Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG S.12.0053.N
* M. S.,
* Maitre Beatrix Vanlerberghe, avocat à la Cour de cassation,
* * contre
* CENTRE PUBLIC D'ACTION SOCIALE DE TIELT.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre un arret rendu le 10 fevrier2012 par la cour du travail de Gand.
Le president de section Beatrijs Deconinck a fait rapport.
L'avocat general Henri Vanderlinden a conclu.
II. Les moyens de cassation
Le demandeur presente deux moyens dans sa requete, libelles dans lestermes suivants.
Premier moyen
Dispositions legales violees
- articles 14 et 16 de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit àl'integration sociale;
- articles 22, S: 1er, b) et 34, S: 2, de l'arrete royal du 11 juillet2002 portant reglement general en matiere de droit à l'integration.
Decision et motifs critiques
Les juges d'appel ont rejete en grande partie l'action formee par ledemandeur qui tendait à entendre condamner le defendeur à payer audemandeur en tant que cohabitant un revenu d'integration mensuel de :
" - 483,86 euros pour la periode du 1er fevrier 2010 au 31 aout 2010 ;
- 493,54 euros pour la periode du 1er septembre 2010 au 30 avril2011;
- 503,39 euros pour la periode du 1er mai 2011 au 31 aout 2011;
- 513,46 euros à partir du 1er septembre 2011;
à majorer des interets moratoires au taux legal à partir du 16 dechaque mois jusqu'au jour du paiement integral ;"
et ont decide que le defendeur est redevable au demandeur d'un revenud'integration supplementaire de cohabitant jusqu'au 23 fevrier 2010 etqu'à partir du 24 fevrier 2010, il ne lui est plus redevable d'unrevenu d'integration.
Les juges d'appel ont rejete le moyen du demandeur selon lequel laprestation familiale que les parents rec,oivent pour le demandeur nepeut etre consideree comme une ressource, pour les motifs suivants:
"Les prestations familiales qui sont payees pour le demandeur doiventetre prises en compte. L'article 16, S: 1er, de la loi du 26 mai 2002dispose en effet que `toutes les ressources, quelle qu'en soit lanature ou l'origine, dont dispose le demandeur, sont prises enconsideration, y compris toutes les prestations allouees en vertu dela legislation sociale belge ou etrangere (...).'
Certes, la prestation familiale n'est pas versee directement audemandeur; on peut supposer que sa mere est l'allocataire. Mais laprestation familiale tend à intervenir dans les depenses à effectuerpour son education, son entretien et son logement. Dans le cas d'unerupture des relations avec ses parents, le demandeur pourrait se faireverser la prestation familiale directement à lui-meme (article 21, S:2, b, A.R.). En l'espece, il n'y a pas de rupture des relations. Laprestation familiale est certes payee à l'allocataire, mais elle estune ressource du demandeur lui-meme et elle doit donc etre prise enconsideration (cf. D. Simoens, Handboek maatschappelijkedienstverlening, Die Keure, feuillets mobiles, nDEG 346/1 et 346/2).
Les parties conviennent qu'il ne peut etre tenu compte des prestationsfamiliales qui sont payees aux autres enfants.
Sur appel incident, le defendeur se refere tout à fait à tort àl'article 22, S: 1er, b, de l'arrete royal du 11 juillet 2002 portantreglement general en matiere de droit à l'integration sociale. Cettedisposition vise en effet la situation ou le beneficiaire du revenud'integration a lui-meme des enfants et en est l'allocataire. Cetteregle repond à l'evident souci de ne pas imputer la prestationfamiliale de la personne qui a des enfants sur son revenud'integration sociale. En l'espece, le demandeur n'a toutefois pasd'enfants pour lesquels une prestation familiale est versee.
La prestation familiale est en revanche payee pour son education, sonentretien et son logement. Il y a lieu d'en tenir compte conformementà l'article 16, S: 1er, de la loi (comp. Trib. trav. Bruxelles, 20fevrier 2008, Soc. Kron., 2011, 153).
Il est difficilement explicable qu'on ne le fit pas à l'egard de sonfrere V. Mais le demandeur ne peut toutefois y puiser des droits."
Griefs
L'article 14, S: 1er, 1DEG, de la loi du 26 mai 2002 concernant ledroit à l'integration sociale determine le montant du revenud'integration pour toute personne cohabitant avec une ou plusieursautres personnes.
En vertu de l'article 14, S: 2, de la meme loi du 26 mai 2002, lemontant du revenu d'integration est diminue des ressources dudemandeur, calculees conformement aux dispositions du titre II,chapitre II.
En vertu de l'article 16, S: 1er, de la meme loi, toutes lesressources, quelle qu'en soit la nature ou l'origine, dont dispose ledemandeur, sont prises en consideration, y compris toutes lesprestations allouees en vertu de la legislation sociale belge ouetrangere. Peuvent egalement etre prises en consideration, dans leslimites fixees par le Roi par arrete delibere en Conseil desMinistres, les ressources des personnes avec lesquelles le demandeurcohabite.
En vertu de l'article 16, S: 2, de la meme loi, le Roi peut determinerpar arrete delibere en Conseil des Ministres les ressources dont il nesera pas tenu compte, soit en totalite, soit partiellement pour lecalcul des ressources.
En vertu de l'article 22, S: 1er, b), de l'arrete royal du 11 juillet2002 portant reglement general en matiere de droit à l'integrationsociale, pour le calcul des ressources, il n'est pas tenu compte desprestations familiales pour lesquelles l'interesse a la qualited'allocataire en faveur d'enfants en application de la legislationsociale belge ou d'une legislation sociale etrangere pour autant quel'interesse les eleve et en ait la charge totalement ou partiellement.
En vertu de l'article 34, S: 2, de l'arrete royal du 11 juillet 2002precite, en cas de cohabitation du demandeur avec un ou plusieursascendants et/ou descendants majeurs du premier degre, la partie desressources de chacune de ces personnes qui depasse le montant prevu àl'article 14, S: 1er, 1DEG, de la loi peut etre prise totalement oupartiellement en consideration; en cas d'application de cettedisposition, le montant prevu à l'article 14, S: 1er, 1DEG, de la loidoit etre octroye fictivement au demandeur et à ses ascendants et/oudescendants majeurs du premier degre.
Il resulte de ces dispositions que la prestation familiale qu'unparent du demandeur du revenu d'integration perc,oit au profit dudemandeur ne peut etre consideree comme une ressource du demandeur ausens de l'article 16, S: 1er, de la loi du 26 mai 2002 concernant ledroit à l'integration sociale, etant donne que le demandeur neperc,oit pas lui-meme la prestation familiale et, partant, n'endispose pas au sens de l'article 16, S: 1er, de la loi du 26 mai 2002.
La prestation familiale qu'un parent du demandeur du revenud'integration perc,oit au profit du demandeur ne peut davantage etreimputee sur les ressources des personnes avec lesquelles le demandeurcohabite ni, plus particulierement, des ascendants du premier degre dudemandeur au sens des articles 16, S: 1er, deuxieme phrase, de la loidu 26 mai 2002 et 34, S: 2, de l'arrete royal du 11 juillet 2002 deslors que, pour le calcul des ressources de ces ascendants,conformement à l'article 22, S: 1er, b), de l'arrete royal du 11juillet 2002, il n'est pas tenu compte des prestations familiales pourlesquelles l'ascendant a la qualite d'allocataire en faveur d'enfantsen application de la legislation sociale belge ou d'une legislationsociale etrangere pour autant que l'interesse les eleve et en ait lacharge totalement ou partiellement.
En l'espece, les juges d'appel ont constate que des prestationsfamiliales sont payees pour le demandeur, mais qu'elles ne sont pasversees directement au demandeur et que l'on peut supposer que sa mereest l'allocataire.
Les juges d'appel ont decide que, bien que les prestations familialessoient payees à l'allocataire, elles constituent neanmoins uneressource du demandeur des allocations (le demandeur en cassation)lui-meme et doivent par consequent etre prises en consideration.
En decidant ainsi, apres avoir constate que les prestations familialesne sont pas payees au demandeur lui-meme, mais à l'allocataire, queces prestations familiales doivent etre prises en consideration commeune ressource du demandeur lui-meme, les juges d'appel ont viole lesarticles 14 et 16, S: 1er, alinea 1er, premiere phrase, de la loi du26 mai 2002 concernant le droit à l'integration sociale aux termesdesquels le revenu d'integration est diminue des ressources dontdispose le demandeur des prestations, à savoir le demandeur encassation.
En tant qu'ils decideraient que la prestation familiale doit etreprise en consideration comme ressource des personnes avec lesquellesle demandeur cohabite et notamment des parents du demandeur, les jugesd'appel ont viole les articles 14, 16, S: 1er, alinea 1er, deuxiemephrase, et 16, S: 2, de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit àl'integration sociale ainsi que les articles 22, S: 1er, b), et 34,S: 2, de l'arrete royal du 11 juillet 2002 portant reglement generalen matiere de droit à l'integration sociale dont il ressort que l'onne peut en aucun cas compter parmi les ressources des ascendants quipeuvent etre prises en consideration les prestations familiales pourlesquelles l'interesse a la qualite d'allocataire en faveur d'enfantsen application de la legislation sociale belge ou d'une legislationsociale etrangere pour autant que l'interesse les eleve et en ait lacharge totalement ou partiellement.
* (...)
III. La decision de la Cour
Sur le premier moyen :
1. L'article 14, S: 1er, 1DEG, de la loi du 26 mai 2002 concernant ledroit à l'integration sociale determine le montant du revenud'integration pour toute personne cohabitant avec une ou plusieursautres personnes.
En vertu de l'article 14, S: 2, de la meme loi, le montant du revenud'integration est diminue des ressources du demandeur, calculeesconformement aux dispositions du titre II, chapitre II.
L'article 16, S: 1er, alinea 1er, de cette loi dispose que : "Sansprejudice de l'application de la disposition du paragraphe 2, toutesles ressources, quelle qu'en soit la nature ou l'origine, dont disposele demandeur, sont prises en consideration, y compris toutes lesprestations allouees en vertu de la legislation sociale belge ouetrangere. Peuvent egalement etre prises en consideration, dans leslimites fixees par le Roi par arrete delibere en Conseil desMinistres, les ressources des personnes avec lesquelles le demandeurcohabite".
En vertu de l'article 16, S: 1er, alinea 2, de ladite loi, le Roidetermine, par arrete delibere en Conseil des ministres, les modalitesde l'enquete sur les ressources et fixe les regles de calcul decelles-ci.
2. En vertu de l'article 22, S: 1er, b, de l'arrete royal du 11juillet 2002 portant reglement general en matiere de droit àl'integration sociale, pour le calcul des ressources, il n'est pastenu compte : "des prestations familiales pour lesquelles l'interessea la qualite d'allocataire en faveur d'enfants en application de lalegislation sociale belge ou d'une legislation sociale etrangere pourautant que l'interesse les eleve et en ait la charge totalement oupartiellement".
En vertu de l'article 34, S: 2, de l'arrete royal du 11 juillet 2002precite, en cas de cohabitation du demandeur avec un ou plusieursascendants et/ou descendants majeurs du premier degre, la partie desressources de chacune de ces personnes qui depasse le montant prevu àl'article 14, S: 1er, 1DEG, de la loi peut etre prise totalement oupartiellement en consideration. En cas d'application de cettedisposition, le montant prevu à l'article 14, S: 1er, 1DEG, de la loidoit etre octroye fictivement au demandeur et à ses ascendants et/oudescendants majeurs du premier degre.
3. Il resulte de ces dispositions que la prestation familiale qu'unparent du demandeur du revenu d'integration perc,oit au profit dudemandeur ne peut etre consideree comme une ressource du demandeur ausens de l'article 16, S: 1er, de la loi du 26 mai 2002 precite.
Dans cette mesure, le moyen est fonde.
Sur les autres griefs :
4. Les autres griefs ne sauraient entrainer une cassation plusetendue.
Sur les depens :
5. Conformement à l'article 1017, alinea 2, du Code judiciaire, ledefendeur doit etre condamne aux depens.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il declare l'appel recevable ;
Condamne le defendeur aux depens ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour du travail deBruxelles.
* (...)
Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles,ou siegeaient le president de section Beatrijs Deconinck, president,les conseillers Alain Smetryns, Koen Mestdagh, Antoine Lievens etKoenraad Moens, et prononce en audience publique du vingt-quatrenovembre deux mille quatorze par le president de section BeatrijsDeconinck, en presence de l'avocat general Henri Vanderlinden, avecl'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.
Traduction etablie sous le controle du president de section AlbertFettweis et transcrite avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.
Le greffier, Le president de section,
* 24 NOVEMBRE 2014 S.12.0053.N/1
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