La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

19/01/2015 | BELGIQUE | N°S.13.0084.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 19 janvier 2015, S.13.0084.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.13.0084.F

CENTRE PUBLIC D'ACTION SOCIALE DE VERVIERS, dont les bureaux sont etablisà Verviers, rue du College, 49,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

A. A.,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 17 avril 2013par la cour du travail de

Liege.

Le conseiller Mireille Delange a fait rapport.

L'avocat general delegue Michel Palumbo a conclu.

II...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.13.0084.F

CENTRE PUBLIC D'ACTION SOCIALE DE VERVIERS, dont les bureaux sont etablisà Verviers, rue du College, 49,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Jacqueline Oosterbosch, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Liege, rue de Chaudfontaine, 11,ou il est fait election de domicile,

contre

A. A.,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 17 avril 2013par la cour du travail de Liege.

Le conseiller Mireille Delange a fait rapport.

L'avocat general delegue Michel Palumbo a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 3, 4DEG et 6DEG, et 16 de la loi du 26 mai 2002 concernant ledroit à l'integration sociale ;

- articles 22, S: 1er, b), et 34, S: 2, de l'arrete royal du 11 juillet2002 portant reglement general en matiere de droit à l'integrationsociale ;

- article 1er de la loi du 20 juillet 1971 instituant des prestationsfamiliales garanties ;

- article 1er, d), de l'arrete royal du 8 avril 1976 etablissant le regimedes prestations familiales en faveur des travailleurs independants ;

- article 40 des lois relatives aux allocations familiales pourtravailleurs salaries, coordonnees le 19 decembre 1939.

Decisions et motifs critiques

L'arret condamne le demandeur à payer à la defenderesse le revenu d'integration sociale au taux cohabitant du 30 novembre 2011 au 14 fevrier2012 par tous ses motifs consideres ici comme integralement reproduits etplus particulierement aux motifs que :

« L'article 3, 4DEG, [de la loi du 26 mai 2002] impose que le demandeurde revenu d'integration ne dispose pas de ressources suffisantes ni nesoit en mesure d'y pretendre ou de se les procurer soit par ses effortspersonnels soit par d'autres moyens. Il est precise que le centre [publicd'action sociale] calcule les ressources de la personne conformement auxdispositions du titre II, chapitre II.

Le chapitre II du titre II de la loi comporte exclusivement l'article 16qui dispose :

`S: 1er. Sans prejudice de l'application de la disposition duparagraphe 2, toutes les ressources, quelle qu'en soit la nature oul'origine, dont dispose le demandeur sont prises en consideration, ycompris toutes les prestations allouees en vertu de la legislation socialebelge ou etrangere. Peuvent egalement etre prises en consideration, dansles limites fixees par le Roi par arrete delibere en conseil desministres, les ressources des personnes avec lesquelles le demandeur cohabite. Le Roi determine, par arrete delibere en conseil des ministres,les modalites de l'enquete sur les ressources et fixe les regles decalcul de celles-ci.

S: 2. Le Roi peut determiner par arrete delibere en conseil des ministresles ressources dont il ne sera pas tenu compte, soit en totalite, soitpartiellement, pour le calcul des ressources'.

On observera que l'article 16 precite prend en consideration lesressources dont dispose le demandeur du revenu d'integration sociale eten l'espece rien n'indique que (la defenderesse) dispose de quelqueressource que ce soit.

Reste à considerer la prise en compte des ressources des personnes avecqui (la defenderesse) cohabite.

En execution de cet article 16, le chapitre V de l'arrete royal du 11juillet 2002 determine la fac,on dont les ressources des personnescohabitantes doivent etre prises en compte.

L'article 34 de cet arrete royal regle la prise en compte des ressourcesdes personnes avec qui le demandeur d'un revenu d'integration socialecohabite, distinguant le partenaire de vie, conjoint ou compagnon dudemandeur, dont les ressources doivent etre prises en compte, les ascendants ou descendants majeurs du premier degre cohabitants dont lesressources peuvent etre prises en compte et les autres cohabitants dontles ressources ne peuvent pas etre prises en compte.

Conformement à l'article 34 precite, les ressources perc,ues par desfreres et soeurs cohabitant ne peuvent etre prises en compte et c'est deslors à tort que le [demandeur] fait intervenir dans l'appreciation desressources, celles qui sont perc,ues par les freres et soeurs de (ladefenderesse).

En ce qui concerne les pere et mere cohabitant, le paragraphe 2 del'article 34 dispose que, `en cas de cohabitation du demandeur avec un ouplusieurs ascendants ou descendants majeurs du premier degre, la partiedes ressources de chacune de ces personnes qui depasse le montant prevuà l'article 14, S: 1er, 1DEG, de la loi peut etre prise totalement oupartiellement en consideration ; en cas d'application de cettedisposition, le montant prevu à l'article 14, S: 1er, 1DEG, de la loidoit etre octroye fictivement au demandeur et à ses ascendants oudescendants majeurs du premier degre'.

La cour [du travail] considere, de jurisprudence constante, que la priseen compte des revenus des ascendants ou descendants majeurs du premierdegre doit constituer la regle et la non-prise en compte l'exception, deslors que la solidarite familiale doit primer la solidarite collective ; lanon-prise en compte peut se justifier lorsque des circonstances tout àfait particulieres sont rencontrees, ce qui n'est pas le cas en l'espece,les parents de (la defenderesse) ne justifiant pas de tellescirconstances particulieres.

En application de la disposition de l'article 34, S: 2, precite, ilconvient, pour chacun des ascendants majeurs du premier degre quicohabite avec (la defenderesse), soit son pere et sa mere, de proceder àune attribution fictive d'un revenu d'integration dans la categorie viseeà l'article 14, S: 1er, 1DEG, de la loi, soit la categorie desbeneficiaires cohabitant, en procedant pour chacun de ces ascendants àune appreciation des ressources en application des dispositions duchapitre V de l'arrete royal du 11 juillet 2002.

L'article 34, S: 2, precite prevoit en effet l'attribution fictived'un revenu d'integration à chacun des ascendants cohabitant, cetteattribution ne pouvant se faire que dans le respect des dispositions duchapitre V de l'arrete royal du 11 juillet 2002 qui determine le mode decalcul des ressources necessaire à l'application du montant du revenud'integration sociale attribuable.

D'emblee, il convient d'exclure, pour la determination des ressources des parents de (la defenderesse), les allocations familiales que ceux-ciperc,oivent, en application de l'article 22, S: 1er, b), de l'arreteroyal du 11 juillet 2002, qui dispose que, `pour le calcul desressources, il n'est pas tenu compte des prestations familiales pourlesquelles l'interesse a la qualite d'allocataire en faveur d'enfants enapplication de la legislation sociale belge ou d'une legislation socialeetrangere pour autant que l'interesse les eleve et en ait la chargetotalement ou partiellement'.

Il n'est pas contestable que la mere de la defenderesse a la qualite d'allocataire des prestations familiales qu'elle perc,oit pour ses enfantset que les pere et mere de (la defenderesse) elevent ceux-ci et les ontà leur charge.

On observera que ces allocations familiales ne constituent pas non plus unrevenu que percevrait (la defenderesse) aussi longtemps qu'elle vit chezses parents et qu'elle ne fait pas la demande desdites allocations à sonprofit personnel ; en bref, les allocations familiales n 'ont pas enl'espece à intervenir dans la determination des ressources à prendre encompte.

Tant le pere que la mere de (la defenderesse) perc,oivent comme seule(s) ressources chacun un revenu d'integration sociale, de sorte qu'enapplication de l'article 34 precite, les ressources des parentscohabitant avec (la defenderesse) qui doivent etre prises en compte pour apprecier le droit de celle-ci au revenu d'integration sociales'etablissent à zero.

(La defenderesse) remplit donc la condition d'octroi du revenud'integration sociale visee à l'article 3, 4DEG, de la loi du 26 mai2002 ».

Griefs

Premiere branche

En vertu de l'article 3 de la loi du 26 mai 2002, pour beneficier durevenu d'integration sociale, le demandeur doit etablir qu'il remplit lesconditions prevues dont, 4DEG, ne pas disposer de ressources suffisantesni pouvoir y pretendre ni etre en mesure de se les procurer et, 6DEG, faire valoir ses droits aux prestations dont il peut beneficier en vertude la legislation sociale belge et etrangere.

En vertu de l'article 16 de cette loi, toutes les ressources, quelle qu'ensoit la nature ou l'origine, dont dispose le demandeur sont prises enconsideration, y compris toutes les prestations allouees en vertu de lalegislation sociale belge ou etrangere.

Disposer de ressources, au sens de l'article 16 de la loi, ne signifie pasles avoir effectivement en main mais pouvoir y pretendre au sens del'article 3, 4DEG et 6DEG, de cette loi.

Les allocations familiales sont, quel que soit le regime dans lequel ellessont attribuees, accordees en faveur de l'enfant qui en est lebeneficiaire en vertu de l'article 1er de la loi du 20 juillet 1971, del'article 1er de l'arrete royal du 8 avril 1976 et de l'article 40 deslois coordonnees le 19 decembre 1939.

L'enfant majeur beneficiaire d'allocations familiales peut y pretendre ausens de l'article 16 de la loi du 26 mai 2002. Il est sans incidence àcet egard que, vivant avec ses parents et n'ayant pas demande à lespercevoir, sa mere en reste l'allocataire. Il s'agit de ressources au sensdes articles 3, 4DEG et 6DEG, et 16 de la loi du 26 mai 2002.

En vertu de l'article 16, S: 2, de ladite loi, le Roi peut determiner lesressources dont il ne sera pas tenu compte.

En application de cette disposition, l'article 22 de l'arrete royal du 11juillet 2002 instaure des exceptions à la regle de la prise enconsideration obligatoire de toutes les ressources generalementquelconques du demandeur, exceptions qui s'interpretent strictement.

Concernant les prestations familiales, la seule exoneration est celleprevue à l'article 22, S: 1er, b), de l'arrete royal, soit celle qui estappliquee à l'« interesse », s'entendant du demandeur de revenud'integration sociale, lorsqu'il est allocataire et eleve un ou desenfants. Cette exception n'est pas applicable à l'enfant demandeur durevenu d'integration sociale qui n'est pas allocataire et n'eleve pas unenfant.

L'arret, qui decide que les allocations familiales ne sont pas une ressource dont dispose la defenderesse « aussi longtemps qu'elle vit chezses parents et qu'elle ne fait pas la demande desdites allocationsfamiliales à son profit personnel », en sorte que celle-ci ne « dispose » pas de « quelque ressource que ce soit », viole lesarticles 3, 4DEG et 6DEG, 16 de la loi du 26 mai 2002 et 22, S: 1er, b),de l'arrete royal du 11 juillet 2002.

Seconde branche

En vertu du paragraphe 2 de l'article 34 de l'arrete royal du 11 juillet2002, pris en application de l'article 16 de la loi du 26 mai 2002, lecentre public d'action sociale peut prendre en consideration lesressources des pere et mere qui cohabitent avec le demandeur du revenu d'integration et qui excedent le montant prevu à l'article 14, S: 1er, dela loi, etant pour chacun des pere et mere le revenu d'integrationsociale attribue à une personne cohabitant avec une ou plusieurs autrespersonnes.

Lorsque, comme en l'espece, le centre public d'action sociale decide de prendre les ressources des ascendants en consideration, que cette questionn'est pas litigieuse devant les juridictions du travail et qu'en outrel'arret decide que lesdites ressources doivent etre prises enconsideration, aucune circonstance ne justifiant qu'elles ne le soientpas, il appartient alors au juge de determiner les ressources des parentscohabitant conformement aux dispositions de l'article 16 de la loi du 26mai 2002 et du chapitre V de l'arrete royal du 11 juillet 2002 sur lecalcul des ressources. Le juge ne peut, partant, dans cette prise enconsideration des ressources des cohabitants, exclure des ressources quine sont pas expressement exonerees par l'article 22, S: 1er, de cetarrete royal.

Les prestations familiales sont, en vertu de l'article 22, S: 1er, b),exclues de la notion de ressources uniquement dans le chef de l'interessedemandeur de revenu d'integration sociale pour le calcul de son proprerevenu d'integration sociale. Elles ne sont pas exclues au titre de ressources de la mere en sa qualite de cohabitant avec sa fille majeurevivant avec elle, cette mere n'etant pas « l'interesse » au sens del'article 22, S: 1er, b), de l'arrete royal. Pour le calcul des ressources des ascendants, tout ce qui excede le montant du revenud'integration sociale au taux cohabitant, qui doit etre fictivementattribue à chacun de ceux-ci aux termes de l'article 34, S: 2, de l'arrete royal du 11 juillet 2002, doit etre pris en consideration.

L'arret, qui decide que les ressources des parents « s'etablissent à zero », viole, partant, les articles 16 de la loi du 26 mai 2002, 22 et34, S: 2, de l'arrete royal du 11 juillet 2002.

III. La decision de la Cour

Quant à la seconde branche :

En vertu de l'article 14, S: 2, de la loi du 26 mai 2002 concernant ledroit à l'integration sociale, le montant du revenu d'integration estdiminue des ressources du demandeur de ce revenu, calculees conformementaux dispositions du titre II, chapitre II, c'est-à-dire de l'article 16de la loi.

Suivant l'article 16, S: 1er, alinea 1er, de la loi, sans prejudice del'application de la disposition du paragraphe 2, toutes les ressources,quelle qu'en soit la nature ou l'origine, dont dispose le demandeur durevenu d'integration sont prises en consideration, y compris toutes lesprestations allouees en vertu de la legislation sociale belge ouetrangere ; peuvent egalement etre prises en consideration, dans leslimites fixees par le Roi par arrete delibere en conseil des ministres,les ressources des personnes avec lesquelles le demandeur cohabite.Conformement à l'article 16, S: 2, le Roi peut determiner par arretedelibere en conseil des ministres les ressources dont il ne sera pas tenucompte, soit en totalite, soit partiellement pour le calcul desressources.

Aux termes de l'article 22, S: 1er, alinea 1er, b), de l'arrete royal du11 juillet 2002 portant reglement general en matiere de droit àl'integration sociale, pour le calcul des ressources, il n'est pas tenucompte des prestations familiales pour lesquelles l'interesse a la qualited'allocataire en faveur d'enfants en application de la legislation socialebelge ou d'une legislation etrangere pour autant que l'interesse les eleveet en ait la charge totalement ou partiellement.

L'article 34, S: 2, de l'arrete royal prevoit qu'en cas de cohabitationavec un ou plusieurs ascendants ou descendants majeurs du premier degre,la partie des ressources de chacune de ces personnes qui depasse lemontant prevu, à l'article 14, S: 1er, 1DEG, de la loi, pour toutepersonne cohabitant avec une ou plusieurs personnes peut etre prisetotalement ou partiellement en consideration.

L'article 22, S: 1er, alinea 1er, b), de l'arrete royal s'applique auxressources du seul demandeur du revenu d'integration, et non à celles desascendants avec lesquels il cohabite.

L'arret constate que le demandeur calculait le revenu d'integration de ladefenderesse, agee de dix-huit ans et vivant avec ses parents, en tenantcompte des allocations familiales payees en sa faveur à sa mere enqualite d'allocataire.

Apres avoir considere que les ressources des parents devaient en principeetre prises en consideration pour calculer le revenu d'integration de ladefenderesse et que les allocations familiales litigieuses en faisaientpartie, l'arret decide que ces allocations sont exonerees en applicationde l'article 22, S: 1er, b), de l'arrete royal.

En statuant de la sorte, il viole cette disposition legale.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Sur les autres griefs :

Il n'y a pas lieu d'examiner la premiere branche du moyen, qui ne sauraitentrainer une cassation plus etendue.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il statue sur le recours introduit par ladefenderesse contre la decision du demandeur et sur les depens des partiesà l'instance en cassation ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Vu l'article 1017, alinea 2, du Code judiciaire, condamne le demandeur auxdepens ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour du travail de Mons.

Les depens taxes à la somme de cent seize euros trente-neuf centimesenvers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersDidier Batsele, Mireille Delange, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel,et prononce en audience publique du dix-neuf janvier deux mille quinze parle president de section Christian Storck, en presence de l'avocat generaldelegue Michel Palumbo, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

+------------------------------------------+
| L. Body | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|------------+------------+----------------|
| M. Delange | D. Batsele | Chr. Storck |
+------------------------------------------+

19 JANVIER 2015 S.13.0084.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.13.0084.F
Date de la décision : 19/01/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2015
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-01-19;s.13.0084.f ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award