Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG C.13.0564.F
A. R.,
demanderesse en cassation,
representee par Maitre Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile,
contre
UNION EUROPEENNE, representee par la Commission europeenne, dont le siegeest etabli à Bruxelles, rue de la Loi, 200,
defenderesse en cassation,
representee par Maitre Michele Gregoire, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, rue de la Regence, 4, ou il estfait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 18 mars 2013par la cour d'appel de Bruxelles.
Le president de section Albert Fettweis a fait rapport.
L'avocat general Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
La demanderesse presente deux moyens, dont le second est libelle dans lestermes suivants :
Dispositions legales violees
- article 6, S: 1er, de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, signee à Rome le 4 novembre 1950,approuvee par la loi du 13 mai 1955 ;
- articles 31 à 45 de la Convention entre les Etats membres de laCommunaute economique europeenne concernant la competence judiciaire etl'execution des decisions en matiere civile et commerciale, signee àBruxelles le 27 septembre 1968 et approuvee par la loi du 13 janvier 1971;
- articles 1386, 1389, 1494, specialement alinea 1er, 1495, specialementalinea 1er, et 1539, specialement alinea 1er, du Code judiciaire ;
- articles 1319, 1320 et 1322 du Code civil ;
- pour autant que de besoin, articles 34 à 55, specialement 38 et 41, dureglement (CE) nDEG 44/2001 du Conseil du 22 decembre 2000 concernant lacompetence judiciaire, la reconnaissance et l'execution des decisions enmatiere civile et commerciale ;
- pour autant que de besoin, principe general du droit selon lequel unenorme de droit international conventionnel ayant des effets directs dansl'ordre juridique interne doit prevaloir sur le droit interne.
Decisions et motifs critiques
L'arret, par confirmation du jugement rendu en premiere instance,
« annule la saisie-arret execution du 10 mai 2007 faite entre les mainsde la Commission europeenne - service commun d'interpretation -conference - (et) en consequence declare mal fondee » la demandeprincipale originaire tendant à « faire declarer la defenderessedebitrice pure et simple d'une saisie-arret execution pratiquee entre sesmains le 10 mai 2007 » et deboute la demanderesse de cette demande.
Cette decision se fonde notamment sur les motifs suivants :
« 3. Quant à la validite de la saisie du 10 mai 2007 (...)
3.3. Le probleme de la validite de la saisie visee ne concerne pas lasignification du jugement allemand, ou plus precisement le fait qu'il n'apas ete signifie une nouvelle fois avec le jugement d'exequatur, commetente de le soutenir la (demanderesse). Il s'agit au contraire de verifiersi le jugement d'exequatur mentionne dans l'exploit de saisie du 10 mai2007 comme le titre executoire servant de fondement à la saisie constitue en effet à lui seul le titre executoire.
La cour [d'appel] constate que :
- le jugement rendu par le tribunal de Bonn en date du 29 mai 2001 a etesignifie au debiteur saisi avant le prononce du jugement d'exequatur etavant les mesures d'execution prises par la (demanderesse),
- l'exploit de saisie du 10 mai 2007 est base sur le jugement d'exequatur,le jugement du tribunal de Bonn n'etant pas mentionne en tant que titreservant de fondement à la saisie.
Contrairement à ce que pretend (la demanderesse), le jugement d'exequaturne se suffit pas à lui-meme en tant que titre executoire.
La doctrine et la jurisprudence auxquelles se refere la (demanderesse) neconduisent pas à une autre conclusion.
En effet, ce n'est pas parce que le titre obtenu à l'etranger doit etreintegre dans l'ordre juridique de l'Etat dans lequel le creancier veutexecuter que la decision d'exequatur qui confere au titre son caractereexecutoire et le met au meme niveau qu'un titre national deviendrait dece fait le titre executoire en lieu et place du jugement etranger accompagne du jugement d'exequatur.
Le fait que, comme le souleve à juste titre (la demanderesse), ce n'estpas le reglement nDEG 44/2001 du Conseil du 22 decembre 2000 concernantla competence judiciaire, la reconnaissance et l'execution des decisionsen matiere civile et commerciale qui est applicable ici mais laConvention de Bruxelles du 27 septembre 1968, ce qui ne fait d'ailleurspas l'objet de contestation entre les parties, ne change rien à ce quiprecede.
Il en est de meme pour la signification du titre allemand en Allemagne :la question n'est de savoir ni ou (en Belgique ou en Allemagne) lejugement au fond a ete signifie au debiteur saisi, ni si cettesignification a eu lieu separement ou en meme temps que le jugementd'exequatur, ni si le titre etranger est joint à l'acte de saisie ; il s'agit simplement du fait que l'exploit de saisie doit mentionnerimperativement le titre executoire qui fonde la saisie et que, dans cecas, ce titre est compose du jugement etranger accompagne du jugementd'exequatur.
En conclusion, le jugement d'exequatur ne suffit pas en tant que fondementde la saisie : le titre executoire est compose du jugement etrangercontenant la condamnation du debiteur envers son creancier assorti dujugement d'exequatur qui confere au jugement rendu par le juge etrangerson caractere executoire.
Quant à l'argument de (la demanderesse) suivant lequel, dans le caspresent, le jugement d'exequatur ne se borne pas à revetir del'exequatur la decision allemande mais constitue à lui seul un titreexecutoire dans la mesure ou il contient la condamnation inconditionnelledu debiteur saisi [...] ` à payer à (la demanderesse) une rentealimentaire de 4.329 deutsche marks par mois avant le troisieme jour de chaque mois et ce, à partir de mars 2000', la cour [d'appel] constateque, contrairement à ce que veut faire croire la (demanderesse) sur labase d'une citation partielle du jugement d'exequatur, ce dernier necontient pas de condamnation à payer.
En effet, le texte integral du jugement d'exequatur mentionne en termesclairs qu'il declare executoire en Belgique l'ordonnance rendue le 29 mai2001 par le tribunal cantonal de Bonn en tant que cette derniere decisioncondamne l'ex-epoux [de la demanderesse] à payer une rente alimentaire à(celle-ci).
Vu ce qui precede, l'appel est non fonde ».
Griefs
Premiere branche
I. L'article 1386 du Code judiciaire dispose que « nul jugement ni acte ne peuvent etre mis à execution que sur production de l'expedition ou dela minute revetue de la formule executoire determinee par le Roi ».
Aux termes de l'article 1389 du meme code, « à peine de nullite,l'exploit de saisie contient (...) :
1-o l'election de domicile du saisissant dans l'arrondissement ou siege lejuge qui doit le cas echeant connaitre de la saisie, à moins que lesaisissant y demeure ;
2DEG les nom, prenom et domicile du debiteur saisi ;
3DEG l'indication de la somme reclamee et du titre en vertu duquel lasaisie est faite ;
4DEG la description sommaire des biens saisis ».
L'article 1494, alinea 1er, du Code judiciaire precise qu'« il ne sera procede à aucune saisie-execution mobiliere ou immobiliere qu'en vertud'un titre executoire et pour choses liquides et certaines ».
Quant à l'article 1495, alinea 1er, du meme code, il dispose que « toutedecision qui prononce une condamnation ne peut etre executee qu'apresavoir ete signifiee à la partie ».
Aux termes de l'article 1539, alinea 1er, du Code judiciaire, specifiquement applicable à la saisie-arret execution, « le creanciernanti d'un titre executoire peut faire proceder par exploit d'huissier àune saisie-arret execution entre les mains d'un tiers sur les sommes eteffets que celui-ci doit à son debiteur ».
Il decoule de l'application combinee de ces dispositions que l'existence d'un titre executoire est une condition de mise en oeuvre de lasaisie-execution. L'execution n'est donc en principe subordonnee ni àune nouvelle action en justice ni à une decision du juge des saisies. Ilsuffit pour le creancier saisissant d'etre en possession d'un titreexecutoire et de le mettre en mouvement.
Le titre executoire peut consister, comme l'indique l'article 1386 du Code judiciaire, en un « jugement », à savoir en une decision dejustice portant condamnation à l'execution d'une obligation susceptibled'execution forcee.
Les demarches à accomplir par le creancier saisissant qui souhaite faire proceder à une saisie-arret execution en Belgique sont toutefoisdifferentes selon que le « jugement » sur lequel se fonde sa creance aete rendu par une juridiction belge ou etrangere.
Si la creance du saisissant se fonde sur un « jugement » rendu par une juridiction belge, passe en force de chose jugee et portant condamnationau paiement de choses liquides, certaines et exigibles, il lui suffira defaire signifier cette decision judiciaire au debiteur pour pouvoirvalablement recourir à la saisie-arret execution.
En revanche, si la creance du saisissant trouve son origine dans un « jugement » rendu par une juridiction etrangere, passe en force dechose jugee et portant condamnation au paiement de choses liquides,certaines et exigibles, la seule signification de cette decisionjudiciaire ne peut suffire à fonder valablement une saisie-arretexecution en Belgique.
Une demarche supplementaire est dans ce cas exigee du creancier saisissant afin de lui permettre de proceder à la saisie-arret executionen Belgique : il doit solliciter du juge belge la delivrance d'uneordonnance accordant l'exequatur du jugement etranger. La procedured'exequatur instaure un controle judiciaire prealable par le juge belgeà l'issue duquel la force executoire peut etre conferee sur le territoirenational au jugement etranger.
II. Dans les relations entre la Republique federale d'Allemagne et le royaume de Belgique, l'obligation d'obtenir, dans l'Etat requis, uneordonnance d'exequatur pour proceder à des mesures d'execution sur leterritoire de cet Etat etait regie, au jour ou fut rendu le jugement dutribunal cantonal de Bonn du 29 mai 2001 et ou fut prononcee l'ordonnanced'exequatur du 27 fevrier 2002, par la Convention entre les Etats membresde la Communaute economique europeenne concernant la competencejudiciaire et l'execution des decisions en matiere civile et commerciale, signee à Bruxelles le 27 septembre 1968.
Le reglement CE nDEG 44/2001 du Conseil du 22 decembre 2000 concernant lacompetence judiciaire, la reconnaissance et l'execution des decisions enmatiere civile et commerciale est entre en vigueur le 1er mars 2002, soit posterieurement au jugement du tribunal cantonal de Bonn et àl'ordonnance belge d'exequatur. C'est donc à la Convention de Bruxellesqu'il y a lieu de se referer en l'espece.
L'article 31 de la Convention de Bruxelles dispose que « les decisions rendues dans un Etat contractant et qui y sont executoires sont mises àexecution dans un autre Etat contractant apres y avoir ete revetues de laformule executoire sur requete de toute partie interessee ».
L'article 32 de la Convention de Bruxelles precise que, lorsque la Belgique est l'Etat requis, la requete en exequatur est presentee autribunal de premiere instance. L'article 33 se borne à indiquer que «les modalites du depot de la requete sont determinees par la loi del'Etat requis ». L'article 34 impose à la juridiction belge saisie dela requete en exequatur de statuer à bref delai et lui interdit dereviser au fond la decision etrangere. Les articles 35 à 45 organisentenfin les recours contre la decision du tribunal de premiere instancecharge de connaitre de la demande d'exequatur.
Si les dispositions precitees de la Convention de Bruxelles precisent la procedure qui doit etre suivie dans l'Etat requis en cas de requete enexequatur, aucune de ses dispositions n'indique en revanche de quoi secompose le titre executoire pouvant valablement fonder les mesuresd'execution accomplies dans l'Etat requis, une fois que l'exequatur a eteobtenu. Il est renvoye sur ce point au droit national de l'Etat requis.
III. Il decoule de l'application combinee des dispositions precitees du Code judiciaire et de la Convention de Bruxelles, et, plus precisement, deson article 31, qu'une decision rendue par une juridiction allemande nepeut etre executee en Belgique - et, notamment, servir de fondement àune saisie-arret execution - que moyennant exequatur accorde par letribunal de premiere instance. L'ordonnance d'exequatur constitue alorsun titre constitutif, et pas uniquement declaratif, de la force executoire telle qu'elle est prevue par l'Etat requis, de sorte que cetteordonnance, pour autant qu'elle soit signifiee au tiers saisi, constitueun titre executoire complet, qui se suffit à lui-meme. L'ordonnanced'exequatur, par son caractere constitutif de force executoire, sesubstitue au jugement etranger exequature et repond des lors aux conditions requises pour qu'un « jugement », au sens de l'article 1386du Code judiciaire, puisse fonder valablement une mesure d'execution. Enraison de son caractere constitutif de force decisoire, l'ordonnanced'exequatur constitue un titre au sens des articles 1389, 1494, alinea1er, et 1539, alinea 1er, du Code judiciaire.
Par consequent, lorsque le creancier saisissant entend poursuivre l'execution forcee en Belgique d'une condamnation pecuniaire prononcee parun tribunal allemand, c'est l'ordonnance d'exequatur de ce jugementetranger qui constitue, à elle seule, le titre executoire requis pourpratiquer la saisie-arret execution en Belgique.
Des lors, en decidant que « le jugement d'exequatur ne suffit pas en tant que fondement de la saisie : le titre executoire est compose dujugement etranger contenant la condamnation du debiteur envers soncreancier assorti du jugement d'exequatur qui confere au jugement rendupar le juge etranger son caractere executoire », l'arret meconnait lesarticles 31 à 45 de la Convention entre les Etats membres de laCommunaute economique europeenne concernant la competence judiciaire etl'execution des decisions en matiere civile et commerciale, signee àBruxelles le 27 septembre 1968 et approuvee par la loi du 13 janvier 1971,ainsi que les articles 1386, 1389, 1494, specialement alinea 1er, 1495,specialement alinea 1er, et 1539, specialement alinea 1er, du Codejudiciaire (violation des articles 31 à 45 de la convention precitee etdes articles precites du Code judiciaire et, pour autant que de besoin,du principe general du droit vise en tete du moyen).
Deuxieme branche
I. L'article 1389 du Code judiciaire dispose que l'exploit de saisie doit contenir, « à peine de nullite (...), l'indication de la somme reclameeet du titre en vertu duquel la saisie est faite ». Cet article n'imposeaucune forme sacramentelle, pour autant que l'indication du titre envertu duquel la saisie est faite soit claire et depourvue d'equivoque.
II. L'exploit de saisie du 10 mai 2007, produit par la demanderesse devant la cour d'appel, est libelle comme suit : « Saisie-arretexecution. L'an deux mille sept, le 10 mai, à la requete de [lademanderesse], en vertu d'une ordonnance rendue sur requete à charge [del'ex-conjoint de celle-ci] (...) par le tribunal de premiere instance deBruxelles en date du 27 fevrier 2002, laquelle declare executoire enBelgique l'ordonnance rendue le 29 mai 2001 par le tribunal cantonal deBonn (Allemagne), dont une copie de l'expedition en forme executoire aete signifiee à la partie saisie prequalifiee par D. L., huissier dejustice etabli à ..., en date du 15 avril 2002, et dont une nouvelle copie se signifie avec la copie des presentes, je soussigne, P. G.,suppleant de W. C., huissier de justice (...), ai signifie et declare àla Commission europeenne (...) que, pour la partie requerante, jepratique à l'instant saisie-arret execution entre les mains des partiessignifiees sur tous deniers et sommes, salaires, allocations et objetsquelconques que celles-ci doivent ou devront à [l'ex-conjoint de lademanderesse], prequalifie, et, notamment, sur son salaire et son fondsde pension et ce, afin d'obtenir le paiement des montants ci-apres repris[...]».
III. Le motif que « l'exploit de saisie du 10 mai 2007 est base sur le jugement d'exequatur, le jugement du tribunal de Bonn n'etant pasmentionne en tant que titre servant de fondement à la saisie » peutsignifier :
- soit que l'exploit de saisie du 10 mai 2007 ne contient pas la mention « en vertu d'une ordonnance (...), laquelle declare executoire enBelgique l'ordonnance rendue le 29 mai 2001 par le tribunal cantonal deBonn (Allemagne) » (premiere interpretation) ;
- soit que l'arret estime que l'article 1389 du Code judiciaire impose àl'huissier instrumentant de respecter une formule sacramentelle etd'ecrire les mots dans un certain ordre, de sorte que l'exploit de saisieest nul s'il contient l'indication « en vertu d'une ordonnance rendue(...) par le tribunal de premiere instance de Bruxelles, en date du 27fevrier 2002, laquelle declare executoire en Belgique l'ordonnance renduele 29 mai 2001 par le tribunal cantonal de Bonn » et est valable s'ilcontient l'indication « en vertu d'une ordonnance rendue le 29 mai 2001par le tribunal cantonal de Bonn, laquelle a ete rendue executoire enBelgique par une ordonnance rendue le 27 fevrier 2002 par le tribunal depremiere instance de Bruxelles » (seconde interpretation).
Si l'arret doit se comprendre selon la premiere interpretation, il violela foi due à la piece 7 du dossier produit par la demanderesse devant lacour d'appel (la copie de l'exploit de saisie-arret execution du 10 mai2007), en faisant abstraction de la mention « laquelle declareexecutoire en Belgique l'ordonnance rendue le 29 mai 2001 par le tribunalcantonal de Bonn (Allemagne) » que contient cette piece (violation desarticles 1319, 1320 et 1322 du Code civil).
Si l'arret doit se comprendre selon la seconde interpretation, il violel'article 1389 du Code judiciaire, lequel dispose que l'exploit de saisiedoit contenir « l'indication (...) du titre en vertu duquel la saisieest faite » mais n'impose ni que cette indication respecte une formulesacramentelle ni que les mots soient enonces dans un certain ordre(violation de l'article 1389 du Code judiciaire et, pour autant que debesoin, de toutes les dispositions du Code judiciaire visees en tete dumoyen).
A titre subsidiaire, à supposer qu'il se deduise de l'article 1389 duCode judiciaire que l'exploit de saisie est nul s'il contientl'indication « en vertu d'une ordonnance rendue (...) par le tribunal depremiere instance de Bruxelles, en date du 27 fevrier 2002, laquelledeclare executoire en Belgique l'ordonnance rendue le 29 mai 2001 par letribunal cantonal de Bonn » et est valable s'il contient l'indication «en vertu d'une ordonnance rendue le 29 mai 2001 par le tribunal cantonalde Bonn, laquelle a ete rendue executoire en Belgique par une ordonnancerendue le 27 fevrier 2002 par le tribunal de premiere instance deBruxelles », ledit article 1389 meconnait le caractere equitable de laprocedure, en subordonnant la validite d'un acte de saisie à un formalisme vide de sens, depourvu de toute justification objective etraisonnable.
Dans la seconde interpretation, l'arret applique des lors illegalement une regle de droit interne (soit l'article 1389 precite du Codejudiciaire) meconnaissant le caractere equitable de la procedure, garantipar l'article 6, S: 1er, de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales (violation de l'article 6, S: 1er,de la convention internationale visee en tete du moyen et, pour autantque de besoin, du principe general du droit vise en tete du moyen).
Au surplus, les dispositions pertinentes de la Convention de Bruxelles nepeuvent etre interpretees en ce sens que, lorsqu'une decision de justice aete rendue dans un Etat contractant et y est executoire, sa mise àexecution forcee dans un autre Etat contractant soit soumise à unformalisme vide de sens, depourvu de toutes justification objective etraisonnable. Les dispositions pertinentes du reglement (CE) nDEG 44/2001du Conseil du 22 decembre 2000 et, en particulier, les articles 38 et 41,qui disposent que la decision rendue dans un Etat membre et qui y estexecutoire est mise à execution dans un autre Etat membre « sans examenau titre des articles 34 et 35 », des l'achevement des formalitesprevues à l'article 53, ne peuvent davantage etre interpretees en cesens que la mise à execution dans un Etat membre d'une decision dejustice rendue dans un autre Etat membre puisse etre soumise à un formalisme vide de sens, depourvu de toute justification objective etraisonnable.
Ces dispositions sont en consequence violees si une disposition de la loi interne de l'Etat requis a pour consequence qu'une mesure d'executionforcee est nulle si l'acte d'execution contient la mention « en vertud'une ordonnance rendue par tel tribunal de l'Etat requis, laquelledeclare executoire l'ordonnance rendue par tel tribunal de l'Etatd'origine » et est valable si l'acte d'execution contient la mention «en vertu d'une ordonnance rendue par tel tribunal de l'Etat d'origine,laquelle a ete rendue executoire dans l'Etat requis par une ordonnancerendue par tel tribunal de cet Etat requis ».
Dans la seconde interpretation, l'arret applique des lors illegalement une regle de droit interne (soit l'article 1389 precite du Codejudiciaire) contraire aux dispositions de droit europeen ayant pourobjectif de favoriser l'execution dans un Etat membre d'un jugement rendudans un autre Etat membre (violations des articles 31 à 45 de laConvention de Bruxelles, visee en tete du moyen et, pour autant que de besoin, des articles 34 à 55, en particulier 38 et 41, du reglement viseen tete du moyen et du principe general du droit selon lequel une normede droit international conventionnel ayant des effets directs dansl'ordre juridique interne doit prevaloir sur le droit interne).
Troisieme branche
L'ordonnance d'exequatur rendue le 27 fevrier 2002 par le tribunal de premiere instance de Bruxelles est libellee comme suit :
« Ordonnance
En cause de [la demanderesse]
Vu la requete ci-annexee, deposee au greffe du tribunal le 16 janvier 2002(par la demanderesse) ainsi que les pieces jointes (...) ;
Attendu que la demande tend à entendre accorder l'exequatur du jugementdu 29 mai 2001 rendu par le tribunal cantonal de Bonn (Allemagne) ;
Que les documents produits etablissent le bien-fonde de la demande d'exequatur par application de la Convention de Bruxelles du 27 septembre1968, ratifiee par la loi du 13 janvier 1971 ;
Par ces motifs,
Le tribunal (...) declare la demande recevable et fondee ;
En consequence, declare executoire en Belgique l'ordonnance rendue le 29mai 2001 par le tribunal cantonal de Bonn (Allemagne) en tant qu'ellecondamne [l'ex-epoux de la demanderesse] à payer à (celle-ci), residantà [...], une rente alimentaire de 4.329 deutsche marks par mois, avantle troisieme jour de chaque mois, et ce, à partir du mois de mars 2000 ;
Dit que la somme libellee en deutsche mark sera convertie en euros aumoment du paiement ».
Si l'ordonnance belge du 27 fevrier 2002 ne condamne pas [l'ex-conjoint dela demanderesse] à payer une pension alimentaire à celle-ci, elle ne seborne pas pour autant à revetir de l'exequatur le jugement du tribunalcantonal de Bonn sans preciser les termes de ce jugement. L'ordonnanced'exequatur indique au contraire que le jugement allemand a condamne [ledebiteur] au paiement d'une pension alimentaire de 4.329 deutsche markspar mois au profit de la demanderesse avant le troisieme jour de chaquemois et ce, à partir du mois de mars 2000.
L'arret constate sur ce point que « le texte integral du jugement d'exequatur mentionne en termes clairs qu'il declare executoire enBelgique l'ordonnance rendue le 29 mai 2001 par le tribunal cantonal deBonn en tant que cette derniere decision condamne l'ex-epoux [de lademanderesse] à payer une rente alimentaire à (celle-ci) ».
Il ressort ainsi des constatations de l'arret qu'en declarant effectuersaisie-arret execution entre les mains de la defenderesse « en vertud'une ordonnance rendue sur requete à charge du (debiteur saisi) par letribunal de premiere instance de Bruxelles en date du 27 fevrier 2002,laquelle declare executoire en Belgique l'ordonnance rendue le 29 mai2001 par le tribunal cantonal de Bonn (Allemagne), dont une copie del'expedition en forme executoire a ete signifiee à la partie saisieprequalifiee par (...) huissier de justice (...) en date du 15 avril 2002et dont une nouvelle copie se signifie avec la copie des presentes »,l'exploit de saisie du 10 mai 2007 permettait à la partie tierce saisie,de meme qu'au debiteur saisi à qui l'exploit de saisie a ete denonceconformement à l'article 1539, dernier alinea, du Code judiciaire, deconnaitre avec certitude 1DEG le montant de la condamnation prononcee à charge du debiteur saisi, 2DEG le jugement etranger ayant prononce cettecondamnation, soit l'ordonnance du tribunal cantonal de Bonn du 29 mai2001, et
3DEG l'ordonnance ayant donne force executoire en Belgique à ce jugementetranger, soit l'ordonnance rendue par le tribunal de premiere instancede Bruxelles le 27 fevrier 2002.
Des lors, en decidant que les mentions de l'exploit de saisie du 10 mai 2007, visant notamment l'ordonnance d'exequatur * laquelle enonce quel'ordonnance du tribunal cantonal de Bonn du 29 mai 2001 a condamne ledebiteur saisi au paiement d'une pension alimentaire mensuelle de telmontant, payable tel jour du mois *, ne respectent pas la regle imposeepar l'article 1389 du Code judiciaire selon laquelle l'exploit de saisiedoit contenir l'indication « du titre en vertu duquel la saisie estfaite », l'arret viole l'article 1389 du Code judiciaire, en deduisant decette disposition legale un formalisme qu'elle n'impose pas (violation del'article 1389 du Code judiciaire et, pour autant que de besoin,violation de toutes les dispositions du Code judiciaire visees en tete dumoyen).
A titre subsidiaire, à supposer qu'il se deduise de l'article 1389 duCode judiciaire que l'exploit de saisie est nul lorsqu'il vise unjugement d'exequatur reproduisant textuellement et de maniere precise,dans son dispositif, le montant de la condamnation prononcee par le jugeetranger, mais que l'exploit n'enonce pas en toutes lettres que la saisieest pratiquee « en vertu » de ce jugement etranger, ledit article 1389meconnait le caractere equitable de la procedure, en subordonnant la validite d'un acte de saisie à un formalisme vide de sens, depourvu detoute justification objective et raisonnable.
En appliquant l'article 1389 ainsi interprete, l'arret applique des lors illegalement une regle de procedure interne meconnaissant le caractere equitable de la procedure, garanti par l'article 6, S: 1er, de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales (violation de l'article 6, S: 1er, de la conventioninternationale visee en tete du moyen et, pour autant que de besoin, duprincipe general du droit vise en tete du moyen).
En appliquant l'article 1389 ainsi interprete, l'arret applique en outre illegalement une regle de droit interne contraire aux dispositions dedroit europeen ayant pour objectif de favoriser l'execution dans un Etatmembre d'un jugement rendu dans un autre Etat membre (violations desarticles 31 à 45 de la Convention de Bruxelles visee en tete du moyenet, pour autant que de besoin, des articles 34 à 55, en particulier 38et 41, du reglement vise en tete du moyen et du principe general du droitselon lequel une norme de droit international conventionnel ayant deseffets directs dans l'ordre juridique interne doit prevaloir sur le droitinterne).
III. La decision de la Cour
Sur le second moyen :
Quant à la deuxieme branche :
Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen, en cette branche, par ladefenderesse et deduite de ce qu'il est denue d'interet :
La defenderesse fait valoir que la decision de l'arret que l'appel n'estpas fonde, critiquee par le moyen, en cette branche, est, sur la base desconstatations de fait que comporte l'arret, legalement justifiee par lemotif de droit, qu'elle propose de substituer au motif de droit critiquepar le moyen, en cette branche, que le titre executoire relatif à unepension alimentaire accordee au conjoint ne produit plus aucun effet àdater de la transcription du divorce intervenue avant l'introduction del'instance.
Des lors que l'arret ne constate pas à quelle date est intervenue latranscription du divorce, la fin de non-recevoir, qui obligerait la Courà proceder à un examen des faits pour lequel elle est sans pouvoir, nepeut etre accueillie.
Sur le fondement du moyen, en cette branche :
En vertu de l'article 1389, 3DEG, du Code judiciaire, l'exploit de saisiecontient, à peine de nullite, l'indication de la somme reclamee et dutitre en vertu duquel la saisie est faite.
Cette disposition ne soumet cette indication à aucune forme particuliere.Il suffit qu'elle permette au debiteur et au tiers saisi d'identifier aveccertitude le titre sur lequel se fonde la saisie.
L'exploit de saisie-arret execution du 10 mai 2007 est signifie « à larequete de [la demanderesse], en vertu d'une ordonnance rendue [...] parle tribunal de premiere instance à Bruxelles en date du 27 fevrier 2002,laquelle declare executoire en Belgique l'ordonnance rendue le 29 mai 2001par le tribunal cantonal de Bonn (Allemagne) [...] dont une nouvelle copiese signifie avec la copie des presentes ».
Apres avoir enonce que « l'exploit de saisie doit mentionnerimperativement le titre executoire qui fonde la saisie et que dans ce casle titre est compose du jugement etranger accompagne du jugementd'exequatur », l'arret considere que « l'exploit de saisie du 10 mai2007 est base sur le jugement d'exequatur » et ne se fonde pas sur lejugement du tribunal cantonal de Bonn au motif que celui-ci « n'[est] pasmentionne en tant que titre servant de fondement à la saisie ».
Par ces enonciations, d'ou il resulte que, aux yeux de la cour d'appel,l'indication du titre ne peut resulter que de la mention formelle que lasaisie est faite en vertu de ce titre, l'arret, qui en deduit que seulel'ordonnance d'exequatur est mentionnee comme fondement de la saisie,viole l'article 1389, 3DEG, du Code judiciaire.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fonde.
Sur les autres griefs :
Il n'y a lieu d'examiner ni le premier moyen ni les autres branches dusecond moyen, qui ne sauraient entrainer une cassation plus etendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il statue sur l'appel incident etla demande nouvelle de la defenderesse ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Liege.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, president, lepresident de section Albert Fettweis, les conseillers Michel Lemal,Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononce en audience publique dusix novembre deux mille quatorze par le president de section ChristianStorck, en presence de l'avocat general Thierry Werquin, avec l'assistancedu greffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
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| M. Lemal | A. Fettweis | Chr. Storck |
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6 NOVEMBRE 2014 C.13.0564.F/8