Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG C.14.0050.F
C. L.,
demandeur en cassation,
represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile,
contre
1. C. L.,
2. T. L.,
defendeurs en cassation,
en presence de
J.-M. G, avocat, agissant en qualite d'administrateur provisoire de C. L.,
partie appelee en declaration d'arret commun.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre le jugement rendu le 13 fevrier2013 par le tribunal de premiere instance de Mons, statuant en degred'appel.
Le 30 octobre 2014, l'avocat general Andre Henkes a depose des conclusionsau greffe.
Le president de section Christian Storck a fait rapport et l'avocatgeneral Andre Henkes a ete entendu en ses conclusions.
II. Le moyen de cassation
Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- articles 792, specialement alineas 2 et 3, et 1051 du Codejudiciaire ;
- article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme etdes libertes fondamentales, signee à Rome le 4 novembre 1950, approuveepar la loi du 13 mai 1955, et, pour autant que de besoin, cette loielle-meme.
Decisions et motifs critiques
Le jugement attaque dit non recevable, pour cause de tardivete, l'appelinterjete par le demandeur contre l'ordonnance du juge de paix du cantonde Soignies du 8 septembre 2011 designant Maitre J.-M. G. en qualited'administrateur provisoire du demandeur par application de l'article488bis-B du Code civil par les motifs suivants :
« En vertu de l'article 488bis-C, S: 1er, du Code civil, l'ordonnancerendue le 8 septembre 2011 par le juge de paix a ete notifiee àl'administrateur provisoire dans les trois jours du prononce, à savoir enl'espece le jour meme ;
L'administrateur provisoire a fait savoir par une lettre rec,ue au greffele 15 septembre 2011 qu'il acceptait sa mission ;
Dans les trois jours de cette acceptation, l'ordonnance doit etre notifieepar le greffier aux requerants, aux parties intervenantes, à la personneà proteger et, le cas echeant, à la personne de confiance. Enl'occurrence, le greffe a procede aux notifications dans le delai legalpar application de l'article 53 du Code judiciaire ;
L'appel est introduit plus d'un mois apres la reception de la notificationde la premiere ordonnance au sens de l'article 53bis de ce code ;
[Le demandeur], qui conteste le principe meme de l'administrationprovisoire, fait valoir que la notification ne mentionne pas le delai danslequel le recours doit etre introduit et que le delai ne commence àcourir qu'à dater d'une signification, qui n'a pas eu lieu en l'espece ;
En considerant la personne à proteger comme une partie à un procescontradictoire et en prescrivant pour l'introduction de l'instancel'application des articles 1034bis et suivants du Code judiciaire relatifsà la requete contradictoire, le legislateur de 2003 n'a pas ete jusqu'àimposer la signification de la decision judiciaire mais a au contraireprevu que cette decision ferait l'objet d'une notification par plijudiciaire. Le systeme de notification en matiere d'administrationprovisoire des biens de la personne majeure permet d'assurer avecsouplesse et rapidite la securite et l'effectivite de la mesure à l'egarddes interesses (article 488bis-C, S: 1er) et de la societe (article488bis-E). Le caractere urgent par nature de la mesure de protection, laretroactivite de la protection à la date de la requete en vertu del'article 488bis-I, alinea 2, la saisine permanente du juge de paixdecoulant de l'article 488bis-D et le systeme de brefs delais impose parla loi aux differents acteurs (ainsi, le rapport de l'administrateurprovisoire dans le mois de l'acceptation de sa mission, la publication auMoniteur belge et la notification au bourgmestre dans les quinze jours duprononce) constituent des elements dont il se deduit qu'au voeu de la loi,la notification possede une efficacite egalement en ce qu'elle fait courirle delai d'appel, sans frais de signification qui incombent en definitiveà la personne protegee. Meme à defaut de disposition expresse à cetegard, cette solution est commandee par l'ensemble des dispositionslegales en la matiere dont les derogations au droit commun sont justifieespar la plasticite indispensable à la mesure envisagee dans l'interet dela personne à proteger [...] ;
Meme s'il faut le regretter, la mention des delais de recours lors de lanotification de l'ordonnance n'est pas legalement requise, l'article 792,alinea 3, du Code judiciaire ne visant pas la notification prevue àl'article 488bis-C du Code civil ;
La notification effectuee par le greffe a donc valablement fait courir ledelai d'appel, qui etait expire lorsque la requete d'appel a etedeposee ».
Griefs
Premiere branche
Aux termes de l'article 1051 du Code judiciaire, le delai pour interjeterappel est d'un mois à partir de la signification du jugement ou de lanotification de celui-ci faite conformement à l'article 792, alineas 2 et3.
L'article 792, alineas 2 et 3, ne vise pas la notification imposee parl'article 488bis-C, S: 1er, alinea 9, du Code civil.
Il s'ensuit que le delai imparti au demandeur pour interjeter appel del'ordonnance le plac,ant sous administration provisoire est d'un mois àcompter, non de la notification de l'ordonnance, mais de la significationde celle-ci.
En decidant que ce delai court à dater de la notification visee àl'article 488bis-C, S: 1er, du Code civil, le jugement attaque ne justifiepas legalement sa decision (violation des dispositions visees du Codejudiciaire).
Seconde branche
Si, au contraire, il faut considerer que le delai pour interjeter appelcourt à dater de la notification de l'ordonnance - quod non -, encore laconsequence en serait-elle que, conformement à l'article 792, alineas 2et 3, du Code judiciaire, lequel serait alors d'application, à tout lemoins par analogie, la notification ne saurait faire courir le delaid'appel des lors qu'elle ne ferait pas mention des voies de recours, dudelai dans lequel ce ou ces recours doivent etre introduits ainsi que dela denomination et de l'adresse de la juridiction competente pour enconnaitre, comme cet article l'exige à peine de nullite.
Le jugement, qui decide que l'article 792, alineas 2 et 3, du Codejudiciaire n'est pas d'application et que la mention exigee par cetarticle n'est donc pas requise, ne justifie pas legalement sa decision(violation des dispositions visees du Code judiciaire).
En tout etat de cause, à defaut de tout avertissement informant ledemandeur que, contrairement à la regle generale de l'article 1051 duCode judiciaire, le delai d'appel courrait in casu à compter de lanotification, encore le jugement attaque, en declarant tardif l'appel dudemandeur par les motifs reproduits, violerait-il, alors, le droit dudemandeur à un proces equitable (violation de l'article 6 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales).
III. La decision de la Cour
Quant à la premiere branche :
L'article 57 du Code judiciaire, en vertu duquel le delai d'appel court àpartir de la signification de la decision, à moins que la loi n'en aitdispose autrement, ne requiert pas que la disposition derogatoire dont ilreserve l'application soit expresse ; il suffit que la derogation puissese deduire des dispositions legales applicables à la procedure en cause.
L'article 1051, alinea 1er, de ce code, qui dispose que le delai pourinterjeter appel est d'un mois à partir de la signification du jugementou de la notification de celui-ci faite conformement à l'article 792,alineas 2 et 3, instaure certes une derogation expresse, etrangere àl'espece, à l'article 57 mais, n'etant pour le surplus qu'une applicationde cet article, n'a pas pour effet de restreindre la reserve prevue parcelui-ci aux seuls cas que lui-meme vise.
Le jugement attaque dit irrecevable comme tardif, pour avoir ete formeplus d'un mois apres la notification de la decision entreprise, l'appelinterjete par le demandeur contre l'ordonnance du juge de paix luidesignant, à la requete des defendeurs, par application de l'article488bis-B du Code civil, un administrateur provisoire en la personne de lapartie appelee en declaration d'arret commun.
En vertu de l'article 488bis-C, S: 1er, alineas 6 et 9, du Code civil,l'ordonnance du juge de paix designant un administrateur provisoire estnotifiee à celui-ci par le greffier sous pli judiciaire dans les troisjours de sa prononciation ; l'administrateur provisoire fait savoir parecrit dans les huit jours de sa designation s'il accepte celle-ci, et,dans les trois jours de la reception de l'acceptation, l'ordonnance estnotifiee sous pli judiciaire par le greffier aux requerants, aux partiesintervenantes, à la personne à proteger et, le cas echeant, à lapersonne de confiance.
En instituant cette notification sous pli judiciaire, le legislateur aexpressement choisi une procedure rapide de nature à repondre au besoinde protection de la personne qui fait l'objet de la mesure.
Dans cette procedure, la notification donne cours au delai d'appel.
Le moyen, qui, en cette branche, soutient le contraire, manque en droit.
Quant à la seconde branche :
L'article 488bis-C, S: 1er, alinea 9, du Code civil se limite à prescrireque la notification de l'ordonnance designant un administrateur provisoirequi a accepte sa mission sera faite sous pli judiciaire sans fairedependre sa regularite de quelque autre forme et sans exiger enparticulier qu'elle comporte les mentions qui, s'agissant desnotifications auxquelles il doit etre procede en vertu de l'article 792,alinea 2, du Code judiciaire, dans les matieres enumerees à l'article 704de ce code, sont prescrites à peine de nullite au troisieme alinea duditarticle 792.
Dans la mesure ou il soutient que l'article 792, alineas 2 et 3, du Codejudiciaire s'applique à la notification prevue à l'article 488bis-C, S:1er, alinea 9, du Code civil, le moyen, en cette branche, manque en droit.
Pour le surplus, il ne ressort pas des pieces auxquelles la Cour peutavoir egard que le demandeur ait soutenu devant le tribunal d'appel quel'absence de ces mentions eut compromis le droit d'acces au juge queprotege l'article 6, S: 1er, de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales.
Dans la mesure ou il eleve ce grief et ou son examen obligerait partant laCour à une appreciation d'elements de fait excedant ses pouvoirs, lemoyen, en cette branche, est irrecevable.
Et le rejet du pourvoi prive d'interet la demande en declaration d'arretcommun.
Par ces motifs,
La Cour
Rejette le pourvoi et la demande en declaration d'arret commun ;
Condamne le demandeur aux depens.
Les depens taxes à la somme de huit cent douze euros trente centimesenvers la partie demanderesse.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, le conseiller DidierBatsele, le president de section Albert Fettweis, les conseillers GustaveSteffens et Sabine Geubel, et prononce en audience publique du vingt-septnovembre deux mille quatorze par le president de section Christian Storck,en presence de l'avocat general Andre Henkes, avec l'assistance dugreffier Patricia
De Wadripont.
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| P. De Wadripont | S. Geubel | G. Steffens |
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| A. Fettweis | D. Batsele | Chr. Storck |
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27 NOVEMBRE 2014 C.14.0050.F/1