Cour de cassation de Belgique
Arret
* NDEG S.12.0034.N
BELGACOM, s.a., societe de droit public,
Maitre Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation,
* contre
* * OFFICE NATIONAL DE SECURITE SOCIALE, etablissement public dote de lapersonnalite juridique,
Maitre Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre un arret rendu le 20 octobre2011 par la cour du travail de Bruxelles.
L'avocat general Henri Vanderlinden a depose des conclusions ecrites le 2fevrier 2015.
Le conseiller Koen Mestdagh a fait rapport.
L'avocat general Henri Vanderlinden a conclu.
II. Le moyen de cassation
La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- articles 1er, 2, 32, 38, S: 3ter, 40 et 41 de la loi du 29 juin 1981etablissant les principes generaux de la securite sociale des travailleurssalaries ;
- articles 1er et 2 de la loi du 27 juin 1969 revisant l'arrete-loi du 28decembre 1944 concernant la securite sociale des travailleurs ;
- article 11, S: 2, de l'arrete royal du 28 novembre 1969 pris enexecution de la loi du 27 juin 1969 revisant l'arrete-loi du 28 decembre1944 concernant la securite sociale des travailleurs.
Decision et motifs critiques
* L'arret attaque declare l'appel de la demanderesse nonfonde et, confirmant le jugement dont appel, declare la demande dudefendeur fondee et condamne la demanderesse à payer au defendeur lesmontants de :
- 150.190,26 euros, à augmenter des interets legaux sur 104.886,37 eurosà partir du 12 octobre 2007 jusqu'à la date du paiement integral ;
- 1.189.658,53 euros, à augmenter des interets legaux sur 975.279,62euros à partir du 9 novembre 2007 jusqu'à la date du paiement integral ;
et les depens de l'instance.
Cette decision se fonde sur les motifs suivants :
« 3. L'article 38, S: 3ter, de la loi du 29 juin 1981, introduit parl'article 52 [lire:152] de la loi-programme du 30 decembre 1988, disposedans sa version initiale :
`A partir du 1er janvier 1989, il est instaure une cotisation specialeegale à 3,5 p.c., calculee sur tous les versements effectues par lesemployeurs en vue d'allouer aux membres de leur personnel ou à leur(s)ayant(s) droit des avantages extra-legaux en matiere de retraite oude deces premature (...)
L'Office national de securite sociale est charge, selon des modalites àdeterminer par le Roi, de la perception et du recouvrement de cettecotisation.
Le debiteur de la cotisation speciale est, pour ce qui est de cettecotisation, assimile à l'employeur vise dans le regime de securitesociale applicable aux travailleurs, notamment en ce qui concerne lesdeclarations justificatives des cotisations, l'application des sanctionsciviles et des dispositions penales, la surveillance, le juge competent encas de litige, la prescription en matiere d'actions judiciaires, leprivilege et la communication du montant de la creance.
Le produit de la cotisation speciale est transfere à l'Office nationaldes pensions et affecte au financement du regime des pensions de retraiteet de survie des travailleurs salaries, tel qu'il est determine parl'arrete royal nDEG 50 du 24 octobre 1967 relatif à la pension deretraite et de survie des travailleurs salaries'.
Cette disposition fut modifiee par les articles 272 de la loi-programme du22 decembre 1989 precisant la base de perception, 57 de la loi du 26 juin1992 augmentant le pourcentage de 3,5 p.c. à 8,86 p.c. et 53 de la loi du26 janvier 1999 remplac,ant l'alinea 6 relatif à l'affectation duproduit des cotisations. A la suite de cette derniere modification, lacotisation est affectee aux regimes de la gestion globale.
L'article 275 de la loi-programme du 22 decembre 1989 soumet en outre àla cotisation speciale les versements effectues à partir du 1er janvier1989 par les administrations provinciales et locales en vue d'allouer auxmembres de leur personnel quel que soit leur statut, ou à leurs ayantsdroit, les avantages extra-legaux en matiere de retraite ou de decespremature. Sont assimilees aux administrations provinciales et locales,les autres personnes de droit public affiliees à l'Office national desecurite sociale des administrations provinciales et locales.
4. Conformement à l'article 41 de la loi du 29 juin 1981, lesdispositions de cette loi entrent en vigueur aux dates fixees par le Roi.Les parties s'accordent pour dire qu'un arrete royal mettant en vigueurles dispositions des articles 1er et 2 de la loi n'a jamais eteformellement promulgue. La these de [la demanderesse] suivant laquelle cesdispositions sont implicitement entrees en vigueur ne peut des lors pas,ou en tout cas pas d'emblee, etre suivie. Ce qui est certain, c'est quediverses dispositions de la loi du 29 juin 1981 sont entrees en vigueur etque le legislateur a modifie ou complete certaines dispositions. Cesdispositions doivent des lors avoir un champ d'application.
Pour determiner ce champ d'application, l'on peut en premier lieu tenircompte de la disposition prevue à l'article 40 de la loi du 29 juin 1981qui dispose qu'en attendant la promulgation des lois et des arretesparticuliers vises par la loi, `les lois et arretes en vigueur, relatifsaux matieres concernees, restent d'application'. Bien que, sur la base destravaux parlementaires, l'on ne puisse etablir avec certitude si l'article40 est egalement applicable aux dispositions des articles 1er et 2 de laloi (en particulier de l'article 2 qui necessitait des arretesd'execution), il ne ressort pas davantage des travaux parlementaires quel'article 40 ne s'applique pas à ces dispositions.
Il resulte en tous les cas suffisamment clairement des travauxparlementaires de la loi du 29 juin 1981 que l'intention du legislateuretait que cette loi ait le meme champ d'application que la loi du 27 juin1969. L'expose des motifs indique que la loi generale de principes estconc,ue comme une loi-cadre ayant pour but la reforme de la securitesociale des travailleurs salaries, tant en ce qui concerne les principesde base des regimes qu'en ce qui concerne les moyens financiers qui serontutilises à la realisation de ces objectifs. Il est souligne à cet egardque l'application personnelle et territoriale de la loi definie àl'article 2 est conforme aux dispositions existantes de la loi du 27 juin1969 et en reprend en grandes lignes les dispositions des articles 1er et2. Il est en outre precise que la disposition de l'article 2 prevoit qu'enprincipe toutes les personnes liees à un employeur en vertu d'un contratde travail ou celles effectuant des prestations de travail sous l'autorited'une autre personne sont assujetties à la securite sociale destravailleurs salaries, mais que le Roi peut, par voie reglementaire,etendre le champ d'application à d'autres personnes, en soustrairecertaines categories ou n'appliquer qu'un ou plusieurs secteurs de lasecurite sociale à certains travailleurs. A titre documentaire, une listedes assujettis telle qu'elle decoulait de l'execution de la loi du 27 juin1969 etait annexee.
5. Dans l'hypothese ou, en application de l'article 40 de la loi du 29juin 1981, le champ d'application de la nouvelle loi ne serait pasd'emblee determine par les dispositions existantes et les dispositionsd'execution de la loi du 27 juin 1969, le champ d'application de l'article38, S: 3ter, peut etre trouve par une analyse de la disposition del'article 152 de la loi-programme, qui a introduit cet article dans la loidu 29 juin 1981. Cette disposition constitue en effet en soi la baselegale de la nouvelle reglementation.
Le texte de l'article 152 ne limite pas la cotisation aux employeurs etaux travailleurs salaries, mais rend la cotisation obligatoire pour lesemployeurs et les membres de leur personnel. Le terme de `membres dupersonnel' est plus large que celui de travailleur salarie et couvre`l'ensemble des personnes au service d'un employeur determine ou d'uneinstance publique'.
Selon l'expose des motifs de la loi-programme du 30 decembre 1988, lanouvelle disposition a pour objectif d'instaurer une cotisation specialesur tous les versements effectues par les employeurs en vue de constituerdes avantages complementaires dans le cadre de la retraite et du decespremature. Le produit de cette cotisation sera affecte à l'Officenational des pensions en vue du financement du regime de pensions destravailleurs salaries. La subvention de l'Etat à ce regime sera reduiteà due concurrence. L'instauration d'une telle cotisation s'inspireegalement, suivant l'expose des motifs, du souci de renforcer lasolidarite entre toutes les categories de travailleurs. L'expose desmotifs fait ainsi ressortir la volonte du legislateur de rendre lescotisations obligatoires pour tous les employeurs, sans distinguer entreles employeurs du secteur prive et les employeurs du secteur public.
Cet objectif est egalement confirme expressement par l'article 275 de laloi du 22 decembre 1989 ainsi que par les discussions parlementairesconcernant cette loi. Conformement à l'article 275 de ladite loi, unecotisation speciale est due sur les versements effectues par lesadministrations provinciales et locales, à partir du 1er janvier 1989, envue d'allouer aux membres de leur personnel, quel que soit leur statut, ouà leurs ayants droit, des avantages extra-legaux en matiere de retraiteou de deces premature. Les personnes de droit public affiliees à l'Officenational de securite sociale des administrations provinciales et localessont assimilees aux administrations provinciales et locales.
Il a ete dit au cours de la discussion parlementaire que :
`Ce chapitre a pour objet de preciser les dispositions des articles 152 à154 de la loi-programme du 30 decembre 1988, instaurant une cotisation de3,5 p.c. sur les versements effectues par les employeurs en matiere depensions extra-legales. Il convient de rappeler que cette cotisation de3,5 p.c. devait etre calculee sur tous les versements effectues par lesemployeurs directement ou à titre de primes ou de cotisations. Ilconvient de rappeler que cette cotisation de 3,5 % devait etre calculeesur tous les versements effectues par les employeurs directement ou àtitre de primes ou de cotisationsMais cette cotisation a ete instauree parle biais de textes modifiant la loi du 29 juin 1981 etablissant lesprincipes generaux en matiere de securite sociale. Pour eviter toutecontestation sur le champ d'application de la cotisation, l'article 273(l'article 275 dans la version definitive) instaure expressement lacotisation sur les versements effectues par les employeurs affilies àl'Office national de securite sociale des administrations provinciales etlocales. L'article 274 confie egalement à cet organisme la perception etle recouvrement de la cotisation de 3,5 p.c. aupres de ses affilies,cotisation dont il est habilite à transferer le produit à l'Officenational des pensions.
Certes, [la demanderesse] ne tombe pas dans le champ d'application decette derniere loi, etant donne qu'elle n'est pas affiliee à l'Officenational de securite sociale des administrations provinciales et locales,mais il n'en demeure pas moins vrai que cette loi precise l'intention dulegislateur, eu egard aussi à l'article 152 de la loi du 30 decembre1988, de rendre la cotisation obligatoire pour tous les employeurs, quelque soit le statut sous lequel leur personnel a ete engage.
6. Il y a donc lieu de conclure que l'article 38, S: 3ter, de la loi du 29juin 1981, tel qu'introduit par l'article 152 de la loi du 30 decembre1988, s'applique à tous les employeurs et aux membres de leur personnel,que ces membres du personnel soient lies à l'employeur par un contrat detravail ou par un statut.
7. La circonstance, invoquee par [la demanderesse] en ordre subsidiaire,que, dans le cadre de la loi du 27 juin 1969 sur la securite sociale destravailleurs, elle n'etait pas non plus soumise au regime des pensionspour les membres de son personnel statutaire, n'entraine pas qu'elleserait dispensee de la cotisation. La cotisation instauree par lelegislateur est une cotisation de solidarite qui s'applique, que lesmembres du personnel concernes beneficient ou non de l'avantage du regimespecifique auquel la cotisation est destinee. Cela ressort aussiclairement de l'article 275 de la loi du 22 decembre 1989 qui rend lacotisation obligatoire pour les administrations locales et lesadministrations qui leur sont liees, quel que soit le statut du personnel.Du reste, depuis la loi du 25 janvier 1999, la cotisation n'est plusexclusivement acquise au regime des pensions, mais elle est affectee aufinancement des regimes de la gestion globale.
8. Il y a des lors lieu de confirmer le jugement du premier juge ».
Griefs
1. Il ressort des considerations de l'arret attaque ce qui suit :
- la demanderesse est une societe anonyme de droit public, elle occupe desmembres du personnel contractuels et statutaires et elle a amenage unepension complementaire au profit des membres de son personnel tantcontractuel que statutaire ;
- depuis le premier trimestre de l'annee 2001, elle n'a plus effectue depaiements des cotisations prevues à l'article 38, S: 3ter, de la loi du29 juin 1981 etablissant les principes generaux de la securite sociale destravailleurs salaries sur les versements payes par elle dans l'assurancepension complementaire au profit des membres de son personnel statutaireau motif qu'à l'occasion d'un examen interne de l'administration dessalaires, elle etait parvenue à la conclusion que cette cotisationn'etait pas due sur ces versements ;
- le defendeur n'etait pas d'accord avec cette position, a assigne dans lapresente cause la demanderesse devant le tribunal du travail de Bruxelleset a, par exploits des 25 octobre 2007 et 5 decembre 2007, reclame lescotisations litigieuses.
2. Il ressort du contexte de l'arret attaque et des constatations dujugement du premier juge qu'en confirmant ce jugement, la juridictiond'appel condamne la demanderesse à payer les cotisations litigieuses surla base de l'article 38, S: 3ter, de la loi du 29 juin 1981 sur lesversements payes par la demanderesse dans l'assurance pensioncomplementaire au profit des membres de son personnel statutaire.
Ledit article 38, S: 3ter, de la loi du 29 juin 1981 est libelle commesuit :
« A partir du 1er janvier 1989, il est instaure une cotisation specialeegale à 8,86 p.c., calculee sur tous les versements effectues par lesemployeurs en vue d'allouer aux membres de leur personnel ou à leur(s)ayant(s) droit des avantages extra-legaux en matiere de retraite ou dedeces premature.
Sont exclus de la base de perception de la cotisation speciale de 8,86p.c. :
1DEG la part personnelle payee par le travailleur pour la constitutiond'avantages extra-legaux en matiere de retraite ou de deces premature ;
2DEG la taxe annuelle sur les contrats d'assurance prevue par le titre XIIdu Code des taxes assimilees au timbre ;
3DEG les versements d'avantages extra-legaux en matiere de retraite ou dedeces premature, effectues directement par l'employeur aux membres dupersonnel, lorsque lesdits versements sont relatifs aux annees de serviceprestees avant le 1er janvier 1989.
Lorsque les versements vises à l'alinea 2, 3DEG, sont relatifs à la foisà des annees situees avant le 1er janvier 1989 et à des annees situeesapres le 31 decembre 1988, le Roi fixe les modalites de calcul de lacotisation sur la partie des versements relative aux annees prestees apresle 31 decembre 1988.
L'Office national de securite sociale est charge, selon des modalites àdeterminer par le Roi, de la perception et du recouvrement de cettecotisation.
Le debiteur de la cotisation speciale est, pour ce qui est de cettecotisation, assimile à l'employeur vise dans le regime de securitesociale applicable aux travailleurs, notamment en ce qui concerne lesdeclarations justificatives des cotisations, l'application des sanctionsciviles et des dispositions penales, la surveillance, le juge competent encas de litige, la prescription en matiere d'actions judiciaires, leprivilege et la communication du montant de la creance.
Le produit de la cotisation speciale est affecte au financement desregimes de la gestion globale, vises à l'article 21, S: 2 ».
3. L'article 38, S: 3ter, de la loi du 29 juin 1981 n'est pas applicable,dans la presente cause, aux versements payes par la demanderesse dansl'assurance pension complementaire au profit des membres de son personnelstatutaire.
L'arret attaque, qui statue en sens contraire, viole l'article 38, S:3ter, de la loi du 29 juin 1981.
4. Le champ d'application de la loi du 29 juin 1981 et donc aussi de sonarticle 38, S: 3ter, est en effet expressement determine aux articles 1eret 2 de cette loi. Aux termes de ces dispositions :
L'article 1er de la loi du 29 juin 1981 :
« Paragraphe 1er. Pour l'application de la presente loi, il faut entendrepar :
Travailleur: la personne engagee par un employeur dans les liens d'uncontrat de travail ;
Employeur : la personne physique ou morale qui, en vertu d'un contrat detravail, occupe un ou plusieurs travailleurs ;
[...]
Paragraphe 2. Pour l'application de la presente loi, sont assimiles aux :
1DEG Travailleurs :
a) Les apprentis ;
b) Les personnes auxquelles le Roi etend l'application de la presente loi ;
2DEG Employeurs :
a) Les personnes occupant des apprentis ;
b) Les personnes designees par le Roi comme employeurs des personnesvisees au 1DEG b ».
L'article 2 de la loi du 29 juin 1981 :
« La presente loi est applicable aux travailleurs et aux employeurs.
Le Roi peut :
1DEG Dans les conditions qu'il determine, etendre l'application de lapresente loi aux personnes qui, sans etre liees par un contrat de travail,fournissent contre remuneration, des prestations sous l'autorite d'uneautre personne ou qui executent un travail selon des modalites similaires : dans ce cas, le Roi designe la personne qui est consideree commeemployeur ;
[...] ».
Il resulte des articles 1er et 2 de la loi du 29 juin 1981, ou seuls sontnommes les travailleurs lies par un contrat de travail, les apprentis etles personnes auxquelles le Roi a etendu l'application de cette loi, lusen combinaison avec l'article 38, S: 3ter, de cette loi, que l'article 38,S: 3ter, ne s'applique pas aux versements payes par la demanderesse dansl'assurance pension complementaire au profit des membres de son personnelstatutaire.
Ces derniers, en effet, ne relevent pas du champ d'application de cettedisposition legale, ainsi que le prevoient lesdits articles 1er et 2. LeRoi n'a pas etendu son champ d'application aux membres du personnelstatutaire.
La decision rendue par l'arret attaque, qui consiste à dire que l'article38, S: 3ter, de la loi du 29 juin 1981 s'applique bien aux versementspayes par la demanderesse dans l'assurance pension complementaire auprofit des personnes qui lui sont liees par un statut, viole les articles1er, 2 et 38, S: 3ter, de la loi du 29 juin 1981.
5. La circonstance qu'il n'a jamais ete promulgue d'arrete royal formelmettant en vigueur les dispositions des articles 1er et 2 de la loi du 29juin 1981 n'implique pas que ces articles 1er et 2 ne seraient pas entresen vigueur.
L'arret attaque qui statue en sens contraire viole les articles 1er, 2,32, 38, S: 3ter, et 41 de la loi du 29 juin 1981.
Certes, l'article 41 de la loi du 29 juin 1981 dispose que lesdispositions de cette loi entrent en vigueur aux dates fixees par le Roi.
Cet article ne requiert toutefois pas que soit promulgue un arrete royalformel mettant en vigueur les dispositions des articles 1er et 2 de la loidu 29 juin 1981 pour que ces articles entrent en vigueur.
L'article 32 de la loi du 29 juin 1981 dispose en effet que le Roi estcharge d'apporter aux dispositions legales concernees, les modificationset abrogations necessaires afin de les mettre en concordance avec lesdispositions des articles 1er et 2 et du chapitre III de cette loi.
Il resulte de l'article 32 et des travaux preparatoires que l'entree envigueur des dispositions de la loi du 29 juin 1981 est liee àl'adaptation d'autres dispositions legales pour qu'elles soient enconcordance avec les articles 1er et 2 de la loi du 29 juin 1981. Lamission du Roi contenue à l'article 32 de la loi du 29 juin 1981 ne peutrien signifier d'autre que la confirmation de l'entree en vigueur desarticles 1er et 2 de ladite loi, qui determinent son champ d'application.
L'article 152 de la loi-programme du 30 decembre 1988 a en effet introduitla disposition de l'article 38, S: 3ter, dans la loi du 29 juin 1981 etprescrit que la cotisation speciale litigieuse est instauree à partir du1er janvier 1989. Il s'ensuit que l'article 38, S: 3ter, releve du champd'application de la loi du 29 juin 1981, ainsi que le prevoient sesarticles 1er et 2, et qu'en ce qui concerne l'article 38, S: 3ter, cesarticles sont à tout le moins entres en vigueur à compter du 1er janvier1989. Par consequent, l'article 38, S: 3ter, ne s'applique pas auxversements payes par la demanderesse dans l'assurance pensioncomplementaire au profit des membres de son personnel statutaire.
6. Il ne ressort pas de la genese de l'article 152 de la loi-programme du30 decembre 1988, qui a introduit la disposition de l'article 38, S: 3ter,dans la loi du 29 juin 1981, que l'intention du legislateur ait ete dederoger au champ d'application prevu par les articles 1er et 2 de cetteloi du 29 juin 1981. Il n'en ressort pas davantage que l'intention dulegislateur ait ete de rendre les cotisations prevues à l'article 38, S:3ter, obligatoires pour tous les employeurs, quel que soit le statut souslequel leur personnel a ete engage, etant entendu que l'article 38, S:3ter, s'appliquerait aux versements payes par la demanderesse dansl'assurance pension complementaire au profit des membres de son personnelstatutaire.
L'arret attaque, qui statue en sens contraire, viole les articles 1er, 2et 38, S: 3ter, de la loi du 29 juin 1981.
Le fait que l'article 38, S: 3ter, de la loi du 29 juin 1981 utilise lanotion de « membres du personnel » ne change rien à ce qui precede,cette disposition devant etre lue en combinaison avec les articles 1er et2 de cette loi qui en determinent le champ d'application et, ainsi qu'ilressort des travaux preparatoires, le definissent precisement afin deprevenir toute ambiguite ou confusion.
La version originale de l'article 38, S: 3ter, dernier alinea, de la loidu 29 juin 1981, disposait en outre que le produit des cotisationsspeciales est transfere à l'Office national des pensions et est affecteau financement du regime des pensions de retraite et de survie destravailleurs salaries, tel qu'il est determine par l'arrete royal nDEG 50du 24 octobre 1967 relatif à la pension de retraite et de survie destravailleurs salaries. Il en ressort une fois de plus qu'il n'entrait pasdans l'intention du legislateur que l'article 38, S: 3ter, s'appliquat auxversements payes par l'employeur, en l'espece, la demanderesse, dansl'assurance pension complementaire au profit des membres de son personnelstatutaire. La circonstance que l'article 38, S: 3ter, dernier alinea, aete remplace par l'article 53 de la loi du 25 janvier 1999 en ce sens quele produit de la cotisation speciale est affecte au financement desregimes de la gestion globale, n'est pas de nature à modifier le champd'application de l'article 38, S: 3ter, et ne change rien à ce quiprecede.
Enfin, il figure à l'article 275, S: 1er, de la loi-programme du 22decembre 1989, une disposition expresse prevoyant qu'une cotisationspeciale est due sur les versements effectues par les administrationsprovinciales et locales, à partir du 1er janvier 1989, en vue d'alloueraux membres de leur personnel, quel que soit leur statut, ou à leur(s)ayant(s) droit, des avantages extra-legaux en matiere de retraite ou dedeces premature, les autres personnes de droit public affiliees àl'Office national de securite sociale des administrations provinciales etlocales etant assimilees aux administrations provinciales et locales. Ils'ensuit que, contrairement à ce que l'arret attaque, ainsi qu'il a etedit ci-dessus, decide illegalement, l'article 38, S: 3ter, de la loi du 29juin 1981 ne s'applique pas à tous les employeurs, quel que soit lestatut sous lequel leur personnel a ete engage, mais qu'un texte de loiexpres est requis pour en etendre, ainsi que le prevoient les articles 1eret 2 de cette loi, le champ d'application. A defaut d'un texte de loicontraire, les cotisations prevues à l'article 38, S: 3ter, de la loi du29 juin 1981 ne sont donc pas dues sur les versements payes par lademanderesse dans l'assurance pension complementaire au profit des membresde son personnel statutaire.
7. En tant qu'il considere qu'en vertu de l'article 40 de la loi du 29juin 1981, aux termes duquel, en attendant la promulgation des lois et desarrets particuliers vises par cette loi, les lois et arrets en vigueur,relatifs aux matieres concernees, restent d'application, le champd'application de l'article 38, S: 3ter, de cette loi serait determine parles articles 1er et 2 de la loi du 27 juin 1969 revisant l'arrete-loi du28 decembre 1944 concernant la securite sociale des travailleurs, l'arretattaque viole tant les articles 1er, 2, 38, S: 3ter et 40 de la loi du 29juin 1981 que les articles 1er et 2 de la loi du 27 juin 1969 lus encombinaison avec l'article 11, S: 2, de l'arrete royal du 28 novembre 1969pris en execution de la loi du 27 juin 1969 revisant l'arrete-loi du 28decembre 1944 concernant la securite sociale des travailleurs.
L'arret attaque viole ces dispositions en decidant que la circonstanceinvoquee par la demanderesse en ordre subsidiaire, à savoir que dans lecadre de la loi du 27 juin 1969, elle n'etait pas non plus soumise auregime des pensions pour les membres de son personnel statutaire,n'entraine pas qu'elle serait dispensee de la cotisation.
Le champ d'application de l'article 38, S: 3ter, de la loi du 29 juin 1981est en effet, ainsi qu'il a ete expose ci-dessus, determine par lesarticles 1er et 2 de cette loi, et non par les articles 1er et 2 de la loidu 27 juin 1969.
Il resulte en outre des articles 1er et 2 de la loi du 27 juin 1969, lusen combinaison avec l'article 11, S: 2, de l'arrete royal du 28 novembre1969 que le champ d'application de la loi du 27 juin 1969 n'a pas eteetendu aux pensions complementaires des membres du personnel statutairedes entreprises publiques autonomes, telles que la demanderesse.
Il resulte enfin de ce qui precede que, quoi qu'il en soit, l'article 38,S: 3ter, de la loi du 29 juin 1981 ne s'applique pas, en vertu desarticles 1er et 2 de la loi du 27 juin 1969, lus en combinaison avecl'article 11, S: 2, de l'arrete royal du 28 novembre 1969, aux versementspayes par la demanderesse dans l'assurance pension complementaire auprofit des membres de son personnel statutaire.
Conclusion: la decision de l'arret attaque, de condamner la demanderesseà payer au defendeur les montants determines au titre de cotisations envertu de l'article 38, S: 3ter, de la loi du 29 juin 1981 sur lesversements payes par la demanderesse dans l'assurance pensioncomplementaire au profit des membres de son personnel statutaire, outreles majorations de cotisations, les interets et les depens, n'est paslegalement justifiee (violation de toutes les dispositions citees au moyenainsi qu'il a ete precise ci-dessus aux point 1 à 7).
III. La decision de la Cour
1. En vertu de l'article 41 de la loi du 29 juin 1981 etablissant lesprincipes generaux de la securite sociale des travailleurs salaries, lesdispositions de cette loi entrent en vigueur aux dates fixees par le Roi.
Il s'ensuit que, sauf legislation contraire, une disposition de ladite loidu 29 juin 1981 ne peut entrer en vigueur avant que le Roi ne prevoit ladate de son entree en vigueur.
2. En tant qu'il soutient que le champ d'application de l'obligation decotisation definie à l'article 38, S: 3ter, de ladite loi du 29 juin 1981est delimite par les articles 1er et 2 de cette loi, meme s'il n'a jamaisete promulgue d'arrete royal formel mettant en vigueur les articles 1er et2, le moyen repose sur une premisse juridique erronee.
Dans cette mesure, le moyen manque en droit.
3. En vertu de l'article 38, S: 3ter, alinea 1er, de ladite loi du 29 juin1981, il est instaure, à partir du 1er janvier 1989, une cotisationspeciale egale à [8,86] p.c., calculee sur tous les versements effectuespar les employeurs en vue d'allouer aux membres de leur personnel ou àleurs ayants droit des avantages extra-legaux en matiere de retraite ou dedeces premature.
Cette disposition n'etablit aucune distinction selon la nature de l'emploidu personnel vise, de sorte que la cotisation qu'elle definit doit etrecalculee sans distinction sur tous les versements effectues par unemployeur en vue d'allouer aux membres de son personnel engagescontractuellement ou statutairement ou à leurs ayants droit des avantagesextra-legaux en matiere de retraite ou de deces premature.
4. En tant qu'ils considerent, sur la base de la genese de la loi et destermes de l'article 152 de la loi-programme du 30 decembre 1988, quel'article 38, S: 3ter, de ladite loi du 29 juin 1981 « s'applique à tousles employeurs et aux membres de leur personnel, que ces membres dupersonnel soient lies à l'employeur par un contrat de travail ou par unstatut », les juges d'appel justifient legalement leur decision que cettedisposition s'applique aux versements effectues par la demanderesse pourl'assurance pension complementaire au profit des membres de son personnelstatutaire.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
5. En tant qu'il allegue que les juges d'appel ne pouvaient decider que lechamp d'application de l'article 38, S: 3ter, de ladite loi du 29 juin1981, n'est pas determine par les articles 1er et 2 de la loi du 27 juin1969 revisant l'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant la securitesociale des travailleurs, le moyen est dirige contre un motif surabondant.
Dans cette mesure, le moyen est irrecevable.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux depens.
Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, president, lesconseillers Alain Smetryns, Koen Mestdagh, Mireille Delange et AntoineLievens, et prononce en audience publique du neuf mars deux mille quinzepar le president de section Christian Storck, en presence de l'avocatgeneral Henri Vanderlinden, avec l'assistance du greffier Vanessa Van deSijpe.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Mireille Delange ettranscrite avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.
Le greffier, Le conseiller,
9 MARS 2015 S.12.0034.N/1