Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG C.14.0195.F
1. S. D., agissant tant en nom personnel qu'en qualite de representantelegale de son fils mineur C. D.,
2. R. D.,
3. J. D.,
demandeurs en cassation,
representes par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile,
contre
Brasserie Haacht, societe anonyme dont le siege social est etabli àBoortmeerbeek, Provinciesteenweg, 28,
defenderesse en cassation,
representee par Maitre Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont lecabinet est etabli à Bruxelles, rue de Loxum, 25, ou il est fait electionde domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le
7 novembre 2013 par le tribunal de commerce de Tournai, statuant en degred'appel.
Le president de section Christian Storck a fait rapport.
L'avocat general Andre Henkes a conclu.
II. Le moyen de cassation
Les demandeurs presentent un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- article 149 de la Constitution ;
- articles 780 et 782bis du Code judiciaire.
Decisions et motifs critiques
Le jugement attaque dit l'appel de la premiere demanderesse non fonde,confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions, dit la demandeen declaration de jugement commun de la defenderesse partiellementrecevable et fondee et dit le jugement opposable à la demanderesse enqualite de representante de son fils C. ainsi qu'aux deuxieme et troisiemedemandeurs, dit la demande incidente de ceux-ci non fondee et les endeboute.
Le jugement attaque motive cette decision par l'ensemble de ses motifs,reputes ici integralement reproduits, et indique etre rendu par «monsieur D. M., juge, president de chambre, monsieur R. V. et monsieurJ.-P. P., juges consulaires, madame F. L., greffier », et etre «prononce à l'audience du 7 novembre 2013 par le president de la chambreassiste du greffier : F. L. (signature) M. d. S. (signature) ».
Griefs
1. En vertu de l'article 149 de la Constitution, tout jugement est motiveet est prononce en audience publique.
Aux termes de l'article 780, 5DEG, du Code judiciaire, le jugementcontient à peine de nullite, outre les motifs et le dispositif, lamention et la date de la prononciation en audience publique.
L'article 782bis du Code judiciaire dispose à cet egard :
« Le jugement est prononce par le president de la chambre qui l'a rendu,meme en l'absence des autres juges et, sauf en matiere repressive et lecas echeant en matiere disciplinaire, du ministere public.
Toutefois, lorsqu'un president de chambre est legitimement empeche deprononcer le jugement au delibere duquel il a participe dans lesconditions prevues à l'article 778, le president de la juridiction peutdesigner un autre juge pour le remplacer au moment du prononce ».
Il resulte de ces dispositions, et plus particulierement de l'article782bis du Code judiciaire, que le jugement doit, en regle, et à peine denullite, etre prononce par le magistrat qui presidait le siege qui l'arendu et non par le president en titre de la chambre au role de laquellela cause etait inscrite.
2. Le jugement attaque declare avoir ete rendu par M. D. M., president dechambre, ainsi que par M. R. V. et M. J.-P. P., juges consulaires. Ilconstate cependant ensuite avoir ete prononce à l'audience du 7 novembre2013 par « le president de la chambre », M. d. S.
Le jugement attaque n'est ainsi pas prononce par le president de lachambre qui l'a rendu.
Ni le jugement attaque ni le proces-verbal d'audience ne constatentcependant l'empechement legitime de ce dernier. Ils ne constatent pasdavantage que le president de la juridiction aurait pourvu à sonremplacement par une ordonnance presidentielle.
Aucune ordonnance de designation, prise en vertu de l'article 782bis,alinea 2, du Code judiciaire, n'est par ailleurs jointe au dossier de laprocedure. A cet egard, la circonstance que le juge ayant prononce lejugement attaque aurait ete le president du tribunal de commerce deTournai ne le dispensait pas de prendre une ordonnance designant un autrejuge (le cas echeant lui-meme) pour remplacer le juge M. si ce dernieretait legitimement empeche de prononcer la decision qu'il avait rendue.
3. Il s'ensuit que, des lors qu'il ne resulte ni du jugement attaque nid'aucune autre piece de la procedure que le juge M. etait legitimementempeche de prononcer la decision qu'il avait rendue et que M. d. S. avaitete designe par une ordonnance presidentielle pour le remplacer en raisonde cet empechement au moment de la prononciation, le jugement attaqueviole les articles 780, 5DEG, 782bis du Code judiciaire et 149 de laConstitution.
A tout le moins, ne contenant pas les constatations permettant à la Courde verifier la legalite de sa prononciation, le jugement attaque n'est pasregulierement motive (violation de l'article 149 de la Constitution).
III. La decision de la Cour
Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen par la defenderesse et deduitede ce que l'illegalite denoncee n'inflige pas grief aux demandeurs :
La circonstance que le jugement attaque a, avant sa prononciation, etesigne par les juges qui l'ont rendu n'exclut pas l'interet des demandeursà elever contre ce jugement qui leur inflige grief un moyen denonc,antl'illegalite de sa prononciation.
La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.
Sur le fondement du moyen :
En vertu de l'article 782bis, alinea 1er, du Code judiciaire, le jugementest prononce par le president de la chambre qui l'a rendu, meme enl'absence des autres juges.
Toutefois, poursuit le second alinea de cet article, lorsque le presidentde la chambre est legitimement empeche de prononcer le jugement, lepresident de la juridiction peut designer un autre juge pour le remplacerau moment de la prononciation.
Il ressort des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que le jugementattaque a ete rendu par la deuxieme chambre du tribunal de commerce deTournai composee de monsieur D. M., juge au tribunal de commerce de Mons,delegue pour exercer temporairement les fonctions de juge au tribunal decommerce de Tournai, presidant la chambre, et de messieurs les jugesconsulaires R. V. et J.-P. P..
Il porte la mention qu'il a ete prononce par monsieur d. S., president dela chambre, assiste du greffier.
Des lors qu'il ne ressort ni du jugement attaque ni d'aucune des piecesauxquelles la Cour peut avoir egard que monsieur M. ait ete legitimementempeche de prononcer ce jugement, celui-ci viole l'article 782bis du Codejudiciaire.
Dans cette mesure, le moyen est fonde.
Par ces motifs,
La Cour
Casse le jugement attaque ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementcasse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause devant le tribunal de commerce de Liege, siegeant endegre d'appel.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, le conseiller DidierBatsele, le president de section Albert Fettweis, les conseillers MartineRegout et Sabine Geubel, et prononce en audience publique du vingt-neufjanvier deux mille quinze par le president de section Christian Storck, enpresence de l'avocat general Andre Henkes, avec l'assistance du greffierPatricia
De Wadripont.
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| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Regout |
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| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
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29 JANVIER 2015 C.14.0195.F/2