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13/10/2014 | BELGIQUE | N°S.13.0121.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 13 octobre 2014, S.13.0121.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.13.0121.N

VILLE DE BRUXELLES, representee par le college des bourgmestre etechevins,

Me John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,

contre

A.V.D.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 10 septembre2012 par la cour du travail d'Anvers.

Le 10 septembre 2014, l'avocat general Henri Vanderlinden a depose desconclusions ecrites.

Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.

L'avocat general Henri Vanderlinden a conclu.
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br>II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG S.13.0121.N

VILLE DE BRUXELLES, representee par le college des bourgmestre etechevins,

Me John Kirkpatrick, avocat à la Cour de cassation,

contre

A.V.D.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 10 septembre2012 par la cour du travail d'Anvers.

Le 10 septembre 2014, l'avocat general Henri Vanderlinden a depose desconclusions ecrites.

Le conseiller Antoine Lievens a fait rapport.

L'avocat general Henri Vanderlinden a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

- article 6, plus specialement 1, de la Convention de sauvegarde desdroits de l'homme et des libertes fondamentales, signee à Rome le4 novembre 1950, approuvee par la loi du 13 mai 1955 ;

- articles 10, 11 et 159 de la Constitution ;

- articles X.III.10 et X.III.18 de l'arrete royal du 30 mars 2001 portantla position juridique du personnel des services de police.

Decisions et motifs critiques

Apres avoir constate qu'à l'occasion d'une intervention en qualited'inspecteur de police, le defendeur a ete victime d'une agression, que lademanderesse a reconnu l'incident comme accident du travail et quel'office medico-legal (OML) du Service public federal Sante publique,Securite de la chaine alimentaire et Environnement a finalement retenudans le chef du defendeur, à la suite de cet accident du travail, un tauxd'incapacite de travail permanente et partielle de 50 p.c., avecconsolidation au 30 novembre 2004, l'arret attaque, d'une part, rejette lademande de la demanderesse tendant, en ordre principal, « (...) àentendre dire pour droit que (le defendeur) n'est pas en incapacitepermanente de travail en raison de l'accident du travail du 21 novembre2001 et à entendre annuler la decision de (l'OML) » et, d'autre part,declare la demande reconventionnelle du defendeur fondee et dit pour droit« qu'en raison de l'accident du travail dont il a ete victime le21 decembre 2001, (le defendeur) a droit aux indemnites legales, calculeesconformement aux dispositions de la loi du 3 juillet 1967 et de l'arreteroyal du 30 mars 2001 portant la position juridique du personnel desservices de police, en fonction de : - un taux d'incapacite permanente detravail de 50 p.c., - la date de consolidation fixee au 30 novembre2004 ».

L'arret attaque fonde ces decisions sur les considerations que, des lorsqu'en application des dispositions de l'arrete royal du 30 mars 2001, elleest contraignante à l'egard de la demanderesse, la decision de l'OMLfixant le taux d'incapacite permanente de travail dans le chef dudefendeur lie egalement les juridictions du travail ; que ce regimen'implique ni la violation du droit à un proces equitable au sens del'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales ni la violation du principe d'egalite consacre parles articles 10 et 11 de la Constitution et qu'en consequence, il n'y apas lieu d'ecarter les dispositions de l'arrete royal du 30 mars 2001 enapplication de l'article 159 de la Constitution et motive ces decisionscomme suit :

« L'acces à un tribunal (...)

Conformement à l'article 19 de la loi du 3 juillet 1967 sur la preventionou la reparation des dommages resultant des accidents du travail, desaccidents survenus sur le chemin du travail et des maladiesprofessionnelles dans le secteur public, toutes les contestationsrelatives à l'application de la loi, y compris les contestationsrelatives à la fixation du taux de l'incapacite permanente, sont porteesdevant les instances judiciaires competentes pour connaitre descontestations relatives aux indemnites prevues en matiere de reparationdes dommages resultant des accidents du travail et des maladiesprofessionnelles. Toute personne dont les droits et obligations decaractere civil sont contestes a droit à ce que sa cause soit entendueequitablement, publiquement et dans un delai raisonnable, par un tribunalindependant et impartial etabli par la loi (article 6.1 de la Conventionde sauvegarde des droits de l'homme et des libertes fondamentales). Cedroit implique le droit à l'acces à un tribunal. Ce droit n'est certespas absolu. Il ne peut cependant etre restreint au point de porteratteinte au droit aux instances judiciaires. Ces restrictions ne sontcompatibles avec l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droitsde l'homme et des libertes fondamentales que si elles visent un butlegitime et si les moyens utilises et le but vise sont raisonnablementproportionnes. Le droit à l'acces à un tribunal est viole lorsque lareglementation cesse de contribuer à la securite juridique et au bonfonctionnement de la justice et devient une entrave qui empeche lejusticiable de soumettre le fond de son litige aux juridictionscompetentes (...). Le droit aux instances judiciaires implique nonseulement l'examen des questions en fait mais aussi des questions endroit. Les decisions de l'administration qui ne sont pas conformes auxexigences de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales doivent pouvoir etre portees devantdes instances judiciaires de pleine juridiction (...). Toutefois, lagarantie ne porte que sur les droits reconnus, à tout le moins par desmotifs defendables, par le droit interne. Suivant la Cour europeenne desdroits de l'homme, il y a lieu de distinguer à cet egard les restrictions'materielles' du droit meme et les restrictions 'procedurales' à l'accesà un tribunal. En effet, l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde desdroits de l'homme et des libertes fondamentales est etranger au contenu dudroit interne des Etats contractants mais pertinent quant àl'appreciation de l'admissibilite des restrictions procedurales à l'accesà un tribunal : ainsi, une exoneration en matiere de responsabilite estune restriction d'ordre materiel alors qu'une immunite en matiere dejuridiction est une restriction d'ordre procedural (...). En consequence,la question se pose de savoir si les dispositions de l'arrete royal du30 mars 2001, en vertu desquelles la decision medicale de l'OML estcontraignante à l'egard de la ville de Bruxelles, constitue unerestriction 'materielle' ou une restriction 'procedurale' (...). Il suitde la jurisprudence de la Cour de cassation citee ci-avant que lesdispositions en question constituent une restriction materielle. En effet,il peut etre deduit de l'arret de la Cour du 7 fevrier 2000 quel'administration peut saisir le tribunal du travail des contestationsrelatives au taux d'incapacite permanente de travail (pas de restrictionprocedurale) mais que le tribunal du travail est tenu d'avoir egard auregime prevu par l'arrete royal du 30 mars 2001 (restriction materielle).Des lors que le droit à l'acces à un tribunal est garanti dans le chefde la ville de Bruxelles, il ne peut etre fait etat à cet egard d'uneviolation de l'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits del'homme et des libertes fondamentales » et

« La violation du principe d'egalite (...)

(La demanderesse) invoque egalement la violation du principed'egalite. (...) Il ressort des travaux preparatoires (de la legislationen matiere d'accidents du travail dans le secteur public)que (...) : '(...) Le statut des fonctionnaires presente desparticularites dont il y a lieu de tenir compte et qui, dans certains cas,justifie l'admission de regles propres. Toutefois, le but semble etreidentique (à celui du secteur prive) : garantir à la victime uneindemnite adaptee au prejudice subi à la suite d'un accident' (...). Deslors que l'administration qui met au travail est son propre assureur, leRoi a opte pour la designation d'un service independant charge de procederà l'expertise medicale, en l'espece l'OML (...), dont les conclusionsconcernant l'incapacite permanente de travail sont contraignantes afin dene pas reduire à neant la garantie de l'assurance (...). En outre, ceregime a ete instaure dans le but d'offrir au membre du personnel victimed'un accident du travail la protection la plus large possible afin de luigarantir l'octroi d'une indemnite adaptee au prejudice cause parl'accident (...). C'est à bon droit que les premiers juges ont relevedans le jugement dont appel qu'il ne peut etre fait etat de la violationdu principe d'egalite que lorsque des categories comparables font l'objetd'un traitement different (Cass., 19 avril 2012, RG C.11.0199.N,www.cass.be). La cour considere egalement que la situation de (lademanderesse) n'est pas comparable à la situation de l'assureur-loi dansle secteur prive. Dans le secteur public, l'administration qui met autravail est son propre assureur en matiere d'accidents du travail (etbenefice, dans certains cas, de la faculte de reassurance, sans creationde relations juridiques entre la victime et le reassureur). Dans lesecteur prive, l'employeur est oblige de souscrire une assurance contreles accidents du travail et, dans le cadre de l'assurance contre lesaccidents du travail, une relation juridique nait entre l'assureur-loi etle travailleur, qui, en principe, ne peut agir contre l'employeur. (...)(La) mission legale (de l'OML) 'est essentiellement celle d'un expertmedical charge d'informer l'employeur de la situation de la victime del'accident' (...). Ainsi, le medecin-expert de l'OML accomplit une missionidentique à celle que le medecin-conseil des entreprises d'assurancesexerce dans le cadre des accidents du travail dans le secteurprive (...) ».

Griefs

Premiere branche

Ainsi que l'arret attaque l'a admis à bon droit dans les motifsreproduits ci-avant, le droit à un proces equitable au sens del'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales implique notamment le droit fondamental à l'accesà un tribunal ; ce droit peut faire l'objet de restrictions, mais ne peutcependant etre restreint au point d'etre affecte dans son essence meme ence qu'une entrave empecherait de soumettre le fond du litige auxjuridictions.

Ce droit à un proces equitable est seulement garanti dans la mesure oules ordres judiciaires nationaux reconnaissent l'existence d'un droitmateriel.

Il est etabli et n'est pas conteste que le droit materiel en contestationen l'espece est le droit aux indemnites legales, dues par la demanderesseau defendeur à la suite de l'accident du travail dont celui-ci a etevictime, calculees conformement aux dispositions de la loi du 3 juillet1967 sur la prevention ou la reparation des dommages resultant desaccidents du travail, des accidents survenus sur le chemin du travail etdes maladies professionnelles dans le secteur public et de l'arrete royaldu 30 mars 2001.

L'arret attaque a decide qu'en application de l'article 19 de la loi du3 juillet 1967, la demanderesse est habilitee à saisir les juridictionsdu travail quant à ce droit mais que, comme c'est le cas pour lademanderesse, ces juridictions sont liees par la decision de l'OMLconcernant l'incapacite permanente partielle du defendeur et, enconsequence, sont tenues de respecter cette decision.

L'arret attaque a fonde cette decision sur les articles X.III.10 etX.III.18 de l'arrete royal du 30 mars 2001. Ces dispositions relevent dela « Partie X - La protection medicale et le controle medical »,« titre III - Les accidents du travail et les maladiesprofessionnelles », « Chapitre III - La procedure » de l'arrete royal.Ainsi, elles sont etrangeres au droit materiel des indemnites, maisrelevent de la procedure d'octroi des indemnites. Les indemnites memessont reglees par la loi du 3 juillet 1967 - « Chapitre II - Desindemnites, Section II - Des rentes. A. - Des rentes en cas d'incapacitede travail permanente » qui, en vertu de l'article X.III.2 de l'arreteroyal du 30 mars 2001 est applicable aux services de police.

En decidant que les dispositions precitees de l'arrete royal, à la suitedesquelles la demanderesse et les juridictions du travail sont liees parla decision de l'OML concernant l'incapacite permanente de travail,constituent une restriction materielle admise du droit à l'acces à untribunal et non une restriction procedurale prohibee, l'arret attaqueviole les articles X.III.10 et X.III.18 de l'arrete royal du 30 mars 2001et admet une entrave qui reduit entierement à neant le droit fondamentalà l'acces à un tribunal en ce que les juridictions du travail ne peuventrien statuer sur la demande de la demanderesse et, en consequence, violel'article 6.1 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et deslibertes fondamentales.

(...)

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

1. Le regime prevu par la loi du 3 juillet 1967 et ses arretesd'execution, qui tend à assurer les membres du personnel des servicespublics contre les consequences des maladies professionnelles, desaccidents du travail ou des accidents survenus sur le chemin du travail,octroie un droit materiel au seul membre du personnel d'un service publicqui a ete victime d'un accident du travail ou atteint d'une maladieprofessionnelle.

2. Le moyen qui, en cette branche, est entierement fonde sur la these quele regime des accidents du travail dans le secteur public reconnaitl'existence d'un droit materiel dans le chef de la demanderesse, uneadministration qui met au travail, est deduit d'une conception juridiqueerronee.

Le moyen, en cette branche, manque en droit.

(...)

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

(...)

Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillers KoenMestdagh, Mireille Delange, Antoine Lievens et Bart Wylleman, et prononceen audience publique du treize octobre deux mille quatorze par lepresident de section Christian Storck, en presence de l'avocat generalHenri Vanderlinden, avec l'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.

Traduction etablie sous le controle du conseiller Michel Lemal ettranscrite avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.

Le greffier, Le president,

13 OCTOBRE 2014 S.13.0121.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : S.13.0121.N
Date de la décision : 13/10/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2015
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-10-13;s.13.0121.n ?
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