Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG C.14.0207.F
C. V. B., avocat,
demandeur en cassation,
represente par Maitre Isabelle Heenen, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Uccle, Dieweg, 274, ou il est fait electionde domicile,
contre
G. C., avocat, agissant en qualite d'administrateur provisoire de C. M.,
defendeur en cassation,
represente par Maitre Franc,ois T'Kint, avocat à la Cour de cassation,dont le cabinet est etabli à Charleroi, rue de l'Athenee, 9, ou il estfait election de domicile.
I. La procedure devant la Cour
Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 18 octobre 2013par la cour d'appel de Bruxelles.
Le conseiller Michel Lemal a fait rapport.
L'avocat general Thierry Werquin a conclu.
II. Les moyens de cassation
Dans la requete en cassation, jointe au present arret en copie certifieeconforme, le demandeur presente deux moyens.
III. La decision de la Cour
Sur le premier moyen :
Les presomptions constituent un mode de preuve d'un fait inconnu.
Le moyen, qui critique l'appreciation que la cour d'appel a portee sur lesfaits qui lui etaient soumis, est etranger aux articles 1349 et 1353 duCode civil, qui reglent ce mode de preuve.
Pour le surplus, le moyen est entierement deduit de la violation vainementalleguee des articles 1349 et 1353 precites.
Le moyen est irrecevable.
Sur le second moyen :
Quant à la troisieme branche :
Le principe general du droit de l'enrichissement sans cause requiert lacondition d'absence de cause de l'appauvrissement et de l'enrichissement.
L'enrichissement n'est pas sans cause lorsqu'il trouve sa cause dans lavolonte de l'appauvri, pour autant que celui-ci ait eu la volonte d'opererun glissement de patrimoine definitif en faveur de l'enrichi.
L'arret constate que, « le 30 juillet 2002, madame C. M. a informe sonconseil, [le demandeur], qu'elle se trouvait dans une situationd'endettement et lui a demande de l'aider `à trouver rapidement unesolution qui lui permettrait d'assurer le payement de ses dettesechues' », que, le
15 octobre 2002, le demandeur a fait effectuer un versement de 1.364 eurossur le compte de madame M., qu'« à partir du 30 octobre 2002, [ledemandeur] a rembourse mensuellement les echeances mensuelles du pretcontracte par madame M. aupres de la SA Krefima », qu'« il a, parailleurs, effectue entre le 30 octobre 2002 et le 13 novembre 2005 denombreux payements soit sur le compte bancaire de madame M., soit enreglement de factures que madame M. lui avait transmises », que « parcourrier du 17 avril 2005, [le demandeur] a propose à madame M. de luirendre visite pour discuter des `solutions definitives eventuelles' à sesproblemes financiers et du remboursement des sommes pretees » etque, « par telecopies des 3 avril et 7 mai 2006, [il] l'a sommee de luirembourser les àvances en caisse et depenses faites pour (son) compte' àconcurrence de la somme de 53.329,99 euros ».
L'arret considere qu'il n'est pas etabli que le demandeur aurait etemandate par madame M. afin qu'il lui avance diverses sommes moyennant
remboursement, ni qu'un contrat de pret aurait ete conclu entre parties.
Apres avoir ensuite constate que le defendeur « soutient que [ledemandeur] avait assure à sa cliente, madame M., qu'il obtiendrait gainde cause dans le proces civil dont elle l'avait charge et qu'il sepayerait sur les importantes sommes qu'il devait recuperer. Cet accordexplique, selon lui, que [le demandeur] n'a pas demande d'honoraires niexige le remboursement des frais à sa cliente et a effectue à sa placede nombreux payements » et que le premier juge a ecarte l'hypothese de laconclusion d'un pacte de quota litis, « eu egard à la production par [ledemandeur] d'un etat de frais et honoraires intermediaire date du 5septembre 2001 », l'arret considere que « l'existence d'un pacte `dequota litis' conclu entre les parties est, cependant, plausible ».
Il enonce qu'« en effet, d'une part, il n'est pas conteste que [ledemandeur] fut le conseil de madame M. dans un important litigesuccessoral ouvert en 2000 » et que, « d'autre part, il ressort deselements soumis à la cour [d'appel] que :
- aucune provision sur honoraires n'a ete demandee à madame M. pour lagestion de ce litige ;
- aucune convention d'honoraires n'a ete conclue et aucun courrierinformant madame M. du mode de tarification des frais et honoraires n'estproduit ;
- l'etat de frais et honoraires intermediaire du 5 septembre 2001, portantsur la somme de 4.584,40 euros, est anterieur au premier des payementsdont [le demandeur] demande actuellement le remboursement [...] ;
- il n'est pas etabli que l'etat de frais et honoraires du 5 septembre2001 ait ete paye ni qu'un rappel en ce sens ait ete adresse à madame M.[...];
- [le demandeur] a expose des frais [...] et n'en a pas demande àl'epoque le remboursement ;
- aucun etat final d'honoraires n'est produit alors que le litige a etecloture (au detriment de madame M.) ;
- [le demandeur] n'a fait signer aucune reconnaissance de dette à madameM. et n'a pas precise par ecrit ce qu'il attendait en contrepartie de cespayements [...] ».
Il considere egalement que « les pactes `de quota litis' sont prohibespar le conseil de l'Ordre des avocats du barreau de Bruxelles afind'eviter que des avocats ne perdent leur independance en liant trop leursinterets à ceux de leurs clients » et qu'« en tout etat de cause, lacharge de la preuve reposant sur le demandeur en payement, il n'appartientpas [au defendeur] d'etablir la nature du contrat conclu entre parties ».
Il ne resulte pas de ces enonciations qu'en effectuant des paiements pourle compte de madame M., le demandeur ait eu la volonte d'operer à titredefinitif un glissement de patrimoine à concurrence des sommes payees.
L'arret, qui considere que « si l'enrichissement de madame M. etl'appauvrissement [du demandeur] sont etablis, le transfert de richesse sejustifie en l'espece par le comportement adopte par [le demandeur] enexecution d'un accord conclu avec madame M. » et que « l'enrichissementsans cause ne peut des lors etre invoque pour pallier l'absence de preuvedu contrat ayant regi les relations entre les parties », ne justifie deslors pas legalement sa decision de declarer non fondee la demande baseesur l'enrichissement sans cause.
Le moyen, en cette branche, est fonde.
Quant à la sixieme branche :
L'arret, qui considere que « l'enrichissement sans cause ne peutdavantage etre invoque lorsque l'appauvri a agi dans l'espoir, plus oumoins speculatif, d'obtenir un avantage, et que cet espoir est dec,u »,sans indiquer les elements sur lesquels il fonde cette appreciation, nepermet pas à la Cour d'exercer son controle de legalite et n'est pasregulierement motive.
Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fonde.
Sur l'etendue de la cassation :
La cassation de la decision qui statue sur la demande du demandeur baseesur l'enrichissement sans cause s'etend à celles qui disent recevables etnon fondees les demandes nouvelle et incidente du demandeur en raison dulien etabli par le juge du fond entre ces decisions.
Sur les autres griefs :
Il n'y a pas lieu d'examiner les autres branches du second moyen, qui nesauraient entrainer une cassation plus etendue.
Par ces motifs,
La Cour
Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il rec,oit l'appel ;
Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;
Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par le juge du fond;
Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour d'appel de Mons.
Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Albert Fettweis, les conseillers DidierBatsele, Martine Regout, Michel Lemal et Marie-Claire Ernotte, et prononceen audience publique du vingt-trois octobre deux mille quatorze par lepresident de section Albert Fettweis, en presence de l'avocat generalThierry Werquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.
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| P. De Wadripont | M.-Cl. Ernotte | M. Lemal |
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| M. Regout | D. Batsele | A. Fettweis |
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23 OCTOBRE 2014 C.14.0207.F/1