Cour de cassation de Belgique
Arret
* NDEG P.13.1703.N
* I. W. A.,
* Me Luc Arnou, avocat au barreau de Bruges,
II. K. D.,
Me Dominique De Marez, avocat au barreau de Courtrai,
* III. J. W.,
* Me Johan Verbist, avocat à la Cour de cassation,
* prevenus,
demandeurs en cassation,
* * contre
ETAT BELGE, represente par le ministre de la Defense nationale,
partie civile,
defendeur.
I. la procedure devant la cour
IX. X. Les pourvois I et II sont diriges contre un arret rendu le 4 mars2013 par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
XI. Le pourvoi III est dirige contre un arret rendu le 23 septembre 2013par la cour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.
XII. Le demandeur I n'invoque aucun moyen.
XIII. Le demandeur III invoque trois moyens dans un memoire annexe aupresent arret.
XIV. Le demandeur I, se desiste sans acquiescements de son pourvoi, entant qu'il est dirige contre les decisions non definitives renduesau civil.
XV. Le demandeur II se desiste de son pourvoi.
XVI. Le demandeur III, se desiste sans acquiescement de son pourvoi, entant qu'il est dirige contre la decision qui le condamne au paiementau defendeur d'une provision et d'interets compensatoires, reservela cause en vue de l'examen ulterieur des interets civils et del'indemnite de procedure et remet la cause sine die.
XVII. Le president de section Luc Van hoogenbemt a fait rapport.
XVIII. L'avocat general Marc Timperman a conclu.
II. la decision de la cour
(...)
Sur le deuxieme moyen :
5. Le moyen invoque la violation des articles 193, 195, 196, 197 du Codepenal et 2 de l'arrete royal du 31 mai 1933 concernant les declarations àfaire en matiere de subventions et allocations : l'arret decide que lespieces mentionnees sous les preventions A et C, qui confondent prestationsde plongees fictives et reelles, sont fausses dans leur ensemble parcequ'elles n'ont pas ete etablies sur la base de prestations reelles deplongeurs hyperbaristes, mais uniquement sur la base de leurs presences etdisponibilites, et que ces pieces n'ont pas ete redigees dans le butqu'elles poursuivaient, à savoir la subvention de prestations effectivesde plongee ; il decide, par ailleurs, que l'usage de ces documents apermis au defendeur de percevoir indument des allocations de plongee ; ilressort de cette motivation que les pieces concernees mentionnaientegalement des prestations de plongee reelles pour lesquelles uneallocation de plongee a ainsi ete payee à bon droit, sauf que cesprestations ne sont plus identifiables et que le defendeur ne pouvait plusdeterminer sur la base de ces documents quelles prestations avaient ou nonete effectuees ; la faussete de ces pieces ne doit toutefois pass'apprecier sur la base de chaque piece dans son ensemble, mais sur labase des indications que chacune presente ; un meme ecrit qui a pour butde constater plusieurs faits juridiques, peut en effet comporter plusieursfaux à cote d'indications qui correspondent à la realite ; lacirconstance qu'une piece soutienne, à tort, pour une certaine personnequ'une certaine prestation a eu lieu ne signifie pas que l'indication dansla meme piece qu'une autre personne a effectue une prestation soitegalement erronee ; par consequent, les juges d'appel etaient tenus deverifier dans chaque piece quelles prestations avaient ou non ete fournieset ils ne pouvaient declarer fausses que les indications qui necorrespondaient pas à la realite, de sorte qu'ils ont declare fausses lespieces visees dans leur ensemble sans constater que toutes les indicationsetaient fausses.
6. L'infraction de faux en ecritures consiste en ce que, avec uneintention frauduleuse ou à dessein de nuire, la realite est dissimulee,d'une maniere determinee par la loi, dans un ecrit protege par la loi,alors qu'il peut en resulter un prejudice.
7. Un ecrit protege par la loi est un ecrit pouvant faire preuve dans unecertaine mesure, c'est-à-dire qui s'impose à la confiance publique, desorte que l'autorite ou les particuliers qui en prennent connaissance ouauxquels il est presente peuvent se convaincre de la realite de l'acte oudu fait juridique constate par cet ecrit ou sont en droit de lui accorderfoi.
8. Un ecrit peut etablir un ou plusieurs fait(s) juridiques. Le fait qu'unecrit comporte plusieurs indications, n'a pas toujours pour consequenceque plusieurs faits juridiques doivent egalement y etre consignes. Il esteffectivement possible que ces indications ne revelent dans leur ensemblequ'un seul fait juridique, dont le caractere faux s'etend à l'ensemble del'ecrit. Le juge se prononce de maniere souveraine à cet egard.
Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyenmanque en droit.
9. L'arret decide notamment que :
- en vertu de l'article 1er de l'arrete royal du 31 mai 1933, toutedeclaration faite à l'occasion d'une demande tendant à obtenir uneallocation qui est à charge de l'Etat, doit etre sincere et complete ;
- ainsi la demande « modele 6 », laquelle vise precisement à obtenirdes allocations de plongee, ne peut mentionner que les personnes qui onteffectivement plonge le jour concerne par le document, et nulle autrepersonne ;
- si tel n'est pas le cas, la demande n'est pas reputee sincere etcomplete et, par consequent, ne donne pas droit à la moindre allocation,ni totalement ni partiellement, et donc non plus aux personnes qui ontincidemment plonge ce jour ;
- si le defendeur avait su que la demande n'etait ni sincere ni complete,il n'aurait pas procede, sur la base de ce document, au paiement, memepartiel, d'une allocation de plongee ;
- les allocations de plongee obtenues sur la base de demandes qui ne sontni sinceres ni completes, selon l'article 1er, de l'arrete royal du 31 mai1933 ont, par consequent, ete indument perc,ues et peuvent ainsi donnerlieu à leur remboursement, ce qui est normal puisque le defendeur ne peutsavoir quelles prestations sont sinceres ou fictives ;
- il est question d'un `tout ou rien' et il ne suffit pas que le documentsoit un peu sincere : ou le document est sincere et complet et il y estdonne suite, ou il ne l'est pas et n'a aucune importance ;
- le fait que seraient mentionnees certaines personnes concernees ayantbien plonge aux dates indiquees ne change rien à la constatation que laliste a ete dressee sans que soit controle qui avait effectivementplonge ;
- la liste à considerer comme un ensemble est et reste fausse lorsqu'ellene correspond pas totalement à la realite ;
- les documents originaux qui revelent les prestations de plongeeeffectives n'ont pas ete classes et conserves, ce qui s'inscrit dans unepolitique deliberee de faire disparaitre tous les documents permettant demettre à jour la dissimulation de la verite.
10. Par ces motifs, l'arret decide que, si le but des pieces « modele6 » consiste à constater de maniere sincere et complete quellespersonnes ont effectue certains jours des prestations de plongee donnantdroit au paiement d'une allocation, les pieces visees aux preventions A etC n'ont pas ete etablies dans ce but, parce qu'elle ne visaient pas àconstater uniquement des prestations de plongee effectivement realisees etverifiables, mais à confondre celles-ci avec des prestations fictives quise fondaient sur des criteres non pertinents et ayant donne lieu à desallocations indues dans leur ensemble, quand bien meme certainesprestations mentionnees seraient dignes de foi, ce qui n'est plusverifiable.
11. L'arret qui decide ainsi que les pieces « modele 6 » avaientuniquement pour but de constater un seul fait juridique, à savoirl'indication sincere et complete des prestations de plongee qu'ellesmentionnaient, et que les pieces fausses qui ne comportaient ni nevisaient cette indication, n'ont pas repondu à cet objectif, justifielegalement la decision que ces pieces sont fausses dans leur ensemble.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
(...)
Par ces motifs,
* * La Cour
* Decrete les desistements ;
Rejette les pourvois I et III ;
Condamne les demandeurs aux frais de leur pourvoi.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Luc Van hoogenbemt, president de section, Geert Jocque, FilipVan Volsem, Peter Hoet et Antoine Lievens, conseillers, et prononce enaudience publique du dix-huit novembre deux mille quatorze par lepresident de section Luc Van hoogenbemt, en presence de l'avocat generalMarc Timperman, avec l'assistance du greffier Frank Adriaensen.
Traduction etablie sous le controle du president de section Frederic Closeet transcrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.
Le greffier, Le president de section,
18 NOVEMBRE 2014 P.13.1703.N/1