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15/07/2014 | BELGIQUE | N°P.14.1029.N

Belgique | Belgique, Cour de cassation, 15 juillet 2014, P.14.1029.N


Cour de cassation de Belgique

Arret

* * NDEG P.14.1029.N

* A. B.,

* inculpe, detenu,

demandeur en cassation,

Me Frank Marneffe, avocat au barreau d'Anvers, et Pierre Monville, avocatau barreau de Bruxelles.

I. la procedure devant la cour

Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 12 juin 2014 par la courd'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.

Le demandeur invoque un moyen dans un memoire annexe au present arret, encopie certifiee conforme.

Le conseiller Geert Jocque a fait rapport.

L'avocat general

Damien Vandermeersch a conclu.

II. la decision de la cour

Sur le moyen dans son ensemble :

1. Le moyen, en sa...

Cour de cassation de Belgique

Arret

* * NDEG P.14.1029.N

* A. B.,

* inculpe, detenu,

demandeur en cassation,

Me Frank Marneffe, avocat au barreau d'Anvers, et Pierre Monville, avocatau barreau de Bruxelles.

I. la procedure devant la cour

Le pourvoi est dirige contre un arret rendu le 12 juin 2014 par la courd'appel de Bruxelles, chambre des mises en accusation.

Le demandeur invoque un moyen dans un memoire annexe au present arret, encopie certifiee conforme.

Le conseiller Geert Jocque a fait rapport.

L'avocat general Damien Vandermeersch a conclu.

II. la decision de la cour

Sur le moyen dans son ensemble :

1. Le moyen, en sa premiere branche, invoque la violation des articles3.1 et 3.2 de la Directive 2010/64/UE du 20 octobre 2010 duParlement europeen et du Conseil relative au droit àl'interpretation et à la traduction dans le cadre des procedurespenales (ci-apres Directive 2010/64/EU) et 22 de la loi du 15 juin1935 concernant l'emploi des langues en matiere judiciaire: euegard à ces dispositions communautaires ayant un effet direct etdonc un caractere contraignant et eu egard au caractere d'ordrepublic de ladite disposition de la loi du 15 juin 1935, les jugesd'appel ne pouvaient considerer que les traductions demandees nepouvaient etre jointes à la procedure qu'ulterieurement.

Le moyen, en la seconde branche, invoque la violation des articles 6 de laConvention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertesfondamentales, 127 du Code d'instruction criminelle et 22 de la loi du 15juin 1935 concernant l'emploi des langues en matiere judiciaire, ainsi quedu principe general du droit relatif au respect des droits de la defense:les juges d'appel ne pouvaient regler la procedure sans jonction audossier des traductions demandees des 41 cartons du dossier repressif;cette jonction etait en effet indispensable pour l'exercice des droits dela defense; les motifs mentionnes dans l'arret afin de considerer que lesdroits de la defense du demandeur n'ont pas ete violes, ne sont paspertinents.

2. L'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme etdes libertes fondamentales n'est, en regle, pas applicable auxjuridictions d'instruction qui statuent sur le reglement de laprocedure et non, des lors, sur le bien-fonde des poursuitespenales.

Dans la mesure ou il invoque la violation de cette disposition, le moyenmanque en droit.

3. L'article 22 de la loi du 15 juin 1935 concernant l'emploi des languesen matiere judiciaire dispose :

"Tout inculpe qui ne comprend que le neerlandais et l'allemand ou une deces langues peut demander que soit jointe au dossier une traductionneerlandaise ou allemande des proces-verbaux, des declarations de temoinsou plaignants et des rapports d'experts rediges en franc,ais.

Tout inculpe qui ne comprend que le franc,ais et l'allemand ou une de ceslangues peut demander que soit jointe au dossier une traduction franc,aiseou allemande des predites pieces redigees en neerlandais.

De meme, tout inculpe qui ne comprend que le franc,ais et le neerlandaisou une de ces langues peut demander que soit jointe au dossier unetraduction franc,aise ou neerlandaise des predites pieces redigees enallemand.

L'inculpe adresse sa requete à l'officier du ministere public par la voiedu greffe; elle n'est plus recevable apres les huit jours qui suivront lasignification soit de l'arret de renvoi devant la cour d'assises, soit dela citation à comparaitre à l'audience du tribunal de police, dutribunal militaire ou du tribunal correctionnel siegeant en premier degre.

Le meme droit est reconnu à l'inculpe devant les juridictions d'appelpour les pieces nouvelles produites.

Les frais de traduction sont à charge du tresor."

1. Cet article ne prevoit pas de delai dans lequel les traductionsecrites demandees doivent etre jointes au dossier repressif.

5. Les articles 1.1., 1.2., 3.1., 3.2., 3.3., 3.4., 3.7. et 8. de laDirective 2010/64/UE du 20 octobre 2010 precitee que la Belgique etaittenue de transposer avant le 27 octobre 2013 et qui imposent desobligations inconditionnelles et precises telles qu'elles peuvent etreinvoquees contre la Belgique à compter de cette date, disposent :

"1.1 La presente directive definit des regles concernant le droit àl'interpretation et à la traduction dans le cadre des procedures penales(...).

1.2. Le droit vise au paragraphe 1 s'applique aux personnes des le momentou elles sont informees par les autorites competentes d'un Etat membre,par notification officielle ou par tout autre moyen, qu'elles sontsuspectees ou poursuivies pour avoir commis une infraction, jusqu'au termede la procedure, qui s'entend comme la determination definitive de laquestion de savoir si elles ont commis l'infraction, y compris, le casecheant, la condamnation et la decision rendue sur tout appel.

3.1. Les Etats membres veillent à ce que les suspects ou les personnespoursuivies qui ne comprennent pas la langue de la procedure penaleconcernee beneficient, dans un delai raisonnable, de la traduction ecritede tous les documents essentiels pour leur permettre d'exercer leursdroits de defense et pour garantir le caractere equitable de la procedure.

3.2. Parmi ces documents essentiels figurent toute decision privative deliberte, toutes charges ou tout acte d'accusation, et tout jugement.

3.3. Les autorites competentes decident cas par cas si tout autre documentest essentiel. Les suspects ou les personnes poursuivies, ou leur conseiljuridique, peuvent presenter une demande motivee à cet effet.

3.4. Il n'est pas obligatoire de traduire les passages des documentsessentiels qui ne sont pas pertinents pour permettre aux suspects ou auxpersonnes poursuivies d'avoir connaissance des faits qui leur sontreproches.

3.7. A titre d'exception aux regles generales fixees aux paragraphes 1, 2(et) 3, une traduction orale ou un resume oral des documents essentielspeuvent etre fournis à la place d'une traduction ecrite, à condition quecette traduction orale ou ce resume oral ne portent pas atteinte aucaractere equitable de la procedure.

8. Nulle disposition de la presente directive ne saurait etre interpreteecomme limitant ou derogeant aux droits et garanties procedurales accordesen vertu de la convention europeenne de sauvegarde des droits de l'hommeet des libertes fondamentales, de la charte des droits fondamentaux del'Union europeenne, de toute autre disposition pertinente du droitinternational ou du droit d'un Etat membre procurant un niveau deprotection superieur."

1. Il resulte de la disposition precitee de la loi du 15 juin 1935concernant l'emploi des langues en matiere judiciaire, desdispositions precitees de la Directive 2010/64/UE et du principegeneral du droit relatif au respect des droits de la defense qu'enregle, si un inculpe a demande à l'occasion du reglement de laprocedure la traduction ecrite de pieces du dossier repressif, lajuridiction d'instruction ne peut regler la procedure qu'apres quela traduction ecrite de ces pieces a ete jointe au dossier et quel'inculpe a pu en prendre connaissance, pour autant que l'onconsidere qu'il s'agit de pieces qui sont essentielles àl'exercice de ses droits de defense devant la juridictiond'instruction.

2. En cas de circonstances particulieres telles que notamment lasituation de detention d'un ou plusieurs inculpes, l'ampleur dudossier repressif ou des pieces dont la traduction ecrite estdemandee, le moment tardif auquel un inculpe a sollicite unetraduction ecrite ou la circonstance qu'une bonne administration dela justice exige qu'un dossier repressif ne soit pas scinde etcompte tenu, le cas echeant, de l'exception prevue à l'article 3.7de la Directive 2010/64/UE au titre de laquelle une traductionorale ou un resume oral des documents essentiels peuvent etrefournis à la place d'une traduction ecrite pour autant que cettetraduction orale ou ce resume oral ne portent pas atteinte aucaractere equitable de la procedure, la juridiction d'instructionpeut toutefois regler la procedure sans jonction de la traductionecrite demandee à condition que l'exercice des droits de ladefense de l'inculpe devant la juridiction d'instruction ne soitpas viole de ce fait.

La juridiction d'instruction apprecie souverainement en fait si unreglement de la procedure ne comprenant qu'une jonction partielle oudepourvu de jonction de la traduction ecrite de pieces demandee parl'inculpe viole ou non l'exercice de son droit de defense devant lajuridiction d'instruction.

En tant qu'il est deduit d'une autre premisse juridique, le moyen manqueen droit.

8. L'arret considere que :

- la demande de traduction du demandeur n'a ete adressee que le 16 mai2014 au ministere public, de sorte qu'il etait impossible d'accueillircette demande avant le 22 mai 2014, date de fixation de la cause pour lereglement de la procedure ;

- il ne resulte ni de l'article 22 de la loi du 15 juin 1935 concernantl'emploi des langues en matiere judiciaire, ni des articles 3.1. et 3.2.de la Directive 2010/64/UE qu'à peine de nullite, toutes les traductionsdemandees doivent dejà etre jointes avant le reglement de la procedure ;

- une bonne administration de la justice requiert que la cause, quiconcerne seize inculpes, soit traitee dans son ensemble ;

- la cause est en etat d'etre jugee avec plusieurs inculpes en detentionpreventive de sorte qu'il y a lieu de proceder au reglement de laprocedure sans delai ni remise inutile ;

- il ne saurait etre question d'une violation du droit de defense dudemandeur puisqu'une partie des documents essentiels, à savoir lesdecisions de privation de liberte, est redigee en franc,ais, de sorte quele demandeur sait dejà ce qui est mis à sa charge, que le demandeur aete assiste à l'audience de la juridiction d'instruction par uninterprete et par deux conseils maitrisant la langue neerlandaise et quiont pu presenter oralement et par ecrit tous leurs moyens de defense, etque les traductions manquantes peuvent etre jointes avant l'examen de lacause au fond.

Par ces motifs, les juges d'appel ont legalement justifie leur decision.

Dans cette mesure, le moyen ne peut etre accueilli.

Le controle d'office

1. Les formalites substantielles ou prescrites à peine de nullite ontete observees et la decision est conforme à la loi.

Par ces motifs,

La Cour

Rejette le pourvoi ;

Condamne le demandeur aux frais.

Ainsi juge par la Cour de cassation, chambre des vacations, à Bruxelles,ou siegeaient le premier president chevalier Jean de Codt, les conseillersBenoit Dejemeppe, Martine Regout, Geert Jocque et Koenraad Moens, etprononce en audience publique du quinze juillet deux mille quatorze par lepremier president chevalier Jean de Codt, en presence de l'avocat generalDamien Vandermeersch avec l'assistance du greffier delegue VeroniqueKosynsky.

Traduction etablie sous le controle du president de section AlbertFettweis et transcrite avec l'assistance du greffier Fabienne Gobert.

Le greffier, Le president de section,

15 JUILLET 2014 P.14.1029.N/1


Synthèse
Numéro d'arrêt : P.14.1029.N
Date de la décision : 15/07/2014

Origine de la décision
Date de l'import : 17/12/2014
Identifiant URN:LEX : urn:lex;be;cour.cassation;arret;2014-07-15;p.14.1029.n ?
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