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19/01/2015 | BELGIQUE | N°S.13.0066.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 19 janvier 2015, S.13.0066.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.13.0066.F

CENTRE PUBLIC D'ACTION SOCIALE DE GANSHOREN, dont les bureaux sontetablis à Ganshoren, avenue de la Reforme, 63,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

contre

C. K. F. K.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise,

149, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est diri...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.13.0066.F

CENTRE PUBLIC D'ACTION SOCIALE DE GANSHOREN, dont les bureaux sontetablis à Ganshoren, avenue de la Reforme, 63,

demandeur en cassation,

represente par Maitre Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, ou il estfait election de domicile,

contre

C. K. F. K.,

defendeur en cassation,

represente par Maitre Paul Alain Foriers, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 149, ou il estfait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 21 fevrier 2013par la cour du travail de Bruxelles.

Le conseiller Mireille Delange a fait rapport.

L'avocat general delegue Michel Palumbo a conclu.

II. Les moyens de cassation

Le demandeur presente deux moyens libelles dans les termes suivants :

Premier moyen

Dispositions legales violees

- articles 6, S: 1er, 10, 14, S:S: 1er et 2, et 16 de la loi du 26 mai2002 concernant le droit à l'integration sociale ;

- article 22, S: 1er, alinea 1er, b), de l'arrete royal du 11 juillet2002 portant reglement general en matiere de droit à l'integrationsociale ;

- en tant que de besoin, article 69, S: 1er, des lois relatives auxallocations familiales pour travailleurs salaries, coordonnees le 19decembre 1939.

Decisions et motifs critiques

L'arret declare l'appel forme par le demandeur recevable mais non fonde etconfirme le jugement du premier juge en toutes ses dispositions. Ilcondamne le demandeur au paiement du montant du revenu d'integration autaux cohabitant à partir du 9 septembre 2010 jusqu'au 8 novembre 2011,augmente des interets legaux et des interets judiciaires, et condamne ledemandeur aux depens.

Apres avoir decide que le defendeur avait droit à un revenu d'integration(au taux cohabitant), l'arret decide que les allocations familiales,versees pour le defendeur à sa mere, ne pouvaient pas etre prises encompte pour determiner le montant du revenu d'integration en faveur dudefendeur, par les motifs suivants :

« En vertu de l'article 16 de la loi du 26 mai 2002, sans prejudice del'application de la disposition du paragraphe 2 de l'article, toutes lesressources, quelles qu'en soient la nature ou l'origine, dont dispose ledemandeur, sont prises en consideration, y compris toutes les prestationsallouees en vertu de la legislation sociale belge ou etrangere. Peuventegalement etre prises en consideration, dans les limites fixees par le Roipar arrete delibere en conseil des ministres, les ressources des personnesavec lesquelles le demandeur cohabite.

En vertu de l'article 22, S: 1er, b), de l'arrete royal du 11 juillet2002, il n'est pas tenu compte, pour le calcul des ressources, desprestations familiales pour lesquelles l'interesse a la qualited'allocataire en faveur d'enfants en application de la legislation belgeou d'une legislation sociale etrangere, pour autant que l'interesse leseleve et en ait la charge totalement ou partiellement.

Il resulte de ces dispositions que, si (le defendeur) avait rec,u desallocations familiales en son nom propre, le (demandeur) aurait du entenir compte. Il s'agissait, d'une part, d'une ressource propre et,d'autre part, d'une ressource qui n'etait pas exoneree puisqu'il nes'agissait pas d'une allocation familiale pour un enfant à charge dubeneficiaire du revenu d'integration.

En l'occurrence, il ne resulte toutefois d'aucun element du dossier queles allocations familiales auraient ete versees directement (audefendeur). Il ne peut etre tenu compte des allocations familiales verseesà la mere, puisque ces allocations ne constituent pas un revenu personnel(du defendeur). En vertu de l'article 16 de la loi, il ne peut etre tenucompte des ressources des personnes avec lesquelles le demandeur [durevenu d'integration] cohabite que dans les limites fixees par la loi.

Certes, on pourrait se demander s'il ne serait pas plus logique de prevoirun systeme legal qui, d'une fac,on ou d'une autre, tienne compte, en casde cohabitation, des allocations familiales payees à la mere mais forceest de constater que le Roi n'a jamais pris une initiative en ce sens.Bien au contraire, la circulaire ministerielle du 6 septembre 2002 prevoitexpressement qu'on ne peut pas tenir compte des prestations familiales quiservent pour le jeune mais qui ne lui sont pas attribuees directement etce, ni pour les parents ni pour le jeune. La circulaire ajoute que `toutaccord ou convention contraire ne peut permettre aux centres publicsd'action sociale d'en tenir compte comme ressource pour le jeune souspeine de meconnaitre la loi'. La doctrine va dans le meme sens.

Le jugement du premier juge doit donc etre confirme ».

Griefs

Au sujet de l'integration sociale des personnes majeures agees de moins devingt-cinq ans, l'article 6, S: 1er, de la loi du 26 mai 2002 concernantle droit à l'integration sociale institue en principe le droit àl'integration sociale par l'emploi adapte à la situation personnelle etaux capacites.

L'article 10 de la loi precitee dispose que, dans l'attente d'un emploilie à un contrat de travail ou dans le cadre d'un projet individualised'integration sociale, ou encore si la personne ne peut travailler pourdes raisons de sante ou d'equite, elle a droit, aux conditions fixees parla loi, à un revenu d'integration.

L'article 14, S: 1er, de ladite loi fixe le montant du revenud'integration, entre autres pour toute personne cohabitant avec une ouplusieurs personnes. Le paragraphe 2 de cet article precise que « lemontant du revenu d'integration est diminue des ressources du demandeur,calculees conformement aux dispositions du titre II, chapitre II »,c'est-à-dire de l'article 16 de la loi.

L' article 16 de cette loi dispose :

« S: 1er. Sans prejudice de l'application de la disposition duparagraphe 2, toutes les ressources, quelle qu'en soit la nature oul'origine, dont dispose le demandeur sont prises en consideration, ycompris toutes les prestations allouees en vertu de la legislation socialebelge ou etrangere. Peuvent egalement etre prises en consideration, dansles limites fixees par le Roi par arrete delibere en conseil desministres, les ressources des personnes avec lesquelles le demandeurcohabite.

Le Roi determine, par arrete delibere en conseil des ministres, lesmodalites de l'enquete sur les ressources et fixe les regles de calcul decelles-ci.

S: 2. Le Roi peut determiner par arrete delibere en conseil des ministresles ressources dont il ne sera pas tenu compte, soit en totalite, soitpartiellement, pour le calcul des ressources ».

Ainsi, en vertu du paragraphe 1er de cette disposition, sont prises enconsideration « toutes les ressources, quelle qu'en soit la nature oul'origine, dont dispose le demandeur, (...) y compris toutes lesprestations allouees en vertu de la legislation sociale belge ».

Les allocations familiales payees, en vertu de l'article 69, S: 1er, deslois relatives aux allocations familiales pour travailleurs salaries,coordonnees le 19 decembre 1939, à la mere du demandeur du revenud'integration sont des prestations allouees en vertu d'une legislationsociale belge, en vue de couvrir en partie les frais d'education etd'entretien de l'enfant, et constituent des lors pour ce dernier uneressource au sens du paragraphe 1er dudit article 16.

La circonstance que l'article 22, S: 1er, alinea 1er, b), de l'arreteroyal du 11 juillet 2002 portant reglement general en matiere de droit àl'integration sociale, pris en execution du paragraphe 2 dudit article 16,dispose que, pour le calcul des ressources, il n'est pas tenu compte« des prestations familiales pour lesquelles l'interesse a la qualited'allocataire en faveur d'enfants en application de la legislation socialebelge ou d'une legislation sociale etrangere, pour autant que l'interesseles eleve et en ait la charge totalement ou partiellement », n'affectepas le principe que ces allocations familiales payees pour le demandeur del'integration sociale constituent pour lui une ressource.

« L'interesse », dont fait etat ledit article 22, vise la personne quidemande le droit à l'integration sociale. Pour fixer ses ressources, ilne sera pas tenu compte des allocations familiales qui lui sont payeespour les enfants qu'il eleve et dont il a totalement ou partiellement lacharge.

Le Roi n'a pas, par un arrete delibere en conseil des ministres, imposequ'il ne soit pas tenu compte à titre de ressources, à l'egard dudemandeur d'integration sociale, des allocations familiales payees pourlui.

Independamment des termes d'une circulaire ministerielle non publiee auMoniteur belge, l'arret n'a des lors pu legalement decider que lesallocations familiales payees pour le defendeur à sa mere ne pouvaientpas etre prises en compte lors du calcul du revenu d'integration socialeoctroye au defendeur. Il viole, des lors, les articles 6, S: 1er, 10, 14,S:S: 1er et 2, et 16 de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit àl'integration sociale, l'article 22, S: 1er, alinea 1er, b), de l'arreteroyal du 11 juillet 2002 portant reglement general en matiere de droit àl'integration sociale et, en tant que de besoin, l'article 69, S: 1er,des lois relatives aux allocations familiales pour travailleurs salaries,coordonnees le 19 decembre 1939.

Second moyen

Dispositions legales violees

- principe general du droit selon lequel les parties determinent leslimites du litige, dit principe dispositif, consacre par les articles 807et 1138, 2DEG, du Code judiciaire ;

- principe general du droit selon lequel le juge ne peut prononcer surchoses non demandees, consacre par l'article 1138, 2DEG, du Codejudiciaire ;

- principe general du droit relatif au respect des droits de la defense.

Decisions et motifs critiques

L'arret declare l'appel forme par le demandeur recevable mais non fonde etconfirme le jugement du premier juge en toutes ses dispositions. Ilcondamne le demandeur au paiement du montant du revenu d'integration autaux cohabitant à partir du 9 septembre 2010 jusqu'au 8 novembre 2011,augmente des interets legaux et des interets judiciaires, et condamne ledemandeur aux depens.

Griefs

Conformement au principe general du droit dit principe dispositif,consacre notamment par les articles 807 et 1138, 2DEG, du Code judiciaire,les parties determinent l'objet du litige.

De meme, selon un principe general du droit consacre par l'article 1138,2DEG, du Code judiciaire, le juge ne peut prononcer sur choses nondemandees.

En l'espece, le defendeur, bien qu'il sollicitat la condamnation dudemandeur à lui payer « le revenu d'integration au taux cohabitant àpartir du 9 septembre 2010 et tres subsidiairement à partir d(u) 1er mars2011 », precisait en ces memes conclusions additionnelles d'appel, apresun resume des faits et des antecedents, que « la periode litigieuse viseepar l'appel est donc limitee du 9 septembre 2010 au 8 aout 2011 ».

De meme, le demandeur, apres avoir fait etat de la nouvelle demanded'octroi du revenu d'integration, introduite par le defendeur le 9 aout2011 et qui faisait l'objet d'une procedure judiciaire autonome, alleguaiten ses conclusions, sous le point « La periode litigieuse », qu'enl'espece « la periode litigieuse doit etre limitee du 9 septembre 2010 au8 aout 2011 ».

Les parties s'accordaient des lors sur ce que le litige ne portait que surle droit au revenu d'integration pour la periode du 9 septembre 2010 au 8aout 2011.

Le demandeur ne s'est, partant, pas defendu quant à son obligationeventuelle de payer au defendeur le revenu d'integration pour la periodeau- delà du 8 aout 2011 et, plus particulierement, jusqu'au 8 novembre2011, et ne devait pas s'attendre à ce que l'arret se prononce sur ledroit au revenu d'integration pour cette periode.

En condamnant le demandeur au paiement en faveur du defendeur du montantdu revenu d'integration au taux cohabitant à partir du 9 septembre 2010jusqu'au 8 novembre 2011, augmente des interets legaux et des interetsjudiciaires, l'arret meconnait le principe general du droit selon lequelles parties determinent les limites du litige, dit principe dispositif,consacre par les articles 807 et 1138, 2DEG, du Code judiciaire, ainsi quele principe general du droit selon lequel le juge ne peut prononcer surchoses non demandees, consacre par l'article 1138, 2DEG, du Codejudiciaire. Ce faisant, l'arret meconnait egalement le droit de defensedu demandeur et le principe general du droit relatif au respect des droitsde la defense.

III. La decision de la Cour

Sur le premier moyen :

En vertu de l'article 14, S: 2, de la loi du 26 mai 2002 concernant ledroit à l'integration sociale, le montant du revenu d'integration estdiminue des ressources du demandeur de ce revenu, calculees conformementaux dispositions du titre II, chapitre II, c'est-à-dire de l'article 16de la loi.

Suivant l'alinea 1er du paragraphe 1er de cet article 16, en regle, toutesles ressources, quelle qu'en soit la nature ou l'origine, dont dispose ledemandeur du revenu d'integration, sont prises en consideration, y compristoutes les prestations allouees en vertu de la legislation sociale belgeou etrangere ; peuvent egalement etre prises en consideration, dans leslimites fixees par le Roi par arrete delibere en conseil des ministres,les ressources des personnes avec lesquelles le demandeur cohabite.

L'article 69, S: 1er, des lois relatives aux allocations familiales destravailleurs salaries, coordonnees le 19 decembre 1939, determinel'allocataire, c'est-à-dire la personne à laquelle sont effectivementpayees les allocations familiales en faveur de l'enfant beneficiaire.

Au sens de l'article 16, S: 1er, alinea 1er, de la loi du 26 mai 2002precite, ces allocations constituent une ressource de l'allocataire.

Le moyen, qui soutient qu'elles constituent une ressource de l'enfantbeneficiaire, manque en droit.

Sur le second moyen :

Le demandeur enonc,ait en conclusions que « la periode litigieuse doitetre limitee du 9 septembre 2010 au 8 aout 2011 » et le defendeur, quidemandait la confirmation du jugement du premier juge condamnant ledemandeur à lui payer un revenu d'integration « depuis le 9 septembre2010 », precisait que « la periode litigieuse [etait] limitee du 9septembre 2010 au 8 aout 2011 ».

L'arret, qui confirme le jugement du premier juge, condamne le demandeurau paiement du montant du revenu d'integration à partir du 9 septembre2010 jusqu'au 8 novembre 2011, augmente des interets.

En prononc,ant cette condamnation aussi pour la periode du 9 aout 2011 au8 novembre 2011, l'arret, qui statue sur chose non demandee, violel'article 1138, 2-o, du Code judiciaire.

Le moyen fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque en tant qu'il condamne le demandeur au paiement dumontant du revenu d'integration du 9 aout 2011 au 8 novembre 2011,augmente des interets legaux et des interets judiciaires, et qu'il statuesur les depens ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Vu l'article 1017, alinea 2, du Code judiciaire, condamne le demandeur auxdepens ;

Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour du travail de Mons.

Les depens taxes à la somme de trois cent vingt-neuf euros nonante-cinqcentimes envers la partie demanderesse et à la somme de cent vingt-troiseuros soixante-trois centimes en debet envers la partie defenderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersDidier Batsele, Mireille Delange, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel,et prononce en audience publique du dix-neuf janvier deux mille quinze parle president de section Christian Storck, en presence de l'avocat generaldelegue Michel Palumbo, avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

+------------------------------------------+
| L. Body | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|------------+------------+----------------|
| M. Delange | D. Batsele | Chr. Storck |
+------------------------------------------+

19 JANVIER 2015 S.13.0066.F/11


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.13.0066.F
Date de la décision : 19/01/2015

Origine de la décision
Date de l'import : 12/02/2015
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2015-01-19;s.13.0066.f ?
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