Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.14.1739.F
I. V. D. E., J., C.,
II. A. A., represente par Maitre Patricia Vanlersberghe, avocat à laCour de cassation,
prevenus,
demandeurs en cassation.
I. la procedure devant la cour
Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 10 octobre 2014 par lacour d'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur A.A. invoque deux moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.
Le 28 janvier 2015, l'avocat general Damien Vandermeersch a depose desconclusions au greffe.
A l'audience du 11 fevrier 2015, le conseiller Benoit Dejemeppe a faitrapport et l'avocat general precite a conclu.
II. la decision de la cour
A. Sur le pourvoi d'E. V. D. :
Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.
B. Sur le pourvoi d'A. A.:
Sur le premier moyen :
1. Le moyen est pris de la violation des articles 8 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, 15 et 22de la Constitution, 28bis, S: 3, 39bis, S: 2, 88ter, S:S: 1 et 3, et 89 duCode d'instruction criminelle. Le demandeur soutient en substance que laprise de connaissance par les enqueteurs des messages enregistres sur letelephone portable du coprevenu releve d'une recherche informatique quidevait etre autorisee par le juge d'instruction et qu'en decidant ducontraire, l'arret viole les dispositions precitees.
2. En application des articles 28bis, S: 3, et 35 du Code d'instructioncriminelle, le procureur du Roi est autorise à saisir toutes chosessusceptibles de servir à la manifestation de la verite et à demander aususpect de s'expliquer sur les choses saisies qui lui sont representees.
En vertu de l'article 39bis, S: 2, lorsque le procureur du Roi decouvredans un systeme informatique des donnees stockees qui sont utiles pour lesmemes finalites que celles prevues pour la saisie, mais que la saisie dusupport n'est neanmoins pas souhaitable, ces donnees, de meme que lesdonnees necessaires pour les comprendre, sont copiees sur des supports quiappartiennent à l'autorite.
L'article 88ter, S: 1er, prevoit que, lorsque le juge d'instructionordonne une recherche dans un systeme informatique ou une partie decelui-ci, cette recherche peut etre etendue vers un systeme informatiqueou une partie de celui-ci qui se trouve dans un autre lieu que celui ou larecherche est effectuee aux conditions que la loi determine.
3. Un telephone portable est un dispositif assurant, en execution d'unprogramme, un traitement automatise de donnees et permettant notammentl'envoi et la reception de telecommunications electroniques.
L'exploitation de la memoire d'un telephone portable, dont les messagesqui y sont stockes sous la forme de sms, est une mesure decoulant de lasaisie, laquelle peut etre effectuee dans le cadre d'une information sansautres formalites que celles prevues pour cet acte d'enquete.
4. Lorsque la saisie du support du systeme informatique ne se justifiepas, le procureur du Roi peut prendre copie des donnees interessantl'information sur des supports appartenant à l'autorite. L'acces à cedispositif implique que les policiers charges de l'enquete peuventproceder à l'analyse des donnees stockees dans la memoire.
La prise de connaissance et la saisie d'un message apres son arrivee àdestination sur un telephone portable est etranger au champ d'applicationde l'article 88ter, S: 1er, qui vise l'hypothese de l'extension d'unerecherche ordonnee par le juge d'instruction vers un systeme informatiqueou une partie de celui-ci qui se trouve dans un autre lieu que celui ou larecherche est effectuee.
5. La cour d'appel a considere que les enqueteurs s'etaient bornes àconsulter les donnees reprises dans le telephone portable du coprevenu quiavait ete saisi, sans qu'il ressorte d'aucune piece du dossier ouallegation vraisemblable que ces policiers avaient du mener une rechercheetendue à partir et au-delà dudit telephone.
6. En decidant, sur le fondement de ces considerations, qu'aucunecondition ou forme particuliere ne devait presider à l'accomplissement dudevoir d'enquete critique par le demandeur, l'arret justifie legalement sadecision.
7. Pour le surplus, la violation des articles 8 de la Convention, 15 et 22de la Constitution, est entierement deduite de celle, vainement invoquee,des dispositions precitees du Code d'instruction criminelle.
8. Le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le second moyen :
9. L'arret condamne le demandeur à une peine unique constituee d'unemprisonnement d'un an assorti d'un sursis pour la duree d'epreuvemaximale et d'une amende de trois cents euros. Le moyen soutient que cettepeine s'avere inhumaine au sens de l'article 3 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales. Selon ledemandeur, la cour d'appel n'a pas tenu compte de ce qu'il n'a ete reconnucoupable que d'un fait isole, à la difference de ceux imputes aucoprevenu, ni des repercussions qu'une telle peine aura sur son activiteprofessionnelle, notamment du point de vue disciplinaire.
10. En vertu de cette disposition, nul ne peut etre soumis à la tortureni à des peines ou traitements inhumains ou degradants.
Toute condamnation penale peut etre ressentie comme inhumaine oudegradante. L'appreciation subjective de sa severite ne permet toutefoispas de la considerer comme telle au sens de la Convention. Ne tombent, eneffet, sous l'application de l'interdiction prevue par l'article 3, queles peines dont ce caractere apparait particulierement grave compte tenunon seulement de l'ensemble des circonstances propres à la cause et à lapersonnalite du condamne, mais aussi de la nature de la peine, ainsi quedu contexte et des modalites previsibles de son execution.
11. Le moyen ne soutient ni que, telles que definies par le legislateur,l'incrimination et la mesure des peines applicables sont, en l'espece,contraires aux exigences de l'article 3, ni que l'arret inflige audemandeur une sanction non prevue à l'article 550bis, S: 6, du Codepenal, sur le fondement duquel elle a ete prononcee. Il ne fait pasdavantage grief aux juges d'appel de ne pas avoir indique de maniereconcrete et precise les raisons pour lesquelles ils ont choisi la natureet le taux des peines.
12. Le juge determine souverainement la peine en fonction des elementspropres à la cause et notamment de la gravite des faits et de lapersonnalite de la personne poursuivie.
13. En fixant la peine dans les limites de la loi et de la Convention eten indiquant les raisons concretes et precises de sa decision, la courd'appel n'a pas inflige au demandeur un traitement inhumain ou degradant.
14. Le moyen ne peut etre accueilli.
Le controle d'office
15. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxes en totalite à la somme de cent trente-cinq eurosnonante et un centimes dus dont I) sur le pourvoi d'E.V.D.: soixante-septeuros nonante-cinq centimes et II) sur le pourvoi d'A. A. : soixante-septeuros nonante-six centimes.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Frederic Close, president de section, Benoit Dejemeppe, PierreCornelis, Gustave Steffens et Franc,oise Roggen, conseillers, et prononceen audience publique du onze fevrier deux mille quinze par Frederic Close,president de section, en presence de Damien Vandermeersch, avocat general,avec l'assistance de Fabienne Gobert, greffier.
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| F. Gobert | F. Roggen | G. Steffens |
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| P. Cornelis | B. Dejemeppe | F. Close |
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11 fevrier 2015 P.14.1739.F/1