Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG P.14.0980.F
DE R. W.
prevenu,
demandeur en cassation,
ayant pour conseils Maitres Emmanuel Goeseels et Elise Carette, avocats aubarreau de Bruxelles,
contre
S. G.
partie civile,
defendeur en cassation,
ayant pour conseil Maitre Jan Veys, avocat au barreau de Gand.
I. la procedure devant la cour
Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 12 mai 2014 par la courd'appel de Bruxelles, chambre correctionnelle.
Le demandeur invoque quatre moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.
Le conseiller Franc,oise Roggen a fait rapport.
L'avocat general Damien Vandermeersch a conclu.
II. la decision de la cour
A. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision qui, rendue surl'action civile exercee contre le demandeur par le defendeur, statuesur le principe de la responsabilite :
Sur le premier moyen :
Le moyen est pris, en substance, de la violation de l'article 1382 du Codecivil.
Le demandeur fait valoir qu'il a remis le plan de securite et de sante ausous-traitant, que l'execution de l'ouvrage n'a ete assortie d'aucun delaiet que le cours normal des travaux a ete modifie à son insu. Il enconclut que les circonstances de fait de la cause devaient amener la courd'appel à exclure le lien causal entre la faute et l'accident.
En tant qu'il conteste l'appreciation en fait des juges d'appel ou que sonexamen requiert une verification des elements de fait de la cause,laquelle echappe au pouvoir de la Cour, le moyen est irrecevable.
L'arret juge anormal que le coordinateur-realisation ait ete laisse dansl'ignorance de la sous-traitance des travaux d'installation du dispositifanti-incendie. Il en deduit que, n'ayant pas ete invites aux reunions dechantier, les responsables de la firme sous-traitante ont ete prives d'uncontact direct qui leur aurait permis de discuter, avec le coordinateur,des modalites d'une eventuelle poursuite des travaux dans la zone nonprotegee.
De ces circonstances, les juges d'appel ont pu, nonobstant les elementsdifferents ou contraires invoques par le moyen, deduire que l'accident nese serait pas produit si le demandeur avait respecte son obligation detransmission des informations necessaires.
A cet egard, le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le deuxieme moyen :
Le moyen est pris de la violation de l'article 780, 3DEG, du Codejudiciaire.
Le demandeur a depose des conclusions soutenant qu'aucune faute enrelation causale avec l'accident dont le defendeur a ete victime nepouvait lui etre imputee des lors que
- la derniere reunion de chantier à laquelle il etait present avant lebasculement de l'elevateur s'est tenue le vendredi 16 septembre 2005 ;
- à cette date, les travaux litigieux en zone non protegee n'avaient pasdebute ;
- ces travaux ont ete ordonnes par le chef hierarchique du defendeur lejour ouvrable suivant, à savoir le lundi 19 septembre 2005, au mepris duplan de securite que le demandeur lui avait precedemment remis ;
- l'accident s'est produit ce meme jour de sorte que le demandeur n'a puanticiper le risque et imaginer que le cours normal des travaux et lesregles de protection edictees ne seraient pas respectees.
A ces conclusions, l'arret oppose que c'est le manque de coordinationimputable au demandeur et la circonstance qu'il n'a pas averti lecoordinateur-realisation de la presence sur le chantier de sonsous-traitant qui sont fautifs et qui entrent en relation causale avecl'accident, ces manquements n'ayant pas permis d'associer le sous-traitantaux reunions hebdomadaires de chantier à l'occasion desquelles lespoursuites de travaux etaient definies.
En constatant ainsi que le demandeur n'avait, fautivement, pas permis laparticipation de son sous-traitant aux reunions de chantier et que, sanscette faute, l'accident ne se serait pas realise tel qu'il s'est produit,les juges d'appel ont repondu aux conclusions precitees et regulierementmotive leur decision.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le troisieme moyen :
Le demandeur critique la decision des juges du fond de retenir saresponsabilite, alors que sa situation est identique à celle ducoordinateur de securite qui, lui, a ete mis hors de cause.
L'arret considere que la situation du demandeur et celle du coordinateurne sont pas comparables.
Contestant l'appreciation en fait des elements de la cause par les jugesdu fond, alors que cette appreciation echappe à la censure de la Cour, lemoyen est irrecevable.
Sur le quatrieme moyen :
Le moyen est pris de la violation des articles 149 de la Constitution,780, 3DEG, du Code judiciaire et 5, alinea 2, du Code penal.
Le demandeur fait grief à l'arret d'avoir retenu tant sa responsabiliteque celle de la societe Ingenial dont il est l'administrateur-delegue sansconstater qu'il a commis la faute sciemment et volontairement.
En prevoyant que seule la personne ayant commis la faute la plus graveverra sa responsabilite penale engagee, l'article 5, alinea 2, du Codepenal compare, sans les abolir, les fautes commises par la personne moraleet par la personne physique à l'intervention de laquelle l'acte culpeux aete commis.
La cause d'excuse absolutoire que cette disposition legale institue auprofit de l'auteur de la faute la plus legere, n'a pas d'incidence sur lefondement de l'action civile exercee contre lui, puisque toute faute, silegere soit-elle, oblige celui qui l'a commise à reparer le dommage quien est resulte.
Contrairement à ce que le demandeur soutient, les juges d'appel n'avaientdes lors pas à subordonner sa condamnation civile à la constatationqu'il a commis sciemment et volontairement la faute jugee en relationcausale avec le sinistre.
Le moyen ne peut etre accueilli.
B. En tant que le pourvoi est dirige contre la decision qui, rendue surl'action civile exercee contre le demandeur par le defendeur, statuesur l'etendue du dommage :
L'arret alloue au defendeur une indemnite provisionnelle, ordonne uneexpertise et reserve à statuer sur le surplus de sa reclamation.
Pareille decision n'est pas definitive au sens de l'article 416, alinea1er, du Code d'instruction criminelle, et est etrangere aux cas vises parle second alinea de cet article.
Le pourvoi est irrecevable.
PAR CES MOTIFS,
LA COUR
Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Lesdits frais taxes à la somme de cent euros septante et un centimes dus.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le chevalier Jean de Codt, premier president, Frederic Close,president de section, Pierre Cornelis, Gustave Steffens et Franc,oiseRoggen, conseillers, et prononce en audience publique du vingt-deuxoctobre deux mille quatorze par le chevalier Jean de Codt, premierpresident, en presence de Damien Vandermeersch, avocat general, avecl'assistance de Tatiana Fenaux, greffier.
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| T. Fenaux | F. Roggen | G. Steffens |
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| P. Cornelis | F. Close | J. de Codt |
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22 OCTOBRE 2014 P.14.0980.F/6