Cour de cassation de Belgique
Arret
* NDEG P.14.0862.N
* M. H. J. P.,
accuse, detenu,
Mes Vincent Vereecke, avocat au barreau de Bruges, et Christophe Saveyn,avocat au barreau d'Audenarde,
contre
1. C. DE B.,
(...)
5. F. P.,
* parties civiles,
defendeurs.
I. la procedure devant la cour
IV. V. Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 21 mars 2014 par lacour d'assises de la province de Flandre orientale, qui comporte lamotivation de la declaration de culpabilite du demandeur (ci-apresarret I) et contre l'arret rendu le 22 mars 2014 qui condamne ledemandeur à une peine (ci-apres arret II).
VI. Le demandeur invoque respectivement un moyen et deux moyens dans deuxmemoires annexes au present arret, en copies certifiees conformes.
VII. Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.
VIII. L'avocat general delegue Alain Winants a conclu.
II. la decision de la cour
Sur le moyen du premier memoire :
1. Le moyen invoque la violation de l'article 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales,ainsi que la meconnaissance du droit à un proces equitable :l'arret I declare le demandeur coupable sur la base desdeclarations faites en violation du devoir d'information ; avantd'entamer à l'audience l'interrogatoire du demandeur en presencedu jury, la presidente de la cour d'assises a omis d'informer ledemandeur de son droit de se taire ; pour les membres du jury,l'interrogatoire mene par la presidente de la cour d'assisesconstitue une premiere audition d'une nouvelle instruction orale ;la presidente a prive le conseil du demandeur de la possibilited'attirer l'attention des membres du jury sur ce droit.
2. Le droit à l'assistance d'un avocat, le droit de se taire et le faitque personne ne peut etre oblige de s'auto-incriminer sont lies au devoird'information.
En vertu de l'article 254, alinea 1er, du Code d'instruction criminelle,le president verifie, au moins quinze jours avant l'audience preliminaire,si l'accuse a fait choix d'un conseil pour l'aider dans sa defense et sice n'est pas le cas, il lui en designe un sur-le-champ, en concertationavec le batonnier, à peine de nullite de tout ce qui suivra.
L'assistance effective d'un conseil qui peut informer l'accuse au coursdes debats devant la cour d'assises de son droit de se taire, permet auditaccuse d'exercer pleinement ses droits de defense et garantit son droit àun proces equitable. Par consequent, le president n'est pas egalement tenud'informer lui-meme l'accuse de son droit de se taire.
Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyenmanque en droit.
3. En vertu de l'article 281, S: 1er, alinea 1er, seconde phrase, du Coded'instruction criminelle, le president de la cour d'assises est chargepersonnellement de presider à toute l'instruction et de determinerl'ordre dans lequel la parole est donnee à ceux qui la demandent.
4. Il ressort des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que leconseil du demandeur a demande la parole peu avant l'interrogatoire del'accuse afin de fournir quelque information concernant la legislationSalduz et que le president de la cour d'assises lui a repondu « que lesconseils en avaient eu suffisamment l'occasion à l'audience du vendredi14 mars 2014 et qu'ils en ont encore suffisamment l'occasion au cours desdebats et de leur plaidoirie. Elle n'accede pour l'heure pas à la demandede Me Vincent Vereecke et procede tout d'abord à l'interrogatoire del'accuse ainsi qu'il est prevu dans le planning. » Ainsi, la presidenten'a pas prive le conseil du demandeur de la possibilite d'attirerl'attention des membres du jury sur le droit vise dans le moyen, maisregle uniquement le deroulement chronologique des debats conformement àla disposition legale susmentionnee.
Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le premier moyen du second memoire :
5. Le moyen invoque la violation des articles 6 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales et 14 duPacte international relatif aux droits civils et politiques, ainsi que lameconnaissance du principe general du droit de l'impartialite du juge :l'arret II condamne illegalement le demandeur à une peine ; la presidentede la cour d'assises a interrompu la plaidoirie du conseil du demandeur etlui a interdit de faire la comparaison avec d'autres affaires parcequ'aucune contradiction en pouvait etre assuree à cet egard ; de meme, lapresidente a omis d'informer le jury de l'illegalite de la peine requisepar le ministere public ; de ce fait, la presidente s'est manifestee defac,on negative sur la strategie de defense du demandeur et est intervenueà la place du ministere public, suscitant une apparence de partialite.
6. En vertu de l'article 281, S: 2, alinea 4, du Code d'instructioncriminelle, le president doit rejeter tout ce qui tendrait à prolongerles debats sans donner lieu d'esperer plus de certitude dans lesresultats.
Le conseil d'un accuse est en droit d'exercer librement sa fonction, maisl'exercice des droits de la defense reste soumis à la competence quel'article 281 du Code d'instruction criminelle confere au president de lacour d'assises de diriger les debats.
Il en resulte que le president peut intervenir pour demander à une partiede ne pas se disperser sur des elements sans interet et sans lien avec lacause. Il ne peut en etre deduit une violation des dispositionsconventionnelles precitees ni une meconnaissance du principe general dudroit relatif à l'impartialite du juge.
7. Il ressort des pieces auxquelles la Cour peut avoir egard que lapresidente de la cour d'assises, apres lecture de l'arret rendu sur laculpabilite, a informe le conseil du demandeur au cours de la plaidoirie« qu'il ne peut faire de comparaison avec d'autres affaires qu'il aplaidees par le passe, des lors que la cour, le jury et le ministerepublic n'en ont pas connaissance et qu'ils ne peuvent les contredire. »
Ainsi, le president n'est pas intervenu à la place du ministere public,ni n'a suscite une apparence de partialite, mais a seulement demande à ladefense de ne pas se disperser sur des elements sans lien avec la cause eta ainsi mene les debats en vertu de sa competence legale.
Le moyen ne peut etre accueilli.
Sur le second moyen du second memoire :
8. Le moyen invoque la violation des articles 6.1 de la Convention desauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales, 153, 190et 335 du Code d'instruction criminelle, ainsi que la meconnaissance duprincipe de l'egalite des armes et du principe general du droit relatif aurespect des droits de la defense : l'arret II condamne illegalement ledemandeur à une peine ; l'arret a ete prononce apres que la defense s'estvue interdire par la presidente par voie de regle generale de faire lacomparaison au cours de la plaidoirie avec d'autres affaires que leconseil a traitees par le passe ; les droits de la defense impliquent quel'accuse organise librement son mode de defense et puisse presenter toutce qu'il juge utile à sa defense.
9. Le moyen est deduit du grief vainement invoque dans le premier moyen dusecond memoire et est, par consequent, irrecevable.
Le controle d'office
10. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.
Par ces motifs,
* * La Cour
* Rejette le pourvoi ;
Condamne le demandeur aux frais.
Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Paul Maffei, president, Luc Van hoogenbemt et BeatrijsDeconnick, presidents de section, Filip Van Volsem et Antoine Lievens,conseillers, et prononce en audience publique du quatorze octobre deuxmille quatorze par le president Paul Maffei, en presence de l'avocatgeneral delegue Alain Winants, avec l'assistance du greffier delegueVeronique Kosynsky.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Michel Lemal ettranscrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.
Le greffier, Le conseiller,
14 OCTOBRE 2014 P.14.0862.N/1