui sont liees directement ou indirectement à desprestations effectuees pour le debiteur pendant la periode dereorganisation judiciaire doivent etre considerees comme des dettes de lamasse au sens de l'article 37 de la loi du 31 janvier 1997.

Il n'est pas requis, à cette fin, que le creancier soit un cocontractantdu debiteur et qu'il ait effectue lui-meme ces prestations à l'egard dudebiteur. Il suffit que sa creance soit un accessoire d'une creancerepondant à l'egard du debiteur aux prestations effectuees au cours de lasuspension par son cocontractant.

Les creances dont le fondement n'est pas contractuel mais legal peuventainsi aussi etre considerees comme des dettes de la masse lorsqu'elles serapportent ou sont issues de prestations effectuees à l'egard du debiteurau cours de la periode de suspension. Le champ d'application de l'article37 de la loi du 31 janvier 2009 n'est, des lors, pas reserve aux seulscreanciers contractuels.

3. En vertu de l'article 2, alinea 1er, 1DEG, de la loi du 12 avril 1965concernant la protection de la remuneration des travailleurs, il y a lieud'entendre par remuneration le salaire en especes auquel le travailleur adroit à charge de l'employeur en raison de son engagement.

En application de l'article 3bis de cette loi, ce droit au paiement de laremuneration porte sur la remuneration, avant imputation des retenuesvisees à l'article 23, parmi lesquelles les retenues effectuees enapplication de la legislation fiscale, de la legislation relative à lasecurite sociale et en application des conventions particulieres oucollectives concernant les avantages complementaires de securite sociale.

Une demande de paiement de la remuneration en contrepartie d'un travaileffectue en execution d'un contrat de travail comprend ainsi laremuneration brute.

4. Dans le cadre de la procedure prevue par la loi du 31 janvier 2009, leprecompte professionnel que le debiteur, en tant qu'employeur, est, envertu de la loi (voir les articles 270, 273, 276, 422 et 423 du Code desimpots sur les revenus 1992, 90, 92 à 95 de l'arrete royal du 27 aout1993), tenu de retenir sur la remuneration accordee à ses travailleurspour les prestations de travail fournies pendant la procedure dereorganisation judiciaire fait partie de la remuneration à laquelle letravailleur peut pretendre à charge de son employeur, de sorte qu'envertu de l'article 37 de la loi du 31 janvier 1992, le precompteprofessionnel doit etre considere comme une dette de la masse.

Le precompte professionnel du en tant qu'accessoire legal de laremuneration se rapporte donc aux prestations de travail effectuees pourle debiteur au cours de la periode de suspension, celles-ci ayant pour butde realiser la reorganisation et de contribuer à la continuite del'entreprise. Le fait que cette dette fiscale ne se rapporte pas à desprestations effectuees par le fisc lui-meme mais est nee, en vertu de laloi, à la suite de prestations effectuees par le cocontractant dudebiteur, le role du fisc etant totalement passif, n'ote pas au precompteprofessionnel le statut de dette de la masse.

5. L'arret attaque considere, sur la base des travaux parlementaires et euegard au texte de l'article 37 de la loi du 31 janvier 2009, que :

- seules les creances se rapportant à des fournitures ou des prestationsdemandees par le debiteur en vue d'assurer la continuite de son entreprisesont susceptibles d'etre admises comme des dettes de la masse dans lafaillite subsequente ;

- la creance du demandeur consistant dans le paiement du precompteprofessionnel ne repond pas au critere vise par le legislateur, qui estd'encourager les cocontractants du debiteur à poursuivre la fourniture detravail, de biens et de services et de permettre ainsi la reussite de lareorganisation ;

- le role du fisc par rapport aux objectifs vises par la loi du 31 janvier2009 est totalement passif et est dicte par la loi alors que le fisc nefournit aucune prestation ;

- le fisc ne peut ni invoquer avoir collabore au retablissement del'entreprise ni faire valoir que le precompte professionnel fait partie dela remuneration brute ;

- la constatation que le precompte professionnel fait partie de laremuneration brute n'a pas pour consequence que sont remplies lesconditions legales de reconnaissance du precompte professionnel commedette de la masse conformement à l'article 37 de la loi du 31 janvier2009.

6. L'arret attaque ne decide pas legalement, par ces motifs, que lacreance du demandeur consistant dans le paiement du precompteprofessionnel greffee sur les prestations effectuees au cours de laperiode de suspension n'est pas une creance repondant aux prestationseffectuees pendant la procedure de reorganisation judiciaire par lecocontractant du debiteur, ayant pour objectif la reussite de lareorganisation, de sorte que cette creance ne peut etre consideree commeune dette de la masse au sens de l'article 37 de la loi du 31 janvier 2009alors que le precompte professionnel concerne des prestations effectueespour le debiteur pendant la periode de reorganisation judiciaire etconstitue un element de la remuneration brute auquel le travailleur peutpretendre à charge de son employeur et peut donc etre qualifiee de dettede la masse au sens de l'article 37 de la loi du 31 janvier 2009(violation des articles 37 de la loi du 31 janvier 2009, 2, alinea 1er,1DEG, 3bis et 23, 1DEG, de la loi du 12 avril 1965 et, en tant que debesoin, 270, 273, 276, 422, 423 du Code des impots sur les revenus 1992,90, 92 à 95 de l'arrete royal du 27 aout 1993 et 99 de la loi du 8 aout1997).

III. La decision de la Cour

1. Une dette n'est une dette de masse que si le curateur a contracte desengagements en vue de l'administration de la masse, notamment enpoursuivant l'activite commerciale du failli, en executant les contratsconclus par ce dernier ou encore en utilisant les biens mobiliers ouimmobiliers en vue d'administrer de maniere adequate la masse faillie.C'est dans ces circonstances seulement que la masse est liee par lesengagements relatifs à cette gestion et doit supporter les dettes fondeessur ceux-ci.

Des lors qu'elles derogent au principe de l'egalite des creanciers quifonde la loi du 8 aout 1997 sur les faillites, les dettes de la massedoivent etre definies strictement.

2. En vertu de l'article 37, alinea 1er, de la loi du 31 janvier 2009relative à la continuite des entreprises, les creances se rapportant àdes prestations effectuees à l'egard du debiteur pendant la procedure dereorganisation judiciaire, qu'elles soient issues d'engagements nouveauxdu debiteur ou de contrats en cours au moment de l'ouverture de laprocedure, sont considerees comme des dettes de la masse dans une failliteou liquidation subsequente survenue au cours de la periode dereorganisation ou à l'expiration de celle-ci, dans la mesure ou il y a unlien etroit entre la fin de la procedure de reorganisation et cetteprocedure collective.

Suivant les travaux parlementaires, cette disposition tend à accorder auxcocontractants de l'entreprise en difficulte la securite necessaire, desorte que ceux-ci n'insistent pas pour obtenir un paiement immediatmettant en peril la continuite de l'entreprise.

3. Il s'ensuit que la reconnaissance des dettes contractees pendant laprocedure de reorganisation judiciaire en tant que dettes de la masse dansune liquidation ou une faillite subsequentes doit etre limitee aux dettesse rapportant à des prestations issues de contrats conclus avecl'entreprise en difficulte.

4. En vertu de l'article 2, 1DEG, de la loi du 12 avril 1965 concernant laprotection de la remuneration des travailleurs, il y a lieu d'entendre parremuneration le salaire en especes auquel le travailleur a droit à chargede l'employeur en raison de son engagement.

Suivant l'article 3bis de cette loi, le droit au paiement de laremuneration porte sur la remuneration avant imputation des retenuesvisees à l'article 23.

L'article 23, 1DEG, de la meme loi dispose que peuvent seules etreimputees sur la remuneration du travailleur, les retenues effectuees enapplication de la legislation fiscale, de la legislation relative à lasecurite sociale et des conventions particulieres ou collectivesconcernant les avantages complementaires de securite sociale.

5. Il ne ressort pas de ces dispositions qu'en matiere de precompteprofessionnel, le fisc doive etre considere comme un creancier auquel unesurete doit etre accordee en vue de la poursuite des prestations pendantla procedure de reorganisation judiciaire. Ces creances ne sont, des lors,pas des dettes de la masse en vertu de l'article 37, alinea 1er, de la loidu 31 janvier 2009.

6. Le moyen, qui repose tout entier sur un autre soutenement juridique,manque en droit.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Eric Dirix, president, le president desection Beatrijs Deconinck, les conseillers Koen Mestdagh, Geert Jocque etBart Wylleman, et prononce en audience publique du vingt-sept mars deuxmille quinze par le president de section Eric Dirix, en presence del'avocat general Dirk Thijs, avec l'assistance du greffier Kristel VandenBossche.

Traduction etablie sous le controle du president de section ChristianStorck et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

Le greffier, Le president de section,

27 MARS 2015 F.14.0141.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.14.0141.N
Date de la décision : 27/03/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 18/11/2015
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-03-27;f.14.0141.n ?
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