Cour de cassation de Belgique
Arret
* NDEG P.14.1964.N
* E. V., ...
* prevenu,
* demandeur en cassation,
* * contre
ORDRE DES AVOCATS D'ANVERS, represente par le batonnier,
partie civile,
defendeur en cassation.
* I. la procedure devant la cour
VIII. IX. Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 17 decembre 2014par la cour d'appel d'Anvers, chambre correctionnelle.
X. Le demandeur invoque quatorze moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme, et fait deux declarationsincidentes, conformement à l'article 486, alinea 2, du Coded'instruction criminelle.
XI. Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
XII. L'avocat general delegue Alain Winants a conclu.
II. la decision de la cour
(...)
Sur le quatrieme moyen :
11. Le moyen invoque la violation de l'article 149 de la Constitution :l'arret qui decide que la decision du conseil de discipline d'appelconstitue une decision judiciaire dont la legalite ne peut etre examineesur la base de l'article 159 de la Constitution, n'indique pas pourquoiune telle decision serait une decision judiciaire, alors que le demandeura presente d'abondantes conclusions à cet egard et a invoque qu'une telledecision constitue un acte administratif.
12. L'arret (...) repond à la defense du demandeur en decidant que ladecision du 12 fevrier 2013 du conseil de discipline d'appel est de naturejuridictionnelle, qu'elle a autorite de chose jugee dans les limites de lacompetence que le legislateur confere à ces juridictions disciplinaireset n'est susceptible d'etre contestee que par les voies de recourslegalement prevues.
Le moyen manque en fait.
Sur le cinquieme moyen :
13. Le moyen invoque que l'arret decide, à tort, qu'une decision duconseil de discipline d'appel ne peut etre controlee à l'aune de la loisur la base de l'article 159 de la Constitution ; en effet, rien n'indiqueque le conseil de discipline d'appel des avocats releverait du pouvoirjudiciaire vise par la Constitution ; seules les decisions prises par lepouvoir judiciaire sont des decisions judiciaires.
14. Aux termes de l'article 146 de la Constitution, nul tribunal ou nullejuridiction contentieuse ne peut etre etabli qu'en vertu d'une loi.
15. Les conseils de discipline et les conseils de discipline d'appel desavocats sont des institutions qui sont chargees, sur la base des articles456 et 464 du Code judiciaire, de sanctionner les atteintes à l'honneurde l'ordre des avocats et aux principes de dignite, de probite et dedelicatesse qui font la base de la profession et doivent garantir unexercice adequat de celle-ci, ainsi que les infractions aux reglements,sans prejudice de la competence des tribunaux, s'il y a lieu. Au terme dela procedure prescrite par le Code judiciaire, ces conseils peuventimposer aux avocats qui commettent de telles infractions des mesuresdisciplinaires que ledit code prevoit. Ainsi, ces conseils sont desjuridictions contentieuses etablies en vertu de la loi.
Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyenmanque en droit.
16. Les decisions disciplinaires des conseils de discipline et desconseils de discipline d'appel, en tant qu'organes du pouvoir judiciaire,sont des decisions juridictionnelles. En vertu de l'article 20 du Codejudiciaire, les voies de nullite n'ont pas lieu contre de telles decisionsqui ne peuvent etre annulees que sur les recours prevus par la loi. Envertu des articles 462, 463, 468, S: 2, et 1121/1, S: 1er, 1DEG, du Codejudiciaire, ces recours sont, en principe, l'opposition, l'appel ou lepourvoi en cassation. Ces decisions ne sont ainsi pas des arretes ou desreglements au sens de l'article 159 de la Constitution, que les cours ettribunaux ne peuvent appliquer qu'autant qu'ils sont conformes aux lois.
Dans cette mesure, le moyen manque egalement en droit.
(...)
Sur le neuvieme moyen :
28. Le moyen invoque la violation de la loi, ainsi que la meconnaissancedu devoir de motivation : l'arret viole la loi en decidant que ni unenotification formelle par courrier recommande ni une signification parexploit d'huissier de justice n'est requise avant l'execution forcee d'unedecision du conseil de discipline d'appel ; une telle decision est unedecision administrative et doit donc etre signifiee ainsi que le prevoitla loi, à savoir par courrier ecrit en vertu de l'article 468, S: 1er, duCode judiciaire et par exploit d'huissier de justice en vertu de l'article1495 du Code judiciaire, independamment du fait que la personne concerneea pris connaissance de la decision d'une autre maniere ; si la Cour devaitdecider qu'une decision du conseil de discipline d'appel est une decisionjudiciaire, alors la signification prealable est certainement requise parexploit d'huissier de justice, en vertu de l'article 1495 du Codejudiciaire ; en effet, une telle decision de condamnation ne concerne pasune mesure d'instruction et il n'y a pas le moindre argument pour deciderque la procedure exceptionnelle de l'article 1496 du Code judiciaire estapplicable.
29. Dans la mesure ou il ne precise ni comment ni en quoi l'arretmeconnait le devoir de motivation, le moyen est imprecis et est, parconsequent, irrecevable.
30. Dans la mesure ou il invoque que la decision du conseil de disciplined'appel est de nature administrative, le moyen est deduit de l'illegalitevainement invoquee dans le cinquieme moyen et est, par consequent,egalement irrecevable.
31. L'arret ne decide pas que le demandeur n'a pas pris connaissance de ladecision du conseil de discipline d'appel par courrier recommande, commele requiert l'article 468, S: 1er, du Code judiciaire, mais, au contraire,que tel a bien ete le cas.
Dans la mesure ou il est deduit d'une lecture erronee de l'arret, le moyenmanque en fait.
32. Dans la mesure ou il est deduit du defaut de la notification visee dela decision disciplinaire, le moyen est egalement irrecevable.
33. En vertu de l'article 1496 du Code judiciaire, l'execution provisoireest de droit en ce qui concerne une mesure d'instruction prescrite par unjugement. Se referant à cette disposition, l'arret ne decide pas que ladecision du conseil de discipline d'appel ordonne une mesured'instruction, mais indique uniquement que cette decision, declareeexecutoire par provision, est executoire de la meme maniere que ce qui estprevue audit article.
Dans cette mesure, le moyen manque egalement en fait.
34. En vertu de l'article 1495, alineas 1er et 3, du Code judiciaire, enmatiere civile, aucune decision qui prononce une condamnation ne peut, enprincipe, etre executee qu'apres avoir ete signifiee à la partie, et ceà peine de nullite des actes d'execution. Sur la base de cesdispositions, la signification est une condition à l'execution forcee enmatiere civile.
35. Une decision disciplinaire de condamnation prononcee par le conseil dediscipline d'appel des avocats n'est cependant pas une affaire civileainsi qu'il est prevu ci-avant. Une telle decision est executoire de pleindroit à l'echeance du delai pour se pourvoir en cassation, à moins quele conseil de discipline d'appel en decide autrement.
Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyenmanque en droit.
(...)
Sur les onzieme et douzieme moyens :
38. Les moyens demandent, subsidiairement au moyen precedent et si la Courest d'avis que la loi permet effectivement qu'une decision de condamnationprononcee par le conseil de discipline d'appel des avocats est mise enexecution de plein droit sans notification prealable par lettrerecommandee ni par signification prealable par exploit d'huissier dejustice, que soit posees à la Cour constitutionnelle les questionsprejudicielles suivantes :
1. « L'article 468, S: 3, lu conjointement avec l'article 1496 du Codejudiciaire, interprete en ce sens que les decisions de radiation ou desuspension rendues par le conseil de discipline d'appel des avocats quiont ete declarees executoires par provision prennent effet de plein droitet sans formalites, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution,par l'execution de plein droit sans aucune garantie d'information del'avocat concerne ni de ses clients, ces derniers etant en effet empechesde prendre les mesures appropriees afin de veiller à leur propresinterets : ainsi, si un appel introduit par l'avocat concerne au nom deses clients ou une requete introduite devait etre irrecevable sans que lesclients concernees ne puissent encore y remedier et sans qu'ils aient puen prendre prealablement connaissance, l'avocat concerne est aussi oblige,du fait de son ignorance, d'effectuer diverses prestations qu'il n'a plusla possibilite de facturer à ses clients. Et ce alors que l'execution detoute autre decision judiciaire ou acte administratif individuel doit àtout le moins faire l'objet d'une notification ou signification prealable,meme si les personnes concernees ont pu avoir connaissance de la decisiond'une autre maniere. »
2. « L'article 468, S: 3, lu conjointement avec l'article 1496 du Codejudiciaire, interprete en ce sens que les decisions de radiation ou desuspension rendues par le conseil de discipline d'appel des avocats quiont ete declarees executoires par provision prennent effet de plein droitet sans formalites, viole-t-il les articles 10 et 11 de la Constitution,des lors qu'il n'y a aucune partie au proces qui doit indemniser l'avocatconcerne pour le dommage subi si la peine disciplinaire en question estannulee par la suite par la Cour de cassation et qu'il ne se voitfinalement infliger aucune peine ou une peine inferieure, alors que celaest neanmoins possible pour toute autre decision judiciaire declareeexecutoire par provision, la partie au proces qui execute une telledecision est tenue de reparer tout dommage que la partie condamnee a subisi la decision initiale devait etre reformee ou annulee en sa faveur endegre d'appel (ou apres cassation). »
39. La premiere question prejudicielle se fonde sur la premisse juridiqueerronee selon laquelle toute decision judiciaire autre que la decisiondisciplinaire visee en l'espece doit etre precedee d'une notification oud'une signification au condamne.
40. La seconde question prejudicielle est deduite de la premisse juridiqueerronee selon laquelle nul n'est tenu de reparer le dommage de l'avocatfaisant l'objet d'une decision disciplinaire declaree executoire parprovision qui serait reformee en sa faveur au terme d'un recours.
41. Les questions qui se fondent sur des premisses juridiques erronees nesont pas posees.
(...)
Le controle d'office
53. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.
Par ces motifs,
* * La Cour
* Rejette le pourvoi et les declarations incidentes ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Paul Maffei, president, Filip Van Volsem, Antoine Lievens,Erwin Francis et Sidney Berneman, conseillers, et prononce en audiencepublique du vingt-quatre mars deux mille quinze par le president PaulMaffei, en presence de l'avocat general delegue Alain Winants, avecl'assistance du greffier Frank Adriaensen.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Franc,oise Roggen ettranscrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le conseiller,
* 24 MARS 2015 P.14.1964.N/1
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