Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG C.13.0599.F
C. & W., societe de droit neerlandais, dont le siege est etabli àAmsterdam (Pays-Bas), Amstelveenseweg, 760, et dont la succursale enBelgique est etablie à Bruxelles, avenue des Arts, 56,
demanderesse en cassation,
representee par Maitre Pierre Van Ommeslaghe, avocat à la Cour decassation, dont le cabinet est etabli à Bruxelles, avenue Louise, 106, ouil est fait election de domicile,
contre
1. IMMO MONTOYER, societe anonyme dont le siege social est etabli àBruxelles, rue Montoyer, 3,
2. OFFICE NATIONAL DU DUCROIRE, etablissement de droit public dont lesiege est etabli à Bruxelles, rue Montoyer, 3,
defendeurs en cassation.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 28 juin 2013par la cour d'appel de Bruxelles.
Le president de section Albert Fettweis a fait rapport.
L'avocat general Thierry Werquin a conclu.
II. Le moyen de cassation
La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :
Dispositions legales violees
- article 3 de la loi-cadre du 1er mars 1976 reglementant la protection dutitre professionnel et l'exercice des professions intellectuellesprestataires de services ;
- articles 2, alinea 1er, et 3, 1DEG, de l'arrete royal du [6] septembre1993 protegeant le titre professionnel et l'exercice de la professiond'agent immobilier, avant leur abrogation par l'article 8, S: 1er, del'arrete royal du
30 aout 2013 relatif à l'acces à la profession d'agent immobilier.
Decisions et motifs critiques
La cour d'appel a d'abord considere que :
« 6. Il est constant qu'il n'existe pas de contrat de courtage ecritentre [la demanderesse et la defenderesse] pour la location de bureauxconcernee.
S'il existe, le contrat de courtage entre [la demanderesse et ladefenderesse] est verbal.
7. Pour etre valable, le contrat de courtage immobilier doit etre conclupar une personne qui a acces à la profession d'agent immobilier. Cettepersonne doit etre inscrite au tableau tenu par l'Institut professionnel[des agents immobiliers] (ci-apres denommee `I.P.I.') et exercer enqualite d'independant, meme si elle travaille au sein d'une agenceimmobiliere telle que [la demanderesse].
8. [La demanderesse] expose, qu'en son sein, le dossier de la locationlitigieuse a ete traite par P. C. :
`Monsieur P. C. est precisement la personne qui a ete en contact avec [ladefenderesse] dans le cadre du dossier de l'immeuble Sapphire.
Il suffit d'ailleurs de se pencher sur l'echange de correspondanceintervenu entre parties pour constater que le signataire et destinataireessentiel de ces courriers est bien, au sein de la [demanderesse],Monsieur P. C.'.
9. Il est etabli que P. C. n'avait pas l'agreation I.P.I. au moment deson intervention dans ce dossier.
Toutes les correspondances citees par [la demanderesse] comme emanant deP. C., ont ete echangees entre le 21 fevrier 2002 et le
7 juin 2005.
P. C., qui a comparu à l'audience publique du 14 juin 2013, a declare àla cour [d'appel] avoir travaille comme employe pour [la demanderesse]jusqu'en 2008 (voir proces-verbal de l'audience du 14 juin 2013).
Ce n'est qu'à partir de 2008 qu'il a ete agree I.P.I. et est devenu`equity partner' (independant).
10. [La demanderesse] tente en vain de demontrer que le contrat decourtage litigieux - verbal, on l'a vu - se serait noue avant 2002, àl'intermediaire de messieurs E. P. et P. H. qui etaient agrees I.P.I.
Il resulte des pieces du dossier de [la demanderesse] que celle-ci a etemandatee par [la defenderesse], en avril 2001, pour la realisation d'uneetude en vue de la commercialisation de l'immeuble Sapphire.
Le projet de `convention co-agents location' du 28 juin 2001, etabli àl'intervention de messieurs P. et H., n'a toutefois pas abouti.
Il est, en tout cas, anterieur au contrat de courtage litigieux - [lademanderesse] admet dans ses ecrits de procedure avoir recherche unlocataire à partir du mois de fevrier 2002 - et a un tout autre objet.
11. Les lois qui, dans un but d'interet general, reglementent l'exerciced'une profession sont d'ordre public, ce qui n'est pas conteste par [lademanderesse].
A supposer qu'il existe, le contrat de courtage immobilier conclu entre[la defenderesse et la demanderesse], à l'intermediaire de P. C., qui nesatisfaisait pas aux conditions legales d'exercice de la professiond'agent immobilier, est nul de nullite absolue.
L'action judiciaire qui tend à obtenir une remuneration sur la base d'uncontrat de courtage frappe de nullite absolue n'est pas recevable àdefaut d'interet legitime (article 17 et 18 du Code judiciaire).
La cour d'appel reforme des lors le jugement du premier juge en ce qu'ildeclare l'action de [la demanderesse] à l'encontre [de la defenderesse]recevable ».
La cour d'appel a ensuite statue comme suit :
« Dit l'appel recevable et fonde ;
En consequence,
Met le jugement du premier juge à neant ;
Statuant à nouveau,
Declare l'action originaire de la [demanderesse] à l'encontre de la[defenderesse] irrecevable ;
Condamne la [demanderesse] aux depens, liquides dans le chef de la[defenderesse] à 2.500 euros (indemnite de procedure premiere instance),
186 euros (mise au role requete d'appel) et 2.500 euros (indemnite deprocedure d'appel) ;
Dit l'action en declaration d'arret commun recevable et fondee ;
En consequence,
Declare le present arret opposable [au defendeur] ;
Delaisse les depens de l'action en declaration d'arret commun à charge dela [demanderesse] ».
Griefs
L'article 3 de la loi-cadre du 1er mars 1976 reglementant la protection dutitre professionnel et l'exercice des professions intellectuellesprestataires de services dispose que :
« Nul ne peut exercer en qualite d'independant, à titre principal ouaccessoire, une profession reglementee en execution de la presente loi, ouen porter le titre professionnel, s'il n'est inscrit au tableau destitulaires de la profession ou sur la liste des stagiaires ou si, etantetabli à l'etranger, il n'a obtenu l'autorisation d'exerceroccasionnellement cette profession.
Lorsque la profession reglementee est exercee dans le cadre d'une personnemorale, l'alinea precedent est uniquement applicable à celui ou ceux deses administrateurs, gerants ou associes actifs qui exercentpersonnellement l'activite reglementee ou qui ont la direction effectivedes services ou elle est exercee. A defaut de ces personnes, l'obligationenoncee à l'alinea 1er s'applique à un administrateur ou à un gerant ouà un associe actif de la personne morale designe à cet effet.
Pour l'application de la presente loi, ces personnes sont presumees, demaniere irrefragable, exercer cette activite à titre independant.
Il ne faut pas satisfaire aux obligations decoulant de l'alinea 1er pourexercer la profession dans les liens d'un contrat de travail, mais lespersonnes qui beneficient de cette faculte ne sont pas autorisees àporter le titre professionnel ».
Avant son abrogation par l'article 8, S: 1er, de l'arrete royal du 30 aout2013 relatif à l'acces à la profession d'agent immobilier, qui est entreen vigueur le 1er septembre 2013, l'article 2, alinea 1er, de l'arreteroyal du
8 septembre 1993 protegeant le titre professionnel et l'exercice de laprofession d'agent immobilier prevoyait que :
« Nul ne peut exercer en qualite d'independant, à titre principal ouaccessoire, la profession d'agent immobilier, ou porter le titreprofessionnel d'àgent immobilier agree I.P.I.' ou d'àgent immobilierstagiaire', s'il n'est inscrit au tableau des titulaires de la professionou sur la liste des stagiaires tenus par l'Institut ou si, etant etabli àl'etranger, il n'a obtenu l'autorisation d'exercer occasionnellement cetteprofession ».
Avant son abrogation par la meme disposition reglementaire, l'article 3,1DEG, de cet arrete royal disposait que :
« Exerce l'activite professionnelle d'agent immobilier au sens du presentarrete celui qui, d'une maniere habituelle et à titre independant,realise pour le compte de tiers :
1DEG des activites d'intermediaire en vue de la vente, l'achat, l'echange,la location ou la cession de biens immobiliers, droits immobiliers oufonds de commerce ».
Il resulte de ces dispositions legales et reglementaires que :
- lorsque la profession d'agent immobilier est exercee par une societe, ilsuffit qu'un de ses dirigeants soit agree I.P.I. ;
- le contrat de courtage immobilier peut etre conclu et execute par cettesociete à l'intervention d'un de ses preposes qui n'a pas la qualited'agent immobilier agree I.P.I.
En l'espece, du seul fait que le contrat avait ete conclu par lademanderesse « à l'intermediaire de P. C., qui ne satisfaisait pas auxconditions legales d'exercice de la profession d'agent immobilier », lacour d'appel ne pouvait pas legalement deduire que ce contrat etait nul denullite absolue.
La cour d'appel a par consequent viole les dispositions legales etreglementaires visees au moyen.
III. La decision de la Cour
En vertu de l'article 3 de la loi-cadre du 1er mars 1976 reglementant laprotection du titre professionnel et l'exercice des professionsintellectuelles prestataires de services, nul ne peut exercer en qualited'independant, à titre principal ou accessoire, une professionreglementee en execution de la presente loi, ou porter le titreprofessionnel, s'il n'est inscrit au tableau des titulaires de laprofession ou sur la liste des stagiaires (alinea 1er ). Lorsque laprofession reglementee est exercee dans le cadre d'une societe, l'alineaprecedent est uniquement applicable à celui ou ceux de sesadministrateurs, gerants ou associes actifs qui exercent personnellementl'activite reglementee ou qui ont la direction effective des services ouelle est exercee. A defaut de ces personnes, l'obligation enoncee àl'alinea 1er s'applique à un administrateur ou à un gerant ou à unassocie actif de la societe designe à cet effet (alinea 2). Il ne fautpas satisfaire aux obligations decoulant de l'alinea 1er pour exercer laprofession dans les liens d'un contrat de travail, mais les personnes quibeneficient de cette faculte ne sont pas autorisees à porter le titreprofessionnel (alinea 4).
Suivant l'article 2, alinea 1er, de l'arrete royal du 6 septembre 1993protegeant le titre professionnel et l'exercice de la profession d'agentimmobilier, applicable au litige, nul ne peut exercer en qualited'independant, à titre principal ou accessoire, la profession d'agentimmobilier, ou porter le titre professionnel d'« agent immobilier agreeI.P.I. » ou d'« agent immobilier stagiaire », s'il n'est inscrit autableau des titulaires de la profession ou sur la liste des stagiairestenus par l'Institut professionnel des agents immobiliers.
Suivant l'article 3, 1DEG, applicable au litige, du meme arrete royal,exerce l'activite professionnelle d'agent immobilier au sens de cet arretecelui qui, d'une maniere habituelle et à titre independant, realise pourle compte de tiers des activites d'intermediaire en vue de la vente,l'achat, l'echange, la location ou la cession de biens immobiliers, droitsimmobiliers ou fonds de commerce.
Il resulte de ces dispositions qu'un contrat de courtage immobilier peutetre conclu à l'intervention d'un prepose d'une personne morale quiexerce la profession d'agent immobilier, pour autant que, soit, sesadministrateurs, gerants ou associes actifs, qui ont la directioneffective des services ou la profession reglementee est exercee, soit, unede ces personnes designee à cet effet, soient titulaires de l'agreationI.P.I.
L'arret attaque, qui considere qu'à supposer qu'il existe, le contrat decourtage immobilier entre la defenderesse et la demanderesse est « nul denullite absolue » au motif qu'il a ete conclu à l'intermediaire de P.C., un prepose de la demanderesse qui ne satisfait pas aux conditionslegales d'exercice de la profession d'agent immobilier, ne justifie paslegalement sa decision de declarer la demande originaire irrecevable.
Le moyen est fonde.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il rec,oit l'appel ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Liege.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillers DidierBatsele, Martine Regout, Michel Lemal et Marie-Claire Ernotte, et prononceen audience publique du vingt novembre deux mille quatorze par lepresident de section Albert Fettweis, en presence de l'avocat generalThierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | M.-Cl. Ernotte | M. Lemal |
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| M. Regout | D. Batsele | A. Fettweis |
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20 NOVEMBRE 2014 C.13.0599.F/1