Cour de cassation de Belgique
Arret
* NDEG P.14.1645.N
* I. A. C.,
* inculpe, detenu,
* Me Femke De Backer, avocat au barreau de Gand,
II. F. D.,
* inculpe, detenu,
Me Joris Van Cauter, avocat au barreau de Gand,
III. I. I.,
Me Tom Van Maldergem, avocat au barreau de Gand,
* inculpe,
demandeurs en cassation.
* I. la procedure devant la cour
VIII. IX. Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 22octobre 2014 par la cour d'appel de Bruxelles, chambre des misesen accusation.
X. Le demandeur I invoque quatre moyens dans un memoire annexe aupresent arret.
XI. Le demandeur II invoque trois moyens dans un memoire annexe aupresent arret.
XII. Le demandeur III invoque un moyen dans un memoire annexe aupresent arret.
XIII. Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.
XIV. L'avocat general delegue Alain Winants a conclu.
II. la decision de la cour
Sur le premier moyen des demandeurs I et II :
1. Le moyen invoque la violation des articles 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales et235bis du Code d'instruction criminelle : les juges d'appel ontdecide, à tort, que la chambre des mises en accusation qui seprononce en application de l'article 235ter du Code d'instructioncriminelle, n'est pas competente pour exercer un controle sur lesecoutes telephoniques ; la saisine de la chambre des mises enaccusation n'etait toutefois pas limitee au seul controle sur la basede l'article 235ter du Code d'instruction criminelle, parce que cettechambre avait ete requise par le ministere public, sur sesrequisitions des 6 et 17 octobre 2014, sur la base tant de l'article235ter que de l'article 235bis du Code d'instruction criminelle.
2. Le moyen ne precise pas comment et en quoi l'arret viole l'article6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales.
Dans la mesure ou il invoque la violation de cette dispositionconventionnelle, le moyen est imprecis et, partant, irrecevable.
3. Dans ses requisitions du 6 octobre 2014 et ses requisitionscomplementaires du 17 octobre 2014, le ministere public a uniquementrequis la chambre des mises en accusation d'examiner la regularite desmethodes particulieres de recherche d'observation et d'infiltration,mais n'a pas requis que cette chambre examine egalement la regularitede la procedure sur la base de l'article 235bis du Code d'instructioncriminelle.
Dans cette mesure, le moyen manque en fait.
Sur le deuxieme moyen des demandeurs I et II :
4. Le moyen invoque la violation des articles 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales et235ter du Code d'instruction criminelle : l'arret refuse d'accorder laremise aux demandeurs I et II parce qu'il decide que l'argumentationqu'ils developpent ne releve pas de la competence de la chambre desmises en accusation ; les demandeurs ont demande une remise afin decontester la regularite de l'infiltration à la lumiere des elementsde telephonie auxquels ils n'ont pas encore eu acces ; l'illegalite del'infiltration peut toutefois ressortir d'elements puises des ecoutestelephoniques ; l'argumentation concernant la regularite del'infiltration, puisee d'autres elements de l'instruction, releve, àl'evidence, de la competence de la chambre des mises en accusation,sur la base de l'article 235ter du Code d'instruction criminelle.
5. Le moyen ne precise ni comment ni en quoi l'arret viole l'article 6de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales.
Dans la mesure ou il invoque la violation de cette dispositionconventionnelle, le moyen est imprecis et, partant, irrecevable.
6. L'article 235ter, S: 1er, du Code d'instruction criminelle instaureune procedure distincte inquisitoire et non-contradictoire en vertu delaquelle la chambre des mises en accusation examine seulement laregularite de la mise en oeuvre des methodes particulieres derecherche d'observation et d'infiltration, dans la mesure ou elle estappelee, à cet effet, à controler le dossier confidentiel vise auxarticles 47septies et 47novies du Code d'instruction criminelle.
Cette procedure ne porte pas atteinte à l'application eventuelle desprocedures prevues aux articles 235 et 235bis du meme code, parlaquelle la chambre des mises en accusation peut controler la legaliteet la regularite de l'observation et de l'infiltration à la lumieredu dossier repressif. Si la chambre des mises en accusation ne s'estpas prononcee à cet egard, la juridiction de jugement peut egalementproceder à ce controle.
7. Il resulte de ce qui precede que la chambre des mises en accusationqui n'est pas requise pour controler la regularite de la procedure surla base de l'article 235bis du Code d'instruction criminelle et qui,en application de l'article 235ter dudit code, ne constate pasd'irregularite dans la mise en oeuvre des methodes particulieres derecherche presentees, n'est pas tenue d'acceder à la demande deremise formulee par un inculpe afin de lui permettre de verifier siles resultats des mesures d'ecoute auxquels il n'a pas encore euacces, revelent l'illegalite de ces methodes de recherche en raisond'une forme de provocation. La chambre des mises en accusation seprononce, au contraire, souverainement sur la necessite etl'opportunite d'une telle remise.
8. L'arret decide que :
- les demandeurs I et II pretendent que l'infiltration mise en oeuvrea bien mene à une provocation au sens de l'article 30 de la loi du 17avril 1878 contenant le Titre preliminaire du Code de procedure penaleet souhaitent le demontrer à la lumiere des conversationstelephoniques echangees, raison pour laquelle ils demandent uneremise ;
- leur demande n'a pas ete accueillie parce que le controle desecoutes telephoniques ne releve pas de la competence limitee de lachambre des mises en accusation, sur la base de l'article 235ter duCode d'instruction criminelle ;
- les juges d'appel n'ont pu que constater que, sur la base du dossierde l'instruction et du dossier confidentiel, l'infiltration mise enoeuvre n'est entachee d'aucune irregularite, omission ou nullite, etqu'il n'y a pas le moindre indice d'une quelconque provocation au sensde l'article 30 du Titre preliminaire du Code de procedure penale ;
- il appartiendra, pour le reste, aux juridictions d'instruction, dansle cadre du reglement de la procedure, de se prononcer sur laprovocation alleguee par les demandeurs I et II, à la lumiere desconversations telephoniques echangees dont l'ecoute a ete consentie,fut-ce partiellement.
Ainsi, l'arret justifie legalement sa decision.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le troisieme moyen des demandeurs I et II :
9. Le moyen invoque la violation du principe general du droit relatifau devoir de motivation du juge : l'arret est motive de manierecontradictoire ; par la motivation que « le controle des ecoutestelephoniques ne releve pas de la competence limitee de la chambre desmises en accusation, sur la base de l'article 235ter du Coded'instruction criminelle », l'arret decide qu'elle ne peut examinerles ecoutes telephoniques et ne peut les prendre en consideration dansla procedure, en application de l'article 235ter du Code d'instructioncriminelle ; par la motivation, d'autre part, que « la cour ne peutque constater que, sur la base du dossier de l'instruction et dudossier confidentiel, l'infiltration mise en oeuvre n'est entacheed'aucune irregularite, omission ou nullite, et qu'il n'y a pas lemoindre indice d'une quelconque provocation au sens de l'article 30 duTitre preliminaire du Code de procedure penal », l'arret decidequ'elle peut examiner les ecoutes telephoniques, qui figurent, à toutle moins partiellement, dans le dossier de l'instruction, et peut lesprendre en consideration dans la procedure, conformement à l'article235ter du Code d'instruction criminelle.
10. L'arret ne se prononce pas uniquement ainsi que l'enonce le moyen.Il decide egalement qu'il appartient, pour le reste, aux juridictionsd'instruction, de decider, dans le cadre du reglement de la procedureet à la lumiere des conversations telephoniques echangees, s'il a etequestion de provocation, comme l'invoquent les demandeurs I et II, etindique, par là, qu'il n'en existe, de prime abord, aucun indice surla base du dossier de l'instruction et du dossier confidentiel.
Le moyen manque en fait.
Sur le quatrieme moyen du demandeur I :
11. Le moyen invoque la violation de l'article 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, ainsique la meconnaissance du principe general du droit relatif au respectdes droits de la defense : l'arret refuse d'acceder à la demande deremise du demandeur et le prive donc de la possibilite de presenterdevant la chambre des mises en accusation les ecoutes demontrantl'illegalite et l'irregularite de l'infiltration, dans le cadre de laprocedure fondee sur l'article 235ter du Code d'instructioncriminelle ; le juge d'instruction avait partiellement accede à lademande du demandeur, sur la base de l'article 90septies du Coded'instruction criminelle ; le demandeur devait obtenir le temps et lesfacilites necessaires pour ecouter ces conversations et pour ensuitepouvoir assurer sa defense en la procedure precitee ; la violation desdroits de defense du demandeur est irremediable parce que le dossierde l'instruction ne peut etre lu en combinaison avec le dossierconfidentiel que dans le cadre de la procedure conforme à l'article235ter du Code d'instruction criminelle.
12. Le moyen ne precise ni comment ni en quoi l'arret viole l'article6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales.
Dans la mesure ou il invoque la violation de cette dispositionconventionnelle, le moyen est imprecis et, partant, irrecevable.
13. La chambre des mises en accusation qui, ainsi qu'il ressort de lareponse apportee au deuxieme moyen des demandeurs I et II, appreciesouverainement la necessite et l'opportunite de la remise demandee, etqui n'accorde pas cette remise pour les motifs qui y sont mentionnes,ne viole pas les droits de defense du demandeur.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le moyen du demandeur III :
14. Le moyen invoque la violation des articles 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales et235ter du Code d'instruction criminelle, ainsi que la violation desdroits de la defense, comprenant le droit au contradictoire : l'arretdecide que les methodes particulieres de recherche ne sont entacheesd'aucune irregularite, omission ou nullite, sans que le demandeur aitete entendu à ce propos ; la notification pour l'audience du 8octobre 2014 a ete expediee le 6 octobre 2014 et ce uniquement parlettre recommandee adressee au demandeur en personne ; aucunenotification n'a ete envoyee à l'avocat du demandeur ; le 7 octobre2014, cette lettre recommandee n'aurait pu parvenir au demandeur enpersonne ; il n'a pu retirer cette lettre que le 8 octobre 2014 aubureau de poste et n'etait donc pas present à l'audience du 8 octobre2014 ; le demandeur n'a pas davantage ete convoque à l'audience du 20octobre 2014, à laquelle il n'a donc pu davantage etre present ;ainsi, le demandeur n'a pas ete regulierement convoque et ses droitsde defense ont ete violes.
15. Le moyen ne precise ni comment ni en quoi l'arret viole l'article6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales.
Dans la mesure ou il invoque la violation de cette dispositionconventionnelle, le moyen est imprecis et, partant, irrecevable.
16. L'article 235ter, S: 2, alinea 3, du Code d'instruction criminelledispose que la chambre des mises en accusation entend notamment lesinculpes apres convocation qui leur est notifiee par le greffier partelecopie ou par lettre recommandee à la poste au plus tardquarante-huit heures avant l'audience.
17. La notification que le greffier a adressee au demandeur, enl'espece, par lettre recommandee du 6 octobre 2014, en vue del'audience du 8 octobre 2014, a ete faite, en vertu de la dispositionprecitee, en temps utile.
18. La disposition precitee n'implique pas l'obligation pour legreffier de porter la notification à l'audience à la connaissance del'avocat de l'inculpe.
19. Il ressort des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard qu'àl'audience du 8 octobre 2014, la chambre des mises en accusation a misla cause en prosecution à l'audience du 9 octobre 2014 et que, parl'arret rendu à cette date, elle a ordonne la reouverture des debatsà l'audience du 20 octobre 2014 pour permettre aux demandeurs I et IId'exposer leurs moyens de defense. Par consequent, le demandeur III,qui n'etait pas concerne par les debats aux audiences des 8 et 9octobre 2014, ne devait pas etre invite à comparaitre à l'audiencedu 20 octobre 2014.
Les droits de defense, comprenant le droit au contradictoire, dudemandeur qui a ete regulierement informe de la fixation de la cause,n'ont pas ete violes.
20. Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
Le controle d'office
21. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nulliteont ete observees et la decision est conforme à la loi.
Par ces motifs,
* * La Cour
* Rejette les pourvois ;
Condamne les demandeurs aux frais de leur pourvoi.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles,ou siegeaient Paul Maffei, president, Luc Van hoogenbemt, president desection, Filip Van Volsem, Antoine Lievens et Erwin Francis,conseillers, et prononce en audience publique du deux decembre deuxmille quatorze par le president Paul Maffei, en presence de l'avocatgeneral delegue Alain Winants, avec l'assistance du greffier delegueVeronique Kosynsky.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Gustave Steffens ettranscrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le conseiller,
2 decembre 2014 P.14.1645.N/1