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21/10/2014 | BELGIQUE | N°P.14.0367.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 21 octobre 2014, P.14.0367.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.14.0367.N

T. L.,

inculpe,

demandeur,

Mes Philip Traest, avocat au barreau d'Anvers, et L.J. Martens, avocat aubarreau de Gand,

contre

1. X. P.,

2. BIBI FASHION sa,

parties civiles,

defendeurs,

Me Raf Verstraeten, avocat au barreau de Louvain.

I. la procedure devant la cour

Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 23 janvier 2014 par la courd'appel de Gand, chambre des mises en accusation.

Le demandeur invoque trois moyens dans un memoire a

nnexe au present arret,en copie certifiee conforme.

Le demandeur declare se desister, sans acquiescement, de son pourvoi, entant qu'il e...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.14.0367.N

T. L.,

inculpe,

demandeur,

Mes Philip Traest, avocat au barreau d'Anvers, et L.J. Martens, avocat aubarreau de Gand,

contre

1. X. P.,

2. BIBI FASHION sa,

parties civiles,

defendeurs,

Me Raf Verstraeten, avocat au barreau de Louvain.

I. la procedure devant la cour

Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 23 janvier 2014 par la courd'appel de Gand, chambre des mises en accusation.

Le demandeur invoque trois moyens dans un memoire annexe au present arret,en copie certifiee conforme.

Le demandeur declare se desister, sans acquiescement, de son pourvoi, entant qu'il est dirige contre la decision sur l'existence de chargessuffisantes.

Le conseiller Erwin Francis a fait rapport.

Le procureur general Patrick Duinslaeger a conclu.

II. la decision de la cour

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

1. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, 2.1 du Protocole nDEG 7 additionnel à la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales et 14.5 duPacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que lameconnaissance du principe general du droit relatif au respect des droitsde la defense : l'arret inculpe le demandeur pour la premiere fois enappel et le renvoie devant la juridiction de jugement en raison del'existence de charges, sans mentionner pourquoi il n'a pas ete possiblede l'inculper plus tot ; ainsi, le demandeur n'a pas pu beneficier de deuxinstances et ses droits de defense ont ete violes.

2. L'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales n'est, en principe, pas applicable devant lesjuridictions d'instruction appelees à se prononcer sur le bien-fonde del'action publique.

Dans mesure ou il invoque la violation de cette disposition, le moyen, encette branche, manque en droit.

3. L'article 14.5 du Pacte international relatif aux droits civils etpolitiques prevoit que toute personne declaree coupable d'une infraction ale droit de faire examiner à nouveau par une juridiction superieure saculpabilite et sa condamnation, conformement à la loi.

L'article 2.1 du Protocole nDEG 7 additionnel à la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales prevoit quetoute personne declaree coupable d'une infraction penale par un tribunal ale droit de faire examiner à nouveau par une juridiction superieure sadeclaration de culpabilite ou sa condamnation. L'exercice de ce droit, ycompris les motifs pour lesquels il peut etre exerce, sont regis par laloi.

Ces dispositions concernent uniquement la declaration de culpabilite ou lacondamnation d'un prevenu par une juridiction de jugement, mais pas ladecision de la juridiction d'instruction qui statue sur le reglement de laprocedure.

4. Ni les articles 131, 135 et 235bis du Code d'instruction criminelle, nil'organisation du reglement de la procedure n'impliquent pour l'inculpe ledroit à un examen à deux niveaux d'instance. Ce reglement est, aucontraire, deduit de la premisse que l'inculpe ne benefice pas du droitd'appel contre l'ordonnance de renvoi de la chambre du conseil, hormis ence qui concerne les exceptions legalement prevues.

5. L'article 235 du Code d'instruction criminelle dispose : « Dans toutesles affaires, les chambres des mises en accusation, tant qu'elles n'aurontpas decide s'il y a lieu de prononcer la mise en accusation, pourrontd'office, soit qu'il y ait ou non une instruction commencee par lespremiers juges, ordonner des poursuites, se faire apporter les pieces,informer ou faire informer, et statuer ensuite ce qu'il appartiendra. »

6. Cette disposition legale permet notamment à la chambre des mises enaccusation d'inculper une personne pour la premiere fois en degre d'appelet de la renvoyer à la juridiction de jugement en raison de l'existencede charges suffisantes. Pour ce faire, cette chambre n'est pas tenued'indiquer pourquoi la personne concernee n'a pas dejà pu etre inculpeeauparavant. L'application de cette disposition legale n'implique pas uneviolation des droits de la defense.

Le moyen, en cette branche, manque en droit.

Quant à la seconde branche :

7. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 7 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, 15 du Pacte international relatif aux droits civils etpolitiques, 12, alinea 2, et 14 de la Constitution, ainsi que lameconnaissance du principe de legalite en matiere repressive : l'arretinculpe le demandeur et le renvoie ensuite au tribunal correctionnel surla base de l'article 235 du Code d'instruction criminelle ; cettedisposition d'exception n'indique toutefois pas les criteres etcirconstances sur la base desquels la chambre des mises en accusation peuttout de meme encore inculper pour la premiere fois en degre d'appel unepersonne qui n'etait pas concernee dans le reglement de la proceduredevant la chambre du conseil, et peut la renvoyer devant la juridiction dejugement ; ainsi, cette disposition ne satisfait pas aux principes delegalite et de previsibilite de la procedure penale.

Le demandeur demande que soit posee à la Cour constitutionnelle laquestion prejudicielle suivante : « L'article 235 du Code d'instructioncriminelle viole-t-il les articles 12, alinea 2, et 14 de la Constitution,lus ou non en combinaison avec les articles 7 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales et 15 duPacte international relatif aux droits civils et politiques, en ce quel'article precite, qui deroge au droit commun du reglement de laprocedure, tel qu'il figure notamment aux articles 127, 131, 135 et 235bisdu Code d'instruction criminelle, ne comporte pas de dispositions precisesqui fixent des criteres ou conditions sous lesquels la chambre des misesen accusation peut exciper de cette competence exceptionnelled'inculpation d'office et de renvoi au tribunal correctionnel ? »

Le principe de legalite en matiere repressive est un droit fondamentalgaranti de maniere totalement ou partiellement analogue par les articles12, alinea 2, et 14 de la Constitution et par les articles 7 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales et 15 du Pacte international relatif aux droits civils etpolitiques. Conformement à l'article 26, S: 4, alinea 2, 2DEG, de la loispeciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, la Cour peutexaminer si la disposition litigieuse viole ou non manifestement lesarticles 12, alinea 2, et 14 de la Constitution.

9. L'article 12, alinea 2, de la Constitution prevoit que nul ne peut etrepoursuivi que dans les cas prevus par la loi, et dans la forme qu'elleprescrit.

Les principes de legalite et de previsibilite de la procedure penaleenonces par cette disposition sont applicables à l'ensemble de laprocedure, y compris les stades de l'information et de l'instructionjudiciaire.

10. L'exigence de previsibilite de la procedure penale garantit à toutcitoyen qu'il ne pourra faire l'objet d'une information, d'une instructionet de poursuites que selon une procedure etablie par la loi et dont ilpeut prendre connaissance avant sa mise en oeuvre

11. L'article 61bis, alinea 1er, du Code d'instruction criminelle disposeque le juge d'instruction procede à l'inculpation de toute personnecontre laquelle existent des indices serieux de culpabilite.

En vertu des articles 128, 129 et 130 du Code d'instruction criminelle, lachambre du conseil peut renvoyer un inculpe devant la juridiction dejugement si elle constate qu'il existe des charges contre lui,c'est-à-dire qu'elle constate l'existence, à son encontre, d'indices deculpabilite pouvant etre objectives et demontrant un certain degre degravite.

La chambre des mises en accusation ne peut inculper une personne sur labase de l'article 235 du Code d'instruction criminelle et renvoyer uninculpe devant la juridiction de jugement que sous les memes conditionsenoncees aux dispositions precitees. Cette disposition repond ainsi auxconditions de legalite et de previsibilite de la procedure penale.

12. Il resulte de ce qui precede que l'article 235 du Code d'instructioncriminelle est manifestement precis à suffisance et que les articles 12,alinea 2, et 14 de la Constitution ne violent manifestement pas lesarticles 7 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales et 15 du Pacte international relatif aux droitscivils et politiques.

Le moyen, en cette branche, manque en droit.

Il n'y a pas lieu de poser la question prejudicielle à la Courconstitutionnelle, conformement à l'article 26, S: 4, alinea 2, 2DEG, dela loi speciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle.

Sur le deuxieme moyen :

13. Le moyen invoque la violation de l'article 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, ainsi quela meconnaissance des principes generaux du droit relatifs àl'impartialite du juge et au respect des droits de la defense : sur labase de l'article 235 du Code d'instruction criminelle, les juges d'appelont inculpe le demandeur et l'ont renvoye devant la juridiction dejugement en composant le meme siege ; ainsi, les juges d'appel ont semeune confusion entre la fonction du juge d'instruction, auquel appartient,en principe, la decision de l'inculpation, et la mission de la juridictiond'instruction, appelee à regler l'etat de la procedure, et ils ontsuscite un doute objectivement legitime sur leur aptitude à se prononceren toute impartialite sur le reglement de la procedure et sur la demandede renvoi du demandeur devant la juridiction de jugement.

14. L'inculpation d'une personne par la chambre des mises en accusationsur la base de l'article 235 du Code d'instruction criminelle requiert laconstatation de l'existence d'indices serieux de culpabilite. En vertu desarticles 128, 129 et 130 du Code d'instruction criminelle, le renvoi d'uninculpe devant la juridiction de jugement requiert l'existence de charges.

De la seule circonstance que la chambre des mises en accusation appelee àse prononcer sur l'existence de charges suffisantes, s'est precedemmentprononcee à l'egard du meme inculpe sur les indices serieux deculpabilite ne saurait etre deduite la violation du droit à une instancejudiciaire impartiale.

Dans cette mesure, le moyen qui est deduit d'une autre premisse juridique,manque en droit.

Sur le troisieme moyen :

15. Le moyen, en toutes ses branches, invoque la violation des articles6.1 et 6.3.c de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales, ainsi que la meconnaissance du principe general dudroit relatif au respect des droits de la defense.

Quant à la premiere branche :

16. Le moyen, en cette branche, invoque que l'arret decide, à tort, queles droits de defense du demandeur n'ont pas ete violes, en ce qu'il a eteentendu sans l'assistance d'un avocat et qu'il decide, à tort et sur labase de motifs non pertinents, que le demandeur ne se trouvait pas dansune position vulnerable lors de son audition ; pour apprecier cetteposition vulnerable, l'arret devait prendre en consideration lescirconstances concretes de cette audition, comme le fait que le demandeura ete interroge par la police expressement en qualite de temoin sur unsujet qui concernait son client et concernant des elements relevant de sonsecret professionnel ; de plus, l'arret utilise la declaration dudemandeur pour decider de l'existence de charges suffisantes à sonencontre.

17. Aucune disposition conventionnelle ou legale ni aucun principe generaldu droit ne requiert qu'une personne uniquement entendue en qualite detemoin doive etre assistee par un avocat au cours de son audition. Lacirconstance que ce temoin soit le depositaire d'un secret professionneln'y change rien.

18. La circonstance qu'un temoin se voit attribuer la qualite d'inculpeapres son audition n'empeche pas la juridiction d'instruction de fonderles charges qu'elle lui impute, sur des declarations qu'il a faitesregulierement en tant que temoin. Il ne peut en etre autrement quelorsqu'il ressort que le temoin etait dejà en realite suspect au momentde son audition ou qu'il est devenu suspect au cours de cette audition oulorsqu'il a fait l'objet de pressions.

Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyen,en cette branche, manque en droit.

19. Sans etre critique sur ce point, l'arret constate que le demandeur aete entendu en qualite de temoin lors de l'accomplissement d'actesd'instruction complementaires ordonnes par un arret interlocutoireprealable, et qu'au cours de cette audition, il lui a ete indique que sesdeclarations pouvaient etre utilisees en justice et qu'il avait le droitde ne pas s'auto-incriminer, ainsi qu'il est requis sur la base del'article 47bis, S: 1er, 1er, c) et d), du Code d'instruction criminelle,quelle que soit sa qualite.

20. Pour le surplus, l'arret decide que :

- le demandeur a toujours declare qu'aucun infraction penale n'avait etecommise et ne s'est à aucun moment auto-incrimine ;

- le demandeur n'a ete prive à aucun moment de sa liberte d'aller et devenir et rien ne permet de reveler que des pressions ont ete exercees ;

- le demandeur a obtenu immediatement copie de ses declarations ;

- le demandeur, fut-il tenu au secret professionnel, pouvait proposer unenouvelle audition avec l'assistance d'un conseil, ce qu'il n'a pas fait ;

- le demandeur n'a donc eu manifestement aucun besoin de retracter,modifier ou completer ses declarations, ainsi qu'il ressort de sesconclusions.

Ainsi, l'arret ne constate pas que le demandeur a, en realite, ete entenduen tant que suspect ni qu'il a fait l'objet de pressions et, parconsequent, decide legalement que ses droits de defense et son droit à unproces equitable n'ont pas ete irremediablement violes en ce qu'il a eteentendu par la police sans l'assistance d'un conseil.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la deuxieme branche :

21. Le moyen, en cette branche, invoque que l'arret decide, à tort, quele demandeur ne se trouvait pas dans une position vulnerable dans lescirconstances telles qu'elles sont exposees dans le moyen, en sa premierebranche.

22. Il ressort de la reponse apportee au moyen, en sa premiere branche,qu'une personne entendue au seul titre de temoin n'a pas droit àl'assistance d'un avocat lors de son audition.

23. Le moyen, en cette branche, est deduit de l'illegalite vainementinvoquee par le moyen, en sa premiere branche, et est, par consequent,irrecevable.

Quant à la troisieme branche :

24. Le moyen, en cette branche, invoque que l'arret viole les droits dedefense et le droit à un proces equitable du demandeur, en ce qu'ilutilise la declaration faite en qualite de temoin et sans l'assistanced'un avocat pour le renvoyer devant la juridiction de jugement, alorsqu'il n'a pu assurer sa defense du fait d'avoir ete entendu sur des sujetsproteges par son secret professionnel.

25. Par les motifs qu'il contient et ceux mentionnes en reponse au moyen,en sa premiere branche, l'arret ne constate pas que le demandeur n'a puassurer sa defense.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, manque en fait.

26. Pour le surplus, le moyen, en cette branche, impose un examen desfaits pour lequel la Cour est sans pouvoir et est, par consequent,irrecevable.

Le controle d'office

27. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.

Par ces motifs,

La Cour

Decrete le desistement ;

Rejette le pourvoi pour le surplus ;

Condamne le demandeur aux frais.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Luc Van hoogenbemt, president de section, Benoit Dejemeppe,Filip Van Volsem, Alain Bloch et Erwin Francis, conseillers, et prononceen audience publique du vingt et un octobre deux mille quatorze par lepresident de section Luc Van hoogenbemt, en presence du procureur generalPatrick Duinslaeger, avec l'assistance du greffier delegue VeroniqueKosynsky.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Gustave Steffens ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.

Le greffier, Le conseiller,

21 OCTOBRE 2014 P.14.0367.F/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.14.0367.N
Date de la décision : 21/10/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 12/04/2015
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-10-21;p.14.0367.n ?
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