Cour de cassation de Belgique
Arret
NDEG S.11.0151.N
OFFICE NATIONAL DE SECURITE SOCIALE,
Me Antoine De Bruyn, avocat à la Cour de cassation,
* * contre
1. FEDERATION DE L'ELECTRICITE ET DE L'ELECTRONIQUE, a.s.b.l.,
2. Y. D. C.,
Me Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation.
I. La procedure devant la Cour
III. Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 16 juin2011 par la cour du travail de Bruxelles.
IV. Le 10 septembre 2014, l'avocat general Henri Vanderlinden a deposedes conclusions.
V. Le conseiller Koen Mestdagh a fait rapport.
VI. L'avocat general Henri Vanderlinden a conclu.
VII. II. Le moyen de cassation
VIII. Le demandeur presente un moyen libelle dans les termessuivants :
IX. Dispositions legales violees
* article 149 de la Constitution ;
* article 2, S: 1er, 1DEG, de la loi du 27 juin1969 revisant l'arrete-loi du 28 decembre 1944concernant la securite sociale destravailleurs ;
* article 1er de la loi du 27 juin 1921 sur lesassociations sans but lucratif, les associationsinternationales sans but lucratif et lesfondations ;
* article 3, 1DEG, de l'arrete royal du 28 novembre 1969 pris en execution de la loi du 27juin 1969 revisant l'arrete-loi du 28 decembre1944 concernant la securite sociale destravailleurs.
Decisions et motifs critiques
L'arret attaque annule le jugement dont appel, sauf en tant qu'ilprononce la jonction des causes et declare les actions recevables.
Statuant à nouveau, il declare l'action originaire de la premieredefenderesse et du second defendeur fondee dans la mesure qui suitet (l'action) complementaire recevable et fondee dans la mesure quisuit : « dit pour droit qu'en ce qui concerne les prestationsfournies au benefice de l'association sans but lucratif, (le seconddefendeur) n'est pas soumis au regime de securite sociale destravailleurs salaries, declare la decision prise par (le demandeur)et notifiee au (second defendeur) ou à l'association sans butlucratif les 22 juin 2007, 25 septembre 2007 et 30 janvier 2008illegale et dit que cette decision ne peut sortir ses effets ».
En consequence, l'arret attaque condamne le demandeur à rembourserà l'association sans but lucratif 281.806,40 euros de sommesindument payees, augmentees des interets judiciaires à partir du 24mars 2010.
L'arret attaque fonde cette decision sur les motifs suivants :
« 2. L'article 3, 1DEG, de l'arrete royal du 28 novembre 1969est-il seulement applicable aux associations et organisations qui nese livrent pas à des activites industrielles ou commerciales et, sicela est le cas, peut-il etre fait etat d'une violation du principede l'egalite ?
C'est à bon droit que l'association sans but lucratif fait valoirque l'article 3, 1DEG, de l'arrete royal du 28 novembre 1969 estseulement applicable aux associations et organisations qui ne selivrent pas à des operations industrielles ou commerciales et quine cherchent pas à procurer à leurs membres un gain materiel.
Suivant la cour du travail, la discussion entre les parties quant àla definition d'une association sans but lucratif importe peu quantà savoir si une association sans but lucratif est une associationau sens de l'article 3, 1DEG.
Les dispositions relatives à l'exigibilite des cotisations desecurite sociale sont d'ordre public et, en consequence, doiventetre interpretees de maniere restrictive.
La disposition de l'article 3, 1DEG, de l'arrete royal du28 novembre 1969 enonce clairement que l'extension prevue par cetarticle du champ d'application de la loi du 27 juin 1969 estseulement applicable aux associations et organisations quiremplissent la double condition de ne pas se livrer à desoperations industrielles ou commerciales et de ne pas chercher àprocurer à leurs membres un gain materiel.
En l'espece, il n'est pas conteste que l'association sans butlucratif fournit des prestations à ses membres, mais ne cherche pasà procurer un gain materiel à ceux-ci.
C'est à bon droit que l'association sans but lucratif fait valoirqu'elle se livre à des operations commerciales en donnant des avisà ses membres moyennant paiement ; ces prestations de service sontincontestablement des operations commerciales au sens del'article 3, 1DEG, de l'arrete royal du 28 novembre 1969.
Des lors qu'elle admet que l'article 3, 1DEG, de l'arrete royal du28 novembre 1969 est seulement applicable aux associations etorganisations qui ne se livrent pas à des operations industriellesou commerciales, la cour du travail n'est pas tenue d'examiner laquestion de la violation du principe de l'egalite.
3. Les autres conditions d'application de l'article 3, 1DEG, del'arrete royal du 28 novembre 1969 sont-elles remplies ?
Enfin, il y a lieu d'examiner la derniere question en discussionentre les parties, à savoir si les - autres - conditionsd'application de l'article 3, 1DEG, de l'arrete royal du 28 novembre1969 sont remplies.
L'article 3, 1DEG, de l'arrete royal du 28 novembre 1969 dispose quel'application de la loi est etendue aux personnes qui, en qualite demandataires et contre remuneration autre que le logement et lanourriture, consacrent leur principale activite à la gestion ou àla direction journaliere des associations et organisations qui ne selivrent pas à des operations industrielles ou commerciales et quine cherchent pas à procurer à leurs membres un gain materiel,ainsi qu'à ces associations et organisations.
Les dispositions relatives à l'exigibilite des cotisations desecurite sociale sont d'ordre public et, en consequence, doiventetre interpretees de maniere restrictive. L'interpretationrestrictive est egalement requise en raison du fait que lesdispositions de l'article 3, 1DEG, precite derogent à la reglegenerale.
Cela implique que l'extension du champ d'application de la loi du27 juin 1969 est seulement applicable aux personnes qui, en qualitede mandataires et contre remuneration autre que le logement et lanourriture, consacrent leur principale activite à la gestion ou àla direction journaliere des associations et organisations qui ne selivrent pas à des operations industrielles ou commerciales et quine cherchent pas à procurer à leurs membres un gain materiel,ainsi qu'à ces associations et organisations.
En l'espece, il est etabli avec certitude que la principale activitedu (second defendeur) n'est pas consacree à la gestion ou ladirection journaliere de l'association sans but lucratif, de sorteque cette condition d'application de l'article 3, 1DEG, de l'arreteroyal du 28 novembre 1969 n'est pas davantage remplie.
Conclusion
Des lors que l'association sans but lucratif se livre egalement àdes operations commerciales et que la principale activite du (seconddefendeur) n'est pas consacree à la gestion ou la directionjournaliere de l'association sans but lucratif, (le demandeur) nepeut se prevaloir de l'article 3, 1DEG, de l'arrete royal du28 novembre 1969 pour reclamer à l'association sans but lucratif lepaiement des cotisations de securite sociale portant sur lesprestations fournies par (le second defendeur) au benefice del'association sans but lucratif ».
Griefs
* Premiere branche
1. Conformement à l'article 2, S: 1er, 1DEG, de la loi du 27 juin1969, le Roi peut etendre, dans les conditions qu'il determine,l'application de la loi aux personnes qui, sans etre liees par uncontrat de louage de travail, fournissent contre remuneration desprestations du travail sous l'autorite d'une autre personne ou quiexecutent un travail selon des modalites similaires à celles d'uncontrat de louage de travail (voir egalement l'article 2, S: 1er,alinea 1er, 1DEG, de la loi du 29 juin 1981 etablissant lesprincipes generaux de la securite sociale des travailleurssalaries).
En application de cette disposition, le Roi a etendu parl'article 3, 1DEG, de l'arrete royal du 28 novembre 1969l'application de la loi du 27 juin 1969 aux « personnes qui, enqualite de mandataires et contre remuneration autre que le logementet la nourriture, consacrent leur principale activite à la gestionou à la direction journaliere des associations et organisations quine se livrent pas à des operations industrielles ou commerciales etqui ne cherchent pas à procurer à leurs membres un gain materiel,ainsi qu'à ces associations et organisations. Sont notamment viseesles societes mutualistes, federations et unions nationales reconnueset agreees pour le service des prestations en assurance libre etobligatoire en cas de maladie ou d'invalidite et les organisationsprofessionnelles d'employeurs et de travailleurs salaries etindependants, les societes cooperatives repondant aux conditionsfixees par l'article 5 de la loi du 20 juillet 1955 portantinstitution d'un Conseil national de la cooperation et par sesarretes d'execution et les associations sans but lucratif ».
2. L'article 3, 1DEG, de l'arrete royal du 28 novembre 1969 estapplicable aux « associations et organisations qui ne se livrentpas à des operations industrielles ou commerciales et qui necherchent pas à procurer à leurs membres un gain materiel ».
Par ces termes, la disposition vise les associations sans butlucratif definies à l'article 1er de la loi du 27 juin 1921 surles associations sans but lucratif, les associations internationalessans but lucratif et les fondations comme suit :
« L'association sans but lucratif est celle qui ne se livre pas àdes operations industrielles ou commerciales, et qui ne cherche pasà procurer à ses membres un gain materiel ».
Ainsi, l'article 3, 1DEG, in fine, de l'arrete royal du 28 novembre 1969 cite expressement les associations sans but lucratifcomme associations tombant dans le champ d'application de ladisposition.
Des lors qu'il suit du texte de l'article 3, 1DEG, de l'arrete royaldu 28 novembre 1969 qu'en vertu de la disposition d'extension,chaque association sans but lucratif tombe dans le champd'application de la loi du 27 juin 1969, contrairement à ce quel'arret attaque a considere, la discussion entre les parties quantà la definition de l'association sans but lucratif importereellement quant à savoir s'il peut etre fait etat d'uneassociation sans but lucratif au sens de l'article 3, 1DEG, del'arrete royal du 28 novembre 1969.
3. L'arret attaque a decide que l'article 3, 1DEG, de l'arrete royaldu 28 novembre 1969 est seulement applicable aux associations etorganisations qui remplissent la double condition (1) de ne pas selivrer à des operations industrielles ou commerciales et (2) de nepas chercher à procurer à leurs membres un gain materiel.
Suivant la cour du travail, la premiere condition n'est pas rempliedes lors que la premiere defenderesse se livre à des operationscommerciales en donnant des avis à ses membres, moyennant paiement.
Une association sans but lucratif qui se livre à des operationsindustrielles ou commerciales ne viole pas son statut legal etconserve sa nature d'association sans but lucratif lorsque, par cesoperations, elle ne tend ni à son enrichissement personnel, ni àun gain direct ou indirect pour ses membres et lorsque cesoperations se revelent subsidiaires et necessaires à la realisationdu but desinteresse de l'association et que le gain est entierementaffecte à la realisation de ce but.
Ainsi, une association sans but lucratif, qui, dans ces limites, selivre à des operations industrielles et commerciales, conserve sonstatut d'association sans but lucratif au sens de l'article 1er dela loi du 27 juin 1921 et, en consequence, est censee constituer,egalement pour l'application de l'article 3, 1DEG, de l'arrete royaldu 28 novembre 1969, « une association (...) qui ne se livre pas àdes operations industrielles ou commerciales et qui ne cherche pasà procurer à (ses) membres un gain materiel ».
Ainsi, l'article 3, 1DEG, de l'arrete royal du 28 novembre 1969regit chaque association qui revet le statut d'une association sansbut lucratif, meme lorsque cette association se livre, dans lesconditions precitees, à des operations commerciales.
4. L'arret attaque n'a pas constate qu'en donnant des avis à sesmembres moyennant paiement, la premiere defenderesse viole sonstatut legal.
Des lors que les juges d'appel considerent que, nonobstant sesoperations commerciales, elle constitue une association sans butlucratif au sens de l'article 1er de la loi du 27 juin 1921, lapremiere defenderesse remplit la « double » condition del'article 3, 1DEG, de l'arrete royal du 28 novembre 1969, à savoirque l'association ne se livre pas à des operations industrielles oucommerciales contraires à son statut et ne cherche pas à procurerà ses membres un gain materiel.
5. Des lors qu'il n'a pas constate que la premiere defenderesseviole son statut d'association sans but lucratif, l'arret attaquen'a pas legalement decide qu'elle ne constitue pas une associationau sens de l'article 3, 1DEG, de l'arrete royal du 28 novembre1969, au motif qu'elle se livre à des operations commerciales(violation des articles 3, 1DEG, de l'arrete royal du 28 novembre1969 pris en execution de la loi du 27 juin 1969 revisantl'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant la securite sociale destravailleurs, 1er de la loi du 27 juin 1921 sur les associationssans but lucratif, les associations internationales sans butlucratif et les fondations et 2, S: 1er, 1DEG, de la loi du 27 juin1969 revisant l'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant lasecurite sociale des travailleurs).
(...)
III. La decision de la Cour
X. XI. Quant à la premiere branche :
XII. 1. Conformement à l'article 2, S: 1er, 1DEG, de la loi du27 juin 1969 revisant l'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernantla securite sociale des travailleurs, le Roi peut, par arretedelibere en conseil des ministres et apres avis du Conseil nationaldu travail, etendre, dans les conditions qu'il determine,l'application de la loi aux personnes qui, sans etre liees par uncontrat de louage de travail, fournissent contre remuneration desprestations de travail sous l'autorite d'une autre personne ou quiexecutent un travail selon des modalites similaires à celles d'uncontrat de louage de travail. Dans ces cas, le Roi designe lapersonne qui est consideree comme employeur.
En vertu de l'article 3, 1DEG, de l'arrete royal du 28 novembre1969 pris en execution de la loi du 27 juin 1969 revisantl'arrete-loi du 28 decembre 1944 concernant la securite sociale destravailleurs, l'application de la loi est etendue aux personnesqui, en qualite de mandataires et contre remuneration autre que lelogement et la nourriture, consacrent leur principale activite àla gestion ou à la direction journaliere des associations etorganisations qui ne se livrent pas à des operations industriellesou commerciales et qui ne cherchent pas à procurer à leursmembres un gain materiel, ainsi qu'à ces associations etorganisations. Sont notamment visees, les societes mutualistes,federations et unions nationales reconnues et agreees pour leservice des prestations en assurance libre et obligatoire en cas demaladie ou d'invalidite et les organisations professionnellesd'employeurs et de travailleurs salaries et independants, lessocietes cooperatives repondant aux conditions fixees parl'article 5 de la loi du 20 juillet 1955 portant institution d'unConseil national de la cooperation et par ses arretes d'executionet les associations sans but lucratif.
2. L'article 1er, alinea 3, de la loi du 27 juin 1921 sur lesassociations sans but lucratif, les associations internationalessans but lucratif et les fondations dispose que l'association sansbut lucratif est celle qui ne se livre pas à des operationsindustrielles ou commerciales, et qui ne cherche pas à procurer àses membres un gain materiel.
Une association sans but lucratif qui ne tend ni à sonenrichissement personnel ni à un gain direct ou indirect pour sesmembres peut se livrer à des activites lucratives subsidiaires, àla condition que ces activites soient necessaires à la realisationdu but desinteresse de l'association et que le gain soitentierement affecte à ce but. Une association sans but lucratif neviole pas son statut legal lorsque le gain resultant de cesactivites subsidiaires est affecte à la realisation du butdesinteresse de l'association.
3. Il suit du rapprochement de ces dispositions legales qu'uneassociation sans but lucratif, qui, dans ces limites, se livre àdes operations industrielles ou commerciales subsidiaires, conserveson statut legal d'association sans but lucratif au sens del'article 1er, alinea 3, de la loi du 27 juin 1921 et est censeeconstituer, egalement pour l'application de l'article 3, 1DEG, del'arrete royal du 28 novembre 1969, une association qui ne se livrepas à des operations industrielles ou commerciales et qui necherche pas à procurer à ses membres un gain materiel.
4. En decidant que la defenderesse ne remplit pas la conditionprevue à l'article 3, 1DEG, de l'arrete royal du 28 novembre 1969suivant laquelle l'association ne peut se livrer à des operationsindustrielles ou commerciales, au motif qu'elle se livre à desoperations commerciales en donnant des avis à ses membresmoyennant paiement, et en decidant par ce motif, qu'en ce quiconcerne les prestations fournies au benefice de la defenderesse,le defendeur n'est pas soumis au regime de securite sociale destravailleurs salaries, sans constater qu'en se livrant à cesoperations commerciales, la defenderesse viole son statut legal,les juges d'appel n'ont pas legalement justifie leur decision.
Le moyen, en cette branche, est fonde.
(...)
* Par ces motifs,
* * La Cour
* * Casse l'arret attaque, sauf en tant qu'il declare l'appelrecevable ;
* Ordonne que mention du present arret sera faite en marge del'arret partiellement casse ;
* Reserve les depens pour qu'il soit statue sur ceux-ci par lejuge du fond ;
* Renvoie la cause, ainsi limitee, devant la cour du travail deGand.
Ainsi juge par la Cour de cassation, troisieme chambre, àBruxelles, ou siegeaient le president de section Christian Storck,president, les conseillers Koen Mestdagh, Mireille Delange, AntoineLievens et Bart Wylleman, et prononce en audience publique dutreize octobre deux mille quatorze par le president de sectionChristian Storck, en presence de l'avocat general HenriVanderlinden, avec l'assistance du greffier Vanessa Van de Sijpe.
Traduction etablie sous le controle du conseiller Mireille Delangeet transcrite avec l'assistance du greffier Lutgarde Body.
Le greffier, Le president,
13 OCTOBRE 2014 S.11.0151.N/1