Cour de cassation de Belgique
Arret
* NDEG P.14.0948.N
* J. H.,
* prevenu,
* demandeur en cassation,
* Me Joachim Meese, avocat au barreau de Gand.
* I. la procedure devant la cour
VII. VIII. Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 29 janvier2014 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
IX. Le demandeur invoque deux moyens dans un memoire annexe aupresent arret.
X. Il depose une note en reponse aux conclusions orales du ministerepublic.
XI. Le conseiller Peter Hoet a fait rapport.
XII. L'avocat general Marc Timperman a conclu.
II. la decision de la cour
Sur le premier moyen :
Quant à la premiere branche :
1. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6.1de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, 149 de la Constitution, 195 et 211 du Coded'instruction criminelle : l'arret ne repond pas à la defense dudemandeur sur l'autorite de la chose jugee du jugement interlocutoiredu 9 novembre 2011 ; les juges d'appel ont bien constate que leministere public n'a pas interjete appel dudit jugement, mais n'ontpas egard à l'impact resultant de son autorite de la chose jugee.
2. L'autorite de la chose jugee en matiere repressive se limite à ceque le juge a decide sur un point litigieux et à ce qui constitue lefondement necessaire, meme implicite, de sa decision ensuite de lacontestation dont il est saisi et que les parties ont pu contredire.
3. Le « jugement interlocutoire » du 9 novembre 2011 « ordonne lareouverture des debats afin de permettre au ministere publicd'apporter au tribunal des eclaircissements sur la provenance desinformations donnees dans le proces-verbal initial portant le numeroGE.60.FI.3604/2010 ». Ainsi, il ne s'est pas encore prononce sur laregularite de la provenance des renseignements mentionnes dans leproces-verbal initial, mais s'est borne à inviter le ministere publicà fournir des complements d'information à cet egard.
4. L'arret (...) constate que :
- le ministere public, contrairement à l'allegation du demandeur, adepose une note à l'audience du 7 decembre 2011 ensuite du jugementinterlocutoire susmentionne ;
- le ministere public a clairement declare sans fondement la theseselon laquelle les informations initiales proviendraient de recherchesproactives sans autorisation prealable du procureur du Roi ;
- la police judiciaire federale de Gand a uniquement reagi auxinformations recueillies concernant la culture de drogues,l'intervention de la police etant « guidee par l'infraction » etuniquement dirigee pour elucider cette infraction en matiere dedrogues.
Par ces motifs, les juges d'appel ont repondu à la defense visee etont legalement justifie leur decision.
Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Quant à la seconde branche :
5. Le moyen, en cette branche, invoque la meconnaissance du principegeneral du droit de l'autorite de la chose jugee : l'arret qui decideque rien ne demontre que la police aurait obtenu ses informations demaniere irreguliere, est contraire au jugement interlocutoire du 9novembre 2011 et en viole l'autorite de la chose jugee ; lesinformations que le jugement interlocutoire a estimees necessairesn'ont pas ete fournies par le ministere public ni davantage obtenuespar une autre voie.
6. Un jugement avant dire droit en matiere repressive adopte unedecision provisoire, ordonne une instruction complementaire ou inviteles parties à fournir des informations supplementaires. Un teljugement ne revet pas l'autorite de la chose jugee.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en droit.
7. Le « jugement interlocutoire » du 9 novembre 2011 « ordonne lareouverture des debats afin de permettre au ministere publicd'apporter au tribunal des eclaircissements sur la source desinformations donnees dans le proces-verbal initial portant le numeroGE.60.FI.3604/2010 ». Ainsi, il ne s'est pas encore prononce sur laregularite de la source des renseignements mentionnes dans leproces-verbal initial, mais s'est borne à inviter le ministere publicà fournir des complements d'information à cet egard, ce que, selonles constatations de l'arret, celui-ci a fait en deposant une note àl'audience du 7 decembre 2011.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, se fonde sur unelecture erronee de l'arret et manque en fait.
Sur le second moyen :
Quant à la premiere branche :
8. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 6 dela Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, ainsi que la meconnaissance du principe general dudroit relatif au respect des droits de la defense et du droit à unproces equitable, comprenant le droit à l'egalite des armes et ledroit au contradictoire : l'arret declare l'action publique recevablealors que ni le dossier repressif, ni les debats à l'audience n'ontdelivre la moindre information quant à la provenance des informationsmentionnees dans le proces-verbal initial et sur la base desquellesdes actes d'instruction ont ete ordonnes ; lorsque le prevenu faitvaloir que les informations de police ayant conduit à l'ouverture del'instruction ont ete obtenues de maniere irreguliere et que ladefense se fonde precisement sur le fait que l'on ne sait rien de laprovenance de ces informations, le juge ne peut avancer, en cescirconstances, qu'il ne ressort d'aucun element que la police auraitrecueilli ses informations de maniere irreguliere.
9. Declarer non admissible ou exclure un, plusieurs ou tous les moyensde preuve en raison de leur illegalite ou irregularite ou del'impossibilite à en examiner la legalite ou la regularite n'impliquepas l'irrecevabilite de l'action publique.
Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, lemoyen, en cette branche, manque en droit.
10. Ni l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales ni les droits de la defense oule droit à un proces equitable ne s'opposent à ce que desinformations soient prises en consideration à titre de simplesrenseignements permettant d'orienter l'instruction et de recueillirensuite de maniere autonome des preuves, sans preciser concretementl'origine des renseignements, pour autant qu'il ne soit pas renduplausible que cela se soit deroule de maniere irreguliere.
Dans la mesure ou il est fonde sur une autre premisse juridique, lemoyen, en cette branche, manque à nouveau en droit.
11. Lorsqu'une partie fait valoir que ces renseignements ont eteobtenus de maniere irreguliere, elle doit le rendre plausible au-delàde la simple allegation. Le juge apprecie souverainement si cettepartie rend ses affirmations credibles.
12. Par les motifs que l'arret contient, les juges d'appel ont decideque le demandeur ne rend pas plausible sa these selon laquelle lesinformations initiales ont ete obtenues de maniere irreguliere. Ilsont ainsi legalement justifie leur decision.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
Quant à la deuxieme branche :
13. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 6 dela Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, ainsi que la meconnaissance du principe general dudroit relatif au respect des droits de la defense et du droit à unproces equitable, comprenant le droit à l'egalite des armes et ledroit au contradictoire : lorsqu'un prevenu soutient, par voie deconclusions, que les informations de police ont ete obtenues demaniere irreguliere, le juge qui precise que tel n'est pas le cas esttenu de donner les motifs de cette decision ; par la seule reponse querien ne demontre que la police aurait obtenu ses informations demaniere irreguliere, la decision n'est pas legalement justifiee.
14. Lorsque des renseignements sont fournis à la police, ilappartient au ministere public d'apprecier la suite à leur donner ets'il semble possible de reunir des preuves regulieres des faitseventuellement punissables que ces renseignements comportent.
Lorsqu'une partie fait valoir que ces renseignements ont ete obtenusde maniere irreguliere, elle doit le rendre plausible au-delà de lasimple allegation. Le juge apprecie souverainement si cette partierend ses affirmations credibles.
15. L'arret decide non seulement que rien ne demontre que la policeaurait obtenu ses informations de maniere irreguliere, mais egalementque :
- le proces-verbal initial vise concerne des informations ne pouvantetre prises en consideration en tant que preuve à l'encontre desprevenus, dont le demandeur, mais constituent uniquement desrenseignements permettant d'ouvrir une instruction ou de lui donnerune certaine orientation et ainsi reunir des preuves de maniereautonome ;
- les prevenus ne rendent aucunement plausible le fait que la policeaurait recueilli ces informations de maniere irreguliere ;
- les insinuations des prevenus sur les informations initiales et parlesquelles ils font etat d' « une irregularite dans le recueild'informations, par exemple par le recours à des techniques au meprisdes prescriptions legales ou par la commission d'infraction à la loipenale ou à la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales, comme egalement le recueil actifd'informations par la police » ne trouvent aucun fondement dans lepresent dossier repressif ;
- à la demande du juge du fond, le ministere public, qui estconsidere comme intervenant loyalement, a depose une note en reponseà la defense du demandeur à l'audience du 7 decembre 2011 danslaquelle il indique qu'il n'y a aucun fondement à la these dudemandeur selon laquelle ces informations proviendraient d'unerecherche proactive menee sans autorisation prealable ;
- la police judiciaire federale de Gand a uniquement reagi auxinformations concernant la culture des drogues et est intervenue afind'elucider cette infraction en matiere de drogues ;
- avancer une presomption de preuve illegale jusqu'à preuve ducontraire ne peut etre admis ;
Ainsi, les juges d àppel ont indique les motifs pour lesquels ils ontdecide que le demandeur ne rend pas plausible sa these selon laquellel' information initiale a ete recueillie de maniere irreguliere et ilsont legalement justifie leur decision.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.
16. Pour le surplus, le moyen, en cette branche, critiquel'appreciation souveraine des juges d'appel ou impose à la Cour unexamen des faits pour lequel elle est sans competence.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est irrecevable.
Quant à la troisieme branche :
17. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6 dela Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, 10 et 11 de la Constitution, ainsi que lameconnaissance du principe d'egalite et du principe general du droitrelatif au respect des droits de la defense et du droit à un procesequitable, comprenant le droit à l'egalite des armes et le droit aucontradictoire : l'arret rejette la demande du demandeur tendant àinviter le ministere public à davantage d'explication quant au cadrelegal dans lequel les informations ont ete initialement recueilliespar la police ; le fait que ces informations ne soient pas mises à ladisposition de la defense doit etre compense par une procedurepermettant à un juge independant et impartial d'examiner la legalitede la procedure, comme tel est egalement le cas de la mise en oeuvrede methodes particulieres de recherche concernant le controle dudossier confidentiel ; se prononcer autrement à cet egardimpliquerait une meconnaissance du principe d'egalite.
Le demandeur demande à la Cour de poser à la Cour constitutionnellela question prejudicielle suivante : « L'article 28bis, S: 1er, duCode d'instruction criminelle viole-t-il les articles 10 et 11 de laConstitution, lus en combinaison avec l'article 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, en cequ'il prevoit la possibilite pour les services de police d'intervenirde maniere autonome sans prevoir de controle obligatoire de lalegalite lorsque des informations de police sont utilisees à titre derenseignements permettant d'orienter l'instruction dans une certainedirection et de rassembler ensuite des preuves de maniere autonome,alors que les informations figurant dans le dossier confidentielconstitue à la suite de la mise en oeuvre des methodes particulieresde recherche d'observation et d'infiltration (lesquelles ne peuventdavantage etre considerees comme preuves mais qui peuvent tout autantdonner lieu au recueil de preuves) doivent imperativement etresoumises au controle d'un juge independant et impartial ? »
18. Ainsi qu'il ressort de la reponse apportee au moyen en sa deuxiemebranche, le juge du fond a invite le ministere public à fournir desinformations sur la provenance des informations initiales ayantdebouche sur l'execution d'actes d'instructions en la cause. Sur labase de la note en reponse que le ministere public a deposee et que ledemandeur a pu contredire, lue en combinaison avec les autres motifsenonces en reponse au moyen en sa deuxieme branche, les juges d'appelont controle la regularite des informations initiales et decide quel'allegation du demandeur selon laquelle ces informations n'auraientpas ete recueillies de maniere reguliere n'est pas rendue plausible etqu'il n'y a pas lieu de demander à nouveau au ministere public descomplements d'information sur la provenance des informationsinitiales.
Le moyen, en cette branche, qui est deduit de la premisse que lesjuges d'appel ont omis de controler la pretendue irregularite desinformations initiales, se fonde sur une lecture erronee de l'arret etmanque en fait.
19. Des lors que le moyen, en cette branche, manque en fait, il n'y apas lieu de poser la question prejudicielle.
Quant à la quatrieme branche :
20. Le moyen, en cette branche, invoque la violation de l'article 6 dela Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, ainsi que la meconnaissance du principe general dudroit relatif au respect des droits de la defense et du droit à unproces equitable, comprenant le droit à l'egalite des armes et dudroit au contradictoire : lorsque le ministere public ne donne pasdavantage d'explications sur la provenance des informations initialeset refuse de tracer le cadre legal dans lequel ces informations ontete recueillies, le juge ne peut attendre du prevenu qu'il rendeadmissible que ces informations ont ete recueillies de maniereillegale ; se prononcer autrement à cet egard rendrait le droit à unproces equitable totalement illusoire et theorique.
21. Il n'existe pas de presomption jusqu'à preuve du contraire quedes renseignements dont la source n'est pas davantage precisee ont eteobtenus illegalement par la police. La partie qui soutient que cesrenseignements, qui n'ont aucune valeur probante mais qui ne sont prisen consideration que pour orienter l'instruction et recueillir ainsides preuves de maniere autonome, ont ete obtenus de maniereirreguliere, ne doit pas le demontrer mais le rendre plausible et nepeut se borner à une simple allegation. La charge de ce soutenementne rend pas theorique ou illusoire les droits de la defense et ledroit à un proces equitable, en ce compris le droit à l'egalite desarmes et le droit au contradictoire.
Le moyen, en cette branche, qui est deduit d'une autre premissejuridique, manque en droit.
Le controle d'office
22. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nulliteont ete observees et la decision est conforme à la loi.
Sur l'arrestation immediate :
23. Ensuite du rejet à prononcer ci-apres du pourvoi forme contre ladecision rendue sur l'action publique, cette decision acquiert forcede chose jugee. Le pourvoi forme contre la decision ordonnantl'arrestation immediate du demandeur n'a, par consequent, plusd'objet.
Par ces motifs,
* * La Cour
* Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles,ou siegeaient Luc Van hoogenbemt, president de section, Koen Mestdagh,Geert Jocque, Peter Hoet et Antoine Lievens, conseillers, et prononceen audience publique du vingt-cinq novembre deux mille quatorze par lepresident de section Luc Van hoogenbemt, en presence de l'avocatgeneral Marc Timperman, avec l'assistance du greffier FrankAdriaensen.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Pierre Cornelis ettranscrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le conseiller,
25 NOVEMBRE 2014 P.14.0948.N/1