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20/03/2015 | BELGIQUE | N°D.13.0022.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 20 mars 2015, D.13.0022.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG D.13.0022.N

M. W.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

ORDRE DES MEDECINS.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre la decision rendue le 16septembre 2013 par le conseil d'appel de l'Ordre des medecins, statuantcomme juridiction de renvoi ensuite de l'arret de la Cour du 9 novembre2012.



L'avocat general Andre Van Ingelgem a depose des conclusions ecrites le 19janvier 2015.

Le president de section Beatrijs Deconinck a fait

rapport.

L'avocat general Andre Van Ingelgem a conclu.

II. Les moyens de cassation

Dans la requete en cassation...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG D.13.0022.N

M. W.,

Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,

contre

ORDRE DES MEDECINS.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre la decision rendue le 16septembre 2013 par le conseil d'appel de l'Ordre des medecins, statuantcomme juridiction de renvoi ensuite de l'arret de la Cour du 9 novembre2012.

L'avocat general Andre Van Ingelgem a depose des conclusions ecrites le 19janvier 2015.

Le president de section Beatrijs Deconinck a fait rapport.

L'avocat general Andre Van Ingelgem a conclu.

II. Les moyens de cassation

Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, le demandeur presente trois moyens.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

1. L'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme etdes libertes fondamentales ne requiert pas que le conseil provincial del'Ordre des medecins, qui est soumis au controle d'organes juridictionnelssuperieurs, reponde lui-meme aux prescriptions de cet article. Il suffitque l'organe qui dispose d'un controle de pleine juridiction en droit eten fait sur les decisions de ce college disciplinaire remplisse cesconditions.

Dans la mesure ou il est fonde sur le soutenement juridique contraire, lemoyen manque en droit.

2. Les juges d'appel ont considere que l'independance et l'impartialitedes membres du conseil d'appel n'etaient pas mises en doute de sorte qu'iln'y avait pas de violation de l'article 6.1 de la Convention de sauvegardedes droits de l'homme et des libertes fondamentales, ont examine ensuiteeux-memes la cause sans se fonder sur les motifs de la decisiondisciplinaire dont appel et ont « statuant à nouveau en degre d'appel »pris leur decision.

3. Contrairement à la premisse sur laquelle le moyen est fonde, les jugesd'appel ont ainsi fait savoir qu'ils ont annule la decision du conseilprovincial de l'Ordre des medecins et qu'ils l'ont examinee à nouveau.

Dans cette mesure, le moyen manque en fait.

Sur le deuxieme moyen :

4. En vertu de l'article 10.2 de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales, l'exercice de la liberted'expression, qui comprend la liberte de communiquer des informations oudes idees et qui comporte des devoirs et des responsabilites, peut etresoumis à certaines formalites, conditions, restrictions ou sanctionsprevues par la loi, qui constituent des mesures necessaires, dans unesociete democratique, à la protection de la reputation ou des droitsd'autrui.

5. Une restriction de la liberte d'expression est necessaire dans unesociete democratique lorsqu'elle repond à une necessite socialeimperative, à condition qu'une proportion soit respectee entre le moyenutilise et le but poursuivi et que la restriction soit justifiee sur labase de motifs pertinents et suffisants.

Il doit ressortir de la decision du juge non seulement qu'il a examine ledroit à la liberte d'expression à la lumiere des autres droits vises àl'article 10.2 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales, comme le droit à la bonne reputation, mais aussique la restriction imposee, compte tenu du contexte dans lequel l'opiniona ete exprimee, de la qualite des parties et des autres circonstancesparticulieres de la cause, repond à une necessite sociale imperative etest pertinente et que la restriction imposee respecte la proportionnaliteentre le moyen utilise et le but poursuivi.

6. Les juges d'appel ont constate que :

- le demandeur a ete cite devant le conseil provincial de l'Ordre desmedecins pour avoir notamment diffuse une communication non collegiale etinjurieuse en date du 1er janvier 2009 parmi les patients, au cours de lagarde de semaine ;

- par la lettre mise en cause, le demandeur n'a pas uniquement informeobjectivement ses patients mais s'est aussi adresse aux patients de sesconfreres avec lesquels il est en contact en raison de ses prestationseffectuees au cours du service de garde ;

- il reproche explicitement aux collegues d'etre emportes par des motifsdouteux dans l'organisation du service de garde faisant l'objet de sescritiques, comme l'appat du gain (« l'argent comme mobile ») et laparesse (travailler moins comme mobile), « petits profits » pourlesquels les autres doivent « assumer le travail ».

Ils ont considere que :

- ce qui est reproche au demandeur est la maniere dont il s'est exprime àl'egard de ses confreres ;

- le demandeur avait eu clairement l'intention de presenter commeprejudiciables les plans des collegues quant aux gardes de nuit ;

- apres avoir expose le role de l'Ordre des medecins dans l'organisationdes soins de sante, l'exercice legal de la medecine et le fait de veillerau respect des regles de la deontologie medicale, que l'objectif, en vuede soins de sante adequats, est que le medecin detenant un monopoledispose de la confiance du public et que l'intervention de l'Ordre desmedecins garantit aussi une confiance legitime ;

- le droit à la liberte d'expression d'un medecin entraine de cettemaniere des limites ;

- si des medecins, comme en l'espece le demandeur, dans le cadre de laliberte d'expression, exposent au public ce qu'ils pensent les uns desautres par des propos meprisants et dedaigneux, cela ne profite pas à laconfiance que le public doit avoir dans le corps medical ni à lareputation du corps en tant que tel ni à celle des medecins enparticulier ;

- la qualite des soins de sante et l'interet general sont ainsi mis enperil ;

- le fait que dans le cadre de ses competences disciplinaires, l'Ordre desmedecins sanctionne les propos meprisant et dedaigneux adresses au publicà l'encontre de collegues, par des sanctions moderees et proportionnees,s'avere necessaire dans une societe democratique en vue de la protectionde la reputation des confreres medecins et du corps medical en general,ainsi qu'en vue de la protection de la sante ;

- la restriction du droit à la liberte d'expression repond ainsi à unenecessite sociale imperative ;

- la sanction de reprimande qui a ete infligee est proportionnee àl'objectif poursuivi ;

- la reprimande est necessaire afin de preciser qu'un tel comportement esttotalement inacceptable et que sa prevention repond à une necessitesociale imperative ;

- compte tenu de la nature du fait, le prejudice cause à la confiance dupublic dans le corps medical auquel il doit s'adresser pour ses soinsmedicaux, cette sanction de reprimande est adequate ;

- la sanction concrete est adaptee à la nature de l'infraction et autemps ecoule depuis le fait.

7. En decidant ainsi, les juges d'appel ont examine concretement lecontexte dans lequel la critique a ete exprimee et l'ecrit diffuse, ilsont tenu compte de la qualite particuliere des parties et des autrescirconstances particulieres, ont soupese le droit à la liberted'expression et le droit à la bonne reputation et à la protection de lasante et ils ont tenu compte de la proportionnalite.

Le moyen ne peut etre accueilli.

(...)

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux depens.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, president, lepresident de section Beatrijs Deconinck, les conseillers Alain Smetryns,Geert Jocque et Bart Wylleman, et prononce en audience publique du vingtmars deux mille quinze par le president de section Albert Fettweis, enpresence de l'avocat general Andre Van Ingelgem, avec l'assistance dugreffier Kristel Vanden Bossche.

Traduction etablie sous le controle du president de section AlbertFettweis et transcrite avec l'assistance du greffier Patricia DeWadripont.

Le greffier, Le president de section,

20 MARS 2015 D.13.0022.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : D.13.0022.N
Date de la décision : 20/03/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 05/11/2015
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-03-20;d.13.0022.n ?
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