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14/10/2014 | BELGIQUE | N°P.14.0666.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 14 octobre 2014, P.14.0666.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.14.0666.N

I. L. V.,

prevenu,

demandeur,

Me Cyriel Heerman, avocat au barreau de Audenarde,

II. K. OP DE B.,

prevenu,

demandeur,

Me Hans Rieder, avocat au barreau de Gand.

I. la procedure devant la cour

Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 20 fevrier 2014 par lacour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.

Le demandeur I fait valoir quatre moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.

Le demandeur II fait valo

ir trois moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.

Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG P.14.0666.N

I. L. V.,

prevenu,

demandeur,

Me Cyriel Heerman, avocat au barreau de Audenarde,

II. K. OP DE B.,

prevenu,

demandeur,

Me Hans Rieder, avocat au barreau de Gand.

I. la procedure devant la cour

Les pourvois sont diriges contre un arret rendu le 20 fevrier 2014 par lacour d'appel de Gand, chambre correctionnelle.

Le demandeur I fait valoir quatre moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.

Le demandeur II fait valoir trois moyens dans un memoire annexe au presentarret, en copie certifiee conforme.

Le conseiller Filip Van Volsem a fait rapport.

L'avocat general delegue Alain Winants a conclu.

II. la decision de la cour

Sur la recevabilite du pourvoi II :

1. L'arret decharge le demandeur des poursuites du chef des faitsqualifies sous les preventions A10a, B10a, A10b, B10b, A10c, B10c, A10d,B10d, A10e, B10e et D11.

Dans la mesure ou il est egalement dirige contre cette decision, lepourvoi II est irrecevable, à defaut d'interet.

(...)

Sur les moyens du demandeur II :

Sur le premier moyen :

Quant à la premiere branche :

9. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6.1,6.3.c de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, 14.1 et 14.3.d du Pacte international relatif aux droitscivils et politiques, ainsi que la violation du principe general du droità un proces equitable et des droits de la defense : l'arret qui constateque le demandeur II a ete entendu au cours de sa privation de liberte sansbeneficier de la possibilite d'etre assiste par un conseil et sans avoirete informe, ne prononce pas, à tort, l'irrecevabilite de l'actionpublique.

10. La seule circonstance qu'un suspect a ete entendu au cours de saprivation de liberte sans l'assistance d'un conseil et sans informationn'entraine pas l'irrecevabilite de l'action publique, mais uniquement lamise à l'ecart ou l'inadmissibilite eventuelles de la preuve ainsiobtenue. Le droit d'exercer l'action publique nait, en effet, au moment dela commission du fait qualifie infraction, quelle que soit la maniere dontelle est exercee ulterieurement et independamment de la maniere dont lespreuves ont ete recueillies.

Le moyen, en cette branche, qui est deduit d'une autre premisse juridique,manque en droit.

Quant à la deuxieme branche :

11. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6.1,6.3.c de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, 14.1 et 14.3.d du Pacte international relatif aux droitscivils et politiques, ainsi que la meconnaissance du principe general dudroit à un proces equitable et des droits de la defense : dans sonappreciation de la culpabilite du demandeur II, l'arret se fonde, à tort,sur la declaration auto-incriminante qu'il a faite le 7 juillet 2005 sansl'assistance d'un conseil ; à ce moment, il se trouvait en detentionprovisoire et donc dans une position particulierement vulnerable ; il n'yavait en outre aucun motif imperieux de restreindre son droit àl'assistance.

12. Le droit à l'assistance d'un conseil ne requiert pas qu'un suspectprive de liberte qui fait à la police une declaration auto-incriminantespontanement et de sa propre initiative et apres avoir eu l'opportunite dese concerter avec son conseil, soit assiste par un conseil. La declarationfaite en pareilles circonstances sans l'assistance d'un conseil peut etreutilisee à titre de preuve.

Dans la mesure ou il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyen,en cette branche, manque en droit.

13. L'arret (...) decide que :

- le 7 juillet 2005, alors qu'il se trouvait encore en detention mais àun moment ou il etait dejà parfaitement informe de la nature et del'ampleur de l'affaire et avait obtenu toute l'assistance d'un conseil, ledemandeur II a manifestement contacte la police federale par le biais deson fils dans le but de faire une declaration ;

- il peut etre tenu compte d'une declaration faite en ces circonstancesdans le cadre de l'administration de la preuve, des lors qu'elle a etefaite spontanement, de sa propre initiative et en parfaite connaissance decause et s'est deroulee apres qu'il y a eu prise de contact etconcertation avec un conseil ;

- de plus, il n'est pas demontre qu'au moment ou il a fait cettedeclaration, le demandeur II aurait ete mis sous pression, mais, aucontraire, que la declaration a ete faite de sa propre volonte.

Ainsi, les juges d'appel ont legalement justifie leur decision.

Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la troisieme branche :

14. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6.1,6.3.c de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, 14.1 et 14.3.d du Pacte international relatif aux droitscivils et politiques, ainsi que la violation du principe general du droità un proces equitable et des droits de la defense : dans son appreciationde la culpabilite du demandeur II, l'arret se fonde, à tort, sur lesdeclarations des co-prevenus D., B., M. et du demandeur I, ces derniersayant ete entendus, selon les constatations de l'arret, sans l'assistanced'un conseil et sans avoir ete informes, alors que la declaration duco-prevenu B. a ete faite au cours des premieres vingt-quatre heures de saprivation de liberte.

15. Le droit à l'assistance d'un avocat est lie au devoir d'information,au droit de se taire et au fait que personne ne peut etre oblige des'auto-incriminer. Ces droits valent in personam.

Un prevenu ne peut, en principe, faire valoir la violation de ces droitsrelativement à des declarations incriminantes faites à son encontre parun autre prevenu, qui n'est qu'un temoin vis-à-vis de lui, à moins quecet autre prevenu beneficie lui-meme de ces droits, en invoque laviolation et, par ce motif, retracte les declarations incriminantes qu'ila faites.

Le moyen, en cette branche, qui est deduit d'une autre premisse juridique,manque en droit.

Quant à la quatrieme branche :

16. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6.1,6.3.c de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, 14.1 et 14.3.d du Pacte international relatif aux droitscivils et politiques, ainsi que la violation du principe general du droità un proces equitable et des droits de la defense : dans son appreciationde la culpabilite du demandeur II, l'arret se fonde, à tort, sur lesdeclarations du demandeur I et de B., lesquels ont ete confrontes avec ledemandeur II au cours de sa privation de liberte et sans que le demandeurII ait ete assiste par un conseil ni qu'il ait ete informe de ses droits.

17. Le droit à l'assistance d'un avocat est lie au devoir d'information,au droit de se taire et au fait que personne ne peut etre oblige des'auto-incriminer. Ces droits valent in personam.

Un prevenu ne peut, en principe, faire valoir la violation de ces droitsrelativement à des declarations incriminantes faites à son encontre parun autre prevenu, qui n'est qu'un temoin vis-à-vis de lui, à moins quecet autre prevenu beneficie lui-meme de ces droits, en invoque laviolation et, par ce motif, retracte les declarations incriminantes qu'ila faites. La circonstance que les declarations incriminantes à l'encontredu prevenu aient ete faites dans le cadre d'une confrontation entre lui etles co-prevenus n'y fait pas obstacle.

Le moyen, en cette branche, qui est deduit d'une autre premisse juridique,manque en droit.

Quant à la cinquieme branche :

18. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6.1,6.3.c de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, 14.1 et 14.3.d du Pacte international relatif aux droitscivils et politiques, ainsi que la violation du principe general du droità un proces equitable et des droits de la defense : dans son appreciationde la culpabilite du demandeur II, l'arret se fonde sur la declarationqu'il a faite le 27 juin 2006, alors que cette declarationauto-incriminante a ete faite sans l'assistance d'un conseil.

19. Le droit à l'assistance d'un conseil, accessoire au droit à unproces equitable, que garantissent les articles 6.1 et 6.3.c de laConvention et les articles 14.1 et 14.3.d du Pacte international, requiertqu'un suspect qui se trouve dans une situation particulierementvulnerable, doive, en principe, etre assiste par un conseil.

20. Il ressort des constatations de l'arret (...) que le demandeur II afait sa declaration spontanement à la police le 27 juin 2006 et qu'iln'etait pas prive de sa liberte à ce moment. L'arret pouvait ainsidecider que la declaration du 27 juin 2006 faite sans l'assistance d'unconseil pouvait etre utilisee à titre de preuve.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant à la sixieme branche :

21. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 6.1,6.3.c de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, 14.1 et 14.3.d du Pacte international relatif aux droitscivils et politiques, ainsi que la violation du principe general du droità un proces equitable et des droits de la defense : dans son appreciationde la culpabilite du demandeur II, l'arret se fonde sur la declarationauto-incriminante faite le 7 juillet 2005 sans l'assistance d'un conseil ;il etait, à ce moment, prive de liberte, de sorte qu'il se trouvait dansune position particulierement vulnerable ; il n'est pas demontre qu'il yavait des raisons imperieuses de restreindre le droit à l'assistance dudemandeur ; l'arret constate certes que cette declaration a ete faitespontanement, de sa propre initiative et en parfaite connaissance decause, mais il apparait clairement que des questions ont ete posees audemandeur.

22. Le droit à l'assistance d'un conseil ne requiert pas qu'un suspectprive de liberte qui fait à la police une declaration auto-incriminantespontanement et de sa propre initiative, apres avoir eu l'opportunite dese concerter avec son conseil, soit assiste par un conseil. Lacirconstance que le suspect soit interroge de maniere plus approfondie surce qu'il a declare spontanement et de sa propre initiative, n'entraine pasque l'assistance d'un conseil soit requise.

La declaration faite en pareilles circonstances sans l'assistance d'unconseil peut etre utilisee à titre de preuve.

Le moyen, en cette branche, qui est deduit d'une autre premisse juridique,manque en droit.

Quant à la sixieme branche :

23. Le moyen, en cette branche, invoque la violation des articles 1319,1320 et 1322 du Code civil : en decidant que le demandeur a fait le 7juillet 2005 une declaration spontanement, de sa propre initiative et enparfaite connaissance de cause, l'arret prete à cette declaration uneinterpretation qui est inconciliable avec ses termes ; il ressort, eneffet, de la declaration que des questions ont bien ete posees audemandeur.

24. La circonstance que la police a pose des questions à l'occasion de ladeclaration faite le 7 juillet 2005 par le demandeur II n'empeche pas quecette declaration puisse etre qualifiee de spontanee, faite de sa propreinitiative et volonte. Par consequent, l'arret ne prete pas à cettedeclaration une interpretation inconciliable avec ses termes.

Le moyen, en cette branche, manque en fait.

(...)

Le controle d'office

31. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.

Par ces motifs,

La Cour

Casse l'arret attaque, en tant qu'il prononce à l'encontre du demandeurII une confiscation speciale d'avantages patrimoniaux qui excede la sommede 1.031.457,41 euros ;

Ordonne que mention du present arret sera faite en marge de l'arretpartiellement casse ;

Rejette les pourvois pour le surplus ;

Condamne le demandeur I aux frais de son pourvoi ;

Condamne le demandeur II aux neuf dixiemes des frais de son pourvoi etlaisse le surplus des frais à charge de l'Etat ;

Dit n'y avoir lieu au renvoi.

Ainsi juge par la Cour de cassation, deuxieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient Paul Maffei, president, Luc Van hoogenbemt et BeatrijsDeconinck, presidents de section, Filip Van Volsem et Erwin Francis,conseillers, et prononce en audience publique du quatorze octobre deuxmille quatorze par le president Paul Maffei, en presence de l'avocatgeneral delegue Alain Winants, avec l'assistance du greffier delegueVeronique Kosynsky.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Benoit Dejemeppe ettranscrite avec l'assistance du greffier Tatiana Fenaux.

Le greffier, Le conseiller,

14 OCTOBRE 2014 P.14.0666.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.14.0666.N
Date de la décision : 14/10/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2015
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-10-14;p.14.0666.n ?
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