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08/12/2014 | BELGIQUE | N°C.12.0415.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 08 décembre 2014, C.12.0415.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.12.0415.N

1. S. M.,

2. S. V.,

Maitre Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,

* contre

* * MONICA, asbl,

Maitre Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation.

* I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 14 mars2012 par le juge de paix du premier canton d'Anvers, statuant endernier ressort et sur renvoi apres l'arret rendu par la Cour le 16mai 2011.

Par ordonnance du 30 octobre 2014, le premier president a renvo

ye lacause devant la troisieme chambre.

L'avocat general Henri Vanderlinden a depose des conclusions ecritesle 30 ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

* NDEG C.12.0415.N

1. S. M.,

2. S. V.,

Maitre Willy van Eeckhoutte, avocat à la Cour de cassation,

* contre

* * MONICA, asbl,

Maitre Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation.

* I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 14 mars2012 par le juge de paix du premier canton d'Anvers, statuant endernier ressort et sur renvoi apres l'arret rendu par la Cour le 16mai 2011.

Par ordonnance du 30 octobre 2014, le premier president a renvoye lacause devant la troisieme chambre.

L'avocat general Henri Vanderlinden a depose des conclusions ecritesle 30 octobre 2014.

Le conseiller Koen Mestdagh a fait rapport.

L'avocat general Henri Vanderlinden a conclu.

II. Le moyen de cassation

Les demandeurs presentent un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 94, 95 et 96bis de la loi sur les hopitaux, coordonnee le 7aout 1987, dans la derniere version applicable avant la coordination,par l'arrete royal du 10 juillet 2008, de la loi relative aux hopitauxet à d'autres etablissements de soins;

- articles 7, 2DEG, b), 8, a), et 13, 4DEG, de l'arrete royal du 25avril 2002 relatif à la fixation et à la liquidation du budget desmoyens financiers des hopitaux.

Decision et motifs critiques

Le jugement attaque declare partiellement fondee l'action formee parla defenderesse et condamne solidairement les demandeurs au paiementde 435,93 euros, augmentes des interets, et au paiement des depens del'instance. Il prend cette decision sur la base de l'ensemble desconstatations et motifs sur lesquels il s'appuie, qui doivent ici etreconsideres comme etant repris integralement, et en particulier sur lesconsiderations suivantes :

« II. En droit :

[Les demandeurs] estiment que les frais imputes distinctement par[la defenderesse], qui font l'objet de la presente procedure, releventde l'article 94 de la loi du 7 aout 1987 et qu'ils ressortissent parconsequent à ce qu'il est convenu d'appeler le `budget des moyensfinanciers' (cf. le prix de la journee d'hospitalisation).

[Les demandeurs] estiment que les vis utilisees doivent etreconsiderees en l'espece comme des `medicaments courants'.

(La defenderesse] estime toutefois que les [implants] utilises doiventetre compris dans la categorie speciale prevue à l'article 95 de laloi du 7 aout 1987 et, par consequent, qu'ils ne peuvent etreconsideres comme des medicaments courants qui releveraient du prix dejournee.

La discussion entre les parties porte à proprement parler surl'enumeration et la definition figurant respectivement dans lesarticles 94 et 95.

Selon [la defenderesse], l'article 94 est limitatif, il ne peut, end'autres mots, servir de simple filet de securite dans le cadre dupaiement du materiel n'ayant pas de nomenclature.

Selon [les demandeurs], l'article 95 de la loi du 7 aout 1987 esttoutefois limitatif ou, selon ses propres termes, il enumere lesexceptions, ce dont il decoule que tous les couts non expressementexclus par l'article 95 relevent du budget des moyens financiers del'article 94 de la loi sur les hopitaux.

Appreciation

[La defenderesse] se refere à bon droit à la genese de la loi etplus particulierement aux modifications apportees en 2002.

Cette modification legislative fait clairement apparaitre que, sil'article 94 contient encore une definition forfaitaire, il n'admetces frais qu'à titre de `frais tels que definis par le Roi'.

Cet arrete royal est celui du 25 avril 2002 dont la partiedemanderesse deduit à juste titre que seuls les frais enumeres danscet arrete royal sont couverts par le budget.

Le placement d'implants n'etant pas mentionne dans l'arrete royalprecite, il y a lieu de conclure que ces montants doivent etre mis àcharge du patient lui-meme.

Surabondamment :

Ce n'est pas parce qu'un materiel medical determine, en l'espece desimplants, est produit et vendu à grande echelle au niveau mondial queces produits peuvent en raison de ce seul fait etre consideres commedes medicaments courants.

Autrement dit, les implants en question ne sont pas des medicamentshabituellement utilises dans le fonctionnement normal de servicescliniques.

Ou comme l'a enonce le conseil de [la defenderesse] à l'audience :`cela ne fait pas partie des tampons, des adhesifs, etc.'.

Subsidiairement, [les demandeurs] se referent à l'article 139bis dela loi du 7 aout 1987.

[La defenderesse] soutient toutefois, à bon droit, que cet articlen'est pas applicable en l'espece.

On peut se referer à cet egard au jugement du 9 avril 2009 dutribunal de premiere instance d'Anvers, piece 5 [de la defenderesse],dont le contenu peut etre approuve.

La vis ne releve des lors pas des honoraires des medecins ».

Griefs

Aux termes de l'article 94 de la loi sur les hopitaux, coordonnee le 7aout 1987, dans sa version applicable en l'espece, sans prejudice del'article 90, le budget des moyens financiers couvre de maniereforfaitaire les frais resultant du sejour en chambre commune et de ladispensation des soins aux patients de l'hopital, en ce compris lespatients en hospitalisation de jour telle que definie par le Roi. Ilappartient au Roi de definir les frais susvises.

En vertu de l'article 95 de la loi du 7 aout 1987, ne sont pas reprisdans le budget des moyens financiers :

1DEG le prix des specialites pharmaceutiques et des medicamentsgeneriques ;

2DEG les honoraires des medecins et des praticiens paramedicaux pourles prestations de sante enumerees ci-apres :

a) les soins courants et les prestations techniques de diagnostic etde traitement donnes par les medecins de medecine generale et lesmedecins specialistes, ainsi que les soins dentaires conservateurs etreparateurs ;

b) les soins donnes par les kinesistes ;

c) les accouchements par les accoucheuses diplomees ;

d) la fourniture de lunettes et autres protheses oculaires,d'appareils auditifs, orthopediques et autres protheses ;

e) tous autres soins et prestations necessites pour la reeducationfonctionnelle et professionnelle, pour autant que leur execution nesoit pas liee aux activites specifiques du service ou le malade esthospitalise.

3DEG la remuneration des prestations effectuees par des pharmaciens oulicencies en sciences chimiques habilites à effectuer des analyses debiologie clinique ;

4DEG les couts lies au materiel endoscopique et au materiel deviscerosynthese, lorsque ceux-ci, soit font l'objet d'une interventionde l'assurance maladie-invalidite, soit figurent sur une liste àetablir par le ministre des Affaires sociales, apres qu'uneproposition d'insertion dans la nomenclature des prestations de santea ete formulee conformement à l'article 35, S: 2, de la loi du 14juillet 1994 relative à l'assurance obligatoire soins de sante etindemnites.

En vertu de l'article 96bis de la loi du 7 aout 1987, pour lesinterventions, les services et prestations de soins dont les fraissont couverts de fac,on forfaitaire par le budget des moyensfinanciers, aucune intervention financiere ne peut etre reclamee aupatient.

Premiere branche

1.1. Avant sa modification par la loi du 14 janvier 2002, l'article 94de la loi du 7 aout 1987 prevoyait que le budget des moyens financierscouvre de fac,on forfaitaire tous les frais resultant du sejour dansune chambre de plus de deux lits et de la dispensation des soins auxpatients de l'hopital.

La modification legislative operee en 2002, qui a abouti à la versionde l'article 94 citee et precisee ci-dessus, qui est applicable enl'espece, n'a pas modifie la portee de cette disposition et de cellecontenue à l'article 95 de la loi du 7 aout 1987.

L'article 95 de la loi du 7 aout 1987 enumere (egalement apres cettemodification legislative et jusqu'apres l'hospitalisation du demandeurles 10 et 11 decembre 2007) de fac,on limitative les frais qui ne sontpas repris dans le budget des moyens financiers de l'hopital. De lameme maniere, l'article 96bis de la loi du 7 aout 1987 (egalementjusqu'apres cette date) dispose egalement que pour les interventions,les services et prestations de soins dont les frais sont couverts defac,on forfaitaire par le budget des moyens financiers, aucuneintervention financiere ne peut etre reclamee au patient.

Il resulte par consequent des articles 94, 95 et 96bis de la loi du 7aout 1987 que les frais resultant du sejour en chambre commune et dela dispensation des soins aux patients de l'hopital, en ce compris lespatients en hospitalisation de jour telle que definie par le Roi, etnon enumeres à l'article 95 de la loi sur les hopitaux, sont censesfaire partie du budget des moyens financiers et ne pas etre imputes aupatient.

1.2. Il resulte des constatations du jugement attaque que la demandeoriginaire de la defenderesse concerne le solde d'une factured'hopital etablie pour une intervention medicale que le demandeur asubie dans l'hopital de la defenderesse au cours de son sejour des 10et 11 decembre 2007. Il resulte egalement de ces constatations que lesolde de la facture d'hopital concerne un `Bio-RCI-HA SCREW' et un`SCR.STER.FIX POST', à savoir des vis placees dans le corps dupatient lors d'une intervention orthopedique et leur fixation, etqu'il s'agit d'implants non actifs.

Le jugement attaque declare l'action de la defenderesse partiellementfondee, aux motifs que :

- la modification legislative operee en 2002 precise que, si l'article94 de la loi du 7 aout 1987 contient une definition forfaitaire, iln'admet ces frais qu'au titre de `frais tels que definis par le Roi',

- le Roi a defini ces frais dans l'arrete royal du 25 avril 2002relatif à la fixation et à la liquidation du budget des moyensfinanciers des hopitaux,

- la defenderesse en conclut à bon droit que seuls les frais enumeresà l'arrete royal precite sont couverts par le budget,

- le placement d'implants n'etant pas mentionne dans l'arrete royal du25 avril 2002, il y a lieu de conclure que ces montants sont à lacharge du patient lui-meme.

Etant donne toutefois que l'article 95 de la loi du 7 aout 1987contient une enumeration limitative de ce qui n'est pas repris dans lebudget des moyens financiers, tous les frais non enumeres dans cettedisposition, resultant du sejour en chambre commune et de ladispensation des soins aux patients de l'hopital, en ce compris lespatients en hospitalisation de jour telle que definie par le Roi,doivent etre consideres comme couverts par le budget des moyensfinanciers. La circonstance que, depuis la modification legislativeoperee en 2002, il appartient au Roi de definir ces frais, ne modifiepas cette regle.

La definition des frais resultant du sejour en chambre commune et dela dispensation des soins aux patients de l'hopital par l'arrete royaldu 25 avril 2002 prevoit en effet les conditions et les regles defixation du budget des moyens financiers alloue à un hopital et deses differentes elements ainsi que les modalites du paiement du budgetdes moyens financiers. Par contre, l'arrete royal du 25 avril 2002 neprevoit pas quels frais peuvent etre imputes au patient.

1.3. Lorsqu'il decide que, depuis la modification legislative de 2002,si l'article 94 de la loi du 7 aout 1987 contient encore unedefinition forfaitaire, il n'admet ces frais qu'au titre de fraiscouverts par le budget des moyens financiers definis par le Roi, lejugement attaque viole les articles 94 et 95 de la loi du 7 aout 1987.

En decidant que seuls les frais enumeres à l'arrete royal du 25 avril2002 sont couverts par le budget des moyens financiers, il violeegalement les articles 94 et 95 de la loi du 7 aout 1987.

En declarant l'action de la defenderesse partiellement fondee au motifque le placement d'implants n'est pas mentionne dans l'arrete royal du25 avril 2002, de sorte que ces frais doivent etre mis à la charge dupatient lui-meme, le jugement attaque viole les articles 94, 95 et96bis de la loi sur les hopitaux de 1987.

Conclusion

Le jugement attaque ne declare pas legalement l'action de ladefenderesse partiellement fondee (violation des articles 94, 95 et96bis de la loi sur les hopitaux de 1987).

(...)

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

1. Il ressort des constatations du jugement attaque que ladefenderesse reclamait le paiement d'une somme pour un « BIO-RCI-HASCREW » et un « SCR.STER.FIX POST », à savoir une vis placee dansle corps du patient lors d'une intervention orthopedique et safixation, et que le materiel ainsi facture a ete utilise pour letraitement du premier demandeur au cours de son sejour à l'hopital dela defenderesse du 10 au 11 decembre 2007. Il apparait, par ailleurs,que pour ce type d'implants non actifs, il n'etait pas possibled'obtenir un remboursement par l'assurance maladie au motif qu'il nefigurait pas dans la nomenclature des prestations de sante.

2. En vertu de l'article 94, alinea 1er, de la loi sur les hopitaux,coordonnee le 7 aout 1987, dans la version applicable, sans prejudicede l'article 90, le budget des moyens financiers couvre de maniereforfaitaire les frais resultant du sejour en chambre commune et de ladispensation des soins aux patients de l'hopital, en ce compris lespatients en hospitalisation de jour telle que definie par le Roi. Envertu de l'article 94, le Roi definit les frais vises à l'alinea 1er.

L'article 95 de la loi du 7 aout 1987, dans sa version applicable,enumere de maniere limitative les frais qui ne sont pas repris dans lebudget de l'hopital.

En vertu de l'article 96bis de la loi sur les hopitaux, dans saversion applicable, pour les interventions, les services etprestations de soins dont les frais sont couverts de fac,onforfaitaire par le budget des moyens financiers, aucune interventionfinanciere ne peut etre reclamee au patient.

Il resulte de ces dispositions que l'ensemble des frais resultant dusejour en chambre commune et de la dispensation des soins aux patientsde l'hopital, qui ne sont pas enumeres à l'article 95, sont comprisdans le budget des moyens financiers et qu'aucune interventionfinanciere ne peut etre reclamee au patient pour ces frais.

3. L'arrete royal du 25 avril 2002 relatif à la fixation et à laliquidation du budget des moyens financiers des hopitaux prevoit,selon l'article 2, S: 1er, pour les hopitaux et certains serviceshospitaliers, a) les conditions et les regles de fixation du budgetdes moyens financiers alloue à un hopital et de ses differenteselements, b) les modalites du paiement du budget des moyensfinanciers.

Cet arrete royal regle ainsi le mode de fixation et de paiement dubudget des moyens financiers. Il ne determine pas quels frais peuventetre imputes au patient.

4. Le jugement attaque declare fondee l'action en paiement, formee parla defenderesse, du montant facture pour la vis et la fixationutilisees comme implants non actifs, aux motifs que :

- depuis la modification legislative de 2002, si l'article 94 de laloi du 7 aout 1987 contient encore une definition forfaitaire, iln'admet ces frais qu'au titre de frais couverts par le budget desmoyens financiers definis par le Roi dans l'arrete royal du 25 avril2002 ;

- le placement d'implants n'etant pas mentionne dans l'arrete royal du25 avril 2002, les frais y afferents sont à la charge du patientlui-meme.

5. En considerant que les frais afferents aux implants ne sont pascouverts par le budget des moyens financiers alloue à l'hopital etpeuvent ainsi etre imputes au patient, alors que ces frais ne figurentpas et ne sont pas à ranger parmi les prestations enumerees àl'article 95 de la loi du 7 aout 1987, le jugement attaque viole lesdispositions precitees de la loi du 7 aout 1987.

Le moyen, en cette branche, est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse le jugement attaque ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge du jugementcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause à la justice de paix d'Anvers, canton d'Anvers II.

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles,ou siegeaient le president de section Beatrijs Deconinck, president,les conseillers Koen Mestdagh, Antoine Lievens, Bart Wylleman etKoenraad Moens, et prononce en audience publique du huit decembre deuxmille quatorze par le president de section Beatrijs Deconinck, enpresence de l'avocat general Henri Vanderlinden, avec l'assistance dugreffier Vanessa Van de Sijpe.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Mireille Delange ettranscrite avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

Le greffier, Le conseiller,

8 DECEMBRE 2014 C.12.0415.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.12.0415.N
Date de la décision : 08/12/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 25/06/2015
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-12-08;c.12.0415.n ?
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