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26/02/2015 | BELGIQUE | N°C.13.0324.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 26 février 2015, C.13.0324.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.13.0324.F

1. M. C., agissant en tant qu'heritiere d'A. C.,

2. N. L., agissant en nom personnel et en tant qu'heritiere d'A. C.,

demanderesses en cassation,

representees par Maitre Paul Lefebvre, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480,

contre

1. J.-P. D. W.,

2. B. D. W.,

3. C. D. W.,

4. J. D. W.,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet e

st etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourv...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.13.0324.F

1. M. C., agissant en tant qu'heritiere d'A. C.,

2. N. L., agissant en nom personnel et en tant qu'heritiere d'A. C.,

demanderesses en cassation,

representees par Maitre Paul Lefebvre, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 480,

contre

1. J.-P. D. W.,

2. B. D. W.,

3. C. D. W.,

4. J. D. W.,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le

2 novembre 2012 par le tribunal de premiere instance de Liege, statuanten degre d'appel.

Le 19 decembre 2014, le premier avocat general Jean-Franc,ois Leclercq adepose des conclusions au greffe.

Le president de section Albert Fettweis a fait rapport et le premieravocat general Jean-Franc,ois Leclercq a ete entendu en ses conclusions.

II. Les moyens de cassation

Les demanderesses presentent deux moyens, dont le premier est libelle dansles termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 895, 896, 897, 898, 899, 900, 901 et 906 du Code judiciaire ;

- article 6 du Code civil ;

- principe general du droit « fraus omnia corrumpit ».

Decisions et motifs critiques

Le jugement attaque rejette la demande de procedure de faux civil formuleepar les demanderesses et fonde sa decision sur les motifs qu'il enonce auxpages 8 à 19, lesquels sont tenus ici pour integralement reproduits etspecialement sur les considerations que :

« La demande d'examen de l'acte du 16 aout 2009 sous l'angle de laprocedure de faux civil telle qu'elle est formulee par [les demanderesses]n'est pas pertinente.

En l'espece, il importe en effet de determiner si la notification contenuedans [la lettre] du 16 aout 2009 envoyee par [les defendeurs] aux[demanderesses] est valable et reguliere et si elle a licitement pu avoirdes consequences et produire les effets prevus par la loi pour ce type denotification.

Selon [les demanderesses] elles-memes, la validite de ce document estliee à l'existence anterieure d'une eventuelle cession du bail à ferme,laquelle aurait pour effet de rendre nulle et non avenue la notificationlitigieuse.

Cet examen sera celui du tribunal, independamment de toute procedure defaux civil.

Il appartient aux [demanderesses], en leur qualite de demandeursoriginaires et d'appelants, de prouver ce qu'elles soutiennent, soit que[les defendeurs] n'avaient pas repris le bail de leur pere en tantqu'heritiers car M. D. W. avait cede son bail anterieurement à son decesà un ou deux de ses fils.

Il leur appartient donc d'apporter la preuve de la cession du bail, del'identite de la ou des personnes cessionnaires et du moment auquel cettecession aurait ete realisee ».

Griefs

La procedure de faux civil, telle qu'elle est prevue par le Codejudiciaire, et qui devrait permettre de mettre en lumiere un eventuel fauxcivil, releve de l'ordre public.

Partant, le juge peut d'office engager une procedure de faux ou uneverification d'ecriture. En effet, l'on ne peut attendre d'un juge qu'ilobserve passivement la maniere dont l'administration de la preuve estperturbee par une grave violation du bon deroulement du proces, telle quel'utilisation d'une piece fausse.

Conformement à l'article 6 du Code civil, « on ne peut deroger, par desconventions particulieres, aux lois qui interessent l'ordre public et lesbonnes moeurs ».

Soutenir le contraire reviendrait à meconnaitre le principe general dudroit « fraus omnia corrumpit » : en l'espece, un faux ne peut pas etrecouvert par la possibilite pour le juge de trancher le litige sur la based'autres elements et d'autres pieces du dossier.

Dans leurs conclusions de synthese d'appel, les demanderesses demandaientau tribunal en ordre principal de :

« Surseoir à statuer quant à l'action principale en attendant leresultat de la procedure en faux civil ;

Dire la demande incidente en faux civil recevable et fondee et, y faisantdroit, faire application des articles 897 et suivants du Code judiciaire ;

Dire pour droit que la notification du 16 aout 2009 produite comme piecepar [les defendeurs] doit etre consideree comme etant un faux civil ;

En consequence, faire mention de cette decision en marge de la piece dontquestion, dresser proces-verbal de cet emargement et ordonner la saisie decette piece afin qu'elle soit transmise à l'office du procureur du Roi[...] », et, en ordre subsidiaire, condamner les defendeurs à payer auxdemanderesses « le montant de 732.632 euros, à augmenter des interetslegaux et judiciaires à dater du 1er mars 2010 jusqu'au complet payement».

Le jugement attaque rejette la procedure de faux civil reclamee par lesdemanderesses au motif qu'elle ne lui apparait pas justifiee quant à lasolution du litige.

Ce jugement motive son refus en constatant que « la validite de cedocument [du 16 aout 2009 argue de faux] est liee à l'existenceanterieure d'une eventuelle cession du bail à ferme, laquelle aurait poureffet de rendre nulle et non avenue la notification litigieuse », et que« cet examen sera celui du tribunal, independamment de toute procedure defaux civil ».

En estimant qu'il pouvait verifier l'existence d'une eventuelle cession dubail à ferme anterieurement à la notification de transmissionprivilegiee de bail à ferme consecutive au deces de M. D. W.independamment d'une procedure de faux civil et ce, malgre le caractered'ordre public de cette procedure civile, le jugement attaque viole lesarticles 895, 896, 897, 898, 899, 900, 901 et 906 du Code judiciaire ainsique l'article 6 du Code civil et meconnait le principe general du droit« fraus omnia corrumpit ».

III. La decision de la Cour

Aux termes de l'article 897 du Code judiciaire, en cas de demandeincidente en faux civil, le juge saisi de l'action principale sursoit àstatuer sur cette action, s'il ne peut y etre statue sans tenir compte dela piece arguee de faux.

Suivant l'article 898 du meme code, en cas de demande incidente en fauxcivil, le juge ordonne aux parties de comparaitre devant lui, le casecheant assistees de leurs avocats, et enjoint au defendeur en faux civilde produire la piece arguee de faux.

Il suit de ces dispositions, qui interessent l'ordre public, que,lorsqu'il est regulierement saisi d'une demande incidente en faux civil,le juge est tenu, en regle, de surseoir à statuer sur le fond du litigeet d'appliquer la procedure de faux civil prevue aux articles 895 à 906du Code judiciaire, pour autant qu'il ne puisse etre statue sur le fondsans tenir compte de la piece arguee de faux.

Il ressort du jugement attaque que les juges d'appel ont statue sur lefond du litige en tenant compte de la lettre du 16 aout 2009 arguee defaux.

En considerant que « la demande d'examen de l'acte du 16 aout 2009 sousl'angle de la procedure de faux civil telle qu'elle est formulee par lesepoux C.-L. n'est pas pertinente » aux motifs qu'« il importe en effetde determiner si la notification contenue dans [la lettre] du 16 aout 2009envoyee par [les defendeurs] aux epoux C.-L. est valable et reguliere etsi elle a licitement pu avoir des consequences et produire les effetsprevus par la loi pour ce type de notification » et que, « selon lesepoux C.-L. eux-memes, la validite de ce document est liee à l'existenceanterieure d'une eventuelle cession du bail à ferme, laquelle aurait poureffet de rendre nulle et non avenue la notification litigieuse », lesjuges d'appel n'ont pas justifie legalement leur decision d'examiner lefond du litige sans appliquer prealablement la procedure de faux civil.

Dans cette mesure, le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant le tribunal de premiere instance de Namur,siegeant en degre d'appel.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, le conseiller DidierBatsele, le president de section Albert Fettweis, les conseillers MartineRegout et Marie-Claire Ernotte, et prononce en audience publique duvingt-six fevrier deux mille quinze par le president de section ChristianStorck, en presence du premier avocat general Jean-Franc,ois Leclercq,avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+------------------------------------------------+
| P. De Wadripont | M.-Cl. Ernotte | M. Regout |
|-----------------+----------------+-------------|
| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
+------------------------------------------------+

26 FEVRIER 2015 C.13.0324.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.13.0324.F
Date de la décision : 26/02/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 11/03/2015
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-02-26;c.13.0324.f ?
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