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30/10/2014 | BELGIQUE | N°F.13.0036.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 30 octobre 2014, F.13.0036.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.13.0036.F

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12, en la personne du directeurregional des contributions directes à Charleroi, dont les bureaux sontetablis à Charleroi, place Albert Ier, 4,

demandeur en cassation,

contre

1. R. B. et

2. N. G.,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest f

ait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre les a...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG F.13.0036.F

ETAT BELGE, represente par le ministre des Finances, dont le cabinet estetabli à Bruxelles, rue de la Loi, 12, en la personne du directeurregional des contributions directes à Charleroi, dont les bureaux sontetablis à Charleroi, place Albert Ier, 4,

demandeur en cassation,

contre

1. R. B. et

2. N. G.,

defendeurs en cassation,

representes par Maitre John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Bruxelles, boulevard de l'Empereur, 3, ou ilest fait election de domicile.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre les arrets rendus les 9 fevrieret 21 juin 2012 par la cour d'appel de Mons.

Le president de section Christian Storck a fait rapport.

L'avocat general Andre Henkes a conclu.

II. Le moyen de cassation

Le demandeur presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- articles 6, 23, 34, S: 1er, 1DEG, et 39, S: 1er, du Code des impots surles revenus 1992, tels qu'il etaient applicables pour les exercicesd'imposition 2005 et 2006 ;

- article 870 du Code judiciaire ;

- article 1315 du Code civil ;

- articles 31 et 37 des lois coordonnees relatives à la reparation desdommages resultant des maladies professionnelles, ce dernier article telqu'il existait avant sa modification par l'article 30 de la loi du 13juillet 2006 portant des dispositions diverses en matiere de maladiesprofessionnelles et d'accidents du travail et en matiere de reinsertionsociale.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate, dans l'arret du 9 fevrier 2012, que, « pour lesexercices d'imposition 2005 et 2006, [les defendeurs] ont complete unedeclaration à l'impot des personnes physiques en ne declarant pasl'allocation du Fonds des maladies professionnelles », que « [ledefendeur] soutient que le Fonds des maladies professionnelles a reconnu son inaptitude medicale permanente en ce qui concerne l'exercice de laprofession qu'il effectuait pour la societe anonyme ACS Plastiques industriels, ce qui a entraine son licenciement nonobstant le fait qu'iletait toujours disponible sur le marche de l'emploi », qu'« il maintient que, sur l'accord pris avec le Fonds des maladiesprofessionnelles de s'abstenir de toutes occupations professionnellesl'exposant au risque d'asthme cause par les composes du cyanogene, leFonds a pris la decision de lui octroyer une indemnite sous forme de renteen sus de ses allocations de chomage ; que cette rente n'est cependantpas, selon les [defendeurs], allouee en reparation d'une perte de revenus», que « la decision du Fonds des maladies professionnelles [...], d'une part, mentionne la reconnaissance d'une incapacite permanente detravail resultant de l'ecartement [du defendeur] d'un milieu nocif detravail evalue à 5 p.c. et, d'autre part, fait etat d'une decision du 14 juin 1994 qui a reconnu une incapacite permanente de travail [dudefendeur] evaluee à 54 p.c. » et, dans l'arret du 21 juin 2012, qu'« il ressort des explications fournies que [le defendeur] s'est vureconnaitre un taux d'incapacite de travail de 59 p.c. se decomposant en,d'une part, un taux de 5 p.c. resultant de son ecartement du milieu nocifde travail à partir du 8 fevrier 1994 et, d'autre part, un taux de

54 p.c. à partir du 20 janvier 1994 donnant lieu à une indemniteannuelle de 488.986 francs »,

la cour d'appel a considere

« Qu'il ne faut pas confondre le role du Fonds des maladiesprofessionnelles lorsqu'il indemnise les dommages resultant d'une maladieprofessionnelle et sa mission de prevention qui peut amener à unecartement temporaire ou definitif d'un travailleur d'une activite quil'exposerait au risque d'une maladie professionnelle ;

Que cette cessation constitue un dommage reparable independamment del'indemnisation à laquelle peut donner lieu la reconnaissance d'uneincapacite de travail ;

Que, dans cette hypothese, il n'y a pas à proprement parler d'incapaciteeffective d'exercer mais une `incapacite virtuelle du fait d'uneatteinte, voire d'une menace de maladie en raison de predispositions dela victime ou de l'apparition des premiers symptomes' ;

Qu'en l'espece, il apparait que, de commun accord avec le Fonds desmaladies professionnelles, [le defendeur] a accepte de s'abstenirdefinitivement de toute activite professionnelle qui l'exposerait aurisque d'asthme cause par les composants du cyanogene ;

Que la fiche 281.16 delivree par le Fonds des maladies professionnellesindique [...] de maniere expresse que la maladie professionnellen'implique pas necessairement une perte de revenus puisqu'il est preciseque, `dans la mesure ou vous n'avez pas subi de perte de revenus suite à votre maladie professionnelle, vous ne devez pas mentionner les indemnitesqui figurent au regard des lettres Ab et Cb de cette fiche dans votredeclaration mais, par contre, vous devez mentionner le precompteprofessionnel qui est repris au regard de la lettre d'identification Za' ;

Que le licenciement pour inaptitude au travail vu le risque auquel etaitexpose [le defendeur] et la perte de revenus qui s'ensuivit logiquementsont independants de l'appreciation de la nature de l'indemnitelitigieuse ; que celle-ci compense en effet l'engagement [du defendeur] dene plus s'exposer à certains risques »,

et a decide en consequence que « force est de constater que [ledemandeur] reste en defaut d'apporter la preuve qui lui incombe ducaractere imposable de l'indemnite litigieuse », que « la demande estpar consequent fondee » et qu'il y a lieu d '« ordonner le degrevementdes cotisations à l'impot des personnes physiques etablies à charge[des defendeurs] pour les exercices d'imposition 2005 et 2006 sous lesarticles de role 776703913 et 776736428 ».

Griefs

En vertu de l'article 6 du Code des impots sur les revenus 1992, « lerevenu imposable est constitue des revenus professionnels (nets) »,etant entendu qu'aux termes des articles 23 et 34, S: 1er, 1DEG, du memecode, les revenus professionnels sont les pensions, rentes et allocationsen tenant lieu, qui comprennent, quels qu'en soit le debiteur, lebeneficiaire, la qualification et les modalites de determination etd'octroi, les pensions et les rentes viageres ou temporaires, ainsi queles allocations en tenant lieu, qui se rattachent directement ouindirectement à une activite professionnelle.

L'article 39, S: 1er, du Code des impots sur les revenus 1992 precise,quant à lui, que :

« Les pensions, les rentes viageres ou temporaires et les allocations entenant lieu visees à l'article 34, S: 1er, 1DEG, qui sont attribuees encas d'incapacite permanente en application de la legislation sur lesaccidents du travail ou les maladies professionnelles sont exonerees dansla mesure ou elles ne constituent pas la reparation d'une pertepermanente de benefices, de remunerations ou de profits.

Ne sont notamment pas censees constituer la reparation d'une telle perte,les pensions, rentes ou allocations en tenant lieu visees à l'alineaprecedent qui sont octroyees soit en raison d'un accident du travail oud'une maladie professionnelle ayant entraine un degre d'invaliditen'excedant pas

20 p.c., soit en complement à une pension de retraite ou de survie.

Dans les cas qui ne sont pas vises à l'alinea 2, les pensions, rentes etallocations en tenant lieu, visees à l'alinea 1er, ne sont pas, saufpreuve contraire, censees constituer la reparation d'une perte permanentede benefices, de remunerations ou de profits, jusqu'à concurrence de laquotite qui correspond à l'indemnite totale multipliee par une fractiondont le numerateur est egal à 20 p.c. et le denominateur au degred'invalidite exprime en pour cent ».

Il resulte de l'economie de l'ensemble de ces dispositions que lesindemnites attribuees en cas d'incapacite permanente en application de lalegislation sur les maladies professionnelles sont imposables en principemais que le contribuable peut obtenir leur exoneration dans la mesure ou elles ne constituent pas la reparation d'une perte permanente de revenusimposables, l'interesse disposant notamment à cet effet, soit d'unepresomption legale suivant laquelle l'allocation qu'il obtient en raisond'une maladie professionnelle ayant entraine une invalidite n'excedant pas20 p.c. est reputee ne pas constituer la reparation d'une pertepermanente de revenus professionnels, soit d'une presomption legalesuivant laquelle l'allocation qu'il obtient en raison d'une maladie professionnelle ayant entraine une invalidite superieure à 20 p.c. estreputee ne pas constituer la reparation d'une perte permanente de revenusprofessionnels jusqu'à concurrence de la quotite qui correspond àl'indemnite totale multipliee par une fraction dont le numerateur est egalà 20 p.c. et le denominateur au degre d'invalidite exprime en pour cent.Si le contribuable entend obtenir une exoneration superieure à celle quiresulte de la presomption legale dont il peut se prevaloir, c'est à luiqu'il revient d'etablir que la quotite supplementaire de l'indemnite neconstitue pas la reparation d'une perte permanente de revenusprofessionnels, conformement à l'article 870 du Code judiciaire, suivantlequel chacune des parties a la charge de prouver les faits qu'elleallegue, ainsi qu'à l'article 1315 du Code civil, suivant lequel celuiqui reclame l'execution d'une obligation doit la prouver.

A cet egard, si la fiche 281.16 delivree par le Fonds des maladiesprofessionnelles precise que, « dans la mesure ou vous n'avez pas subide perte de revenus suite à votre maladie professionnelle, vous ne devezpas mentionner les indemnites qui figurent au regard des lettres Ab et Cbde cette fiche dans votre declaration », elle se borne en realite àparaphraser l'article 39, S: 1er, 1DEG, precite, sans pour autant altererla devolution de la charge de la preuve relative à l'exoneration del'indemnite ni l'exigence d'une telle preuve à fournir par lecontribuable.

De ce qui precede, il resulte que l'arret n'a pu decider, sans violer lesarticles 6, 23, 34, S: 1er, 1DEG, et 39 S: 1er, du Code des impots surles revenus 1992, ainsi que la devolution legale de la charge de la preuvetelle qu'elle resulte des articles 870 du Code judiciaire et 1315 du Codecivil, que « force est de constater que [le demandeur] reste en defautd'apporter la preuve qui lui incombe du caractere imposable del'indemnite litigieuse ».

Par ailleurs, s'il est vrai qu'il resulte de l'article 31, alinea 1er, deslois coordonnees relatives à la reparation des dommages resultant desmaladies professionnelles que, parmi les differents dommages qui donnentlieu à reparation, figure, outre l'incapacite temporaire ou permanente detravail, « la cessation temporaire ou definitive de l'activiteprofessionnelle dans les conditions fixees à l'article 37 », force estde constater, d'une part, que ledit article 37 ne prevoit pas l'allocationd'une veritable indemnite d'incapacite permanente totale de travail maisbien une « allocation forfaitaire equivalente aux indemnitesd'incapacite permanente totale de travail » et, d'autre part, que cetteallocation forfaitaire equivalente est octroyee, en vertu dudit article37, pour la periode de nonante jours qui suit le jour de la cessationeffective, eventuellement prolongee de la duree de la readaptationprofessionnelle suivie à charge du Fonds des maladies professionnelles.

Des lors qu'il resulte des constatations des arrets attaques des 9 fevrieret 21 juin 2012, d'une part, que c'est en 1994 que le defendeur a acceptede s'abstenir definitivement de toute activite professionnelle quil'exposerait au risque d'asthme cause par les composants du cyanogene etqu'il a ainsi obtenu du chef de son ecartement d'un milieu nocif uneindemnite calculee sur la base d'un taux d'incapacite de travail de 5p.c., d'autre part, qu'il s'est vu reconnaitre dans le courant de cettememe annee 1994 une incapacite permanente de travail de 54 p.c. donnantlieu à une indemnite annuelle de 488.986 francs, les indemnites litigieuses perc,ues dans le courant des annees 2004 et 2005 ne peuventmanifestement avoir ete perc,ues par l'interesse en application del'article 37 des lois coordonnees relatives à la reparation des dommagesresultant des maladies professionnelles, de sorte que l'arret decide illegalement, en violation des articles 31 et 37 des lois coordonneesrelatives à la reparation des dommages resultant des maladiesprofessionnelles, que les indemnites litigieuses « compense[nt] l'engagement [du defendeur] de ne plus s'exposer à certains risques ».

Il s'ensuit que, par les motifs qu'elle enonce, la cour d'appel n'a paslegalement justifie sa decision que « la demande est par consequentfondee » et qu'il convient d'« ordonner le degrevement des cotisationsà l'impot des personnes physiques etablies à charge [des defendeurs]pour les exercices d'imposition 2005 et 2006 sous les articles de role776703913 et 776736428 » mais a au contraire viole les dispositionslegales visees au moyen.

III. La decision de la Cour

Sur la fin de non-recevoir opposee au pourvoi par les defendeurs en tantqu'il est dirige contre l'arret du 9 fevrier 2012 et deduite de ce que ledemandeur ne critique pas cet arret :

L'unique moyen presente à l'appui du pourvoi ne critique pas l'arretattaque du 9 fevrier 2012.

La fin de non-recevoir est fondee.

Sur le surplus du pourvoi :

Sur la fin de non-recevoir opposee au moyen par les defendeurs et deduitedu defaut d'interet :

Le motif de l'arret attaque du 21 juin 2012 relatif à la charge de lapreuve du caractere imposable des indemnites litigieuses, que critique lemoyen, ne peut etre dissocie de ceux par lesquels cet arret examine si cesindemnites reparent une perte permanente de remunerations, qui neconstituent pas, des lors, un fondement distinct et suffisant de sadecision.

Il n'est pour le surplus pas au pouvoir de la Cour de substituer au motifcritique par le moyen un motif supposant qu'elle apprecie elle-meme s'ilresulte des constatations de l'arret attaque que les defendeurs auraientetabli le caractere non imposable desdites indemnites.

La fin de non-recevoir ne peut etre accueillie.

Sur le fondement du moyen :

En vertu de l'article 39, S: 1er, alinea 1er, du Code des impots sur lesrevenus 1992, les pensions, les rentes viageres ou temporaires et lesallocations en tenant lieu qui se rattachent directement ou indirectementà une activite professionnelle et qui sont attribuees en cas d'incapacitepermanente en application de la legislation sur les maladiesprofessionnelles sont exonerees dans la mesure ou elles ne constituent pasla reparation d'une perte permanente de remunerations.

Conformement à l'article 39, S: 1er, alinea 3, du meme code, lorsque ledegre d'invalidite entraine par la maladie professionnelle excede vingtp.c., les pensions, rentes et allocations visees à l'alinea 1er ne sontpas, sauf preuve contraire, censees constituer la reparation d'une pertepermanente de remunerations jusqu'à concurrence de la quotite quicorrespond à l'indemnite totale multipliee par une fraction dont lenumerateur est egal à vingt p.c. et le denominateur au degre d'invaliditeexprime en pour cent.

Il suit de ces dispositions que, dans le cas vise à l'alinea 3, ilincombe au contribuable qui pretend à l'exoneration totale des pensions,rentes ou allocations qu'il a perc,ues d'etablir que celles-ci neconstituent pas la reparation d'une perte permanente de remunerations.

L'arret attaque, qui constate que le defendeur « s'est vu reconnaitre untaux d'incapacite de travail de cinquante-neuf p.c. » mais considere queles indemnites qu'il a perc,ues sont totalement exonerees au motif que« l'administration reste en defaut d'apporter la preuve qui lui incombedu caractere imposable de [ces] indemnites », viole les dispositionslegales precitees.

Dans cette mesure, le moyen est fonde.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque du 21 juin 2012 ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretcasse ;

Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge dufond ;

Renvoie la cause devant la cour d'appel de Liege.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersMartine Regout, Mireille Delange, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel,et prononce en audience publique du trente octobre deux mille quatorze parle president de section Christian Storck, en presence de l'avocat generalAndre Henkes, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+----------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M.-Cl. Ernotte |
|-----------------+-----------+----------------|
| M. Delange | M. Regout | Chr. Storck |
+----------------------------------------------+

30 OCTOBRE 2014 F.13.0036.F/3


Synthèse
Numéro d'arrêt : F.13.0036.F
Date de la décision : 30/10/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 23/11/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-10-30;f.13.0036.f ?
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