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02/10/2014 | BELGIQUE | N°C.13.0180.F

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 02 octobre 2014, C.13.0180.F


Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.13.0180.F

SANBOY-COMERCIO DE BENS ALIMENTARES SERVICOS E INVESTIMENTOS, societe dedroit portugais dont le siege est etabli à Funchal, Maldera (Portugal),avenida Arriaga, 30, 1 Andar Sala A,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont lecabinet est etabli à Bruxelles, rue de Loxum, 25, ou il est fait electionde domicile,

contre

FASSKA, societe anonyme dont le siege social est etabli à Genappe(Baisy-Thy), rue Bon air, 47,

defenderesse en c

assation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu ...

Cour de cassation de Belgique

Arret

NDEG C.13.0180.F

SANBOY-COMERCIO DE BENS ALIMENTARES SERVICOS E INVESTIMENTOS, societe dedroit portugais dont le siege est etabli à Funchal, Maldera (Portugal),avenida Arriaga, 30, 1 Andar Sala A,

demanderesse en cassation,

representee par Maitre Bruno Maes, avocat à la Cour de cassation, dont lecabinet est etabli à Bruxelles, rue de Loxum, 25, ou il est fait electionde domicile,

contre

FASSKA, societe anonyme dont le siege social est etabli à Genappe(Baisy-Thy), rue Bon air, 47,

defenderesse en cassation.

I. La procedure devant la Cour

Le pourvoi en cassation est dirige contre l'arret rendu le 19 juin 2012par la cour d'appel de Bruxelles.

Le conseiller Martine Regout a fait rapport.

L'avocat general Thierry Werquin a conclu.

II. Le moyen de cassation

La demanderesse presente un moyen libelle dans les termes suivants :

Dispositions legales violees

* articles 2.3, b), et 2.14.1, a), de la Convention Benelux en matierede propriete intellectuelle (marques et dessins ou modeles) du 25fevrier 2005, approuvee par la loi du 22 mars 2006 ;

- principe general du droit relatif au respect des droits de la defense ;

- principe general du droit dit principe dispositif.

Decisions et motifs critiques

L'arret declare « fonde » le recours de la defenderesse, et, partant, annule la decision de l'Office Benelux de la propriete intellectuelle ence qu'elle refuse l'enregistrement de la marque Biamil pour les produitsen classes 5 et 29 et les produits en classe 30 juges similaires etenjoint à l'Office Benelux de la propriete intellectuelle de proceder àl'enregistrement de la marque Biamil, deposee sous le numero 1179489 egalement pour tous les produits reclames par le depot qu'il a refuses,sur la base des motifs suivants :

« III. Discussion

16. L'opposition faite par la [demanderesse] sur la base de l'article2.14.1 de la Convention Benelux en matiere de propriete intellectuelleest ouverte au deposant ou au titulaire d'une marque anterieure notammentlorsque celle-ci prend rang apres la sienne, conformement aux dispositions de l'article 2.3, sous a) et b).

L'article 2.3, sous b), de cette convention vise le cas ou des marquesidentiques ou ressemblantes ont ete deposees pour des produits ouservices identiques ou similaires et qu'il existe, dans l'esprit dupublic, un risque de confusion avec la marque anterieure.

17. Un signe depose à l'enregistrement ne peut faire fonction de marque que s'il est distinctif, ce qui suppose qu'il est apte à identifier lesproduits ou services pour lesquels la protection par la marque estreclamee comme provenant de l'entreprise titulaire de la marque.

Le pouvoir distinctif porte essentiellement sur la question si la marqueest à meme de servir de point de repere au consommateur pour qu'il puisse etablir ses choix, soit pour decider l'achat d'un produit, soitpour l'eviter selon les experiences positives ou negatives qu'il auraeues.

18. Il s'ensuit que, lors de l'examen du risque de confusion entre deux marques en fonction des similitudes, l'appreciation doit se faireglobalement au regard du pouvoir distinctif ainsi qu'au regard desproduits concernes.

Cette appreciation globale implique une certaine interdependance entre lesfacteurs pris en compte et, notamment, entre la similitude des marques et celle des produits ou des services designes. Ainsi, un faible degre de similitude entre les produits ou les services designes peut etre compensepar un degre eleve de similitude entre les marques, et inversement.

Plus le niveau de similitude entre les marques et les produits est eleve,plus il est plausible que le public-cible pourra croire que les produitscouverts par les deux marques proviennent d'une meme entreprise oud'entreprises economiquement liees.

19. Des lors que le risque de confusion doit s'apprecier concretement dans le chef du public-cible, il y a lieu de determiner d'abord ce public pertinent. Aux fins de l'appreciation globale du risque de confusion, leconsommateur moyen des produits concernes est cense etre normalementinforme et raisonnablement attentif et avise.

Par ailleurs, il convient de tenir compte du fait que le consommateurmoyen n'a que rarement la possibilite de proceder à une comparaisondirecte des differentes marques, mais doit se fier à l'image imparfaitede celles-ci qu'il a gardee en memoire.

Il y a lieu egalement de prendre en consideration le fait que le niveau d'attention du consommateur moyen est susceptible de varier en fonction dela categorie de produits ou de services en cause.

20. Le depot 1179489 relatif à la marque Biamil indique que la protection est reclamee pour les produits en classes 5, 29 et 30, qui sontenumeres dans leur totalite.

La marque Blemil concerne les produits en classes 5 et 29, à l'exception d'un produit.

Les produits en classe 5 s'adressent en majeure partie à un publicspecialise et pour une autre partie à un public plus que moyennementinforme et attentif. Ils sont pour la plupart distribues via des canauxrestreints ou ils ne sont pas à la portee de main et qui supposentsouvent la presence d'un dispensateur-conseil lors de l'achat.

En revanche, s'agissant de produits d'usage quotidien, les produits en classes 29 et 30 s'adressent au consommateur moyen, normalement informe et raisonnablement attentif et avise.

21. Par consequent, au niveau du public pertinent, il y a lieu dedistinguer entre les produits en classe 5, d'une part, et les produits enclasses 29 et 30, d'autre part.

Le niveau d'information et d'attention sera nettement plus eleve lorsqu'ils'agit de produits en classe 5.

22. Les deux signes verbaux sont inventes, sans aucun rapport avec les produits qu'ils sont appeles à distinguer. Ils sont inusuels dans leurrapport avec ces produits et partant distinctifs.

S'agissant de signes purement verbaux, sans autre element distinctif, composes d'un seul mot court, l'attention pourra en principe etre capteetant par les elements de debut que centraux et de fin.

Les signes etant de meme nature sur ce point, ils sont equivalents auregard du pouvoir distinctif.

Neanmoins, en l'occurrence l'element 'mil' est un element qui n'a pas pourvocation de capter l'attention, ce qui appert clairement du fait que des dizaines, voire centaines de marques comportent cet element. Il s'ensuitqu'il a pour unique fonction de faciliter qu'une autre composante puisseapparaitre en tant que mot.

23. Ainsi qu'il a dejà ete indique, les deux signes sont uniquementformes par des lettres, sans aucun renvoi à une forme d'apparition oupolice de fonte.

Il s'ensuit qu'il est sans importance que le signe soit perceptible en majuscules ou minuscules : le signe sera valablement utilise dansn'importe quelle apparition de fonte.

Dans ce cas, la similitude entre les signes peut se situer sur le planauditif ou conceptuel, la perception visuelle etant indissociable del'audition et de l'acte cognitif des mots.

En effet, la perception visuelle ne porte pas sur des lettres consecutivesmais sur leur ensemble qui fait qu'elles forment un mot. La perceptionvisuelle du signe ne mene pas à autre chose que l'acte cognitif dereconnaissance du mot.

24. Sur le plan auditif, les deux mots ont en commun qu'ils ont le meme suffixe et la meme lettre d'attaque (deux - trois) et les lettres quicomposent l'element principal du mot à prononcer (Ble - Bia).

Les elements preponderants dans la perception auditive, Ble et Bia, sont nettement differents. La voyelle E est accentuee, tandis que les voyellesI et A sont courtes. Le rythme sonore global des deux signes estegalement different.

Le suffixe 'mil', qui fournit un element identique, ne porte pas lasonorite et est d'importance nettement subsidiaire.

Normalement le consommateur attache plus d'importance à la partieinitiale des mots des qu'ils sont davantage prononces.

Ces elements menent à la conclusion que, nonobstant la presence d'un element identique, dans l'ensemble de la perception auditive la similitudeest tres limitee.

25. Quant à la similitude conceptuelle, il y a lieu de considerer d'abordque les deux mots n'ont pas de signification quelconque et que des lors àce niveau l'acte cognitif ne peut rien ajouter à la perception auditive.

Toutefois, il ne suffit pas que les signes n'aient pas de significationpour qu'une similitude conceptuelle soit exclue. Il se pourraitparfaitement que des signes soient composes de plusieurs mots sanssignification, mais suivant un concept de composition ou de prononciationrythmique specifique, ce qui pourrait engendrer une similariteconceptuelle. De meme, des mots sans signification peuvent etreconstruits sur la base d'une sonorite similaire.

Au niveau de la composition des deux mots inventes, il y a lieu de releverqu'ils sont conc,us tous les deux sur la base d'une partie preponderante, suivie du suffixe tres repandu 'mil'. Dans cette mesure, il y a une legeresimilitude conceptuelle.

26. L'appreciation globale sur le plan des ressemblances des signes est qu'ils presentent une similitude auditive tres limitee qui n'empeche pasque la sonorite est largement differente ainsi qu'une legere similitudeconceptuelle.

Les differences sont manifestement nettement plus importantes que les similitudes.

27. Les produits en classe 5 sont identiques et ceux en classe 29 sont quasi identiques.

En ce qui concerne les produits en classe 30, il peut etre admis qu'il y aune similitude avec les produits en classe 29 pour ce qui concerne lesel, la moutarde, le vinaigre, les epices et les sauces, le sucre et lemiel car ces produits sont souvent utilises ensemble et presentent unecomplementarite.

En revanche, il n'y a pas de similitude pour le cafe, le the, le cacao etles succedanes de cafe, qui le plus souvent font l'objet de consommation autonome et ne sont pas complementaires avec les produits en classe 29.

Il en est de meme des autres produits en classe 30 : le riz, le tapioca,le sagou, les farines et preparations à base de cereales, le pain, lapatisserie et confiserie, la levure et la poudre pour faire lever, lesirop de melasse et les glaces comestibles, qui occupent une placedifferente dans les habitudes alimentaires et ne sont pas similaires.

28. Quant au risque de confusion, il y a lieu de considerer tout d'abord que les differences entre les marques sont beaucoup plus significativesque les ressemblances.

Dans la mesure ou le depot concerne des produits en classe 30 qui ne sont pas similaires, les differences entre les marques excluent un risque de confusion.

En ce qui concerne les produits en classe 5, la cour [d'appel] a retenuqu'ils s'adressent à un public qui est plus que moyennement informe etattentif et qui lors de ses achats sera souvent conseille. Ces elementssont de nature à ecarter un risque de confusion.

Les produits identiques en classe 29 et ceux en classe 30 qui sontsimilaires appartiennent à la gamme des produits alimentaires dont leconsommateur reconnait tres bien les differences en raison de lafrequence des achats et de la place preponderante qu'ils occupent dansson alimentation. Les differences dans les marques lui eviteront deserreurs.

29. De l'ensemble de ces circonstances, il resulte que le public pertinentne risque pas de croire que les produits portant la marque Biamil sont originaires de la meme entreprise que les produits portant la marqueBlemil. Le risque de confusion n'est pas etabli.

30. Des lors, l'opposition est non fondee et la marque Biamil deposee par la [defenderesse] doit etre enregistree pour tous les produitsmentionnes dans le depot ».

Griefs

Premiere branche

1. En vertu de l'article 2.14.1, a), de la Convention Benelux en matierede propriete intellectuelle du 25 fevrier 2005, le deposant ou letitulaire d'une marque anterieure peut, dans un delai de deux mois àcompter du premier jour du mois suivant la publication du depot,introduire aupres de l'Office une opposition ecrite à une marque qui «prend rang apres la sienne, conformement aux dispositions de l'article2.3, sous a) et b) ».

Selon l'article 2.3, b), de cette convention, le rang du depot s'apprecieen tenant compte des droits, existant au moment du depot et maintenus aumoment du litige, à des marques identiques ou ressemblantes deposeespour des produits ou services identiques ou similaires, lorsqu'il existe,dans l'esprit du public, un risque de confusion qui comprend le risqued'association avec la marque anterieure.

Pour apprecier le degre de similitude existant entre les marquesconcernees, le juge doit determiner leur degre de similitude visuelle,auditive et conceptuelle et, le cas echeant, evaluer l'importance qu'ilconvient d'attacher à ces differents elements, en tenant compte de lacategorie de produits ou services en cause et des conditions danslesquelles ils sont commercialises. La ressemblance peut se situer àchacun de ces trois plans et le risque de confusion s'appreciera auregard de l'impression d'ensemble que produira ainsi la comparaison entreles marques en litige.

2. La demanderesse a soutenu que « pour comparer les marques et apprecierle risque de confusion », il y a lieu d'effectuer une comparaison « auniveau visuel, phonetique et conceptuel ».

En ce qui concerne plus particulierement la comparaison visuelle, elle apretendu que, « conformement à la decision de l'office dont appel, ilpeut etre affirme que les marques `Blemil' et `Biamil' se ressemblentextremement sur le plan visuel », aux motifs « qu'elles ont la memelongueur et comptent toutes les deux 6 lettres, qu'elles commencenttoutes les deux par la lettre B, qu'elles se terminent toutes les deux par trois lettres identiques 'mil' et que leurs secondes lettres L et Ipeuvent etre facilement confondues, peu importe le caractere de lettrechoisi ».

La demanderesse a, pour conclure, invoque que « la marque contestee et lamarque anterieure presentent une importante similitude sur le planvisuel » « ainsi qu'une similitude suffisante sur le plan phonetiquepour conclure à un risque de confusion » et qu'« une analyseconceptuelle n'a pas lieu d'etre, les deux marques n'ayant aucunesignification particuliere ».

A l'appui de la these d'un risque de confusion pour les produits designes,au sens ou « il ne fait aucun doute que, compte tenu des ressemblancesavec la marque `Blemil', le public concerne qui se trouve en presence deproduits commercialises sous la marque `Biamil' pensera que ces produitsproviennent de l'opposante », la demanderesse a, en substance, avancece qui suit : « Il ressort de la comparaison des marques en conflitqu'elles sont non seulement phonetiquement similaires mais egalementvisuellement tres similaires » et qu' « en outre, les produits en causesont, d'une part, identiques et, d'autre part, (hautement) similaires ».

3. L'arret n'examine le risque de confusion au sens de l'article 2.3, sousb), de la Convention Benelux en matiere de propriete intellectuelle qu'enprocedant à une comparaison auditive et conceptuelle des signes sur labase des motifs suivants :

« Ainsi qu'il a dejà ete indique, les deux signes sont uniquement formespar des lettres, sans aucun renvoi à une forme d'apparition ou police defonte ;

Il s'ensuit qu'il est sans importance que le signe soit perceptible en majuscules ou minuscules : le signe sera valablement utilise dansn'importe quelle apparition de fonte ;

Dans ce cas, la similitude entre les signes peut se situer sur le planauditif ou conceptuel, la perception visuelle etant indissociable del'audition ou de l'acte cognitif des motifs ;

En effet, la perception visuelle ne porte pas sur des lettres consecutivesmais sur leur ensemble qui fait qu'elles forment un mot. La perceptionvisuelle du signe ne mene pas à autre chose que l'acte cognitif dereconnaissance du mot ».

4. L'arret refuse ainsi, aux motifs que « les deux signes sont uniquement formes par des lettres, sans aucun renvoi à une formed'apparition ou police de fonte », d'admettre que l'aspect visuelconstitue un element different des aspects auditif et conceptuel ets'abstient, partant, d'examiner, en vue d'apprecier l'existence d'unrisque de confusion, la similitude entre les marques concernees sur labase d'une comparaison visuelle.

Or, l'arret constatant qu'il s'agissait d'une procedure d'opposition àune marque, l'analyse du risque de confusion est necessairement pluslarge que dans le cadre d'une action en interdiction d'usage d'un signe,en ce sens qu'il y a lieu de verifier s'il existe un risque de confusionavec la marque anterieure de l'opposant dans toutes les circonstancesdans lesquelles la marque demandee, si elle devait etre enregistree,serait susceptible d'etre utilisee et en ne negligeant pas qu'une marqueverbale peut etre utilisee sous une multiplicite de graphismes ou de variantes.

L'arret, qui constate qu'il s'agissait d'une procedure d'opposition à unemarque, n'a pu, aux seuls motifs que « les signes sont formes uniquementpar des lettres, sans aucun renvoi à une forme d'apparition ou police defonte » et qu' « il s'ensuit qu'il est sans importance que le signesoit perceptible en majuscules ou minuscules : le signe sera valablementutilise dans n'importe quelle apparition de fonte », legalement deciderque « la perception visuelle [est] indissociable de l'audition ou del'acte cognitif des motifs » et que « la perception visuelle ne portepas sur des lettres consecutives mais sur leur ensemble qui fait qu'ellesforment un mot », de sorte que « la perception visuelle du signe nemene pas à autre chose que l'acte cognitif de reconnaissance du mot ».

Ce faisant, l'arret refuse de reconnaitre la specificite de l'aspectvisuel par rapport aux aspects auditif et conceptuel des signes en causeet ne procede pas, ce faisant, à un examen de la ressemblance entre lessignes sur le plan visuel en particulier.

L'arret meconnait ainsi la notion legale de ressemblance au sens del'article 2.3, b), de la Convention Benelux en matiere de proprieteintellectuelle et viole, partant, cette disposition legale ainsi quel'article 2.14.1, a), de ladite convention.

Deuxieme branche

1. Le juge est tenu de trancher le differend conformement aux regles dedroit qui lui sont applicables. Il doit examiner la nature juridique desfaits et actes allegues par les parties et peut, quelle que soit laqualification juridique que les parties leur ont donnee, suppleerd'office aux motifs proposes par elles à condition de ne pas soulever decontestation dont elles ont exclu l'existence dans leurs conclusions, dese fonder uniquement sur des elements qui ont ete regulierement soumis àson appreciation, de ne pas modifier l'objet de la demande et, cefaisant, de ne pas violer le droit de defense des parties.

2. Il ressort des conclusions des parties qu'elles ont procede à unecomparaison visuelle des marques, la demanderesse pour conclure à leurressemblance, la defenderesse pour denier leur similitude sur ce plan .

Elles ont, ce faisant, exclu que l'analyse de la ressemblance entre lesmarques puisse avoir lieu sur la base d'une comparaison des signesuniquement à l'aune des aspects auditif et conceptuel.

3. En s'abstenant d'examiner, en vue d'apprecier l'existence d'un risquede confusion, la similitude entre les marques concernees sur la based'une comparaison visuelle, l'arret souleve une contestation exclue parles parties.

L'arret viole, ce faisant, le principe dispositif.

Troisieme branche

1. Si le juge est tenu de trancher le differend conformement aux reglesde droit qui lui sont applicables, il doit toutefois veiller à ne pasvioler le droit de defense des parties.

2. Il ressort des conclusions des parties qu'elles ont procede à unecomparaison visuelle des marques, la demanderesse pour conclure à leurressemblance, la defenderesse pour denier leur similitude sur ce plan .

En se fondant sur la constatation que « la perception visuelle [est]indissociable de l'audition ou de l'acte cognitif des motifs », la courd'appel a souleve un moyen - celui de la selection des seuls elementsauditif et conceptuel pour les besoins de la comparaison entre signes -non discute entre les parties (celles-ci ayant procede à une comparaisondes signes sur les plans visuel, auditif et conceptuel), pour en deduireensuite que les differences sont manifestement nettement plus importantesque les similitudes et que le risque de confusion n'est pas etabli.

3. En soulevant d'office ce moyen sans le soumettre à la contradictiondes parties, l'arret viole le droit de defense de la demanderesse.

III. La decision de la Cour

Quant à la premiere branche :

L'arret constate que, « le 6 avril 2009, [la defenderesse] a procede[...] au depot de la marque verbale Biamil », que « le depot [...] nereclame aucun element figuratif, de couleur ou autrement distinctif »,que, « le 19 juin 2009, [la demanderesse] formait opposition [...] contretous les produits de la marque opposee en invoquant les droits relatifs àsa marque communautaire Blemil » et qu'« il s'agit d'une marque verbalequi ne reclame aucun element figuratif, de couleur ou autrementdistinctif ».

L'arret releve que « les deux signes verbaux sont inventes, sans aucunrapport avec les produits qu'ils sont appeles à distinguer », que,« s'agissant de signes purement verbaux, sans autre element distinctif,composes d'un seul mot court, l'attention pourra etre captee tant par leselements de debut que centraux et de fin », et que, « les signes etantde meme nature sur ce point, ils sont equivalents au regard du pouvoirdistinctif ».

Il constate que « les deux signes sont uniquement formes par des lettres,sans aucun renvoi à une forme d'apparition ou police de fonte »,qu'« il s'ensuit qu'il est sans importance que le signe soit perceptibleen majuscules ou minuscules » et que « le signe sera valablement utilisedans n'importe quelle apparition de fonte ».

L'arret considere que, « dans ce cas, la similitude entre les signes peutse situer sur le plan auditif ou conceptuel, la perception visuelle etantindissociable de l'audition et de l'acte cognitif des mots », qu' « eneffet, la perception visuelle ne porte pas sur des lettres consecutivesmais sur leur ensemble qui fait qu'elles forment un mot » et que « laperception visuelle du signe ne mene pas à autre chose que l'actecognitif de reconnaissance du mot ».

Il suit de ces enonciations que l'arret, contrairement à ce que soutientle moyen, en cette branche, examine le risque de confusion au regard de lasimilitude visuelle des signes et qu'il considere, en raison descaracteristiques propres à ceux-ci, que leur perception visuelle priseisolement ne permet pas, dans les circonstances de l'espece, d'apprecierle degre de similitude des marques litigieuses et qu'elle se confond avecl'analyse de la perception conceptuelle desdites marques.

Il ne viole, partant, aucune des dispositions conventionnelles visees aumoyen, en cette branche.

Le moyen, en cette branche, ne peut etre accueilli.

Quant aux deuxieme et troisieme branches reunies :

Dans ses conclusions additionnelles et de synthese, la demanderessefaisait valoir que les marques litigieuses se ressemblent extremement surle plan visuel et que la comparaison conceptuelle ne peut se faire.

Dans ses conclusions de synthese, la defenderesse faisait valoir que lesmarques litigieuses ne peuvent etre considerees comme similaires sur leplan visuel, que la comparaison des marques sur le plan conceptuel revetune importance particuliere et que la circonstance que l'element commundes marques litigieuses soit le suffixe allusif « mil » constitue unelement favorable à la coexistence des signes.

En decidant que « la perception visuelle du signe ne mene pas à autrechose que l'acte cognitif de reconnaissance du mot », l'arret considere,sur la base d'une appreciation souveraine, sans violer ni le principedispositif ni le principe general du droit relatif au respect des droitsde la defense, que, dans les circonstances de l'espece, la recherche d'unesimilitude sur la base de la comparaison visuelle des signes, realiseedistinctement de la recherche d'une similitude sur la base de laperception conceptuelle de ceux-ci, n'est pas pertinente pour apprecierl'existence d'un risque de confusion.

Le moyen, en ces branches, ne peut etre accueilli.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne la demanderesse aux depens.

Les depens taxes à la somme de six cent vingt euros cinquante et uncentimes envers la partie demanderesse.

Ainsi juge par la Cour de cassation, premiere chambre, à Bruxelles, ousiegeaient le president de section Christian Storck, les conseillersDidier Batsele, Martine Regout, Michel Lemal et Sabine Geubel, et prononceen audience publique du deux octobre deux mille quatorze par le presidentde section Christian Storck, en presence de l'avocat general ThierryWerquin, avec l'assistance du greffier Patricia De Wadripont.

+--------------------------------------------+
| P. De Wadripont | S. Geubel | M. Lemal |
|-----------------+------------+-------------|
| M. Regout | D. Batsele | Chr. Storck |
+--------------------------------------------+

2 OCTOBRE 2014 C.13.0180.F/15


Synthèse
Numéro d'arrêt : C.13.0180.F
Date de la décision : 02/10/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 24/10/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-10-02;c.13.0180.f ?
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