Cour de cassation de Belgique
Arret
* NDEG P.14.1298.N
* K. B., ...
* partie civile,
* demandeur en cassation,
* Me Thomas Mitevoy, avocat au barreau de Bruxelles,
* * contre
* * 1. M. V., ...
* (...)
* 10. E. V., ...
* inculpes,
defendeurs en cassation.
I. la procedure devant la cour
XIII. XIV. Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 26 juin 2014par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation,statuant en tant que juridiction de renvoi ensuite de l'arret de laCour du 14 janvier 2014.
XV. Le demandeur invoque quatre moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.
XVI. Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.
XVII. L'avocat general Luc Decreus a conclu.
II. la decision de la cour
Sur le premier moyen :
(...)
Quant à la deuxieme branche :
10. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 3, 6 dela Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, 417bis, 417ter, 417quater, 417quinquies du Code penal et 37de la loi du 5 aout 1992 sur la fonction de police : l'arret ne fonde ladecision relative à l'absence de coups et blessures ou de traitementinhumain ou degradant au cours du transfert vers le commissariat ou aucommissariat que sur les declarations des defendeurs et ne prend pas enconsideration les declarations univoques du demandeur, des autrespersonnes arretees et des autres temoins, parmi lesquels des agents depolice neutres, sur la base de motifs non pertinents ; une decision denon-lieu principalement fondee sur les declarations des agents de policeconcernes implique une violation de l'obligation procedurale comprise àl'article 3 de la Convention, tel qu'interprete par la Cour europeenne desdroits de l'homme ; une forte presomption de fait est de vigueur pour desblessures occasionnees à des personnes qui se trouvent en detention ;l'arret aurait du comparer minutieusement les differentes declarations ;il ne tient pas compte de la forte presomption precitee qui ne vaut pasuniquement en ce qui concerne les blessures subies au cours de ladetention, mais egalement en ce qui concerne le caractere proportionneentre la violence policiere et le comportement de la victime.
11. Il resulte de l'article 3 de la Convention, tel qu'interprete par laCour europeenne des droits de l'homme, que si une personne a ete victimede violences alors qu'elle se trouvait en garde à vue ou au cours de sadetention, il y a une forte presomption de fait que les autorites en sontresponsables et il appartient à l'Etat de fournir une explicationplausible à cet egard. S'il n'y parvient pas, une violation de laConvention est etablie dans le chef de l'Etat.
12. Il ne resulte toutefois pas de cette disposition que la juridictionnationale appelee à se prononcer sur l'existence de charges suffisantesdans le chef des agents de police suspectes d'avoir eu recours à uneviolence injustifiee, soit tenue d'admettre comme credibles lesdeclarations des victimes et de rejeter comme n'etant pas credibles cellesdes suspects, ce qui constituerait une violation de la presomptiond'innocence garantie par l'article 6.2 de la Convention, dont beneficientles agents de police suspectes de violence injustifiee.
Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyen,en cette branche, manque en droit.
13. Par les motifs que l'arret comporte, les juges d'appel ont indiquepourquoi ils ont juge plausibles ou non les declarations des defendeurs,du demandeur, des autres personnes arretees et d'autres temoins, parmilesquels des agents de police neutres. Il ressort egalement des motifsenonces qu'ils ont scrupuleusement examine les differentes declarations etles ont confrontees entre elles, non seulement en ce qui concerne la causedes blessures subies par le demandeur au cours de la detention, maisegalement en ce qui concerne le caractere proportionne de la violenceemployee.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
14. Pour le surplus, le moyen, en cette branche, impose un examen desfaits pour lequel la Cour est sans pouvoir ou critique l'appreciationsouveraine des faits par les juges d'appel.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Quant à la troisieme branche :
14. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 3, 6 dela Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, 417bis, 417ter, 417quater et 417quinquies du Code penal et37 de la loi du 5 aout 1992 sur la fonction de police : en ce qui concernela phase du transport vers l'hopital et le sejour là-bas, l'arret seborne à constater qu'il n'y a aucun element indiquant que les defendeursont emmene le demandeur à l'hopital ; la circonstance que l'instructionpenale ne revele pas l'identite de l'agent de police ayant transporte ledemandeur à l'hopital demontre que l'instruction concernant cette phasen'a pas ete menee à suffisance ; une instruction penale qui ne peutpermettre de sanctionner les agents de police concernes n'est pas efficaceet implique une violation de l'obligation procedurale comprise àl'article 3 de la Convention.
16. L'obligation procedurale pour l'Etat, deduite de l'article 3 de laConvention par la Cour europeenne des droits de l'homme, de proceder àune enquete officielle qui doit etre effective, en ce sens qu'elle doitpouvoir mener à identifier et à punir les responsables, est uneobligation de moyen mais non de resultat. Seuls doivent etre accomplis lesactes d'instruction permettant raisonnablement d'identifier et de punirles responsables.
Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyen,en cette branche, manque en droit.
17. L'arret decide que l'instruction est complete des lors que tous lesactes d'instruction utiles à la manifestation de la verite ont eteaccomplis. L'arret indique par là qu'aucun acte d'instruction permettantd'identifier les inspecteurs ayant transporte le demandeur à l'hopital nepouvait raisonnablement plus etre ordonne.
Dans la mesure ou, sans alleguer que le demandeur a lui-meme demande à lajuridiction d'instruction d'ordonner une enquete complementaire, ilinvoque que l'instruction judiciaire n'a pas ete effective comme lerequiert l'article 3 de la Convention, le moyen, en cette branche, ne peutetre accueilli.
(...)
Sur le quatrieme moyen :
Quant à la premiere branche :
29. Le moyen, en cette branche, invoque la violation du devoir demotivation prescrit par les articles 6 de la Convention de sauvegarde desdroits de l'homme et des libertes fondamentales et 14.1 du Pacteinternational relatif aux droits civils et politiques et la meconnaissancedu principe general du droit relatif au respect des droits de la defense :l'arret n'est pas motive à suffisance ; la lecture de l'arret ne donnepas la possibilite au demandeur de comprendre les principales raisonspermettant de justifier le non-lieu prononce à l'egard des defendeurs ;l'arret n'apporte aucune reponse aux questions fondamentales du demandeurquant à la decision relative à ses blessures et leurs consequences, àl'appreciation de la credibilite accordee aux diverses declarations et aufait que le requisitoire du procureur general n'a pas ete suivi.
30. Le droit à un examen equitable de la cause garanti par les articles6.1 de la Convention et 14.1 du Pacte international requiert que ladecision qui met un terme à l'action publique dans le cadre du reglementde la procedure, indique les principales raisons qui soutiennent cettedecision et cela, nonobstant le depot de conclusions. Il n'est pas requisque le juge fournisse une reponse detaillee sur chaque pointeventuellement litigieux. Il suffit que le juge indique les raisonspermettant à la partie civile de comprendre la decision.
31. La circonstance qu'une partie civile ne partage pas la decision denon-lieu rendue par la juridiction d'instruction n'implique pas laviolation du devoir de motivation deduit des articles 6.1 de la Conventionet 14.1 du Pacte international.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en droit.
32. L'arret indique bien les principales raisons qui fondent la decisionde non-lieu. Les raisons indiquees fournissent une reponse aux questionsfondamentales du demandeur et lui permettent de comprendre la decision.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
(...)
Par ces motifs,
* * La Cour
* Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Paul Maffei, president, Luc Van hoogenbemt, president desection, Filip Van Volsem, Antoine Lievens et Erwin Francis, conseillers,et prononce en audience publique du vingt-quatre mars deux mille quinzepar le president Paul Maffei, en presence de l'avocat general Luc Decreus,avec l'assistance du greffier Frank Adriaensen.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Benoit Dejemeppe ettranscrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le conseiller,
24 MARS 2015 P.14.1298.N/1