Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.14.1027.F
I. S. G. D.
prevenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseil Maitre Thomas Mitevoy, avocat au barreau de Bruxelles,
II. L. L.
prevenue,
demanderesse en cassation,
ayant pour conseil Maitre Olivier Stein, avocat au barreau de Bruxelles,
les deux pourvois contre
S. B.
partie civile,
defendeur en cassation.
I. la procedure devant la cour
Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 21 mai 2014 par la courd'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Chacun des demandeurs invoque trois moyens dans un memoire annexe aupresent arret, en copie certifiee conforme.
Le conseiller Franc,oise Roggen a fait rapport.
L' avocat general Damien Vandermeersch a conclu.
II. la decision de la cour
A. Sur le pourvoi de D S G :
1. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision de condamnationrendue sur l'action publique exercee à charge du demandeur :
Sur le premier moyen :
Le demandeur reproche à l'arret de violer la foi due au proces-verbalcontenant l'audition de l'inspecteur F. V. W. du 29 octobre 2010.
L'arret enonce que ce temoin decrit l'attitude du demandeur comme tresagressive alors que la seule declaration du temoin à laquelle les jugesd'appel ont pu se referer le decrit comme une personne dont lecomportement n'etait pas particulierement agressif.
Pour condamner le demandeur, l'arret releve que :
* les deux prevenus faisaient partie des trois dernieres rangees de lamanifestation dont une majorite, non seulement n'entendait pasobtemperer aux injonctions des policiers, mais de plus avait lavolonte arretee de provoquer des troubles, certains individus s'enprenant aux chevaux que d'aucuns ont excites en sautillant devant euxet que d'autres ont meme frappes ;
* le demandeur a ete reconnu comme l'un des meneurs sinon le meneur quiincitait d'autres manifestants à ne pas obtemperer aux injonctionsdes policiers ;
* les images montrent qu'à un certain moment, il se trouve pres deschevaux, avant de s'en aller pour revenir quelques instants plus tardvers eux, une baguette à la main ;
* il s'est servi de cet objet, ainsi que l'a affirme l'inspecteur M.,pour donner des coups aux chevaux afin de les exciter ;
* ces coups de baguette constituent des actes de violence qui ont eupour but et pour consequence d'exciter les chevaux de la police, deles rendre difficilement maitrisables et, ainsi, de mettre en danger,non seulement les cavaliers mais egalement toute personne proche,qu'il s'agisse de policiers ou de manifestants.
La motivation resumee ci-dessus soutient la declaration de culpabilitememe si l'enonciation critiquee ne figurait pas dans l'arret. Il s'ensuitque le moyen, fut-il fonde, ne pourrait entrainer la cassation et est,partant, irrecevable à defaut d'interet.
Sur le deuxieme moyen :
Quant aux deux premieres branches reunies :
Le demandeur a depose des conclusions soutenant, sur la base desenregistrements filmes, qu'il n'a pas porte de coups avec une baguette àun cheval, et qu'il n'a pas ete chercher cette baguette pour s'en prendreà la monture d'un policier.
L'arret releve que
* les images montrent le demandeur pres des chevaux, puis s'en aller etrevenir vers eux quelques instants plus tard, sa baguette à la main ;
* un inspecteur a vu le demandeur chercher le baton de tambour et donnerdes coups aux chevaux ;
* le demandeur a ete reconnu comme l'un des meneurs, sinon le meneur quiincitait d'autres manifestants à ne pas obtemperer aux injonctionsdes policiers ;
* le policier blesse se souvient que les trois manifestants à arreteront oppose de la resistance lors de leur interception ;
* et aux dires de l'inspecteur D. S., temoin des faits, les deuxprevenus figuraient parmi ces trois personnes qui, s'opposantviolemment à l'interception, ont pousse la victime, laquelle esttombee au sol pres du cheval qui l'a ensuite pietinee.
Opposant aux conclusions du demandeur les elements differents oucontraires recenses ci-dessus, les juges d'appel ont regulierement motiveleur decision.
Le moyen manque en fait.
Quant à la troisieme branche :
Le moyen fait valoir qu'il existe une contradiction entre les motifs del'arret, les juges d'appel ayant successivement enonce que l'inspecteur M.a declare avoir vu le demandeur hausser les bras vers les chevaux, puisqu'aucun policier n'a affirme que les deux prevenus ont sautille ou leveles bras devant ceux-ci.
L'arret ne fait pas dependre la culpabilite du demandeur de l'existence dugeste litigieux.
Le moyen est irrecevable à defaut d'interet.
Sur le troisieme moyen :
Le moyen fait grief à l'arret d'imputer au demandeur un role de meneurqu'il soutient ne pas avoir eu, et de lui attribuer ce role sur la base dela seule declaration de l'inspecteur V. W.
Le demandeur soutient que cet inspecteur ne fonde son appreciation suraucun element concret, donnant le sentiment d'emettre une impressionpersonnelle.
En matiere repressive, lorsque la loi n'etablit pas un mode special depreuve, le juge du fond apprecie en fait la valeur probante de tous leselements qui ont ete soumis à la libre contradiction des parties et quilui paraissent constituer des presomptions suffisantes de culpabilite,alors meme qu'il existerait dans la cause des elements en sens contraire.
En tant qu'il revient à critiquer cette appreciation souveraine, lemoyen, en cette branche, est irrecevable.
Pour le surplus, l'arret associe la qualite de meneur pretee au demandeurau fait que, selon le temoignage d'un policier, c'est avec le prevenu quele commandant du service d'ordre a discute pour que les manifestantsquittent le centre.
Sur la base du meme temoignage, l'arret ajoute que l'arrestation dudemandeur resulte de la circonstance que c'est lui qui incitait d'autresmanifestants à avoir une attitude recalcitrante à l'egard de la police.
A cet egard, le moyen manque en fait.
Le controle d'office
Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision qui, rendue surl'action civile exercee contre le demandeur par B. S., statue sur
a. le principe de la responsabilite :
Le demandeur ne fait valoir aucun moyen specifique.
b. l'etendue des dommages :
L'arret alloue un euro provisionnel au defendeur, ordonne une mesured'expertise et renvoie les suites de la cause au premier juge.
Pareille decision n'est pas definitive au sens de l'article 416, alinea1er, du Code d'instruction criminelle et est etrangere aux cas vises ausecond alinea de cet article.
Le pourvoi est irrecevable.
B. Sur le pourvoi de L. L. :
1. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision rendue surl'action publique exercee à charge de la demanderesse :
Sur le premier moyen :
L'obligation de repondre aux conclusions constitue une regle de formeetrangere à la valeur de la reponse. En outre, le juge ne doit repondrequ'aux moyens invoquant une demande, une defense ou une exception.
Il s'ensuit qu'aux conclusions de la demanderesse contestant la preventionde rebellion au motif qu'elle ne serait pas entree en contact direct avecles trois inspecteurs qui y sont vises, l'arret repond par l'appreciationcontraire selon laquelle la demanderesse a, en qualite d'agitatrice, posede maniere consciente un acte reflechi de desobeissance aux injonctionsdonnees par les forces de l'ordre afin de faire respecter l'ordre publicet qu'en outre, les coups de coude qu'elle a portes aux chevaux ainsi quesa resistance lors de son arrestation, constituent des actes de violencequi ont eu pour but et consequence d'exciter les chevaux de la police, deles rendre difficilement maitrisables et, ainsi, de mettre en danger, nonseulement les cavaliers mais egalement toute personne proche, qu'ils'agisse de policiers ou de manifestants.
Les juges d'appel n'etaient pas tenus de rencontrer l'argument precite dela demanderesse qui ne constitue pas un moyen distinct.
La demanderesse fait encore valoir que l'arret contient une motivationambigu:e concernant la rebellion commise au prejudice du defendeur, qu'ilviole la foi due au temoignage de ce dernier et qu'il ne repond pas à sesconclusions sur ce point.
Une decision est fondee sur des motifs ambigus lorsque ceux-ci sontsusceptibles de differentes interpretations dont l'une est justifieelegalement et l'autre non.
Ne constitue pas un grief d'ambiguite au sens defini ci-dessus,l'affirmation selon laquelle l'arret ne motive pas une consideration oucontredit le temoignage sur lequel il s'appuie.
L'arret retient, des faits et gestes de la demanderesse, son objectif derendre les chevaux difficilement maitrisables et de mettre en dangertoutes les personnes qui se trouvaient à proximite de ceux-ci.
En se fondant notamment sur le temoignage de l'inspecteur D. S., l'arretajoute que, lors de la procedure d'arrestation de trois manifestants,parmi lesquels les deux demandeurs, ceux-ci se sont opposes avec violenceà l'interception, poussant l'inspecteur qui est tombe pres d'un cheval dela police.
Les juges d'appel ont, ainsi, regulierement motive leur decision.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le deuxieme moyen :
Il est reproche à l'arret de considerer que le seul fait de desobeir auxinjonctions donnees par la police à des manifestants constitue unerebellion.
Il ressort de la reponse au premier moyen que la condamnation ne reposepas exclusivement sur ce grief.
Procedant d'une lecture incomplete de l'arret, le moyen manque en fait.
Sur le troisieme moyen :
Le moyen est pris de la violation de la foi due aux images filmees de lamanifestation.
La demanderesse reproche aux juges d'appel d'avoir enonce que ces imagesla montrent touchant des chevaux au niveau du poitrail, element qu'elledit ne pas avoir constate en visionnant celles-ci.
Pris independamment de l'ecrit qui en relaterait le contenu, un film neconstitue pas, en soi, un acte revetu de la foi due en vertu des articles1319, 1320 et 1322 du Code civil.
Le moyen manque en droit.
Le controle d'office
Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ont eteobservees et la decision est conforme à la loi.
2. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision qui, rendue surl'action civile exercee contre la demanderesse par B. S., statue sur
a. le principe de la responsabilite :
La demanderesse ne fait valoir aucun moyen specifique.
b. l'etendue des dommages :
L'arret alloue un euro provisionnel au defendeur, ordonne une mesured'expertise et renvoie les suites de la cause au premier juge.
Pareille decision n'est pas definitive au sens de l'article 416, alinea1er, du Code d'instruction criminelle et est etrangere aux cas vises ausecond alinea de cet article.
Le pourvoi est irrecevable.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette les pourvois ;
Condamne chacun des demandeurs aux frais de son pourvoi.
Lesdits frais taxes en totalite à la somme de cent septante-huit eurosquatre-vingt-un centimes dont I) sur le pourvoi de D. S. G. :quatre-vingt-neuf euros quarante centimes dus et II) sur le pourvoi de L.L. : quatre-vingt-neuf euros quarante et un centimes dus.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le chevalier Jean de Codt, premier president, Frederic Close,president de section, Pierre Cornelis, Gustave Steffens et Franc,oiseRoggen, conseillers, et prononce en audience publique du vingt-deuxoctobre deux mille quatorze par le chevalier Jean de Codt, premierpresident, en presence de Damien Vandermeersch, avocat general, avecl'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
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| T. Fenaux | F. Roggen | G. Steffens |
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| P. Cornelis | F. Close | J. de Codt |
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22 OCTOBRE 2014 P.14.1027.F/9