Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG C.13.0617.F
Axa Belgium, societe anonyme dont le siege social est etabli àWatermael-Boitsfort, boulevard du Souverain, 25,
demanderesse en cassation,
representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Regence, 4, ou il estfait election de domicile,
contre
AG Insurance, societe anonyme dont le siege social est etabli àBruxelles, boulevard Emile Jacqmain, 53,
defenderesse en cassation.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 4 mars 2013 parla cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport.
L'avocat general Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
La demanderesse presente deux moyens libelles dans les termes suivants :
Premier moyen
Dispositions legales violees
Articles 3 et 41 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assuranceterrestre
Decisions et motifs critiques
1. L'arret dit fonde l'appel [de la defenderesse] et, par reformation dujugement entrepris, dit la demande originaire recevable et fondee dans lamesure qu'il precise, condamne [la demanderesse] à payer à [ladefenderesse] une somme de 6.014,14 euros en principal, à majorer desinterets compensatoires au taux legal depuis les dates des decaissementsjusqu'à ce jour et ensuite des interets moratoires jusqu'au parfaitpaiement, ainsi qu'aux depens des deux instances [de la defenderesse],liquides à 2.195,21 euros, lui delaissant ses propres depens des deuxinstances.
2. L'arret fonde cette decision sur les motifs selon lesquels :
« Il n'est pas douteux qu'en principe, [la defenderesse] est subrogeedans les droits de ses assures contre les tiers responsables des dommages,en application de l'article 41 de la loi du 25 juin 1992.
Il n'est pas davantage douteux qu'en pareille situation, elle peut exercerl'action directe de son assure contre l'assureur de la responsabilitecivile du responsable.
Pour s'opposer au recours subrogatoire [de la defenderesse], [lademanderesse] fait valoir que ses assures ne sont pas des tiers mais desassures [de la defenderesse].
Dans le lexique situe in fine des conditions generales applicables auxsinistres en cause, il se lit :
- que le terme àssure' vise notamment les coproprietaires si le contratest souscrit par l'association des coproprietaires (ce qui est le cas) ;
- que le terme `tiers' est defini comme toute personne autre que lesassures, etant precise que, si le contrat est souscrit par une associationde coproprietaires, ceux-ci sont consideres comme tiers les uns vis-à-visdes autres ».
3. L'arret en conclut qu'« il en resulte que [la defenderesse], qui aindemnise un coproprietaire victime d'un degat des eaux dont laresponsabilite incombe à un autre coproprietaire, est autorisee àexercer un recours subrogatoire contre ce coproprietaire, qui a la qualitede tiers par rapport au coproprietaire dans les droits desquels [ladefenderesse] est subrogee » et que, « des lors, [la defenderesse] estegalement autorisee à agir, par la voie de l'action directe, contrel'assureur de la responsabilite civile de ce responsable ».
Griefs
1. L'article 3 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assuranceterrestre prevoit que, sauf lorsque la possibilite d'y deroger par desconventions particulieres resulte de leur redaction meme, les dispositionsde cette loi sont imperatives.
Des lors, l'article 41 de la loi du 25 juin 1992 sur le contratd'assurance terrestre, enonc,ant que « l'assureur qui a paye l'indemniteest subroge, jusqu'à concurrence du montant de celle-ci, dans les droitset actions de l'assure ou du beneficiaire contre les tiers responsables dudommage », est imperatif, puisqu'il ne prevoit pas que l'on puisse yderoger.
Partant, l'assureur ne peut etre subroge que dans les droits et actions del'assure ou du beneficiaire contre les tiers et la clause assouplissant,à son avantage, les regles de la subrogation, est nulle.
Il serait en effet manifestement contraire à l'economie du contratd'assurance, contrat aleatoire, qu'apres realisation du risque, l'assureurpretende obtenir, à charge de son propre assure, remboursement de cequ'il s'etait engage à payer en cas de sinistre.
2. En l'espece, dans les motifs repris au moyen et tenus ici pourintegralement reproduits, l'arret constate qu'en vertu des conditionsgenerales [de la defenderesse], le terme « tiers » « est defini commetoute personne autre que les assures, etant precise que, si le contrat estsouscrit par une association de coproprietaires, ceux-ci sont considerescomme tiers les uns vis-à-vis des autres », et considere qu'« il enresulte que [la defenderesse], qui a indemnise un coproprietaire victimed'un degat des eaux dont la responsabilite incombe à un autrecoproprietaire, est autorisee à exercer un recours subrogatoire contre cecoproprietaire, qui a la qualite de tiers par rapport au coproprietairedans les droits desquels [la defenderesse] est subrogee ».
Ce faisant, l'arret decide qu'un assure peut etre considere comme un tierspar rapport à un autre assure en vertu des conditions generales de lapolice d'assurance [de la defenderesse], permettant ainsi à l'assureur dupremier assure de modifier contractuellement et à son avantage laprescription de l'article 41 de la loi du 25 juin 1992 sur le contratd'assurance terrestre.
3. En consequence, l'arret meconnait le caractere imperatif de l'article41 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre(violation des articles 3 et 41 de la loi du 25 juin 1992 sur le contratd'assurance terrestre).
Second moyen
Dispositions legales violees
- article 149 de la Constitution ;
- article 45 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assuranceterrestre.
Decisions et motifs critiques
1. L'arret dit fonde l'appel [de la defenderesse] et, par reformation dujugement entrepris, dit la demande originaire recevable et fondee dans lamesure qu'il precise, condamne [la demanderesse] à payer à [ladefenderesse] une somme de 6.014,14 euros en principal, à majorer desinterets compensatoires au taux legal depuis les dates des decaissementsjusqu'à ce jour et ensuite des interets moratoires jusqu'au parfaitpaiement, ainsi qu'aux depens des deux instances [de la defenderesse],liquides à 2.195,21 euros, lui delaissant ses propres depens des deuxinstances.
2. L'arret fonde cette decision sur les motifs selon lesquels :
« Certes aussi, la police Top Habitation offerte par [la defenderesse]comportait divers volets, et notamment, outre une garantie contre lesdegats des eaux, une garantie responsabilite civile Immeuble.
Toutefois, ce n'est pas en vertu de cette garantie que [la defenderesse] afourni sa prestation, mais dans le cadre du volet `degats des eaux' envertu duquel elle assurait les proprietaires victimes des sinistres encause.
De surcroit, la convention UPEA relative à l'application de l'article 45de la loi du 25 juin 1992, qui regle entre assureurs la repartition de lacharge des sinistres en cas de pluralite d'assurances, prevoit qu'unegarantie de responsabilite extracontractuelle comprise dans un contratd'assurance de choses (telle celle de [la defenderesse]) a un caracteresuppletif par rapport à une assurance RC (telle celle [de lademanderesse]) ».
3. L'arret considere des lors, en substance, que [la demanderesse] etaiten toutes hypotheses tenue de prendre en charge le sinistre en vertu de larepartition de la charge des sinistres entre assureurs en cas de pluralited'assurances que prevoit l'article 45 de la loi du 25 juin 1992 sur lecontrat d'assurance terrestre.
Griefs
Premiere branche
1. Il est constant que des motifs contradictoires se detruisentreciproquement et ne peuvent, ni l'un ni l'autre, servir de fondement àune decision (Cass., 24 avril 2010, Pas., 2010, I, 1278 ; C. Parmentier,Comprendre la technique de cassation, Larcier, 2011, nDEG 85, p. 80).
2. En l'espece, pour faire application à la cause de la « conventionUPEA relative à l'application de l'article 45 de la loi du 25 juin1992 », l'arret considere, d'une part, que c'est « en execution decontrats d'assurances `Top Habitation' [que la defenderesse a] indemnisetrois assures (...) pour trois degats des eaux distincts », « dans lecadre du volet `degat des eaux' et non `garantie RC Immeuble' » et,d'autre part, declare que c'est en vertu d'une « garantie deresponsabilite extracontractuelle comprise dans un contrat d'assurance dechose » que l'indemnisation a eu lieu par [la defenderesse].
De la sorte, l'arret recele une contradiction manifeste dans ses motifs,conduisant à laisser incertain, si, aux yeux de la cour d'appel, lareparation du sinistre par [la defenderesse] avait ete effectuee ou non envertu d'une garantie de responsabilite extracontractuelle.
3. En consequence, l'arret repose sur des motifs contradictoires et n'estpartant pas regulierement motive (violation de l'article 149 de laConstitution).
Seconde branche
1. Aux termes de l'article 45, specialement S: 1er, alinea 1er, de la loidu 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre, si un meme interetest assure contre le meme risque aupres de plusieurs assureurs, l'assurepeut, en cas de sinistre, demander l'indemnisation à chaque assureur,dans les limites des obligations de chacun d'eux, et à concurrence del'indemnite à laquelle il a droit.
Il en decoule qu'il faut, pour que l'article 45 de la loi du 25 juin 1992sur le contrat d'assurance terrestre soit d'application, que coexistentplusieurs contrats d'assurance couvrant non seulement le meme interetassurable, mais aussi qu'ils le couvrent contre un meme risque et pendantune meme periode.
Cet article vise en effet à organiser la situation resultant d'un excesde couverture qui peut resulter, notamment, de la conclusion d'unepluralite de contrats souscrits aupres de deux ou de plusieurs assureursafin de proteger un interet unique d'un seul et meme risque.
2. En l'espece, par les motifs repris au moyen et tenus ici pourintegralement reproduits, l'arret decide que « la convention UPEArelative à l'application de l'article 45 de la loi du 25 juin 1992, quiregle entre assureurs la repartition de la charge des sinistres en cas depluralite d'assurances, prevoit qu'une garantie de responsabiliteextracontractuelle comprise dans un contrat d'assurance de choses (tellecelle de [la defenderesse]) a un caractere suppletif par rapport à uneassurance de la responsabilite civile (telle celle [de lademanderesse]) ».
Or, il ressort des constatations de l'arret que les contrats d'assurancesouscrits aupres [de la demanderesse] et [de la defenderesse] couvrent desinterets distincts, à savoir, d'une part, l'assurance de leurresponsabilite civile par les coproprietaires responsables du sinistre et,d'autre part, l'assurance de l'immeuble contre les degats des eaux par lesassociations des coproprietaires.
Des lors, l'article 45 de la loi du 25 juin 1992 sur le contratd'assurance terrestre n'avait pas vocation à regir la repartition de laprise en charge du sinistre entre [la defenderesse] et [la demanderesse].
3. En consequence, l'arret n'est pas legalement justifie au regard del'article 45 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assuranceterrestre, dont il est fait application à une situation que celui-ci neregit pas (violation de l'article 45 de la loi du 25 juin 1992 sur lecontrat d'assurance terrestre).
III. La decision de la Cour
Sur le premier moyen :
Aux termes de l'article 41, alinea 1er, de la loi du 25 juin 1992 sur lecontrat d'assurance terrestre, applicable au litige, l'assureur qui a payel'indemnite est subroge, jusqu'à concurrence du montant de celle-ci, dansles droits et actions de l'assure ou du beneficiaire contre les tiersresponsables du dommage.
Au sens de cette disposition, lorsqu'une police d'assurance souscrite parl'association des coproprietaires d'un immeuble couvre tous degats deseaux survenant dans cet immeuble, chaque coproprietaire a, en cas desinistre, la qualite d'assure pour ce qui concerne son lot ; il ne l'a enrevanche pas à l'egard du lot sinistre de chaque autre coproprietaire.
La clause contractuelle d'une telle police, qui stipule que le terme« assure » vise notamment les coproprietaires et qu'ils sont considerescomme « tiers » les uns vis-à-vis des autres, n'a des lors pas poureffet d'etendre le recours subrogatoire de l'assureur.
Le moyen, qui est tout entier fonde sur le soutenement contraire, manqueen droit.
Sur le second moyen :
Quant aux deux branches reunies :
L'arret considere que « [la defenderesse], qui a indemnise uncoproprietaire victime d'un degat des eaux dont la responsabilite incombeà un autre coproprietaire, est autorisee à exercer un recourssubrogatoire contre ce coproprietaire, qui a la qualite de tiers parrapport au coproprietaire dans les droits desquels [la defenderesse] estsubrogee » et que, « des lors, [la defenderesse] est egalement autoriseeà agir, par la voie de l'action directe, contre l'assureur de laresponsabilite civile de ce responsable ».
Ces considerations, vainement critiquees par le premier moyen, suffisentà fonder la decision de condamner la demanderesse au paiement de la sommede 6.014,14 euros.
Le moyen, en chacune de ses branches, est denue d'interet, partant,irrecevable.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi ;
Condamne la demanderesse aux depens.
Les depens taxes à la somme de cinq cent quatre-vingts euros vingt-sixcentimes envers la partie demanderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, le conseiller DidierBatsele, le president de section Albert Fettweis, les conseillers MichelLemal et
Marie-Claire Ernotte, et prononce en audience publique du quatre decembredeux mille quatorze par le president de section Christian Storck, enpresence de l'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistance dugreffier Patricia
De Wadripont.
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| P. De Wadripont | M.-Cl. Ernotte | M. Lemal |
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| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
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4 DECEMBRE 2014 C.13.0617.F/1